AFFAIRE PRUD'HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
N° RG 18/08438 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MCDL
[Z]
C/
[E]
[E]
Saisine sur renvoi de Cassation:
Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de LYON du 07 Octobre 2015
Arrêt de la Cour d'appel de LYON du 17 mars 2017
Cour de Cassation de PARIS
du 15 Novembre 2018
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
AUDIENCE SUR RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 13 Février 2020
SAISISSANT :
[W] [Z]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON substitué par Me François ROBBE de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
CONTRE :
[I] [H] [R] [E] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON Ayant pour avocat plaidant Me Jean philippe PACAUT de la SELARL PACAUT-PAROVEL, avocat au barreau d'AIN
[P] [N] [L] [E] épouse [W]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
Ayant pour avocat plaidant Me Jean philippe PACAUT de la SELARL PACAUT-PAROVEL, avocat au barreau d'AIN
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Novembre 2019
Présidée par Laurence BERTHIER, conseiller et Bénédicte LECHARNY, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président
- Laurence BERTHIER, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 13 Février 2020 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 7 septembre 2011, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lyon a retenu que [W] [Z] bénéficiait d'un bail rural sur les parcelles sises à [Localité 3] (Rhône), cadastrées section BC numéro [Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], hormis sur la maison d'habitation située sur la parcelle BC [Cadastre 3].
Le tribunal a également condamné les bailleresses, Madame [R] [V] divorcée [E], usufruitière et ses filles Mesdames [I] [E] épouse [D] et [P] [E] épouse [W], nues-propriétaires, à régler au preneur la somme de 23'528 Euros à titre de remboursement de fermages excédentaires qu'il avait versés sur les cinq dernières années.
Les bailleresses ont interjeté appel de cette décision devant la cour de Lyon, qui a par arrêt du 18 décembre 2014 confirmé le jugement, notamment en ce qu'il a reconnu l'existence d'un bail à ferme verbal au profit de Monsieur [Z] sur ces trois parcelles
Madame [V], Madame [D] et Madame [W] ont fait délivrer à Monsieur [Z] le 29 mars 2011 par la SCP PINTUS-DI FAZIO-DECOTE-DEROO, huissier de justice à Mornant (69), un congé au titre du bail verbal dont il est titulaire sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 26 ares 93 centiares.
Le 12 avril 2011, Monsieur [Z] s'est toutefois vu notifier par le même huissier un second congé, annulant et remplaçant le précédent délivré le 29 mars 2011, ce nouvel acte ne visant cette fois que la parcelle BC [Cadastre 1], avec une date d'effet au 15 avril 2012.
Par requête du 11 mai 2011, Monsieur [Z] a fait convoquer devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Lyon Madame [V], Madame [D] et Madame [W] afin de voir déclarer nul le congé qui lui a été délivré le 12 avril 2011 pour le 15 avril 2012, et à titre subsidiaire, au motif qu'il était porté atteint à l'équilibre économique de son implantation, au cas où le tribunal refuserait de constater la nullité du congé sur la parcelle BC [Cadastre 1], il demandait au tribunal paritaire de dire que la résiliation portera sur la totalité trois parcelles, BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 4], et BC [Cadastre 1].
Les défenderesses se sont opposées à l'ensemble de ses demandes, estimant leur congé valable sur le fondement de l'article L411-32 du code rural qui prévoit que le propriétaire peut à tout moment résilier le bail
Entre temps, Madame [V] est décédée le [Date décès 1] 2012 et les parcelles objets du litige sont devenues la pleine propriété de Madame [D] et de Madame [W].
