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29/01/2020 | FRANCE | N°17/05328

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 29 janvier 2020, 17/05328


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/05328 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LEZK





SAS TFN PROPRETE



C/

[U]

Syndicat CFDT COMMERCE ET SERVICES DU RHONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 06 Juillet 2017

RG : F13/04803



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 29 JANVIER 2020







APPELANTE :



SAS TFN PROPRETE

[Adres

se 2]

[Localité 6]



Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Eve DREYFUS, avocat plaidant au barreau de PARIS



INTIMÉS :



[I] [U]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Me Céc...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/05328 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LEZK

SAS TFN PROPRETE

C/

[U]

Syndicat CFDT COMMERCE ET SERVICES DU RHONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 06 Juillet 2017

RG : F13/04803

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 29 JANVIER 2020

APPELANTE :

SAS TFN PROPRETE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Eve DREYFUS, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[I] [U]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON

Syndicat CFDT COMMERCE ET SERVICES DU RHONE

[Adresse 5]

[Localité 3]

Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Octobre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 Janvier 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [I] [U] a été embauché le 2 septembre 2010 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société TFN PROPRETE SUD EST, en qualité de responsable ressources humaines région Sud-Est.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Le 26 avril 2012, la société TFN PROPRETE SUD EST a contesté la désignation le 16 avril 2012 par le syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône, dénommé ci-après CFDT, de Monsieur [U] comme 'représentant syndical au CHSCT et représentant syndical au CE.'

Le 6 août 2012, Monsieur [U] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 31 août 2012.

Par jugement du 18 septembre 2012, le tribunal d'instance de VILLEURBANNE a annulé la désignation de Monsieur [U] du 16 avril 2012 en qualité de représentant syndical du syndicat CFDT au CHSCT et au CE, en l'absence de précision suffisante quant aux entités auprès desquelles le salarié était désigné.

Le même jour, le syndicat CFDT a adressé une décision rectificative annulant et remplaçant la désignation du 16 avril 2012 et aux termes de laquelle Monsieur [U] était désigné comme représentant syndical au comité d'établissement de [Localité 6].

Le 20 septembre 2012, Monsieur [U] a été licencié pour insuffisance professionnelle, malgré l'avis défavorable à l'unanimité du comité d'établissement de [Localité 6], avec dispense d'exécution de son préavis.

Le 8 octobre 2012, le syndicat CFDT a désigné Monsieur [U] comme représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail du comité d'établissement de [Localité 6].

Monsieur [U] et le syndicat CFDT ont saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 21 octobre 2013. Ils sollicitaient en dernier lieu de voir dire que Monsieur [U] avait été victime de discrimination syndicale et que le licenciement était nul, condamner l'employeur à payer à Monsieur [U] différentes sommes à titre de rappel de salaires, de dommages et intérêts et d'indemnités et au syndicat CFDT des dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 6 juillet 2017, le conseil de prud'hommes, dans sa formation de départage, a:

- constaté l'absence de discrimination syndicale,

- dit que le licenciement de Monsieur [U] était nul,

- condamné la société TFN PROPRETE à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes:

24.816 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

124.080 euros à titre de rappel de salaire, outre 12.408 euros de congés payés afférents,

1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le syndicat CFDT de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession,

- débouté Monsieur [U] du surplus de ses demandes

- débouté le syndicat CFDT et la société TFN PROPRETE de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société TFN PROPRETE aux dépens.

Par déclaration en date du 17 juillet 2017, la société TFN PROPRETE RHONE ALPES, venant aux droits de la société TFN PROPRETE SUD EST, qui sera dénommée TFN PROPRETE dans le présent arrêt, a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions, la société TFN PROPRETE demande à la Cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- débouter Monsieur [U] et le syndicat CFDT de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner Monsieur [U] et le syndicat CFDT à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions, Monsieur [U] et le syndicat CFDT demandent à la Cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était nul,

- l'infirmer pour le surplus,

- dire que Monsieur [U] a été victime d'une discrimination syndicale,

à titre principal,

- condamner la société TFN PROPRETE à verser à Monsieur [U] les sommes suivantes:

136.488,00 euros à titre de rappel de salaire outre 13.648,80 euros au titre des congés payés afférents,

41.360,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

47.800 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société TFN PROPRETE à payer au syndicat CFDT les sommes suivantes:

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession,

1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société TFN PROPRETE aux dépens.

A titre subsidiaire, ils demandent de voir:

- dire que le licenciement de Monsieur [U] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société TFN PROPRETE à payer à Monsieur [U] la somme de 41.360 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur le licenciement:

Aux termes de l'article L.2411-3 du code du travail, le licenciement d'un représentant syndical au comité d'entreprise ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

Le licenciement d'un salarié protégé sans autorisation administrative est nul.

La société TFN PROPRETE fait valoir que suite à l'annulation le 18 septembre 2012 de la désignation syndicale de Monsieur [U], elle n'était plus tenue de respecter la procédure protectrice applicable au licenciement des salariés titulaires de mandats syndicaux, de telle sorte qu'elle pouvait licencier Monsieur [U] sans l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail, que le licenciement de Monsieur [U] n'est donc pas nul, ce que conteste le salarié.

L'annulation par le tribunal d'instance de la désignation d'un salarié comme représentant syndical n'ayant pas d'effet rétroactif, la perte du statut protecteur n'intervient qu'à la date à laquelle le jugement d'annulation est prononcé, de sorte que l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

Les parties sont d'accord pour reconnaître que l'employeur a licencié Monsieur [U] sans l'autorisation préalable de l'inspection du travail.

