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23/01/2020 | FRANCE | N°18/00467

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 janvier 2020, 18/00467


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 18/00467 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LPKA





[X]



C/

SAS FINANCIERE BERT







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint-Etienne

du 20 Décembre 2017

RG : F 17/00054





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 23 JANVIER 2020









APPELANT :



[M] [X]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Local

ité 5] (42)

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Corinne BEAL-CIZERON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



SAS FINANCIERE BERT

[Adresse 6]

[Localité 2]



représentée par Me David LAURAND de la SELARL SIMON L.V., av...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 18/00467 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LPKA

[X]

C/

SAS FINANCIERE BERT

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint-Etienne

du 20 Décembre 2017

RG : F 17/00054

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 JANVIER 2020

APPELANT :

[M] [X]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5] (42)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Corinne BEAL-CIZERON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SAS FINANCIERE BERT

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me David LAURAND de la SELARL SIMON L.V., avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Octobre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICOIRE

Prononcé publiquement le 23 Janvier 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.

Monsieur [M] [X] a été engagé par la société FINANCIÈRE BERT, le 1er avril 2003 en qualité de directeur d'agence, sans contrat de travail écrit.

A ce titre, il était chargé de la direction d'ALLIANCE LOGISTICS, société filiale de la société FINANCIÈRE BERT, dont l'activité était le négoce de véhicules industriels d'occasion et la location de véhicules.

Le capital social de la société ALLIANCE LOGISTICS était détenu à hauteur de 66,66% par la société FINANCIÈRE BERT et de 33,33% par Monsieur [M] [X].

Courant 2009, il a été convenu entre les associés, la société FINANCIÈRE BERT et Monsieur [M] [X], un projet de reprise de l'intégralité des parts sociales d'ALLIANCE LOGISTICS détenues par la société FINANCIÈRE BERT par Monsieur [M] [X].

Préalablement à son désengagement, la société FINANCIÈRE BERT a procédé à une avance de trésorerie dans la société ALLIANCE LOGISTICS à hauteur de 150.000 euros, somme que Monsieur [M] [X] s'est engagé à rembourser à la société FINANCIÈRE BERT, une fois actionnaire exclusif de la société ALLIANCE LOGISTICS.

Cet accord a été matérialisé par une reconnaissance de dettes établie sous seing privé le 10 septembre 2009.

En octobre 2009, la société FINANCIÈRE BERT estimant que Monsieur [M] [X] avait opéré d'importantes malversations entre janvier et octobre 2009, déposait deux plaintes contre lui, l'une le 9 novembre 2009 pour « escroquerie, faux et usage de faux et détournement de fonds » et l'autre , le 13 novembre 2009 pour « contrefaçon ou falsification de chèque et vol de véhicule »

Le 5 novembre 2009, la société FINANCIÈRE BERT a mis à pied à titre conservatoire Monsieur [X].

Le 9 novembre 2009, la société FINANCIÈRE BERT a convoqué Monsieur [X] à un entretien préalable à son licenciement.

Par un jugement en date du 16 novembre 2009, le Tribunal de Commerce de ROMANS a prononcé la liquidation judiciaire de la société ALLIANCE LOGISTICS.

La société FINANCIÈRE BERT a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 novembre 2009 à Monsieur [X], son licenciement pour faute lourde et a transmis à Monsieur [X] ses documents sociaux.

Par requête en date du 3 mars 2010, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne statuant en la forme des référés, aux fins de la voir condamnée à lui payer les sommes de :

2 605,76 € au titre du salaire du mois d'octobre 2009

775,00 € au titre du salaire du ler au 6 novembre 2009

1 244,88 € correspondant au rappel sur l'indemnité journalière de novembre 2009

1 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ordonnance en date du 31 mai 2010, le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ÉTIENNE a déclaré les demandes de Monsieur [X] irrecevables.

Par une requête en date du 16 novembre 2010, Monsieur [M] [X] a saisi le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ÉTIENNE aux fins de voir condamner la société FINANCIÈRE BERT à lui payer les sommes suivantes :

Dommages et intérêts : 83 700 €

Indemnité conventionnelle de licenciement : 13 950 €

Indemnité compensatrice de préavis : 6 161 €

Indemnité compensatrice de congés payés : 4 340 €

Solde de son salaire pour le mois d'octobre 2009: 2 605,76 €

Salaire du ter au 6 novembre 2009: 775 €

Indemnités journalières du 6/11/2009 au 04/12/2009 :1244,88 €

Article 700 du Code de Procédure Civile : 4 000 € (pièces n° 8)

Par une décision du 21 septembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ÉTIENNE a radié l'affaire de son rôle compte tenu de ce que Monsieur [X] n'avait pas donné de ses nouvelles à son conseil et de l'existence d'une procédure pénale pendante.

