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13/05/2020 | FRANCE | N°18/00069

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 13 mai 2020, 18/00069


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 18/00069 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOKP





[D]



C/

SASU MONDIAL FRIGO IFC







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Décembre 2017

RG : F 16/01931



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 13 MAI 2020



APPELANT :



[M] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Me Romain LAFFLY de la SELARL

LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON

Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON



INTIMÉE :



SASU MONDIAL FRIGO IFC

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 4]



Me Phili...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/00069 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOKP

[D]

C/

SASU MONDIAL FRIGO IFC

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Décembre 2017

RG : F 16/01931

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 13 MAI 2020

APPELANT :

[M] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON

Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMÉE :

SASU MONDIAL FRIGO IFC

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

Me Laurent GRANDPRE de la SELARL Cabinet Laurent GRANDPRE, avocat plaidant au barreau de LYON substituée par Me Nathalie PALIX, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mars 2020

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Vu l'état d'urgence sanitaire, la décision prorogée est rendue le 13 mai 2020.

La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/2020030000319/FC

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

La société par actions simplifiée GROUPE MONDIAL FRIGO est une société holding d'un groupe de sociétés spécialisées dans la conception, l'installation et la maintenance d'installations frigorifiques de froid industriel ou de froid commercial.

La société GROUPE MONDIAL FRIGO a pour principales filiales les sociétés MONDIAL

FRIGO et IFC ( les Industriels du Froid et du Conditionnement d'air) .

Le 30 juin 2016, la société IFC a absorbé la société MONDIAL FRIGO et est devenue la société MONDIAL FRIGO-IFC immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro de siren 342 751 960.

Suivant contrat de mandat du 8 août 2012, la société GROUPE MONDIAL FRIGO a confié à M. [M] [D] les fonctions de Directeur Général avec la qualité de mandataire social disposant du pouvoir de représenter la société vis-à-vis des tiers à partir du 17 septembre 2012.

En contre partie de ses fonctions de mandataire social, M. [M] [D] percevait une rémunération annuelle de 30 000 euros bruts incluant la rémunération des congés payés, outre le remboursement de ses frais sur justificatifs.

M. [M] [D] est par ailleurs devenu actionnaire à hauteur de 110.000 euros dans le capital de la société GROUPE MONDIAL FRIGO.

Par deux contrats de travail à durée indéterminée du 8 août 2012 conclus, l'un avec la SAS MONDIAL FRIGO et l'autre avec la SAS IFC, M. [M] [D] a été par ailleurs engagé en qualité de secrétaire général de chacune de ces deux sociétés, au statut de cadre dirigeant, moyennant une rémunération annuelle de 52.000 euros bruts incluant la rémunération de congés payés plus une prime de bilan versée par la société MONDIAL FRIGO et une rémunération annuelle de 78.000 euros bruts incluant la rémunération de congés payés plus une prime de bilan versée par la société IFC.

Le contrat de mandat et les deux contrats de travail contiennent chacun une clause de non-concurrence.

Le 27 octobre 2014, M. [D] et la SAS MONDIAL FRIGO d'une part, la SAS IFC d'autre part, ont signé un acte de rupture conventionnelle de chacun des deux contrats de travail, pour la date du 31 décembre 2014.

Le 24 novembre 2014, la société GROUPE MONDIAL FRIGO et M. [M] [D] ont conclu une transaction aux termes de laquelle la société a versé à M. [D] une indemnité forfaitaire de 90.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de la chance qu'aurait constituée pour lui la possibilité d'acheter des actions complémentaires de la société holding dont promesse lui avait été faite.

Par courrier du 5 décembre 2014, M. [D] a démissionné de ses fonctions de membre du Directoire de la société GROUPE MONDIAL FRIGO et par voie de conséquence, de ses fonctions de Directeur Général de ladite société, à effet du 31 décembre 2014.

Par courriers recommandés avec accusé de réception du 16 mars 2015, M. [M] [D] a demandé aux sociétés MONDIAL FRIGO et IFC le paiement de l'indemnité de non-concurrence au titre des mois de janvier et février 2015.