Par jugement du 7 octobre 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lyon a :
- déclaré régulière la demande de résiliation du bail en date du 12 avril 2011 pour le 15 avril 2012 pour changement de destination de la parcelle BC [Cadastre 1],
- donné acte aux parties de ce qu'elles sont d'accord pour que la résiliation du bail porte sur l'ensemble de l'exploitation, soit sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2 693 m² sur la commune [Localité 3],
- prononcé la résiliation du bail entre les parties sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2 693 m² sur la commune [Localité 3],
- dit que [W] [Z] exploite les terres selon bail verbal depuis le 1er janvier 1996 ;
- dit que cette résiliation intervenant en cours de bail et non lors de son renouvellement, une indemnité d'éviction est due,
- ordonné avant dire droit une expertise judiciaire confiée à [K] [J] afin de pouvoir disposer d'éléments lui permettant de déterminer l'indemnité d'éviction et l'indemnité du preneur sortant, une consignation d'une somme de 1200 € à valoir sur les honoraires de l'expert étant mise à la charge de [W] [Z] et la date de dépôt par l'expert de son rapport étant fixée au 15 février 2016,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- sursis à statuer sur le reste des demandes,
- réservé les dépens.
Monsieur [Z] a interjeté appel de cette décision le 30 octobre 2015.
Par arrêt du 17 mars 2017, la cour d'appel de Lyon a :
- Rejeté la demande de réouverture des débats et a écarté de ces derniers les conclusions d'appel n° 2 établies pour la défense des intérêts de [W] [Z] ainsi que ses pièces n° 19 et 20, ces trois documents ayant été communiqués trop tardivement aux intimées ;
Statuant sur le fond du litige,
- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- retenu que le bail verbal litigieux conclu entre les parties et portant sur les parcelles cadastrées section BC numéros [Cadastre 3],[Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur la commune [Localité 3] (Rhône) pour une superficie totale de 2693 m², a commencé à courir à compter du 1er janvier 1996 ;
- rejeté la demande présentée par [W] [Z] tendant à l'annulation du congé pour changement de destination des terrains, qui lui a été signifié par huissier à la requête des bailleresses le 12 avril 2011 avec effet au 15 avril 2012 ;
- ce congé étant valable, retenu que la résiliation du bail verbal qui en résulte s'applique non seulement à la parcelle BC [Cadastre 1] de la commune [Localité 3] (69), expressément visée par cet acte huissier, mais également aux deux autres parcelles (BC [Cadastre 3] et BC [Cadastre 2] de la même commune), objet du bail verbal liant les parties;
Y AJOUTANT, a enjoint à [W] [Z] de libérer ces trois parcelles après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine et, en tant que de besoin, ordonné l'expulsion de [W] [Z] de ses biens de tous occupants de son chef, avec si nécessaire le concours de la force publique ou d'un serrurier,
INFIRMANT la décision déférée pour le surplus,
- Déclaré [W] [Z] recevable mais mal fondé en ses demandes d'indemnité d'éviction et d'indemnité au preneur sortant ;
- Dit n'y avoir lieu à l'organisation d'une mesure judiciaire d'instruction pour pallier à cette carence probatoire de [W] [Z], et a débouté en conséquence l'intéressé de ses demandes indemnitaires de ces chefs ;
- Condamné [W] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Dit n'y avoir lieu en l'espèce l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Monsieur [Z] a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 15 novembre 2018, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 mars 2017 entre les parties par la cour d'appel de Lyon et a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
La Cour de Cassation a relevé que 'pour déclarer la résiliation régulière et ordonner l'expulsion du preneur, l'arrêt retient que le congé avait été donné en vue du changement de destination des terrains et que cet acte, notifiant notamment au preneur la décision des bailleresses de résilier le bail, mentionnait leur engagement de procéder à cette modification dans le respect des documents d'urbanisme; qu'en statuant ainsi, sans vérifier, au besoin d'office, si la destination de parcelles agricoles pouvait être changée en application des dispositions du plan local d'urbanisme régissant le territoire de la commune et si les terrains litigieux figuraient en zone urbaine au sens du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'.
Monsieur [Z] a saisi la cour d'appel de Lyon le 4 décembre 2018.