Par des conclusions, Monsieur [X] a demandé l'examen de son dossier.

La société Financière BERT a conclu in limine litis à l'incompétence matérielle du Conseil de Prud'hommes en l'absence, selon elle de contrat de travail et s'est opposée à titre principal à cet examen, compte tenu de l'existence de plaintes pénales.

Le dossier a fait l'objet d'une nouvelle radiation par décision en date du 17 décembre

2014.

Monsieur [X] a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel de VALENCE de quinze chefs de prévention et par un jugement en date du 25 septembre 2014, le Tribunal correctionnel de Valence retenant seulement six chefs de prévention a':

- condamné Monsieur [X] à la peine de un an d'emprisonnement outre une interdiction de gérer pendant cinq ans à titre de peine complémentaire,

- déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la SAS FINANCIÈRE BERT, de la société AL BATEN TRADING EST et de Me [K] es qualité de liquidateur de la SARL ALLIANCES LOGISTICS,

- débouté la société AL BATEN TRADING EST, partie civile, de ses demandes de dommages-intérêts, compte tenu de la relaxe intervenue,

- débouté la société SAS FINANCIÈRE BERT, partie civile, de ses demandes de dommages-intérêts, compte tenu de l'absence de lien direct avec les infractions reprochées à Monsieur [X],

- déclaré Monsieur [X] entièrement responsable du préjudice subi par Me [K] ès qualité de liquidateur de la SARL ALLIANCES LOGISTICS,

-condamné Monsieur [X] à payer à Me [K], ès qualité de liquidateur de la SARL ALLIANCES LOGISTICS, partie civile, les sommes suivantes :

529.946 euros au titre de la falsification des chèques,

4.431 euros au titre des chèques déposés sur son compte personnel,

900 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

-rejeté le surplus des demandes formulées par Me [K] ès qualité de liquidateur de la SARL ALLIANCES LOGISTICS.

Monsieur [X] a interjeté appel de cette décision tant sur les dispositions pénales que civiles, ainsi que Monsieur le Procureur de la République de Valence, Me [K] ès qualité de la SARL ALLIANCES LOGISTICS, son appel étant limité aux dispositions civiles et la SAS FINANCIÈRE BERT, son appel étant limité aux dispositions civiles.

La Cour d'Appel de GRENOBLE par arrêt du 27 juin 2016 ne retenant plus que trois préventions a :

- déclaré Monsieur [M] [X] coupable des faits de :

* faux et usage de faux concernant deux factures n°155261 et 155262 datées du 21 septembre 2009 prétendument émises par la société MAUPETIT pour la vente de tracteurs Scania au prix de 20 000 € H.T., soit 23 920 € T.T.C. à la société ABCVO,

* usage d'un chèque falsifié de 35 000 € au préjudice de la SARL ALLIANCES LOGISTICS au profit de la société TRANSPORT MAUPETIT,

* usage de 7 chèques falsifiés de la SARL ALLIANCES LOGISTICS au profit de la SCI LA MALADIERE,

- a condamné Monsieur [M] [X] à la peine de deux ans d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans outre une interdiction pendant cinq ans d'exercer une activité commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle, à titre de peine complémentaire,

- condamné Monsieur [X] à payer à Maître [K] en sa qualité de liquidateur de la SARL ALLIANCES LOGISTICS la somme de 118 300 € de dommages et intérêts,

confirmé le jugement pour le surplus,

- débouté Me [K] en sa qualité de liquidateur de la SARL ALLIANCES LOGISTICS et la société FINANCIÈRE BERT, parties civiles, de leurs demandes au titre des frais non pris en charge par l'État qu'ils avaient exposés à hauteur d'appel.

Monsieur [X] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. La cour de cassation par un arrêt en date du 11 juillet 2017 a :

- cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de GRENOBLE en date du 27 juin 2016, mais en ses seules dispositions ayant condamné Monsieur [X] à verser à Me [K] ès qualité de liquidateur de la société ALLIANCES LOGISTICS , la somme de 35.000 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,

- renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de GRENOBLE, autrement composée.

