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29/01/2020 | FRANCE | N°17/05247

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 29 janvier 2020, 17/05247


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/05247 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LETV





Association RHONE ALPES GOURMAND



C/

[M]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Juin 2017

RG : F 15/04194



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 29 JANVIER 2020







APPELANTE :



Association RHONE ALPES GOURMAND

[Adresse 1]

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Me Eric DUMOULIN de la SCP DUMOULIN - ADAM, avocat postulant au barreau de LYON

Me Hubert CHARPENTIER de la SCP CABINET SMITH-VIOLET, avocat plaidant au barreau de PARIS,





INTIMÉE :



[C] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Me Fabie...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/05247 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LETV

Association RHONE ALPES GOURMAND

C/

[M]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Juin 2017

RG : F 15/04194

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 29 JANVIER 2020

APPELANTE :

Association RHONE ALPES GOURMAND

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Eric DUMOULIN de la SCP DUMOULIN - ADAM, avocat postulant au barreau de LYON

Me Hubert CHARPENTIER de la SCP CABINET SMITH-VIOLET, avocat plaidant au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

[C] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Octobre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS:

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 Janvier 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Madame [C] [M] a été embauchée le 10 décembre 2001 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par l'Association Pôle Européen Agro-Alimentaire pour la Communication, la Recherche, l'Innovation et le Transfert de Technologies (PEACRITT), aux droits de laquelle vient l'association RHONE-ALPES GOURMAND depuis le 31 mai 2014, en qualité de conseiller en développement technologique, statut cadre, position 2.2, coefficient 130.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (dénommée ci-après syntec)

Madame [M] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 10 novembre 2015 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ainsi que voir condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaires, de dommages et intérêts et d'indemnités.

Puis elle a pris acte de la rupture du contrat de travail le 31 mars 2016.

EIle sollicitait en dernier lieu de voir requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, dire que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité et que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul ainsi que de voir condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaires, de dommages et intérêts et d'indemnités.

Par jugement en date du 15 juin 2017, le conseil de prud'hommes, dans sa formation paritaire, a:

- dit que la convention de forfait contenue dans le contrat de travail était réputée non écrite,

- dit que le contrat de travail devait être considéré comme un contrat à temps plein,

- condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND à payer à Madame [M] les sommes suivantes:

13.783,80 euros à titre de salaire pour les heures complémentaires, outre 1.378,38 euros pour les congés payés afférents,

- débouté Madame [M] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires,

- débouté Madame [M] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- débouté Madame [M] de sa demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

- dit que la prise d'acte s'analysait en un licenciement nul,

- condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND à payer à Madame [M] les sommes suivantes:

9.843,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 984,33 euros pour les congés payés afférents,

11.604,67 euros à titre d'indemnité de licenciement,

20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

99.468,60 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la délivrance par l'association RHONE-ALPES GOURMAND à Madame [M] de bulletins de salaire, d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi rectifiés pour tenir compte du jugement,

- rappelé les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail en matière d'exécution provisoire de droit et fixé à la somme de 3.315,62 euros la moyenne brute des salaires des trois derniers mois,

- rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concernait les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées,

- dit que les sommes allouées supporteraient s'il y avait lieu les taxes et impôts prévus par les législations et réglementations qui les concernaient,

- débouté chacune des parties de ses autres demandes,

- condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND aux dépens,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devraient être supportées par la société défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 13 juillet 2017, l'association RHONE-ALPES GOURMAND a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions, l'association RHONE-ALPES GOURMAND demande à la Cour de:

- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Madame [M] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour travail dissimulé et manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

- requalifier la prise d'acte en démission,

- ordonner la restitution de la somme de 29.840,58 euros versée au titre de l'exécution provisoire avec intérêts légaux à compter du 4 juillet 2016, date de son versement,

- condamner Madame [M] à lui verser les sommes suivantes:

7.464 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

3.750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Madame [M] du reste de ses demandes,

- condamner Madame [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions, Madame [M] demande à la Cour de:

- requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

- dire que l'association RHONE-ALPES GOURMAND a manqué à son obligation de sécurité,

- dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul,

- condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND à lui payer les sommes suivantes:

3.786,59 euros au titre des heures complémentaires (année 2012) outre 378,65 euros de congés payés afférents,

2.492,44 euros au titre des heures supplémentaires (année 2012) outre 249,24 euros de congés payés afférents,

3.631,55 euros au titre des heures complémentaires (année 2013) outre 363,15 euros de congés payés afférents,

1.207,33 euros au titre des heures supplémentaires (année 2013) outre 120,73 euros de congés payés afférents,

3.109,78 euros au titre des heures complémentaires (année 2014) outre 310,97 euros de congés payés afférents,

4.198,84 euros au titre des heures supplémentaires (année 2014) outre 419,88 euros de congés payés afférents,

3.255,88 euros au titre des heures complémentaires (année 2015) outre 325,58 euros de congés payés afférents,

3.681,41 euros au titre des heures supplémentaires (année 2015) outre 368,14 euros de congés payés afférents,

19.690 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

40.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

108.276,30 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

9.843,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 984,33 euros au titre des congés payés afférents,

15.585,26 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

3.000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte.

- condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur la durée du travail:

quant à la convention de forfait:

L'article 6 du contrat de travail intitulé 'rémunération' est rédigé en ces termes:

'En contrepartie de ses fonctions, Madame [M] percevra une rémunération brute mensuelle de 2.000 euros sur treize mois pour une activité à temps partiel correspondant à 4/5 ème de temps.

La comptabilisation du temps de travail de Madame [M] se fera, dans le respect des dispositions légales, pour un forfait de 173 jours par an conforme aux dispositions de l'article 3 de l'accord national SYNTEC du 22 juin 1999"

L'association RHONE-ALPES GOURMAND fait valoir que la clause relative à la comptabilisation du temps de travail insérée à l'article 6 est constitutive d'une convention de forfait hebdomadaire en heures et que cette convention remplit les conditions de validité fixées par l'accord du 22 juin 1999 pour être opposable à la salariée.

Madame [M] réplique qu'elle ne pouvait pas être soumise valablement en application de cette clause à une convention de forfait en heures ni à une convention de forfait annuel en jours, de telle sorte que cette clause lui est inopposable et doit être réputée non écrite, que la commune intention des parties était de conclure un contrat de travail à temps partiel à hauteur de 4/5 ème d'un temps complet.

L'article 1er du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail (application de la loi du 13 juin 1998) dispose notamment :

'...Trois types de modalités de gestion des horaires sont a priori distingués à l'initiative de l'entreprise :

- modalités standard ;

- modalités de réalisation de missions ;

- modalités de réalisation de missions avec autonomie complète.

Les définitions de ces différentes modalités sont précisées dans les articles ci-après.

Pour relever des modalités de réalisation de missions, les personnels doivent tout d'abord répondre aux conditions d'autonomie définies à l'article 3 ou à l'article 4...'

L'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999, relatif aux réalisations de mission, dispose:

'Ces modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres

sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l'activité de l'entreprise, un accord d'entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d'autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.

Compte tenu de la nature des tâches accomplies (responsabilités particulières d'expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s'arrêter à heure fixe, utilisation d'outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches...), le personnel concerné, tout en disposant d'une autonomie moindre par rapport aux collaborateurs définis à l'article 3, ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. La comptabilisation du temps de travail de ces collaborateurs dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement (chapitre III).

Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

La rémunération mensuelle du salarié n'est pas affectée par ces variations.

Les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l'employeur, au-delà de cette limite, représentant des tranches exceptionnelles d'activité de 3,5

heures, sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des

sous-activités (récupérations, intercontrats...) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue.

Ces salariés ne peuvent travailler plus de 219 jours pour l'entreprise, compte non tenu des éventuels jours d'ancienneté conventionnels. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer les jours accordés aux salariés concernés par ces modalités. Toutefois, ce chiffre de 219 jours pourra être abaissé par accord d'entreprise ou d'établissement, négocié dans le cadre de l'article L. 132-19 du code du travail.

Le personnel ainsi autorisé à dépasser l'horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.

L'adoption de ces modalités de gestion du temps de travail ne peut entraîner une baisse du salaire brut de base en vigueur à la date de ce choix.'

Ce dernier article qui institue d'une part, une convention horaire sur une base hebdomadaire de trente-huit heures trente avec une rémunération forfaitaire au moins égale à 115 % du salaire minimum conventionnel, d'autre part, un nombre maximum de jours travaillés dans l'année, prévoit donc une convention de forfait en heures assortie d'une garantie d'un nombre maximal annuel de jours de travail pour les cadres relevant de cette catégorie.

La rémunération annuelle de Madame [M], y compris les avantages et accessoires en faisant partie, s'élevait à 31.313 euros en 2012, 31.358 euros en 2013, 34.255 euros en 2014 et 34.550 euros en 2015 alors que le plafond de la sécurité sociale était de 36.732 euros en 2012, 37.032 euros en 2013, 37.548 euros en 2014, 38.040 euros en 2015. Si l'employeur soutient que la rémunération annuelle de Madame [M] était en fait supérieure au plafond de la sécurité sociale, après calcul de la rémunération annuelle de Madame [M] sur une base de 35 heures au lieu de 38 heures 30 et du plafond de la sécurité sociale au prorata du nombre de jours travaillés par la salariée, ces modalités de calcul ne ressortent pas de l'article 3 précité. La rémunération annuelle de Madame [M] était donc inférieure au plafond de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'article 6 du contrat stipule que l'activité de Madame [M] est une activité à temps partiel correspondant à 4/5 ème de temps. L'employeur qui fait valoir que cette clause ne correspondait pas à la commune intention des parties ne le démontre pas, les pièces versées aux débats révélant qu'au contraire, la salariée a toujours été considérée comme travaillant à temps partiel (échanges de 2004 et 2014 entre l'employeur et la salariée relatifs au pourcentage de la durée du travail à temps plein de l'intéressée: 0,70 ETP à compter de juin 2004 puis à nouveau 0,8 ETP à compter de juin 2014, attestation de l'employeur du 18 janvier 2008 faisant état de l'exercice d'une activité à temps partiel de Madame [M] correspondant à 70 % d'un temps plein, feuilles de calcul prévisionnel du temps de travail (ARTT) de janvier 2011 à janvier 2014 de la salariée au regard d'un temps partiel égale à 70 % ETP, courriel du 26 août 2015 et courrier du 9 novembre 2015 adressés par l'employeur à la salariée faisant état de ce que cette dernière est à temps partiel).

Or, le forfait en heures fixé par l'article 3 du contrat de travail prend en compte des variations horaires par rapport à un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit par rapport un temps complet, et non à un temps partiel.

Il ressort de ces ééléments que la convention de forfait hebdomadaire en heures instaurée par l'article 3 de l'accord du 22 juin 1999 n'était pas applicable à la salariée, de telle sorte que la clause du contrat y faisant référence lui est inopposable.

Par ailleurs, les parties sont d'accord pour reconnaître que cette clause n'est pas non plus constitutive d'une convention de forfait annuel en jours.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la convention de forfait résultant du contrat de travail est réputée non écrite.

quant à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein:

La cour a dit que le contrat de travail liant les parties était un contrat de travail à temps partiel.

Or, ce contrat ne précise pas la répartition des horaires de travail de Madame [M] entre les jours de la semaine et les jours du mois. Aussi, il est présumé à temps complet.

L'employeur ne faisant pas valoir de moyen particulier à l'encontre de cette présomption, il convient de requalifier le contrat de travail à temps partiel de la salariée en contrat de travail à temps plein et le jugement sera confirmé de ce chef.

La salariée comptabilisait chaque jour ses temps de travail sur des fiches de temps prévues à cette fin. L'employeur ne conteste pas les durées de travail par semaine de la salariée résultant de ces fiches de temps de 2012 à 2015.

Madame [M] réclame un rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail à temps plein pour la durée du travail comprise entre le temps de travail théorique auquel elle était tenue du fait de son contrat de travail à temps partiel, soit 29,6 heures, et 35 heures.

Ce temps de travail théorique est moins important certaines semaines, compte tenu notamment des congés ou jours fériés de la salariée. Toutefois, Madame [M] ne réclame aucun rappel de salaire pour les semaines considérées.

Par ailleurs, si l'employeur fait valoir que les taux horaires retenus par la salariée sont manifestement erronés, le tableau qu'il produit prend en compte des rémunérations annuelles inférieures à celles qu'il mentionne dans ses écritures et divise la rémunération mensuelle de la salariée par 121,33 heures pour chaque année, alors que la salariée ne travaillait qu'à 70 % (soit 106,16 h) de 2012 à mai 2014. Aussi, il convient de retenir les taux horaires réclamés par la salariée, soit 22,62 euros pour l'année 2012 et 23,13 euros pour les années suivantes.

Compte tenu de ces éléments, les premiers juges ont exactement apprécié le rappel de salaire et les congés payés afférents résultant de la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND à payer à Madame [M] la somme de 13.783,80 euros (3.786,59 €+3.631,55 €+3.109,78 €+3.255,88 €) à ce titre outre celle de 1.378,38 euros au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que les sommes allouées consistent en un rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet mais pas au titre d'heures complémentaires, lesquelles ne sont dues que dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel.

quant aux heures supplémentaires et au travail dissimulé:

Les parties étant d'accord sur les durées de travail de Madame [M] de 2012 à 2015, lesquelles font apparaître que Madame [M] travaillait parfois plus que 35 heures par semaine, c'est à tort que les premiers juges ont débouté Madame [M] de sa demande d'heures supplémentaires, au motif que les tableaux produits par la salariée n'étayaient pas suffisamment sa demande d'heures supplémentaires.

L'employeur ne fait pas valoir d'autres arguments à l'encontre des rappels d'heures supplémentaires réclamés par Madame [M] que ceux déjà examinés par la cour dans le cadre du rappel de salaire résultant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

L'association RHONE-ALPES GOURMAND sera donc condamnée à payer à Madame [M] les sommes réclamées par celle-ci à titre d'heures supplémentaires, à savoir:

2.492,44 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2012 outre 249,24 euros de congés payés afférents,

1.207,33 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2013 outre 120,73 euros de congés payés afférents,

4.198,84 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2014 outre 419,88 euros de congés payés afférents,

3. 681,41 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2015 outre 368,14 euros

de congés payés afférents et le jugement infirmé de ce chef.

Madame [M] indique que l'employeur ne pouvait pas ignorer la réalité des heures de travail effectuées par elle ni à compter de l'audience de conciliation être redevable de rappels de salaire de ce chef.

Toutefois, compte tenu du litige opposant les parties quant à la clause de forfait insérée dans le contrat de travail, elle ne démontre pas le caractère intentionnel de l'absence de déclaration par l'employeur de la totalité de ses heures de travail. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [M] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

sur l'obligation de sécurité et l'exécution loyale du contrat de travail:

Madame [M] fait valoir que son état de santé s'est dégradé en raison du comportement de l'employeur qui non seulement n'a pas procédé au paiement de l'intégralité de ses heures de travail mais l'a stigmatisée auprès de ses collègues de travail.

L'employeur ne produit pas les pièces qu'il cite pour prouver qu'il a rempli son obligation de sécurité à l'égard de la salarié, à l'exception d'une pièce 40 qui n'est d'aucun renseignement sur ce point. Or, les échanges écrits entre la salariée et l'employeur montrent que bien que conscient de ce que Madame [M] réalisait de nombreuses heures de travail en sus de celles auquel elle était tenue, l'employeur n'a pas mis en place de mesures particulières pour assurer le respect du temps partiel de la salariée, se contentant en septembre 2015 de lui demander de travailler dans la limite de 7,4 heures de travail par jour, sans modifier sa charge de travail. Au surplus, il n'a pas donné suite à la demande de régularisation du paiement des heures de travail effectuées par le passé, formulée explicitement par Madame [M] en octobre 2015, alors que la durée de travail de la salariée avait beaucoup augmenté depuis le mois de janvier 2014. En revanche, les seules allégations de Madame [M] ne sont pas suffisantes pour prouver que l'employeur a discrédité celle-ci auprès des autres salariés.

Madame [M] a été placée en arrêt de travail du 22 septembre au 1er octobre 2015 puis du 16 novembre 2015 jusqu'au 14 avril 2016 pour anxiété d'origine professionnelle. Son dossier médical tenu par la médecin du travail révèle qu'elle s'est plainte dès le 16 octobre 2014 d'une charge de travail trop importante et d'un stress lié à cette charge de travail. Aussi, les éléments versés aux débats sont suffisants pour prouver que les manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité et au paiement des heures de travail dues ont contribué au moins partiellement à la dégradation de l'état de santé de la salariée.L'association RHONE-ALPES GOURMAND sera condamnée à payer à Madame [M] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.

sur la prise d'acte:

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur, mode unilatéral et autonome de rupture de la relation contractuelle, entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant. S'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.

La prise d'acte produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur sont justifiés et suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, soit à l'inverse ceux d'une démission.

La preuve des faits qui fondent la prise d'acte incombe au salarié.

Les irrégularités affectant le contrat de travail à temps partiel de Madame [M] existaient

certes depuis l'embauche de la salariée et celle-ci n'a fait aucune réclamation de ce chef avant le transfert de son contrat de travail à l'association RHONE-ALPES GOURMAND en mai 2014.

Par ailleurs, la cour a condamné l'employeur à payer des rappels de salaire au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et à titre d'heures supplémentaires pour les années 2012 à 2015, soit pour une période antérieure au mois de mai 2014.

Toutefois, l'employeur n'a pas donné suite aux demandes de rappels de salaire formulées par la salariée à compter du mois d'octobre 2015 et n'a pas rempli son obligation de sécurité quant à la charge de travail de l'intéressée. Si le 9 novembre 2015, il a proposé à la salariée une modification du contrat de travail à temps partiel destinée à régulariser ce contrat, la lettre de refus de cette modification par la salariée révèle que l'employeur n'envisageait pas de procéder au paiement des rappels de salaire réclamés ni de procéder au réexamen de la charge de travail de la salariée, compte tenu de son temps partiel.

Le non paiement des rappels de salaire dus à la salariée et le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur étaient donc toujours d'actualité à la date de la prise d'acte. En outre, ils étaient suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Madame [M] était salariée protégée à la date de la prise d'acte, ayant été élue déléguée du personnel le 5 mai 2015 pour une durée de quatre ans.

La prise d'acte de Madame [M] produit donc les effets d'un licenciement nul.

En l'absence de réintégration, le salarié victime d'un licenciement nul a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale aux salaires des six derniers mois. En outre, en application de l'article L.1225-71 du code du travail, il peut prétendre au montant du salaire qu'il aurait dû percevoir pendant la période couverte par la nullité.

Madame [M] avait 46 ans ainsi qu'un ancienneté de plus de 14 ans au moment de la rupture du contrat de travail.

Les premiers juges ont fixé à la somme de 3.315,62 euros le salaire mensuel moyen auquel la salariée pouvait prétendre suite à la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps complet. Les parties ne critiquant pas ce montant, il convient de confirmer le jugement sur ce point.

Les sommes allouées par les premiers juges au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ne font l'objet d'aucune critique des parties. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND à payer à Madame [M] la somme de 9.843,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Par ailleurs , en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve ont fait une exacte appréciation des sommes allouées à Madame [M] au titre de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts consécutifs au licenciement et des salaires dus par l'employeur pour la période pendant laquelle la salariée était protégée dans la limite de 30 mois. Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux condamnations considérées.

Il sera également confirmé en ce qu'il a débouté l'association RHONE-ALPES GOURMAND de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, étant observé au surplus que la demande de l'employeur afin de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire est sans objet.

Compte tenu de la solution apportée au litige, il y a lieu d'ordonner la remise des documents de travail réclamés par Madame [M] dans le délai maximum de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, sans toutefois assortir cette injonction d'une mesure d'astreinte.

L'association RHONE-ALPES GOURMAND, qui n'obtient pas gain de cause dans le cadre de son recours, sera condamnée aux dépens d'appel.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que les sommes retenues par l'huissier de justice en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par l'employeur au titre des frais irrépétibles. En effet, l'article 10 du décret du 8 mars 2001 modifié en dernier lieu par le décret du 25 juin 2014 a été abrogé par le décret du 26 février 2016. L'association RHONE-ALPES GOURMAND sera condamnée à payer à Madame [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par la salariée en appel.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Madame [M] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et à l'exécution loyale du contrat de travail, de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi qu'en ses dispositions afférentes aux documents de travail et sauf à préciser que l'association RHONE-ALPES GOURMANDE est condamnée à payer la somme de 13.783,30 euros à titre de rappel de salaire résultant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et non à titre d'heures complémentaires;

L'INFIRME sur ces points,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE l'association RHONE-ALPES GOURMANDE à payer à Madame [M] les sommes suivantes:

2.492,44 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2012 outre 249,24 euros de congés payés afférents,

1.207,33 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2013 outre 120,73 euros de congés payés afférents,

4.198,84 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2014 outre 419,88 euros de congés payés afférents,

3. 681,41 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2015 outre 368,14 euros de congés payés afférents,

3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail;

CONDAMNE l'association RHONE-ALPES GOURMANDE à remettre à Madame [M] , dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision un bulletin de salaire,une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en fonction des condamnations prononcées;

DEBOUTE Madame [M] de sa demande d'astreinte;

CONDAMNE l'association RHONE-ALPES GOURMAND à payer à Madame [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE l'association RHONE-ALPES GOURMAND aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/05247
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/05247 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;17.05247 ?
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