Par ses dernières conclusions, il demande à la Cour de :
Vu le Code Rural et notamment ses articles L 411-32 et L 411-69,
Vu le Code de Procédure Civile et notamment ses articles 369 et suivants,
DÉCLARER recevable et bien fondé Monsieur [Z] en sa déclaration de saisine et en ses demandes de voir réformer le jugement en ce qu'il a :
Déclaré régulière la demande de résiliation de bail en date du 12 avril 2011 pour le 15 avril 2012 pour changement de destination de la parcelle BC [Cadastre 1]
Donné acte aux parties qu'elles sont d'accord pour que la résiliation du bail porte sur l'ensemble de l'exploitation, soit sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2 693 m2 sur la Commune [Localité 3]
Prononcé la résiliation du bail entre les parties sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2 693 m2 sur la Commune [Localité 3]
Dit que cette résiliation de bail intervenant en cours de bail et non lors de son renouvellement, une indemnité d'éviction est due
Avant dire droit
Ordonné une expertise pour déterminer l'indemnité d'éviction et l'indemnité du preneur sortant et désigné pour y procéder
Monsieur [J] [K], demeurant [Adresse 4]
Qui concerne l'entretien et la réparation des bâtiments et des terres loués
Dans la négative, évaluer et chiffrer le préjudice subi par les bailleurs
Indiquer si des travaux d'amélioration ont été faits sur le fonds par le preneur sur les serres et sur les terres avec ou sans l'accord du bailleur et s'ils présentent un caractère d'utilité certaine pour l'exploitation
Fixé à 1200 €, le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, somme qui sera consignée entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes du Tribunal d'Instance de Lyon par Monsieur [W] [Z] avant le 30 octobre 2015
Dit que dans le cas où la consignation ne serait pas versée dans les délais, la désignation de l'expert deviendrait de plein droit caduque
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux avant le 15 février 2016, délai de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée par le magistrat chargé du contrôle de l'expertise sur le rapport de l'expert à cet effet avant la date de dépôt
Ordonné l'exécution provisoire
Sursis à statuer sur le reste des demandes
Réservé les dépens.
EN CONSÉQUENCE
Le RÉFORMER de ces chefs
À TITRE PRINCIPAL :
PRONONCER la nullité du congé délivré à Monsieur [W] [Z], le 12 avril
2011,
DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu à expertise.
À TITRE SUBSIDIAIRE :
DIRE ET JUGER que la résiliation partielle compromet gravement l'équilibre économique de l'exploitation de Monsieur [W] [Z] ;
DIRE ET JUGER que le congé s'il est validé, devra porter sur la totalité des parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 4] et BC [Cadastre 2] ;
À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
DÉSIGNER tel expert qu'il plaira, avec pour mission d'estimer les indemnités dues à Monsieur [W] [Z] en application des articles L 411 -32 et L 411-69 du code rural et de la pêche maritime
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
DÉBOUTER Madame [D] et Madame [W] de l'intégralité de leurs demandes comme irrecevables et infondées.
CONDAMNER solidairement Madame [D] et Madame [W] à verser à Monsieur [W] [Z] une indemnité de 144 198,95 € sur le fondement de l'article L 411-32 du Code Rural.
CONDAMNER solidairement Madame [D] et Madame [W] à verser à Monsieur [W] [Z] une indemnité de 6 000 € sur le fondement de l'article L 411-59 du Code Rural.
CONDAMNER solidairement les mêmes à verser à Monsieur [Z] [W] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que ceux afférents à l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 17 mars 2017, que ceux afférents à l'arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 2018, ainsi que ceux de l'arrêt de la Cour de céans avec recouvrement direct au profit de Maître ROBBE, avocat sur son affirmation de droit.
Par ses dernières conclusions, Mesdames [P] [W] née [E] et [I] [D] née [E] demandent à la Cour de :
Vu l'article L411-32 du code rural et de la pêche maritime,
Confirmant partiellement le jugement du 9 septembre 2015
Valider le congé délivré le 12 avril 2011 par la SCP d'huissiers de Justice PINTUS-DI FAZIO-DECOTTE-DEROO.
Ordonner à Mr [W] [Z] de libérer les lieux après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine.
En tant que de besoin, Ordonner l'expulsion de Mr [W] [Z], de ses biens et de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique si cela est nécessaire.