Par un jugement en date du 20 décembre 2017, le Conseil de Prud'hommes de Saint-Étienne a:

- dit qu'il était compétent pour trancher les litiges nés à l'occasion de l'exécution et de la rupture du contrat de travail liant Monsieur [M] [X] à la société FINANCIÈRE BERT,

- dit qu'il était incompétent pour trancher les litiges ayant trait à la reconnaissance de dettes du 10 septembre 2009, ni à l'avance de trésorerie qui en était l'objet,

- rejeté la demande de la société FINANCIÈRE BERT au titre du remboursement de l'avance consentie à Monsieur [M] [X],

- condamné la société FINANCIÈRE BERT à payer à Monsieur [M] [X] la somme de 4.058,03 euros correspondant aux retenues sur salaires opérées et aux indemnités journalières de sécurité sociale perçues pour le compte de Monsieur [M] [X],

- dit que le licenciement pour faute lourde notifié à Monsieur [M] [X] le 26 novembre 2009 reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné Monsieur [M] [X] à verser à la société FINANCIÈRE BERT, la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice subi,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de 1 'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [M] [X] aux dépens.

Monsieur [X] a interjeté appel de cette décision par acte en date du 19 janvier 2018.

Par conclusions régulièrement notifiées et remises au greffe, il demande à la Cour':

Infirmant pour partie le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de Saint-Étienne le 20 décembre 2017,

- déclarer le licenciement de Monsieur [X] sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société FINANCIÈRE BERT à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes :

13.950, 00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

6.161,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

4.340 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

83.700,00 euros au titre des dommages et intérêts.

2.605,76 euros au titre du solde du salaire du mois d'octobre 2009,

775,00 euros au titre du salaire du ler au 6 novembre 2009,

1.244,88 euros au titre des indemnités journalières du 6 novembre 2009 au 4 décembre 2009,

- condamner la société FINANCIÈRE BERT à payer à Monsieur [X], la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société FINANCIÈRE BERT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions régulièrement notifiées et remises au greffe, la société FINANCIÈRE BERT demande à la Cour':

Sur l'appel incident,

Vu l'article L.1411-1 du Code du Travail,

- REFORMER le jugement entrepris en ce que le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ÉTIENNE s'est déclaré compétent pour trancher les litiges nés à l'occasion de l'exécution et de la rupture du contrat de travail liant Monsieur [M] [X] à la société FINANCIÈRE BERT.

Statuant à nouveau,

- SE DÉCLARER matériellement incompétent en l'absence d'un contrat de travail.

- REFORMER le jugement entrepris en ce que le Conseil de Prud'hommes s'est déclaré incompétent pour trancher les litiges ayant trait à la reconnaissance de dettes du 10 septembre 2009, ni à l'avance de trésorerie qui en est l'objet.

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER Monsieur [M] [X] à verser à la société FINANCIÈRE BERT la somme de 150 000 euros au titre de l'avance de trésorerie consentie le 10 septembre 2009.

Sur l'appel principal,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ÉTIENNE a dit que le licenciement de Monsieur [M] [X] reposait sur une faute lourde.

En conséquence, CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [X] de ses demandes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de congés payés et des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

- DIRE et JUGER que les créances de Monsieur [M] [X] et la société FINANCIÈRE BERT se compensent.

- REFORMER le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à verser à la société FINANCIÈRE BERT la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice.

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER Monsieur [M] [X] à verser à la société FINANCIÈRE BERT la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Dans les cas

- CONDAMNER Monsieur [M] [X] à verser à la SOCIÉTÉ FINANCIÈRE BERT la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- CONDAMNER le même aux entiers dépens de l'instance.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions régulièrement notifiées par les parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2019.

MOTIVATION.

Sur l'existence du contrat de travail et la demande au titre de l'avance de trésorerie.

Monsieur [X] soutient que les détournements d'actifs pour lesquels il a été condamné pénalement, au préjudice de la société ALLIANCES LOGISTICS, ne peuvent caractériser une intention de nuire à l'encontre de son employeur, la société FINANCIERE BERT dès lors que si celle-ci détenait 66,66 % du capital de la société ALLIANCES LOGISTICS, lui-même détenait 33,33 % des parts, de sorte qu'au travers des actes pour lesquels il a été condamné, il a non seulement été privé de ses parts mais a dû rembourser la somme de 83 000 € au liquidateur de la société ALLIANCES LOGISTICS.

Par ailleurs, il considère que la société FINANCIERE BERT n'a pas été quant à elle impactée puisqu'elle a un capital social d'un million d'euros et que le jugement du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire de la société ALLIANCES LOGISTICS ne l'a pas condamnée à payer une quelconque somme au titre du passif de cette société.

De même, il n'estime pas démontré par la société FINANCIERE BERT qu'elle se serait trouvée discréditée sur le marché du fait que de nombreux fournisseurs et partenaires auraient été victimes des agissements qu'il a commis.

La société FINANCIERE BERT estime à titre principal que, au regard du comportement de Monsieur [X] comme dirigeant de fait et non comme simple salarié, le conseil des prud'hommes n'aurait pas du se reconnaître compétent.

Elle demande donc à la Cour de réformer la décision déférée et de se déclarer incompétente.

Elle demande également la réformation de la décision déférée en ce que le conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent pour trancher les litiges ayant trait à la reconnaissance de dettes du 10 septembre 2009 et à l'avance de trésorerie qui en est l'objet, de sorte qu'elle demande la condamnation de Monsieur [X] à lui verser la somme de 150 000 € relative à l'avance de trésorerie consentie le 10 septembre 2009.

A titre subsidiaire, elle soutient que la faute lourde qui suppose de la part du salarié l'intention de nuire à l'employeur et de lui porter préjudice est ici démontrée au regard des agissements frauduleux commis par Monsieur [X] au détriment de la société ALLIANCES LOGISTICS et pour lesquels il a été condamné, dès lors que ces agissements lui ont causé un préjudice d'une part sur le plan financier puisqu'en qualité d'actionnaire principal, elle a été inexorablement impacté financièrement par le détournement et que d'autre part, sur le plan de l'image, elle s'est trouvée discréditée sur le marché du fait que ses nombreux fournisseurs et partenaires ont été également victimes des agissements de Monsieur [X].

En l'espèce et d'abord, en ce qui concerne l'existence de la relation de travail entre Monsieur [X] et la société FINANCIERE BERT, il apparaît qu'il n'existe aucun contrat de travail écrit, de sorte qu'il appartient à Monsieur [X], qui se prévaut de ce contrat, dans le cadre de la discussion sur la faute lourde, de démontrer l'existence d'une relation de travail entre lui et la société FINANCIERE BERT.

Il convient ainsi d'examiner si Monsieur [X] percevait une rémunération en argent ou en nature, fournissait une prestation de travail et s'il existait un lien de subordination entre lui et la société FINANCIERE BERT.

A cet égard la présence de bulletins de salaire ne permet pas à elle seule de caractériser l'existence du contrat de travail allégué. Elle permet toutefois de retenir que Monsieur [X] percevait bien une rémunération de la part de la société FINANCIERE BERT pour l'emploi de directeur d'agence, selon un temps plein, avec ancienneté au 1er avril 2003 et une rémunération nette moyenne de 3600 € environ. C'est sur cette base que, suite à la procédure de licenciement, l'attestation destinée à l'Assedic a été établie par la société FINANCIERE BERT.

Par ailleurs, le fait que soit reconnue et établie la direction de fait quotidienne de la société ALLIANCES LOGISTICS par Monsieur [X] ne permet pas en soi d'exclure la prestation de travail fournie par ce dernier sous la subordination de la société FINANCIERE BERT.

Au surplus, le fait que la société FINANCIERE BERT ait, après avoir découvert les agissements de Monsieur [X] à l'encontre de la société ALLIANCES LOGISTICS, mis à pied celui-ci à titre conservatoire et lui ait adressé la lettre le convoquant à entretien préalable en vue de son licenciement pour faute lourde, suffit à caractériser le lien de subordination, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

Il apparaît par ailleurs en ce qui concerne la reconnaissance de dettes du 10 septembre 2009, qu'il résulte du document versé aux débats que la somme de 150 000 € a été avancée à Monsieur [X] non dans le cadre de la relation salariée existant entre lui et la société FINANCIERE BERT mais dans le cadre des relations d'associés existant entre eux concernant la société ALLIANCES LOGISTICS puisqu'il était convenu d'une part un rachat des parts détenus par la société FINANCIERE BERT par Monsieur [X] et d'autre part l'avance de trésorerie permettant à ce dernier de solutionner des opérations initiées par lui à titre personnel . Cette terminologie certes évasive ne permet pas toutefois de caractériser l'existence d'un prêt qu'aurait consenti la société FINANCIERE BERT à son salarié, de sorte que , en ce qui concerne cette demande, le conseil de prud'hommes qui statue sur les différends qui s'élèvent entre employeurs et salariés à l'occasion de tout contrat de travail, n'était effectivement pas compétent.

Sur la rupture du contrat de travail.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de démontrer les faits commis dans l'intention de lui nuire.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats et notamment de l'enquête pénale menée suite à la plainte de la société FINANCIERE BERT, que Monsieur [X] a détourné des sommes par encaissement de chèques émis au bénéfice de la société ALLIANCES LOGISTICS et ce au profit d'une SCI dont il était le gérant.

La société FINANCIERE BERT étant l'actionnaire principal de la société ALLIANCES LOGISTICS dont il est par ailleurs établi que Monsieur [X] assurait la direction quotidienne , alors que par ailleurs, il avait été convenu le principe d'un rachat par ce dernier des parts détenus par la société FINANCIERE BERT , il apparaît établi l'intention de nuire à cette société par son salarié, celle-ci se trouvant nécessairement impactée financièrement par les détournements, mais aussi discréditée au plan de l'image, les détournements de chèques ayant concerné des paiements effectués par ses fournisseurs et partenaires.

Dès lors, Monsieur [X] ne peut, sans alléguer sa propre turpitude, relever que la condamnation pénale et la mise en liquidation de la société ALLIANCES LOGISTICS ont eu pour effet de lui faire perdre ses parts et ont amené sa condamnation à rembourser une somme de 83 000 € au liquidateur.

Pas plus, ne peut-il alléguer concernant l'absence d'intention de nuire, le fait que la société FINANCIERE BERT a été déboutée de sa demande d'indemnisation devant les juridictions répressives.

En effet, l'intention de nuire, pour être retenue, ne nécessite pas la démonstration d'un préjudice en résultant . Au surplus, en l'espèce, il ne s'agit pas seulement de l'allégation d'un préjudice financier mais également d'un discrédit en terme d'images.

Il apparaît dès lors que la faute lourde caractérisée par l'intention de nuire étant établie par l'employeur, il convient en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société FINANCIERE BERT.

Monsieur [X] demande que le jugement déféré soit réformé en ce qu'il l'a condamné à payer à la société FINANCIERE BERT la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle .

Il soutient en effet que le préjudice de la société FINANCIERE BERT est inexistant ainsi que cela a été jugée définitivement par les juridictions répressives.

La société FINANCIERE BERT soutient que son préjudice est considérable en ce que les agissements de Monsieur [X] ont eu des répercussions catastrophiques pour elle en terme d'atteinte à sa réputation et à son image dans les milieux professionnels, notamment vis à vis des organismes financiers.

Elle ajoute que la liquidation judiciaire de la société ALLIANCES LOGISTICS dans laquelle elle détenait 66,66 % des parts a eu un impact financier pour elle.

Elle demande donc la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef .

En l'espèce, il apparaît que la société FINANCIERE BERT a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts devant les juridictions pénales, faute de lien entre le préjudice qu'elle alléguait et les agissements dont Monsieur [X] a été reconnu coupable.

Pour autant, dans la relation de travail qu'elle avait avec Monsieur [X] et dès lors qu'elle était actionnaire majoritaire de la société ALLIANCES LOGISTICS, il apparaît établi l'existence d'un préjudice en terme d'images mais également financier en ce que la société dont elle détenait des parts a été du fait des agissements placée en liquidation judiciaire.

Ce préjudice a été justement apprécié par les premiers juges en ce qu'ils ont alloué à la société FINANCIERE BERT la somme de 5000 €.

Sur les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] qui succombe en son appel, sera débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FINANCIERE BERT prospère partiellement en son appel incident et dès lors qu'il serait inéquitable de laisser à la charge la totalité de ses frais irrépétibles, il convient de condamner Monsieur [X] au paiement de la somme de 1500 € de ce chef.

Il convient également de condamner Monsieur [X] aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS.

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [M] [X] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE de ce chef à payer à la société FINANCIERE BERT la somme de 1500 €,

LE CONDAMNE aux dépens d'appel.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 18/00467
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°18/00467 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;18.00467 ?
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