L'appelant n'invoque pas devant la cour d'autres moyens que ceux soumis aux premiers juges auxquels ceux-ci ont répondu par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter en relevant notamment que:

- Monsieur [U] bénéficiait du statut protecteur le 6 août 2012, date de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement,

- si la désignation de Monsieur [U] comme représentant au CE a été annulée le 18 septembre 2012 par le jugement du tribunal d'instance de LYON, cette décision n'avait pas d'effet rétroactif et ne dispensait pas l'employeur d'obtenir l'autorisation préalable de l'inspection du travail de licencier le salarié.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était nul.

En l'absence de réintégration, le salarié protégé, victime d'un licenciement nul, a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale aux salaires des six derniers mois. En outre, il a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux représentants du personnel.

Monsieur [U] avait 35 ans et plus de deux ans d'ancienneté au moment du licenciement. Il bénéficiait en dernier lieu d'un salaire mensuel de 4.136 euros et son statut protecteur venait à expiration en octobre 2015, le comité d'établissement de [Localité 6] ayant été élu en octobre 2011 pour une durée de 4 ans.

Il a retrouvé un emploi à temps complet à compter du 2 mai 2014 avec une rémunération inférieure à celle dont il bénéficiait au sein de la société TFN PROPRETE, après avoir occupé un emploi à temps partiel de février 2013 à avril 2014.

Au vu de ces éléments, les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice subi par le salarié en raison de la nullité de son licenciement ainsi que le montant de l'indemnité due au salarié pour violation du statut protecteur, qu'ils ont fixé à la somme maximale possible, soit 30 mois de salaires. Le jugement sera confirmé en ses dispositions de ces chefs.

sur la discrimination syndicale:

L'article L.1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, en raison notamment de ses activités syndicales.

Conformément à l'article L.1134-1 de ce code, il appartient dans un premier temps au salarié syndicaliste qui se prétend victime d'une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement puis, dans un second temps, à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat.

Monsieur [U] soutient avoir été victime de discrimination syndicale à compter de sa désignation du 16 avril 2012 comme représentant syndical CFDT, ce que conteste l'employeur.

A l'appui de ses allégations, Monsieur [U] produit:

- des courriers de 2005 à 2010 et des décisions de justice concernant les relations du syndicat CFDT avec l'employeur,

- les écritures échangées entre les parties dans le cadre du litige les ayant opposées devant le tribunal d'instance de Villeurbanne (69) ainsi que le jugement rendu le 18 septembre 2012 par ce tribunal,

- une offre d'emploi de responsable ressources humaines en région Rhône-Alpes émise le 1er juin 2012 par la société AURA SEARCH,

- des procès-verbaux de réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail de l'établissement de [Localité 6] des 7 octobre 2011 et 20 juin 2012 et un procès-verbal de réunion extraordinaire du comité d'établissement de [Localité 6] du 10 septembre 2012.

L'annonce de la société de recrutement Aura Search est trop imprécise pour permettre d'établir un lien entre l'emploi offert par cette société et celui de Monsieur [U]. Par ailleurs, il ne ressort pas de la lettre de licenciement que tous les faits d'insuffisance reprochés au salarié sont postérieurs au 1er juin 2012.

Les autres pièces montrent:

- que le syndicat CFDT s'est opposé à plusieurs reprises à l'employeur pour faire respecter les droits de ses représentants, notamment en faisant appel à l'inspection du travail ou encore en se constituant partie civile devant le juge pénal,

- que l'employeur a contesté devant le tribunal d'instance de Villeurbanne la compatibilité de l'emploi de responsable des ressources humaines de Monsieur [U] avec la désignation de celui-ci comme représentant syndical au comité de l'établissement de [Localité 6],

- que l'employeur a fixé la réunion du comité d'établissement de [Localité 6] (69) le 10 septembre 2012, soit à la même date que l'audience de renvoi de l'affaire opposant Monsieur [U] et le syndicat CFDT à l'employeur devant le tribunal d'instance de Villeurbanne; que toutefois, compte tenu de l'horaire de la réunion, le salarié a pu participer à celle-ci, même s'il est arrivé en retard.

Ces faits, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement de la part de l'employeur à l'égard du salarié en raison de son appartenance au syndicat CFDT. Le jugement sera confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

sur l'intervention du syndicat CFDT:

Le licenciement de Monsieur [U] a été déclaré nul en raison de la violation par l'employeur du statut protecteur dont bénéficiait le salarié, titulaire d'un mandat syndical, dans le cadre de son licenciement.

Cette violation a donc également porté atteinte aux intérêts collectifs défendus par le syndicat CFDT.

La société TFN PROPRETE sera condamnée à payer au syndicat CFDT la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement infirmé sur ce point.

La société TFN PROPRETE, qui n'obtient pas gain de cause dans le cadre de son recours, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera également condamnée à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

- à Monsieur [U] la somme de 1.500 euros, en sus de la somme déjà allouée par le jugement,

- au syndicat CFDT la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ce dernier tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS:

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a débouté le syndicat CFDT de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif du syndicat ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

L'INFIRME sur ces points,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la société TFN PROPRETE à payer au syndicat CFDT la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de ce syndicat;

CONDAMNE la société TFN PROPRETE à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure:

- à Monsieur [U], la somme de 1.500 euros civile en cause d'appel,

- au syndicat CFDT, la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel;

CONDAMNE la société TFN PROPRETE aux dépens d'appel

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/05328
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/05328 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;17.05328 ?
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