Dire injustifié et non fondé l'appel formé par Mr [W] [Z], après arrêt de cassation
Dire que Mr [W] [Z] ne rapporte pas la preuve d'une perte de revenu ou d'un préjudice, et rejeter toutes ses demandes d'indemnisation.
Très subsidiairement, ordonner à Mr [W] [Z] de produire ses documents comptables et forfaits fiscaux des années 2005 à 2012, ses déclarations de TVA pour les mêmes années, ses avis d'impositions et déclarations fiscales des années 2005 à 2018, ses livres comptables et bilans des années 2005 à 2012.
Plus subsidiairement encore, ordonner une expertise comptable de l'exploitation agricole de Mr [W] [Z] sur les parcelles louées depuis l'année 2005 à l'année 2012, aux frais avancés de ce dernier.
Condamner Mr [W] [Z] à payer et porter à Mme [W] et à Mme [D] une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.
*
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient d'observer au préalable que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a dit que Monsieur [Z] exploite les terres selon bail verbal depuis le 1er janvier 1996.
*
L'article L.411-32 du code rural et de la pêche maritime énonce que :
'Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu.
En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative.
La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire, et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation.
Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué.
Le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation. Il ne peut être contraint de quitter les lieux avant l'expiration de l'année culturale en cours lors du paiement de l'indemnité qui peut lui être due, ou d'une indemnité prévisionnelle fixée, à défaut d'accord entre les parties, par le président du tribunal paritaire statuant en référé'.
Le 12 avril 2011, Mesdames [D] et [W] ont fait délivrer congé à Monsieur [Z], en remplacement du congé délivré le 29 mars 2011, intitulé 'RÉSILIATION DE BAIL'dans les termes suivants : 'en vue de résilier le bail verbal...consenti pour la totalité de la parcelle BC [Cadastre 1] d'une superficie de 11A 14Ca et 5A sise [Adresse 5]... pour le 15 avril 2012 et (...) connaître, conformément à l'article L.411-32 du code rural dont les termes sont les suivants (...) que les bailleurs entendent refuser le renouvellement du bail.
En conséquence, congé vous est donné pour le 15 avril 2012(...) Motif du congé : cette décision de non-renouvellement est motivée par le désir des bailleurs de reprendre les biens loués, ils s'engagent par les présentes, à changer la destination des terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les trois années suivant la résiliation (...)'.
Sur la question de l'inclusion des parcelles dans une zone urbaine et le changement de destination
Mesdames [D] et [W] soutiennent que le plan local d'urbanisme classe la parcelle BC [Cadastre 1] litigieuse en zone urbaine à vocation industrielle, artisanale, scientifique et technique ('UI') et qu'il en est de même des deux autres parcelles données à bail qui sont immédiatement voisines, et sises à [Adresse 6]. Elles précisent produire plusieurs pièces à l'appui et font valoir que Monsieur [Z] n'avance aucun argument contraire sur ce point. Dès lors, la transformation de parcelles données à bail est parfaitement possible, selon elles.
Monsieur [Z] fait uniquement observer qu'il a développé une activité horticole et non agricole de sorte que l'article L.411-32 alinéa 1 ne peut pas servir de fondement à la résiliation.
*
L'article L.411-32 du code rural précité subordonne la résiliation à la situation des parcelles, en zone urbaine, et dont la destination agricole peut être changée.
Mesdames [D] et [W] établissent par la production du certificat d'urbanisme (pièce 10) que la parcelle BC [Cadastre 1] visée au congé est située en zone urbaine ('UI'), les deux autres parcelles données à bail verbal la jouxtant.
Elles soutiennent par ailleurs que les parcelles ont une destination agricole dont le règlement d'urbanisme autorise la transformation.
Les règles particulières à la zone UI du règlement du plan d'urbanisme produites par les bailleresses (pièce 7) ne comportent aucune mesure d'interdiction du changement de destination des zones agricoles ou horticoles et au contraire interdisent : 'les constructions, travaux, ouvrages ou installations à destination agricole, horticole, maraîchère ou forestière' dans cette zone.