N'ayant pas obtenu satisfaction, M. [D] a saisi la section des référés du conseil de prud'Hommes de Lyon, le 20 juillet 2015, aux fins d'obtenir la condamnation, au titre de l'indemnité de non concurrence, de la société IFC à lui payer la somme de 43 649, 42 euros et de la société MONDIAL FRIGO à lui payer la somme de 29 090,61 euros, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par une ordonnance de référé du 28 octobre 2015, confirmée par un arrêt du 02 décembre 2016 de la cour d'appe1 de Lyon, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé.

Le 25 mai 2016, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes au fond d'une requête dirigée contre la société IFC et la société MONDIAL FRIGO, aux fins de voir condamner ces deux sociétés à lui payer respectivement les sommes de 48.470,40 euros et 32.313,60 euros à titre d'indemnité mensuelle de non-concurrence.

Par un jugement du 7 décembre 2017, le conseil de prud' hommes de [Localité 5] a dit que M. [D] n'avait pas la qualité de salarié au sein des SAS MONDIAL FRIGO et IFC, devenues la SAS MONDIAL FRIGO-IFC, a débouté M. [D] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance.

M. [M] [D] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 janvier 2018.

Par conclusions notifiées le 24 juillet 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [M] [D] demande à la cour de:

à titre liminaire,

- constater qu'il était bien lié aux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO, devenues la société MONDIAL FRIGO - IFC, par des contrats de travail,

- juger les juridictions sociales parfaitement compétentes pour connaître du présent litige,

à titre principal,

- constater que les contrats de travail, qui le liaient aux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO, contenaient des clauses de non-concurrence, qui n'ont pas été levées, ni par la société IFC, ni par la société MONDIAL FRIGO,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 7 décembre 2017 et condamner la société MONDIAL FRIGO - IFC à lui payer la somme de 80 784 euros, au titre des clauses de non concurrence visées aux contrats de travail du 17 septembre 2012, outre les intérêts légaux,

à titre reconventionnel,

- condamner la société MONDIAL FRIGO - IFC à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Laffly, Avocat, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 14 septembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SASU MONDIA FRIGO- IFC venant aux droits des sociétés IFC et MONDIAL FRIGO, demande à la cour de:

à titre liminaire et principal:

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 7 décembre 2017

- dire et juger que M. [M] [D] disposait pour les sociétés MONDIAL FRIGO et IFC des mêmes pouvoirs et occupait les mêmes fonctions que celles dont il était titulaire dans la société- holding du GROUPE MONDIAL FRIGO, au sein de laquelle il avait uniquement des fonctions de mandataire social et en aucun cas celles de salarié ;

- dire et juger que les contrats de M. [D] avec les sociétés MONDIAL FRIGO et IFC ne

sont pas des contrats de travail mais des contrats de mandataire social, étant identiques au contrat de mandataire social signé avec le GROUPE MONDIAL FRIGO ;

y ajoutant,

- dire et juger qu'elle est incompétente pour trancher le litige

- renvoyer M. [D] à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Lyon

à tout le moins:

- dire et juger qu'il ressort des pièces versées aux débats que les parties ont entendu mettre fin à l'ensemble des litiges existants entre elles aux termes des actes des 27 octobre, 24 novembre et 31décembre 2014 ;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que M.[D] n'apporte pas la preuve du respect de son obligation de non-

concurrence et qu'en conséquence il n'est pas fondé à lui demander une indemnisation,

à titre encore plus subsidiaire,

- dire et juger que le montant mensuel de l'indemnisation au titre de la clause de non-concurrence est égal à 5/10 de la moyenne de la rémunération des trois derniers mois,

- en conséquence, limiter l'indemnité à la somme de 26 928 euros pour la société MONDIAL FRIGO et à 40 392 euros pour la société IFC soit la somme de 61 320 euros pour la société MONDIAL FRIGO-IF.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions sus-visées

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2020.

SUR CE:

- Sur la demande principale:

M. [D] expose qu'en conluant deux contrats de travail et un contrat de mandat, les sociétés du GROUPE MONDIAL FRIGO ont prouvé qu'elles avaient la volonté de lui accorder différents statuts en fonction des postes occupés.

Il invoque à l'appui de ses demandes son salaire forfaitaire soumis aux cotisations de Pôle Emploi, ainsi que la signature de ruptures conventionnelles des contrats de travail, lesquelles ont été homologuées par la DIRECCTE.

M. [D] fait valoir par ailleurs que les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO se sont comportées jusqu'au bout de la relation contractuelle comme un employeur salarié dés lors qu'elles lui ont remis un solde de tout compte et un certificat de travail.

M. [D] ajoute qu'au-delà des documents purement contractuels attestant de l'existance des contrats de travail, la réalité de la relation existant entre lui et les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO doit s'apprécier au regard du contrôle auquel il était soumis de la part du président de chacune de ces sociétés. Ainsi, M. [D] indique qu'il était soumis à l'approbation et à l'aval du président de la société pour un certain nombre de décisions, qu'il recevait des ordres sur la politique à tenir, et verse au débat des courriels illustrant le lien de subordination ainsi défini.

M. [D] soutient que c'est dans l'analyse des missions et fonctions concrètes confiées au salarié que les juges vérifient l'existence du contrat de travail et que, dans la mesure où il possédait un statut de dirigeant lui conférant indépendance et pouvoir de direction, le lien de subordination devait nécessairement être apprécié avec souplesse, qu'en l'espèce, il était un salarié cadre dirigeant exerçant des fonctions de direction, disposant d'une autonomie dans l'exercice de ses fonctions et ce, moyennant le versement d'un salaire élevé, sans pour autant pouvoir prétendre être titulaire d'un mandat social, eu égard au contrôle qu'exerçait la direction des sociétés IFC et MONDIAL FRIGO sur son travail final.

Les sociétés par actions simplifiées IFC et MONDIAL FRIGO devenues la SAS MONDIAL FRIGO-IFC, soulèvent, à titre liminaire et principal, l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit de la juridiction commerciale du fait de l'absence de contrat de travail entre elles et M. [D].

Les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO soutiennent que M. [D] était officiellement mandataire social du GROUPE MONDIAL FRIGO et 'mandataire social de fait' des deux filiales IFC et MONDIAL FRIGO.

Les sociétés IFC et MONDIAL FRIFO font valoir qu'aucun document n'est en faveur d'une activité de secrétaire général et que si, dans l'organigramme d'une société, le président est placé au-dessus du directeur général, il n'empêche que ces deux personnes ont la qualité de mandataire social et que le directeur général n'a pas celle de salarié, ces deux mandataires sociaux collaborant et échangeant entre eux.

Les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO donnent un certain nombre d'exemples de décisions pour lesquelles M. [D] était seul décisionnaire, soit les décisions relatives aux achats du groupe, aux demandes de financement bancaires, à la négociation des salaires et des contrats etc.

Les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO soulignent par ailleurs la réalité du rôle transversal de M. [D] dans le groupe puisqu'il intervenait non seulement au niveau de la société Holding, mais également au sein des filiales et auprès de l'ensemble groupe.

Elles font valoir qu'il était le dirigeant opérationnel de l'ensemble du groupe et que ses interventions concernaient tous les secteurs de l'entreprise.

***

En droit, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée cette activité.

Le lien de subordination, qui caractérise le contrat de travail résulte de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En présence de deux contrats de travail écrits qui ont été exécutés, puis rompus par les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO, M. [L] [R] ayant signé les deux formulaires de rupture conventionnelle pour le compte de l'employeur, il appartient à la société MONDIAL FRIGO-IFC de prouver que M. [D] n'exerçait pas pour le compte des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO, filiales de la holding GROUPE MONDIAL FRIGO dont il était le directeur général mandataire social, des fonctions techniques distinctes de ses fonctions de mandataire social de ladite holding

En l'espèce, il résulte des termes du contrat de mandat liant la société GROUPE MONDIAL FRIGO à M. [D] et des termes des deux contrats de travail signés par ce dernier avec les filiales du groupe, IFC et MONDIAL FRIGO, que les fonctions de Directeur Général et de Secrétaire Général sont libellées de façon strictement identique, soit:

'* définir et mettre en oeuvre la stratégie de déploiement des activités en adéquation avec les orientations du Groupe,

* faire adhérer, avec diplomatie, l'ensemble de l'entreprise à la stratégie générale,

* être le responsable de la performance de l'entreprise: chiffre d'affaires, maîtrise des charges et des budgets,

* être en relation auprès des établissements bancaires,

* piloter la rentabilité,

* s'impliquer si nécessaire dans l'appui opérationnel sur les phases déterminantes du processus d'une affaire,

* manager de manière participative ses équipes qui sont aujourd'hui autonomes et s'assurer de leur mobilisation et motivation,

* anticiper les besoins en ressources humaines,

* être l'interlocuteur auprès des instances représentatives,

* intervenir si nécessaire pour des cadrages éventuels,

* réaliser des reportings réguliers auprès du conseil de surveillance' .

Il apparaît également que les décisions soumises à l'autorisation préalable du conseil de surveillance de la société holding dans le contrat de mandat et à celle du président de chacune des deux autres sociétés dans les deux contrats de travail dont la liste figure dans les trois contrats sont strictement identiques.

Toutefois, dans la mesure où les fonctions de mandataire social concernent la société holding tandis que les fonctions de secrétaire général concernent ses deux filiales juridiquement distinctes, cette identité de missions et de décisions soumises à autorisation préalable ne permet pas en soi de remettre en cause le lien de subordination juridique de M. [D] à l'égard des sociétés IFC et MONDIAL FRIGO.

Tous les documents produits aux débats par la société MONDIAL FRIGO-IFC venue aux droits des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO sur laquelle repose la charge de la preuve de l'absence de contrats de travail concernent les fonctions de M. [D] en qualité de directeur général de la société holding GROUPE MONDIAL FRIGO, notamment le contrat d'assurance groupe signé par M. [D], directeur général de la holding, les courriels échangés avec M. [P], relatifs à son contrat de travail avec la société GROUPE MONDIAL FRIGO, les courriels échangés avec Mme [N], responsable administrative de la société GROUPE MONDIAL FRIGO, le compte-rendu de réunion de la société GROUPE MONDIAL FRIGO du 27 janvier 2014, le compte-rendu de réunion du comité de direction de la société GROUPE MONDIAL FRIGO du 22 octobre 2012, le compte-rendu de la réunion de direction du 22 juillet 2013 dont l'objet était une réflexion à court et moyen terme sur la stratégie de développement du groupe et de ses sociétés, le plan d'actions commerciales du 17 janvier 2014 en vertu duquel il est demandé la fixation d'objectifs détaillés en 2014 par activité et par société.

De son côté, M. [D] verse aux débats des échanges de courriels dont il ressort qu'il a fait valider par M. [L] [R], Président de la société, certaines décisions relatives à des salariés de la société IFC ou un projet de note interne concernant cette dernière société.

La transaction du 24 novembre 2014, intervenue entre M. [D] et la société holding GROUPE MONDIAL FRIGO à la suite de sa démission de ses fonctions de mandataire social de cette société, est sans rapport avec la rupture des deux contrats de travail puisqu'elle a pour objet d'indemniser le préjudice de M. [D] résultant de la perte de la chance qu'aurait constituée pour lui la possibilité d'acheter des actions complémentaires de la holding dont promesse lui avait été faite.

En conséquence, la société MONDIAL FRIGO-IFC venue aux droits des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO ne rapporte pas la preuve de l'absence de contrats de travail, de sorte que M. [D] est fondé à se prévaloir de la clause de non-concurrence insérée auxdits contrats.

La clause est ainsi rédigée :

'Pendant toute la durée de son contrat et pendant une période d'un an prenant effet au dernier jour de travail effectif lié à la rupture du contrat sauf révocation de notre part pour une cause autre que la faute grave ou la faute lourde; M. [D] acceptera expressément de ne pas exercer lui-même, directement ou à titre de salarié pour une autre entreprise et de ne pas faire exercer par des tiers, personnes physiques ou morales, toutes activités concurrentes à celles qui auront été exercées par la société, ces activités étant actuellement la conception, l'installation et la maintenance d'équipements pour le froid commercial et la climatisation.

Il est expressément convenu que cette clause se maintiendra à la cessation ou à la suspension du contrat quels qu'en soient les motifs, et ce à défaut de renonciation expresse qui serait notifiée par la société par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette clause sera conforme et régie par celle prévue dans la convention collective du SNEFCCA'.

L'article 10-12 de la convention collective nationale des entreprises d'installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifique et connexes du 21 janvier 1986, étendue par arrêté du 3 août 1987, applicable aux cadres, stipule que le chef d'entreprise, en cas de cessation d'un contrat de travail qui prévoyait une clause de non-concurrence, peut se décharger de l'indemnité prévue en libérant le cadre de la clause d'interdiction, mais sous condition de prévenir par écrit ce dernier dans les 30 jours qui suivent la date de présentation de la lettre recommandée signifiant la rupture du contrat de travail ou la démission du cadre.

La renonciation par l'employeur à l'obligation de non-concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

Les deux actes de rupture conventionnelle ne révèlent pas en eux-mêmes que les sociétés IFC et MONDIAL FRIGO ont à la date de signature de l'acte levé l'obligation de non-concurrence à laquelle se trouvait tenu M. [D] envers elles et il n'est justifié d'aucune renonciation expresse desdites sociétés.

En vertu de l'article 10.12 ci-dessus, l'interdiction de concurrence n'est valable que si elle a pour contrepartie pendant la durée de non-concurrence une indemnité mensuelle spéciale égale à 5/10 de la moyenne mensuelle du traitement du cadre au cours de ses 3 derniers mois de présence dans l'établissement.

L'indemnité n'étant portée à 6/10 de cette moyenne que dans le cas d'un licenciement non provoqué par une faute grave et lourde tant que le cadre n'aura pas retrouvé un nouvel emploi, cela dans la limite de la durée de la non-concurrence, M. [D] ne peut prétendre à une indemnité de 6/10, puisqu'il n'a pas fait l'objet d'un licenciement.

M. [D] a versé aux débats ses bulletins de salaire de décembre 2014 faisant apparaître un salaire brut de 6.120 euros versé par la société IFC et un salaire brut de 4.080 euros versé par la société MONDIAL FRIGO.

Cette moyenne sera retenue pour les trois derniers mois de présence de M. [D] (octobre à décembre 2014), la date de rupture conventionnelle ayant été fixée au 31 décembre 2014.

M. [D] justifie avoir été indemnisé par POLE EMPLOI du 10 janvier au 30 septembre 2015.

Il ne produit pas de justificatif pour la période postérieure au 30 septembre 2015.

Son indemnité doit en conséquence être calculée comme suit :

- 6.120 x 5/10 x 9 = 27.540 euros

- 4.080 x 5/10 x 9 = 18.360 euros.

La société MONDIAL FRIGO-IFC venue aux droits des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO sera condamnée à payer à M. [D] la somme totale de 45.900 euros au titre des deux indemnités de non-concurrence.

Le jugement qui a rejeté les demandes en paiement des indemnités de non-concurrence sera infirmé.

Compte tenu de l'issue du litige, la société MONDIAL FRIGO-IFC sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [D] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la société MONDIAL FRIGO-IFC venue aux droits des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO à payer à M. [M] [D] la somme de 45.900 euros au titre des deux indemnités de non-concurrence contenues dans les contrats de travail du 8 août 2012

CONDAMNE la société MONDIAL FRIGO-IFC venue aux droits des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO à payer à M. [M] [D] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel

CONDAMNE la société MONDIAL FRIGO-IFC venue aux droits des deux sociétés IFC et MONDIAL FRIGO aux dépens de première instance et d'appel

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Maître LAFFLY, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 18/00069
Date de la décision : 13/05/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°18/00069 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-13;18.00069 ?
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