Le changement de destination des parcelles litigieuses à vocation horticole n'est donc manifestement pas prohibé et Monsieur [Z] est mal fondé à prétendre que la destination horticole de sa parcelle ferait obstacle au changement de destination, l'horticulture n'étant qu'une branche de l'agriculture. Dès lors, une parcelle à destination horticole est nécessairement une parcelle à vocation agricole.
Au vu de ces éléments, les conditions posées par l'article L.411-32 du code rural tenant à l'inclusion des parcelles dans un zone urbaine et le changement de destination sont réunies.
Sur la validité du congé
Monsieur [Z] fait observer que le congé délivré le 12 avril 2011 présente des mentions contradictoires puisqu'il informe d'une décision de résiliation et par ailleurs d'un non-renouvellement du bail. Or, ces deux informations sont contradictoires, la résiliation produisant un effet immédiat, le non-renouvellement un effet en fin de bail et Monsieur [Z] indique par conséquent ne pas savoir 'dans quel sens il doit contester le congé'.
Il ajoute que ces mentions lui font grief puisqu'elles ne lui permettent pas de savoir quelle était précisément l'intention des bailleresses qui ont en réalité probablement souhaité l'évincer afin d'éviter le paiement de l'indemnité due.
Mesdames [D] et [W] répliquent que le congé ne peut être annulé si l'omission ou l'inexactitude constatées ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur, suivant l'appréciation souveraine des juges du fond. Or, le congé litigieux est parfaitement clair selon elles puisqu'il est intitulé 'résiliation de bail', qu'il reproduit in extenso les dispositions de l'article L.411-32 du code rural et ajoute qu'il est délivré pour le 15 avril 2012, pour changer la destination des terrains.
La simple maladresse de rédaction faisant état d'un 'refus de renouvellement', alors que le bail fait mention par ailleurs de la résiliation, est sans incidence sur la compréhension du congé et Monsieur [Z] ne prouve pas l'existence d'un grief.
*
En l'espèce, les termes du congé délivré le 12 avril 2011 tels qu'ils ont été rappelés ci-dessus, ne pouvaient induire en erreur Monsieur [Z] sur l'acte qui lui était délivré ni sur sa portée, celui-ci reprenant en objet la 'RÉSILIATION DE BAIL' pour un motif tenant au changement de destination de la parcelle par la volonté des bailleresses qui est précisée clairement, de même que les termes du texte qui la fonde, l'article L.411-32 du code rural, rappelés sur près d'une page.
S'il est fait état d'un refus de renouvellement du bail par une erreur manifeste de rédaction, Monsieur [Z] observe lui-même que la date de fin de bail mentionnée par le congé (15 avril 2012) ne correspond pas à la fin du bail mais aux termes de l'article précité puisqu'il prenait effet un an après la notification et précise l'engagement du propriétaire de changer la destination du terrain.
Monsieur [Z] ne peut donc soutenir qu'il n'a pas compris l'intention des bailleresses et alléguer d'un grief.
Dans ces conditions, la nullité n'est pas encourue et le congé doit être validé ainsi que l'a retenu le tribunal. Le jugement doit par conséquent être confirmé et il y sera en outre enjoint à [W] [Z] de libérer ces trois parcelles après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine et, en tant que de besoin, et il sera ordonné l'expulsion de [W] [Z] de ses biens de tous occupants de son chef, avec si nécessaire le concours de la force publique, ainsi que le sollicitent les bailleresses.
Sur la résiliation du bail pour l'ensemble des parcelles en raison de l'atteinte portée à l'équilibre de l'exploitation
Monsieur [Z] invoque l'atteinte qui serait portée à l'équilibre économique de son exploitation si le congé, portant résiliation partielle, était validé et il sollicite, sur le fondement de l'article L.411-32 al.4 du code rural, qu'il soit dit que le congé porte sur la totalité des parcelles de l'exploitation soit les trois parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] qui supportent l'ensemble des installations techniques (petite et grande serre, garage, chambre froide...) où il cultive ses fleurs et en assure la conservation.
Mesdames [D] et [W] indiquent qu'elles ont donné leur accord sur ce point dès la première instance et que leur position n'a pas varié.
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Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a pris acte de l'accord des parties, fondé sur les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L.311-32 du code rural, pour que la résiliation porte sur les trois parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] de l'exploitation.
Sur la demande d'indemnisation
Monsieur [Z] rappelle qu'aux termes de l'article L.411-32 du code rural il doit être indemnisé comme en matière d'expropriation et qu'il demande en outre le bénéfice de l'indemnité au preneur sortant, due en vertu des articles L.411-59 et suivants, au titre des améliorations apportées au fond.
Il fait référence au rapport amiable de l'expert M.[J] [P] qu'il avait mandaté en 2011 en vue de calculer le fermage normal des parcelles et revendique, sur la base du protocole d'accord signé entre les Autoroutes Paris Rhin Rhône et la chambre d'agriculture du Rhône de 2011, relativement aux paramètres d'indemnisation pour les exploitants évincés dans le cadre d'une expropriation, une somme de 50 930,64 Euros (8 322 € x 0,051 ha x 120) pour les cultures sous abri et celle de 27 014,77 Euros (8 322 x 2,202 ha x 16,07) pour les cultures de plein champ, majorées du fait que l'éviction porte sur la totalité de l'exploitation au taux de 85 %, soit une indemnité globale de 144 198,95 Euros. Il précise qu'il ne peut lui être demandé de produire une comptabilité qu'il n'a pas l'obligation de tenir, étant imposé sur la base d'un régime forfaitaire. C'est donc à tort selon lui que le tribunal a ordonné une mesure d'expertise.
Il sollicite par ailleurs une indemnité au preneur sortant de 6 000 Euros au titre de l'entretien des serres et du raccordement de la propriété au gaz de ville (pour un montant de 4 000 Euros). Il conteste l'abandon de l'exploitation retenu par les premiers juges.
Subsidiairement, il sollicite une mesure d'expertise.
Mesdames [D] et [W] font valoir que les principes du code de l'expropriation doivent être retenus comme le prévoit l'article L.411-32 § 5 du code rural, qu'aucun barème déterminé n'est donc applicable, que celui invoqué par Monsieur [Z] n'est ainsi pas obligatoire, qu'il ne leur est d'ailleurs pas opposable et n'est pas pertinent puisque conclu dans le contexte particulier de la construction d'une autoroute.
Elles ajoutent que Monsieur [Z] n'en remplit pas les conditions et notamment s'agissant d'un état des lieux contradictoire préalable, qu'au surplus les coefficients revendiqués par Monsieur [Z] sont extravagants et qu'il suffit pour s'en convaincre de comparer sa demande (114 198 € pour 0,25 ha soit 576 792 €/ha) avec le prix moyen de la vigne (les plus élevés en matière agricole) qui reste inférieur en moyenne dans ses plus grandes appellations. (450 000 €).
Elles invitent par comparaison à se reporter au barème de la FDSEA du Rhône qui retient des valeurs pour la culture maraîchère de 8,2665 Euros au m² en pleine terre et sous abri 22,044 €/m².
Elles soutiennent qu'en tout état de cause, l'article L.321-1 du code de l'expropriation prévoit que l'indemnité est allouée sous réserve d'établir un préjudice ce que ne fait pas Monsieur [Z] qui n'établit pas qu'il exploitait toujours les parcelles à la date de la résiliation du 15 avril 2012.
Elles arguent par ailleurs que les travaux de raccordement prétendument réalisés ne sont pas établis et que les travaux de remplacement de vitres ne remplissent pas les conditions cumulatives de l'article L.411-69 et qu'il ne s'agit au mieux que de dépenses d'entretien courant.
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1/ Le preneur est indemnisé, en vertu de l'article L.411-32 du code rural, du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation. Il ne peut être contraint de quitter les lieux avant l'expiration de l'année culturale en cours lors du paiement de l'indemnité qui peut lui être due suivant l'article L.411-32 du code rural.
L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (anc.art.L.13-13) énonce que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation.
L'indemnisation du preneur s'apprécie en fonction de la valeur de productivité réelle des immeubles liés à l'importance des récoltes effectuées et des fruits dont il a été privé jusqu'en fin de bail et il n'est pas fondé à se référer à la valeur vénale des terres dont il n'est pas propriétaire.
Monsieur [Z] ne produit aux débats aucune pièce de nature à établir la réalité de l'exploitation des parcelles à la date de la résiliation du bail, le 15 avril 2012.
S'il relevait du régime du forfait agricole et n'avait pas de comptabilité comme il le prétend, il n'en demeure pas moins qu'il doit pouvoir justifier de ses bénéfices notamment par la production de ses avis d'imposition de l'époque.
Or, il n'apporte aucun élément à ce titre, ce qui tend à confirmer l'allégation des bailleresses qui soutiennent que Monsieur [Z] avait cessé d'exploiter les parcelles à compter du 5 mai 2009, date à laquelle un huissier de justice a constaté le mauvais état des serres et leur état d'abandon manifeste (constat des 5 et 14 mai 2009 et non 2015 comme indiqué par erreur par les premiers juges- pièce 13). En effet, l'huissier a relevé l'enlèvement de la cuve de GPL, un nombre important de vitres cassées sur les côtés et la toiture des serres, le dépôt de divers matériels agricoles et d'exploitation dans une remise, et en outre, qu'une autre serre à la structure rouillée et aux nombreuses vitres cassées est encombrée de diverses affaires, que des massifs d'orties et d'herbes hautes non taillées sont présents sur le terrain et qu'il existe un désordre 'indescriptible' à l'arrière du garage. L'huissier conclut que de manière générale, 'les lieux semblent à l'état d'abandon'.
2/ Le preneur sortant peut prétendre à une indemnité s'il a apporté des améliorations au fonds loué, effectué les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment d'habitation ou d'exploitation effectués avec l'accord du bailleur ou réalisé des travaux ayant pour objet de permettre d'exploiter le bien loué en conformité avec la réglementation en vigueur suivant les dispositions de l'article art. L. 411-69, la. 1er et 2 du Code rural et de la pêche maritime. Selon l'article L. 411-69, alinéa 1er, l'indemnité est due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
Monsieur [Z] ne produit aucun justificatif de la réalisation à la date de la résiliation du bail, de travaux de raccordement au gaz ou de réparations, ni au surplus d'aucun accord du bailleur pour ce faire.
La seule production d'un constat d'huissier de justice du 24 mars 2017, (près de cinq années après la résiliation), démontrant l'alimentation au gaz des serres par un coffret et la réalisation de cultures de plantes à cette date à laquelle il se trouvait occupant sans droit ni titre ne peut servir à en justifier, et ce alors que les lieux étaient abandonnés lors de la résiliation du bail.
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Au regard de ces divers éléments, il n'apparaît pas que Monsieur [Z] établisse l'existence d'un préjudice, ni un commencement de preuve de celui-ci qui justifierait l'organisation d'une mesure d'expertise.
Monsieur [Z] sera débouté de ses demandes et le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise.
Sur les dépens et l'indemnité procédurale
L'article 639 du code de procédure civile énonce que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Monsieur [Z] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel en ce compris ceux de l'arrêt cassé et au versement d'une indemnité procédurale de 1 000 Euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré régulière la demande de résiliation du bail en date du 12 avril 2011 pour le 15 avril 2012 pour changement de destination de la parcelle BC [Cadastre 1], donné acte aux parties de ce qu'elles sont d'accord pour que la résiliation du bail porte sur l'ensemble de l'exploitation, soit sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2693 m² sur la commune [Localité 3], prononcé la résiliation du bail entre les parties sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2693 m² sur la commune [Localité 3] et dit que [W] [Z] exploite les terres selon bail verbal depuis le 1er janvier 1996.
L'infirme pour le surplus.
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute Monsieur [Z] de ses demandes de condamnations à des indemnités et d'expertise judiciaire.
Le condamne à verser à Mesdames [I] [D] et [P] [W] la somme de 1 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel en ce compris ceux de l'arrêt cassé.
La GreffièreLa Présidente
Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH