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16/01/2020 | FRANCE | N°16/06742

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 16 janvier 2020, 16/06742


N° RG 16/06742

N° Portalis DBVX-V-B7A-KSG3









Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 08 août 2016



RG : 2013j780







Société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED

SA GL EVENTS SERVICES

SAS GL EVENTS AUDIOVISUAL

SA LIVE BY GL EVENTS



C/



SAS BOLLORE LOGISTICS

Société GABON FRET

SA SKY GABON

Société AIRNAUTIC FRANCE

Société LUXAIR SOCIETE LUXEMBOURGEOISE DE NAVIGATION AERIE NNE SA

SAS SDV LOGI

STIQUE INTERNATIONALE

Société CARGOLINER

Société TRANSPORTS G. BARBIER

Société SDV GABON





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 16 Janvier 202...

N° RG 16/06742

N° Portalis DBVX-V-B7A-KSG3

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 08 août 2016

RG : 2013j780

Société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED

SA GL EVENTS SERVICES

SAS GL EVENTS AUDIOVISUAL

SA LIVE BY GL EVENTS

C/

SAS BOLLORE LOGISTICS

Société GABON FRET

SA SKY GABON

Société AIRNAUTIC FRANCE

Société LUXAIR SOCIETE LUXEMBOURGEOISE DE NAVIGATION AERIE NNE SA

SAS SDV LOGISTIQUE INTERNATIONALE

Société CARGOLINER

Société TRANSPORTS G. BARBIER

Société SDV GABON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 16 Janvier 2020

APPELANTES :

Société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED, anciennement dénommée TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED

[Adresse 1]

[Adresse 1] (ANGLETERRE)

Représentée par Me Séverine LAVIE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Thierry PETEL, avocat au barreau de PARIS

SA GL EVENTS SERVICES

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représentée par Me Séverine LAVIE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Thierry PETEL, avocat au barreau de PARIS

SAS GL EVENTS AUDIOVISUAL

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représentée par Me Séverine LAVIE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Thierry PETEL, avocat au barreau de PARIS

SA LIVE BY GL EVENTS, anciennement dénommée MARKET PLACE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Séverine LAVIE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Thierry PETEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SAS BOLLORE LOGISTICS anciennement dénommée SDV LOGISTIQUE INTERNATIONALE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE

Société SDV GABON

[Adresse 7]

[Adresse 7] GABON

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE

Société LUXAIR SOCIETE LUXEMBOURGEOISE DE NAVIGATION AERIENNE

Aéroport de [Localité 8]

[Adresse 5]

Représentée par Me Philippe DUCRET, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Novembre 2019

Date de mise à disposition : 16 Janvier 2020

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne-Marie ESPARBÈS, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Anne-Marie ESPARBÈS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de la Coupe africaine des nations 2012 (la Coupe) à [Localité 6] (Gabon), la société GL Events Services (GL Events), professionnel de l'événementiel, a remporté le marché de la sonorisation et de l'éclairage. Le matériel, partie propriété de la société GL Events et partie louée à d'autres sociétés, représentait selon elle environ 632 colis d'un poids total de plus de 124 tonnes.

La société SDV Logistique internationale - SDV LI (SDV LI) a été mandatée par la société

GL Events en qualité de commissionnaire de transport afin d'organiser l'acheminement transport aller-retour, en groupage, dit-elle entre la France et le Gabon.

Des filiales de la société GL Events, à savoir les sociétés GL Events Audiovisual et Market Place, ont participé à l'opération.

A l'issue de la Coupe le 12 février 2012 au soir, les matériels ont été préparés pour retour

vers leurs différents propriétaires en France.

Jusqu'au 15 février, la société GL Events ou ses filiales ont progressivement démonté les

matériels qui ont été stockés sur le site, conditionnés puis acheminés par camions vers l'aéroport de [Localité 6].

En fonction de leur préparation, la société SDV LI et sa filiale SDV Gabon les ont pris en

charge, pour les stocker dans un entrepôt loué à la société Gabon Fret sur le site aéroportuaire en attente des aéronefs.

En vue de l'embarquement à bord des charters affrétés par SDV LI, sur recherche du courtier aéronautique la société Airnautic France, les matériels ont été transportés vers

l'enceinte de la société Sky Gabon notamment pour palettisation- avion à compter du 21

février.

Les avions, chargés par les sociétés SDV LI et SDV Gabon, ont décollé de [Localité 6] à

compter du 23 février au matin.

A noter qu'au Gabon, des intempéries avaient perturbé le déroulement des diverses opérations de démontage, stockage, transport et chargement.

A leur arrivée à l'aéroport de [Localité 8], des matériels ont été réceptionnés par la société luxembourgeoise Luxair, qui a émis des rapports de réserves et qui a missionné

la société Cargoliner en qualité de commissionnaire afin d'organiser les transports à suivre.

Cette dernière a notamment sous-traité le transport terrestre des marchandises à plusieurs sociétés, dont la société Transports G.Barbier qui a effectué trois transports par camions vers le site à [Localité 4] (69) de la société GL Events depuis l'aéroport de [Localité 9]. Ces livraisons de 390 colis sont intervenues le 27 février 2012.

Le lendemain 28 février, la société GL Events a saisi un huissier de justice qui a constaté

des avaries.

La société GL Events a dénoncé un sinistre à son assureur la société Tokio Marine Europe Insurance limited (Tokio Marine), également assureur de ses filiales, au vu d'une mouille importante ainsi que de chocs consécutifs à la manutention, l'arrimage et le calage des colis dans les semi-remorques à la livraison.

Le 2 mars 2012, la société Tokio Marine a fait diligenter un compte-rendu rapide d'intervention, au contradictoire du commissionnaire de transport SDV LI et dans les locaux de la société GL Events, par le cabinet GM Consultants, qui a constaté d'importants dommages de mouille et des dégradations.

Puis, par voie de requête fondée sur l'article L.133-4 du code de commerce en date du 22

mars 2012, la société Tokio Marine a sollicité la désignation d'un expert judiciaire auprès

du président du tribunal de commerce de Lyon, qui, par ordonnance du 26 mars 2012, a

désigné M. [R].

Etant révélée l'existence d'un sinistre survenu à l'arrivée des matériels au Gabon le 26 janvier 2012, qui avait donné lieu à un rapport d'avaries rédigé par le cabinet d'expertise gabonais Comisav Gabon daté du 15 février 2012, la mission de l'expert judiciaire a été complétée par une ordonnance de référé du 2 novembre 2012 pour prendre aussi en compte le voyage aller des matériels (France-Gabon).

L'expert a déposé son rapport le 24 juin 2014.

L'assureur ayant versé des indemnités à ses assurés, et par actes d'huissier des 25 janvier et 1er février 2013, les sociétés Tokio Marine, GL Events, GL Events Audiovisual, et Market Place ont fait assigner les sociétés SDV LI et SDV Gabon devant le tribunal de commerce de Lyon.

Les défenderesses, par des actes d'huissier des 22 et 25 février ainsi que 1er avril 2013,

ont appelé à la cause les sociétés Gabon Fret, Sky Gabon, Airnautic, Luxair, CargoLiner

et Transports Barbier.

La société CargoLiner a aussi fait appeler à la cause, les 18 et 22 février 2013, les voituriers qu'elle avait missionnés dont la société Transports Barbier.

Après jonction, et par jugement du 8 août 2016, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit l'action introduite par la société Tokio Marine recevable en sa qualité de créancier subrogé dans la limite des sommes remboursées,

débouté les sociétés Tokio Marine, GL Events Audiovisual et Market Place de l'ensemble de leurs demandes formulées au titre de ce transport, [était omise par erreur la société mère GL Events],

et de leurs demandes de condamnation à l'encontre des sociétés SDV LI et SDV Gabon au titre de la garantie de commissionnaire de transport,

et à l'encontre des sociétés SDV LI et SDV Gabon au titre du transport retour,

déclaré hors de cause la société Cargoliner et ses substitués (') dont la société Transports Barbier,

condamné solidairement les sociétés Tokio Marine, GL Events, GL Events Audiovisual et Market Place [contrairement au dire dans l'arrêt du 31 janvier 2019 p.5, la société GL Events a bien été mentionnée par le premier juge], à payer la somme de 15.421,04 € à la société Transport Barbier pour frais de conseils,

condamné les sociétés Tokio Marine, GL Events Audiovisual et Market Place [était omise par erreur la société mère GL Events] à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

25.000 € à la société SDV LI,

25.000 € à la société SDV Gabon,

3.000 € à la société Sky Gabon,

6.000 € à la société Cargoliner,

5.000 € à la société Transports Barbier,

5.000 € à la société Airnautic France,

46.000 € à la société Luxair,

débouté les parties de toutes autres prétentions,

condamné la société Cargoliner à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile des sommes à 4 des sociétés missionnées par elle,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné les sociétés Tokio Marine, GL Events Audiovisual et Market Place [était omise par erreur la société mère GL Events] aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 20 septembre 2016, les sociétés Tokio Marine, GL Events, GL Events Audiovisual et Live by GL Events (nouvelle dénomination de Market Place) (ci-après nommées les appelantes) ont interjeté appel.

Par ordonnance réputée contradictoire du 29 mai 2017, la juridiction de la première présidence a notamment débouté les appelantes de leurs demandes d'arrêt de l'exécution provisoire et de consignation, en statuant sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de cinq intimés.

Par ordonnance du 17 octobre 2017 confirmée par arrêt sur déféré du 8 mars 2018, le conseiller de la mise en état a notamment déclaré caduque la déclaration d'appel du 20 septembre 2016 formée par les sociétés appelantes à l'égard de la société Sky Gabon, dit que l'instance d'appel perdure entre les autres parties, a mis à charge des appelantes

les dépens engagés par cette dernière outre une indemnité de procédure de 2.000 €, portée à 4.000 € par l'arrêt.

Par arrêt avant-dire droit du 31 janvier 2019, la cour a :

constaté que la société Sky Gabon a été exclue de la présente cause d'appel suite à l'arrêt sur déféré du 8 mars 2018 maintenant les termes de l'ordonnance du 17 octobre 2017 prononcée par le conseiller de la mise en état,

rejeté la demande des sociétés Bolloré Logistics [nouvelle dénomination de SDV LI] et SDV Gabon en non-homologation du rapport d'expertise,

rejetant la demande de la société Transports G.Barbier en homologation du rapport d'expertise,

mettant hors de cause :

la société Gabon Fret, par infirmation du jugement,

la société Airnautic France, par infirmation du jugement,

la société Cargoliner, par confirmation du jugement,

et la société Transports G.Barbier, par confirmation du jugement,

condamné en conséquence, in solidum les sociétés appelantes Tokio Marine Kiln Insurance limited (anciennement dénommée Tokio Marine Europe Insurance limited), la SA GL Events Services, la SAS GL Events Audiovisual et la SA Live by GL Events (anciennement Market Place), du chef de l'article 700 du code de procédure civile, à verser :

à la société Airnautic, une somme globale de 34.000 €,

à la société Transports Barbier une somme globale de 25.000 €,

à la société Cargoliner, une indemnité globale de 20.000 €,

ordonné la réouverture des débats pour :

1 - obtenir les contrats, si possible en originaux pour plus de lisibilité, conclus au titre de chacun des deux voyages aller et retour, les appelantes devant en outre communiquer avec traduction en langue française les trois rapports d'avaries émis par la société Luxair pour le voyage retour,

2 - obtenir de nouvelles conclusions des parties sur le choix du régime juridique applicable aux demandes des appelantes et aux défenses des intimés, tant au titre du transport aller qu'au titre du transport retour, ainsi que sur le contrat de commissionnement, à motiver, les appelantes devant en outre s'expliquer sur la faute personnelle dolosive imputée à SDV LI et notamment son fondement juridique,

3 'ces conclusions devant discuter les effets juridiques de ce choix de régime en termes de recevabilité de l'action des appelantes (forclusion) et détermination de leur indemnisation éventuelle (plafond éventuel),

dit que la poursuite de la procédure concerne :

les sociétés appelantes,

les sociétés SDV LI et SDV Gabon, intimées,

la société Luxair, intimée,

pour ce faire, révoquant la clôture, renvoyé l'affaire en mise en état, avec rappel à

l'audience du 14 mai 2019,

et réservé les autres demandes et les dépens.

Avant nouvelle clôture de la procédure le 8 octobre 2019, les écritures des parties se présentent comme suit.

Par leurs conclusions actualisées déposées le 16 mai 2019, fondées sur les articles 145 du code de procédure civile, L 132-4 et suivants du code de commerce, les articles 1131, 1134 et suivants du code civil, l'article L 133-1 et suivants du code de commerce, les dispositions de la convention internationale du 19 mai 1956, les dispositions de la convention internationale de Varsovie du 12 octobre 1929 et les dispositions de la convention internationale de [Localité 10] du 5 septembre 2003, les sociétés Tokio Marine Kiln Insurance Limited, GL Events, GL Events Audiovisual et Live by GL Events demandent à la cour de :

infirmer le jugement entrepris,

juger recevables et bien fondées leurs demandes formées à l'encontre des sociétés SAS Bollore Logistics anciennement dénommée SDV Logistique Internationale et SDV Gabon, en conséquence,

au titre du « voyage aller » :

condamner la société SAS Bollore Logistics anciennement dénommée SDV Lostique Internationale à payer à la compagnie Tokio Marine Kiln Insurance Limited anciennement dénommée Tokio Marine Europe Insurance Limited la somme à titre principal de 43.982,97 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation avec anatocisme, outre une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

au titre du 'voyage retour' :

condamner conjointement et solidairement, ou les unes à défaut des autres, les sociétés SAS Bollore Logistics anciennement dénommée SDV Lostique Internationale et SDV GABON, à leur payer la somme principale de 626.615,74 €, outre la somme de 59.226,55 € au titre des frais d'immobilisation, sauf à compléter ou à parfaire, également, augmentées des intérêts calculés au taux légal avec capitalisation par année entière à compter de la date de délivrance de l'assignation,

condamner conjointement et solidairement les sociétés SAS Bollore Logistics anciennement dénommée SDV Lostique Internationale et SDV Gabon, ou les unes à défaut des autres, à leur payer la somme de 100.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des frais d'expertise judiciaire avancés par les concluantes ainsi qu'aux entiers dépens.

Par leurs anciennes conclusions du 9 février 2017 fondées sur les articles 237, 238 et 31 du code de procédure civile, L.121-12 et L.172-29 du code des assurances, L.132-4 et suivants dont L.133-1 du code de commerce, 3 de la Convention CMR du 19 mai 1956,1134 et suivants du code civil ainsi que 18 de la Convention de Varsovie, la SAS Bolloré Logistics (anciennement dénommée SDV Logistique internationale-SDV LI) et la société de droit étranger SDV Gabon demandent à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en son intégralité :

I - sur la non homologation du rapport d'expertise :

constater le non-respect par l'expert judiciaire de ses obligations procédurales et déontologiques dans la poursuite des opérations d'expertise et dans l'établissement de son rapport, et constater que ce rapport est une compilation des affirmations des sociétés GL Events et se révèle être une oeuvre partiale, dépourvue d'analyse technique,

II - sur la mise hors de cause des concluantes au titre du transport «aller» :

constater que le rapport d'expertise amiable invoqué par les « demanderesses » au principal à I'appui de leurs prétentions n'est pas contradictoire avec l'ensemble des parties intéressées au transport et qu'il ne procède que par présomptions, qu'il est inefficace à établir l'existence d'un sinistre trouvant son origine dans la réalisation du transport «aller» ; que le courrier adressé par la société Live By Events à la société Bolloré Logistics le 30 janvier 2012 est inefficace à valoir réserve dès lors qu'il a été émis plus de trois jours après l'arrivée des marchandises à l'issue de leur transport «aller »; que les concluantes bénéficient d'une présomption de livraison conforme ; en conséquence, débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes,

III - sur la mise hors de cause des concluantes au titre du transport «retour» :

1- sur l'absence de responsabilité de la société Bolloré Logistics ès qualités de garant du fait de ses substitués :

sur la forclusion de I'action, constater l'absence de réserves motivées établies à destination ou adressées au voiturier dans les trois jours suivant la livraison et la présomption de livraison conforme non contredite dont jouissent les concluantes,

en conséquence, juger forclose à l'encontre de la société Bolloré Logistics l'action en responsabilité engagée par les « demanderesses » au principal au titre des avaries, et débouter Ies appelantes de Ieurs demandes de condamnation à leur encontre au titre de sa garantie de commissionnaire de transport,

sur l'antériorité du sinistre et la faute du chargeur : constater le caractère particulièrement sensible à l'eau et l'humidité des matériels en litige, l'absence d'indication ou pictogramme indiquant leur particulière sensibilité, l'absence de leur tropicalisation, qu'ils ont été exposés à de forts taux d'humidité et de fortes pluies lors de leur exploitation, stockage et chargement sur camion, que les flight cases ne constituent pas un emballage approprié et suffisant à garantir la bonne conservation des marchandises, et donc juger qu'il ne peut être affirmé que seules des marchandises «non sensibles» aient été empotées en flight cases, constater l'absence totale d'indication sur les flight cases concernant l'absence d'étanchéité et que la société GL Events était parfaitement avisée de la problématique de mouille des matériels empotés en flight cases,

en conséquence, juger que le sinistre trouve son origine dans une phase antérieure à la réalisation du transport retour, soit avant la prise en charge des matériels par la société Bolloré Logistics, juger le cas excepté de faute du chargeur constitué à raison du défaut d'emballage et de conditionnement de ses matériels dont il connaît la particulière vulnérabilité, et débouter les appelantes de leurs demandes de condamnation,

en tout état de cause, sur le bon déroulement des opérations de transport confiées, constater que la phase de transport, comme la phase de palettisation avion a été réalisée dans des conditions permettant la bonne conservation des matériels, et juger que la seule palettisation des matériels a été réalisée en extérieur, et non leur stockage en conséquence, juger qu'aucune faute au titre de la réalisation du transport «retour» ne peut leur être imputée, et prononcer leur mise hors de cause,

2 - sur l'absence de faute personnelle de la société Bolloré Logistics :

constater qu'il n'est nullement démontré qu'elle ait eu connaissance des réserves émises par la société Luxair, qu'elle a accompli avec soin et diligence la mission confiée,

en conséquence, juger qu'elle n'a commis aucune faute personnelle de nature à engager sa responsabilité de commissionnaire de transport, et débouter les appelantes de leurs demandes de condamnation,

IV - à titre subsidiaire :

juger que les demandes d'indemnisation formées par les appelantes ne sont nullement fondées en leur quantum,

V - à titre infiniment subsidiaire, sur le bien fondé des appels en garantie délivrés :

constater que, pour l'ensemble des prestations confiées, la société Bolloré Logistics a requis les services d'entreprises tierces, et en conséquence,

juger qu'elle est recevable et bien fondée à solliciter la garantie de ses substitués dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que le sinistre trouve son origine dans une phase de transport confiée à l'un de ceux-ci, et donc condamner la société Cargoliner, Transports Barbier, Gabon Fret, Sky Gabon, Airnautic et Luxair, ou l'une à défaut de l'autre et dans la mesure où la cour déterminera, à relever et garantir les concluantes de toute condamnation prononcée à leur encontre,

VI - en tout état de cause :

condamner tout succombant à leur payer la somme de 50.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Laffly.

Par ses anciennes conclusions du 13 février 2017, la société de droit étranger Luxair société luxembourgeoise de navigation aérienne SA demande à la cour de :

confirmer dans toutes ses dispositions le jugement notamment en ce qu'il a débouté les appelantes de l'intégralité de leurs demandes formées contre elle et les a condamnées à lui payer la somme de 46.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant, prononcer sa mise hors de cause,

condamner les mêmes ou tout succombant à lui verser la somme de 15.000 € à parfaire au titre de l'article 700 précité pour la cause d'appel,

outre charges des entiers dépens dont distraction au profit de l'AARPI A3 Avocats.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé :

- d'une part, au constat que les intimés n'ont pas actualisé leurs écritures après prononcé de l'arrêt du 31 janvier 2019, que la cour ne statue que sur leurs moyens et prétentions compatibles avec les dispositions de cet arrêt,

- d'autre part, que le visa dans la suite du présent arrêt de la société SDV Logistique internationale (SDV LI) vise désormais la SAS Bolloré Logistics,

- et enfin, que la dénomination dans l'arrêt des «'commissionnaires'» pour les intimés vise exactement SDV-LI commissionnaire et SDV-Gabon sa filiale.

I - Sur les demandes des appelantes

Il résulte des écritures des appelantes, parfois peu claires en dépit des demandes de la cour formulées par l'arrêt du 31 janvier 2019, et de celles des sociétés intimées SDV LI et SDV Gabon, parfois succinctes, que l'action engagée par les sociétés d'activité événementielle GL Events, GL Events Audiovisual et Live by GL Events et de leur assureur Tokio Marine, l'est à l'encontre du commissionnaire de transport (SDV-Li et sa filiale gabonaise), qui ne forment aucun recours contre des substitués, désormais absents de la cause.

Dès lors, les dispositions de droit commun contractuel évoquées par les appelantes sont inopérantes.

Le sort de l'action est ainsi examiné au regard des dispositions spécifiques du droit applicable aux commissionnaires, à savoir les articles L 132-1 et suivants du code de commerce, dont certaines dispositions sont visées par les écritures des parties.

Aucun critère d'extranéité n'est non plus applicable, de sorte que le visa des conventions internationales en tête des dispositifs des écritures des parties est inopérant.

Quant à la communication des contrats sollicitée par la cour dans l'arrêt du 31 janvier 2019, elle s'est réduite à la production au débat par les appelantes d'une pièce 44 ainsi dénommée dans leur bordereau de communication de pièces «'Tarification SDV-LI à GL Events pour prestation organisation du transport de 632 colis «'depuis bord camion Franceville/[Localité 6] à rendu dédouané bord camion vos quais'»'», qui s'avère avoir déjà été communiquée en pièce 3 des appelantes et en pièce 1 par les intimées lors des premiers débats d'appel. Aucune pièce nouvelle utile n'a donc été communiquée.

L'examen de ce document appelle les commentaires suivants, à propos des écrits en langue française :

- le document n'est pas signé par GL Events, nom du destinataire visé en tête,

- en fin de chacune des deux pages du document, sont visées des conditions générales, qui semblent porter une limitation d'indemnisation, mais celles-ci ne sont pas communiquées,

- ce document s'analyse en des conditions particulières stipulant précisément que «'l'offre tarifaire s'entend : depuis bord camion Franceville/[Localité 6] à rendu dédouané bord camion vos quais adresses mentionnées sur colisage en pièce jointe'», mais «'la pièce jointe'» n'est pas produite,

- est aussi visée une clause spécifique sur le conditionnement et l'emballage : «'Le conditionnement et l'emballage doivent être conforme (sic) aux spécificités de la marchandise et aptes à supporter les contraintes du transport aérien. Tous pictogrammes ou consignes de manutention (à titre d'exemple «'ne pas gerber'») doivent apparaître clairement sur les colis/caisses, etc.... Obligation de traiter les bois d'emballage selon la réglementation en vigueur NIMP15, il est de la responsabilité de l'emballeur et/ou de l'expéditeur de veiller à ce que le marquage soit conforme à la réglementation : lisibilité et inscriptions sur au moins 2 faces des caisses.»

Dans leurs conclusions, les parties ne contestent pas que leurs relations sont bien régies par un contrat de commission de transport et que le conditionnement ainsi que l'emballage étaient à la charge de l'expéditeur. Il est de plus noté que les sociétés SDV ne sollicitent aucune limitation de l'indemnisation de l'expéditeur, plaidant le débouté des appelantes.

En droit, le commissionnaire de transport supporte une obligation générale de bons soins à apporter à la marchandise depuis sa prise en charge jusqu'à sa livraison ce qui le contraint à devoir communiquer toutes informations utiles à son mandant, et l'article L 132-4 du code de commerce énonce qu'il «'est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée'».

L'article L 132-5 du même code dispose aussi qu'il «'est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure'».

L'article L 132-6 mentionne encore qu'il est «'garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises'».

En cas de faute personnelle reprochée au commissionnaire (hors faute d'éventuels substitués dont il doit répondre), cette faute qui lui interdit d'obtenir la garantie des voituriers, doit être à l'origine des avaries.

En l'espèce, pour s'opposer à l'action des appelantes, les intimées commissionnaires n'invoquent aucune force majeure ni clause contraire à la garantie due. Ne pouvant s'exonérer par l'absence de leur faute, elles sont donc garantes des marchandises. Comme elles requièrent la garantie (totale) de leur donneur d'ordre en sollicitant le débouté des appelantes, il leur appartient de prouver que le dommage a pour origine une faute imputable aux sociétés expéditrices.

A titre informatif, selon l'explication donnée par l'expert judiciaire, les «'flight cases'» sont des caisses pleines sur roues constituées de panneaux de bois reconstitués placés dans des armatures en aluminium et équipées de pièces de quincaillerie de charnières et de dispositifs de fermeture.

A - Le voyage aller :

L'arrêt du 31 janvier 2019 a déjà évoqué des premiers éléments, ils sont complétés comme suit à l'examen des dossiers des parties.

Le litige porte sur partie des 315 colis chargés à l'aéroport de [Localité 9] et arrivés à l'aéroport de [Localité 6] le 22 janvier 2012, qui ont été pris en charge le 26 janvier dans les locaux de SDV Gabon filiale de SDV LI commissionnaire.

Cette date du 26 janvier 2012 est en effet expressément mentionnée dans le rapport du 15 février 2012 rédigé à la requête de Tokio Marine pour le compte de la société Market Place par Comisav Gabon (Les commissaires d'avaries réunies).

Ce rapport a été rédigé au contradictoire de la société SDV Gabon.

Il énonce qu'une partie des colis, non abrités lors de la survenue d'un orage, a été affectée par une mouille d'eau. Précisément, ces colis portaient des traces d'humidité et des gouttelettes d'eau apparentes. Certains des matériels transportés ne démarraient pas à l'allumage, d'autres avaient subi des chocs par endroits et avaient des pieds de supports cassés, des fly cases (dites encore flight cases) étaient soit cassées soit éventrées.

Il est acquis par ailleurs que les matériels ont fonctionné à nouveau après remise en état et réparations.

L'existence de ces dommages est contestée par les commissionnaires dans leurs écritures (p.4), où elles affirment que la réception s'est opérée sans réserves de la part du réceptionnaire, ce qui est en contradiction notable avec le rapport Comisav, connu des intimés.

Au titre des causes des dommages, le rapport Comisav vise une insuffisance de bonnes pratiques d'entreposage et de stockage, qu'il dit imputable à l'agent de la compagnie de transport aérien dénommé Corex, l'un des substitués de SDV-LI.

Celle-ci qui était présente à ces opérations d'expertise, par un représentant de sa filiale SDV-Gabon, n'a pas à l'époque protesté contre ces constatations, ni à propos de l'origine des dommages, alors que, au titre de ces avaries, par une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 30 janvier 2012, la société Market Place a adressé à la société SDV LI un courrier faisant état de son constat de dommages pour certains flight cases inondés (11) ayant atteint divers matériels, qu'elle a listés en lien avec des lignes de facturation.

En sa qualité de commissionnaire, la société SDV-LI est justement recherchée par les appelantes, peu important la consistance de ce courrier de réserves puisqu'en l'espèce, le commissionnaire ne recherche pas la garantie d'un substitué.

Quant au montant des dommages, l'expert judiciaire (p.47 et suivantes) les a chiffrés à la somme de 43.982,47 € de manière également circonstanciée, en examinant l'ensemble des documents mis à sa disposition sur ce sujet, notamment les documents de réparation, également produits au débat par les appelantes.

La cour retient ses appréciations comme pertinentes en dépit des protestations sans fondement de la part des intimées.

B - Le voyage retour :

L'arrêt du 31 janvier 2019 a déjà évoqué des premiers éléments, ils sont complétés comme suit à l'examen des dossiers des parties.

Le voyage litigieux est limité aux 390 colis ayant été transportés par l'un des charters durant le vol référencé par l'expert judiciaire HAWB 120 6001 17/2 LYS (rapport p.38) et livrés sur le site de la société GL Events à [Localité 4] (69) par la société Transports Barbier (mise hors de cause par l'arrêt du 31 janvier 2019).

La garantie des commissionnaires

- les dommages :

Il est démontré que ces colis, en provenance du Gabon, ont présenté des dommages, tels que constatés par l'expert judiciaire (p.42 et suivantes) qui les a examinés soit en totalité soit par échantillonnage représentatif, tant les projecteurs que les flight cases et les matériels qu'ils contenaient, et ses constatations sont précises, non partiales, concordantes, et corroborées par les divers documents pris en compte, aussi produits au débat.

L'expert judiciaire s'est notamment reporté aux mentions des avaries constatées par l'huissier de justice dans le procès-verbal du 28 février 2012, opéré certes unilatéralement sur le site de la société GL Events, mais qui a été rendu contradictoire par le biais de la présente procédure, puisque les sociétés SDV ont pu le discuter, sans compter qu'il a été analysé au cours de l'expertise judiciaire durant laquelle les intimées ont pu communiquer toutes observations.

Ce procès-verbal, agrémenté de photographies, bien que communiqué à la cour uniquement en copie et sans l'inventaire qui est noté avoir été annexé, relève en p.2 au vu de caissons contenant 8 V-DOSC et 36 SB 218 les dégâts suivants :

châssis en bois usés, déformés et écaillés,

caissons remplis d'eau parfois de plusieurs litres,

hauts parleurs oxydés et présentant des dépôts blanchâtres,

roulettes cassées ou endommagées,

mousse humide à l'intérieur des caissons,

colle des membranes de hauts parleurs blanchie au contact de l'eau,

à l'intérieur des caissons ouverts en sa présence, est notée de la moisissure en cours de formation,

les hauts parleurs sont recouverts d'eau et des métaux sont oxydés.

L'huissier a ensuite examiné (p.20) des consoles de mixage Soundcraft M8 Spirit, constatant que les ports de prises Jack sont fortement oxydés, les poignées et bonnets de micros sont également oxydés et griffés, les boîtiers métalliques sont cabossés, les fonds des bacs à câbles sont remplis d'eau sur environ 10 cm, les pourtours sont recouverts de terre, les racks des systèmes d'amplification sont rouillés, les fonds des enceintes MTD 115 sont remplis d'eau, l'eau sort par les connectiques, les pieds des micros sont fortement oxydés également, des Fly Cases sont cassées et présentent de la moisissure.

Encore, l'huissier (p.38) a remarqué que les visseries des VLD 3500 S-Q sont oxydées, de l'eau a pénétré par les grilles des Alpha Spot HPE 1500, le métal est rouillé. Les Fly cases PRG et PROCON sont partiellement recouvertes de terrre, les capotes gonflables de protection contre la pluie sont endommagées, de la moisissure s'est formée, une entretoise de la poutre Stacco de 2,80 m est tordue.

D'ailleurs, le rapport du 7 mars 2012 du cabinet GM Consultant, saisi par l'assureur Tokio marine, qui a diligenté ses opérations le 29 février 2012 lendemain du constat d'huissier, a repris même plus succinctement les descriptions des dommages.

Ces éléments conjugués écartent l'allégation des commissionnaires sur une absence d'avaries.

- la faute personnelle :

En revanche, les «'rapports d'irrégularités de chargement» émis par la société Luxair à l'aéroport du [Localité 8], dont la cour a obtenu la traduction en langue française à la suite de l'arrêt du 31 janvier 2019, s''avèrent inopérants contrairement à ce que soutiennent les intimées.

Ils concernent précisément (exclusion faite du rapport relatif à une plaque arrivée le 2 mars dont l'existence n'est évoquée par aucune des parties) :

- le 24 février 2012, à l'arrivée d'un vol du 23 février, une caisse en bois qui est dite humide, cassée et ouverte, l'emballage est dit avoir été collé/ réparé, la cause étant dite provenir d'un stockage inadapté, et il est répondu «'non'» aux questions demandant si l'emballage était marqué pour indiquer le contenu ou si une inscription «'fragile'» était notée, aucun manquant n'est signalé,

- le 25 février 2012, à l'arrivée d'un vol du 24 février, une caisse en panneau de fibre qui est dite déchirée et écrasée, et il est aussi répondu «'non'» aux mêmes questions et aucun manquant n'est signalé.

Mais leurs constatations sont succinctes, et aucun élément ne permet d'identifier ces deux caisses comme étant des caisses litigieuses.

Or, c'est sur le fondement de ces rapports d'irrégularités émis par Luxair que les appelantes entendent voir retenir une faute personnelle de la part de la société SDV-LI, non pas de sa filiale gabonaise, en expliquant que SDV-LI se devait en sa qualité d'organisateur de bout en bout du voyage retour d'organiser une expertise amiable contradictoire entre les parties, ce à quoi les intimés rétorquent n'avoir jamais eu connaissance de ces réserves émises par Luxair, ce qui n'est pas fondé dès lors que le commissionnaire doit rechercher d'initiative toutes informations lui permettant de suivre le bon acheminement des marchandises.

La recherche par les appelantes d'une telle faute personnelle du commissionnaire empêche en tous cas les intimées de soutenir une forclusion de l'action au visa de l'article L 133-3 alinéa 1 du code de commerce en invoquant l'absence de réserves émises dans les trois jours auprès du voiturier, alors que cette disposition qui relève du contrat de transport, ne peut profiter au commissionnaire que s'il est actionné en qualité de garant d'un substitué. Or, en l'espèce, aucun substitué n'est dans la cause, et tant la société SDV-Li (à qui est reprochée une faute personnelle) que sa filiale SDV-Gabon (à qui n'est pas reprochée de faute personnelle) sont appelées à répondre de la garantie propre qu'elles doivent de plein droit en qualité de garantes des marchandises.

Il n'y a donc pas lieu de retenir une faute personnelle de la part des commissionnaires, qui doivent supporter la présomption de responsabilité applicable à leur qualité, à défaut de pourvoir bénéficier d'une présomption de livraison conforme.

- la cause des dommages :

Quant à la cause de ces dommages survenus durant le voyage retour, les appelantes soutiennent qu'ils sont dus essentiellement à la mouille comme le constate l'expert judiciaire (p.23 et suivants), eu égard à de mauvaises conditions d'entreposage durant la période de prise en charge des matériels confiés aux sociétés SDV-Li et SDV Gabon et aux sociétés missionnées par elles, notamment lors des opérations de palettisation-avion réalisées par la société Sky Gabon (bénéficiaire d'une caducité partielle d'appel).

Il est exact, et justifié par les relevés et situations versés au débat, d'ailleurs examinés par l'expert judiciaire,dont la synthèse est retenue comme exacte, que les conditions météo ont été défavorables, s'étant révélées très importantes, avec des pluies tropicales et orages violents, et ce, durant toute la période incriminée de février 2012, étant précisé que :

- les opérations de démontage ont débuté dès l'issue de la CAN le 12 février au soir avec mise sur palettes puis transfert sous les coursives du stade vers 21h,

- elles se sont poursuivies le 13, jour où il a plu, pour démontage, mise en flight cases et transfert vers les coursives,

- les matériels dits étanches ont été démontés le 14 sous la pluie,

- le transfert jusqu'au site aéroportuaire s'est effectué à compter du 15, surtout le 16,

- puis, les opérations de palettisation ont eu lieu, à la charge des commissionnaires, l'expert rappelant la présence des agents de SDV-LI en supervision des opérations de leurs agents (p.51 de l'expertise) les 21 février, jour de précipitations violentes, et le 22 février.

Les conditions météorologiques qui ont eu une incidence incontestable sur la survenance des avaries, ne peuvent pas toutefois relever d'une force majeure.

Il résulte par ailleurs de l'expertise judiciaire confortée par des pièces communiquées que l'entrepôt proche de l'aéroport de [Localité 6] était de dimension trop petite pour accueillir et protéger l'ensemble des colis, jusqu'à la palettisation comprise. La surface de l'entrepôt, annoncée à 730 m2 s'est révélée n'être que de 659,5 m2, comme le dit l'expert judiciaire.

A supposer même que tous les colis aient été fermés et protégés comme le soutiennent les appelantes, sur la foi notamment des déclarations de M. [V], dont l'objectivité est toutefois sujette à caution étant un agent des commissionnaires, ce qui n'est pas démontré, et ce qui a notamment été contesté par les agents de Sky Gabon, chargée de la palettisation et du chargement à bord de l'aéronef le 24 février, lors de l'expertise judiciaire (p.52 b), cette opération de palettisation a été faite sur le tarmac et donc en extérieur, ce qu'a confirmé le courriel de M. [Z] du 11 avril 2012 (rapport p.56).

Les bâches et films polyane utilisés par les commissionnaires en protection se sont révélées en outre insuffisantes face aux précipitations tropicales, bien qu'acquises pour l'occasion selon les dires des appelantes.

Par voie de conséquence, les commissionnaires doivent leur garantie, étant responsables de plein droit du bon acheminement des marchandises qui leur sont confiées, d'autant qu'ils auraient dû accentuer leur vigilance du fait de la survenue des dommages à l'aller résultant d'une alerte de la fragilité des marchandises à la mouille.

L'exonération partielle des commissionnaires

Cependant, divers éléments établissent une faute de l'expéditeur, en lien causal avec les dommages, portant sur le conditionnement des colis et caisses.

Les commissionnaires soutiennent au titre de l'antériorité du sinistre une faute du chargeur, qu'ils relèvent au visa :

- du caractère particulièrement sensible des matériels confiés et l'absence de marquage,

- les conditions d'exploitation de stockage et de chargement des matériels non satisfaisantes en ce qu'elles n'ont pas permis de garantir la préservation des matériels,

- un conditionnement et un emballage des matériels non conformes eu égard à la spécificité technique des matériels et à leurs conditions d'exploitation puis de stockage.

Ils reprochent plus généralement une absence de tropicalisation des colis et matériels.

Les productions des parties permettent de retenir une absence de protection suffisante contre des intempéries tropicales, alors que les expéditeurs en avaient la responsabilité.

En premier lieu, l'expert judiciaire a relevé, et le contraire affirmé par divers témoins préposés des expéditeurs n'est pas crédible, que des témoignages recueillis sur place à [Localité 6] (auditions de M. [B] [I], chef du projet sécurité de la CAN, de deux chauffeurs M. [D] [X] et M. [C]) témoignent que :

- les sociétés GL qui avaient installé des tentes abritant les matériels, ont préféré les enlever dès la fin de la compétition, de sorte que les flight cases se sont trouvées exposées aux intempéries, lors des conditions climatiques très dégradées,

- de l'eau sortait des flight cases lorsqu'elles étaient renversées pour chargement sur le camion, mais le personnel de GL qui en était informé a répondu à un chauffeur «'ça va'»,

- les caisses étaient non protégées et chargées sous la pluie «'car M. [V] vous faisait travailler sous la pluie et à des heures indues sous prétexte qu'il devait voyager le jour après la compétition'».

En deuxième lieu, l'expert judiciaire a noté (p.18) que les camions chargés par les sociétés GL ne pouvaient pas pénétrer dans les coursives. Même s'il note que les coursives avaient une profondeur de 16 m, il aurait fallu, ce qui n'est pas avéré, que toutes les caisses aient été placées suffisamment loin du bord pour ne pas subir des dommages d'eau en provenance soit des flaques d'eau au sol, soit des infiltrations ou écoulements par le bâtiment.

Les deux rapports de DFA Experts, qui s'est rendu au stade de [Localité 6] pour une visite sur place, produits par les commissionnaires, confirment que compte tenu de la configuration des lieux, les matériels n'ont pu être totalement protégés des pluies tropicales et notamment de l'orage violent du 13 février, même placés sous les coursives du stade, et en dépit de la présence d'une bâche à eau couvrant partiellement ce stade et de bâches ayant pu recouvrir les matériels ou les caisses. Ils rappellent de plus que les équipes de GL étaient obligées de placer des matériels dans les caisses, laissées ouvertes jusqu'à leur remplissage, de sorte que ces caisses n'étaient fermées qu'une fois entièrement remplies. Même protégées par des bâches, dites spécialement acquises pour l'occasion par les appelantes, l'étanchéité nécessaire à la mouille n'était pas assurée.

En troisième lieu, l'expert judiciaire a procédé à des essais, qui ont démontré que les flight cases n'étaient pas étanches à l'eau : «'L'eau pénètre dans les flights cases et traverse les parois s'il n'y a pas de conditionnement intérieur. Par contre, s'il y a à l'intérieur des alvéoles en mousse plastique, l'eau reste prisonnière dans la mousse expansée ou en fond de conditionnement» (p.41).

En revanche, il ne sera pas retenu des rapports DFA Experts, à charge des expéditeurs, l'existence d'un phénomène de condensation, dit inévitable compte tenu des conditions météorologiques du moment, dès lors que l'expert a énoncé (p.54) «'même avec un taux d'humidité qui varie de 70 à 96%, il n'y a pas de condensation comme j'ai pu l'indiquer en réponse dans mon compte rendu du 26/03/2013'», ce que la cour retient pour exact.

Il en est de même de l'absence de signalisation du caractère sensible des matériels transportés, retenue par le tribunal, qui s'avère inopérante. Les commissionnaires qui étaient en relations d'affaires avec les sociétés GL ainsi que le démontrent les échanges de courriels, n'ignoraient pas la nature des matériels confiés compte tenu de l'activité de celles-ci, et ils avaient accepté la prise en charge. Une signalisation n'aurait donc pas empêché les avaries et notamment une mouille sur palettes comme exposé plus haut, ce qui est en lien causal majeur avec les dommages avérés. L'expert judiciaire le confirme (p.59) : «'même s'il y avait eu marquage, les flight cases auraient été mouillées'».

Au final, si les commissionnaires doivent leur garantie à l'expéditeur, ils se trouvent exonérés, non pas totalement ce qu'ils requièrent, mais partiellement, dans une proportion que la cour, eu égard aux éléments précédents, conjugués entre eux, fixe à la moitié.

Par voie de conséquence, et par réformation du jugement déféré qui a retenu à tort une exonération totale des commissionnaires, les appelantes obtiennent indemnisation de leur préjudice à hauteur de moitié.

C -Le montant des dommages :

Quant au montant des dommages survenus lors du voyage retour, l'expert judiciaire (p.47 et suivantes) les a chiffrés de manière également circonstanciée, en examinant l'ensemble des documents mis à sa disposition sur ce sujet, notamment les documents de réparation, par ailleurs communiqués au débat.

La cour retient ses appréciations comme pertinentes, rejetant les arguments non fondés des intimés.

Ces dommages,sont retenus pour un montant total (aller et retour) de 626.615,74 €, après prise en compte par l'expert d'un accord partiellement accordé par le fournisseur PRG Varilite pour réduire le total de sa réclamation initiale de 650.046,36 € à la somme de 490.773,45 €.

S'agissant des frais d'immobilisation PRG sollicités en sus par les appelantes à hauteur de 59.226,55 €, alors qu'ils étaient chiffrés à un montant de 74.200 €, il ressort de l'appréciation de l'expert judiciaire qu'ils sont déjà inclus dans le montant global, ils n'ont donc pas à être pris en considération en sus.

D -La condamnation :

Au titre du voyage aller, seul l'assureur Tokio Marine (à l'exception des assurées) sollicite une condamnation de SDV-LI (nouvellement Bolloré Logistics). Au vu des deux quittances subrogatives communiquées bénéficiant à l'assureur à hauteur de 38.949,01 € + 5.033,46 €, Bolloré Logistics (ex-SDV-LI) est condamnée à lui verser la somme totale de 43.982,47 €, avec intérêts moratoires à compter de l'assignation du 1er février 2013 et capitalisation après une année échue d'exigibilité de ces intérêts soit le 1er février 2014.

Au titre du voyage retour, les trois sociétés appelantes et leur assureur Tokio Marine sollicitent la condamnation de SDV-LI et SDV-Gabon, qui bénéficient de l'exonération partielle de moitié. Cependant, les trois sociétés ont subrogé leur assureur Tokio Marine dans leurs droits à hauteur des deux montants visés dans les quittances subrogatives versées au débat soit 350.000 € + 150.000 € = 500.000 €, de sorte que les deux sociétés SDV (Bollore Logistics prenant la place de SDV-LI) sont condamnées, et ce, in solidum, non pas solidairement, à verser :

- à Tokio Marine, une somme de 500.000 / 2 = 250.000 €,

- aux trois sociétés appelantes prises ensemble, une somme de (626.615,74 € - 500.000) / 2 = 63.307,87 €,

- avec les mêmes intérêts moratoires capitalisés.

II - Sur les demandes de Luxair

Dans leurs nouvelles écritures déposées à la suite de l'arrêt du 31 janvier 2019, les appelantes ne forment plus aucune prétention contre Luxair. Les intimées n'ont jamais formé de demande contre cette dernière.

Luxair sollicite la confirmation du jugement sur le débouté des appelantes à son encontre.

Cette décision a plutôt motivé sa mise hors de cause, omettant toutefois de le dire dans le dispositif du jugement.

Il convient, par ajout au jugement, puisque Luxair a été assignée à tort, de la mettre hors de cause.

Quant à l'indemnité de procédure, Luxair la chiffre à 46.000 € pour la cause de première instance et 15.000 € pour la cause d'appel, et ce, justement au vu des justificatifs de paiement produits lors de la procédure devant le tribunal et en équité pour la cause d'appel, de sorte que ces sommes lui sont allouées. La disposition du jugement est ainsi confirmée pour la cause de première instance. La charge revient aux appelantes ensemble in solidum.

III - Sur les autres demandes

Eu égard à la succombance respective des parties, elles gardent la charge des dépens qu'elles ont exposés et aucune indemnité de procédure n'est allouée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt du 31 janvier 2019,

Confirme le jugement déféré sur l'allocation à la société Luxair d'une indemnité de procédure de 46.000 € pour la cause de première instance,

L'infirme sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Au titre du voyage aller, condamne la société SDV-LI nouvellement dénommée Bolloré Logistics à verser à la société Tokio Marine Kiln Insurance limited (anciennement dénommée Tokio Marine Europe Insurance limited) une somme de 43.982,47 €, avec intérêts moratoires à compter de l'assignation du 1er février 2013 et capitalisation à compter du 1er février 2014,

Au titre du voyage retour, par suite d'une exonération partielle à proportion de moitié, condamne les sociétés SDV-LI nouvellement dénommée Bolloré Logistics et SDV-Gabon, in solidum, à verser :

à la société Tokio Marine Kiln Insurance limited (anciennement dénommée Tokio Marine Europe Insurance limited) une somme de 250.000 €,

aux sociétés appelantes, la SA GL Events, la SAS GL Events Audiovisual et la SA Live by GL Events (anciennement Market Place), ensemble, la somme de 63.307,87 €,

avec intérêts moratoires à compter de l'assignation du 1er février 2013 et capitalisation à compter du 1er février 2014,

Déboute les appelantes de leur demande au titre des frais d'immobilisation,

Met hors de cause la société Luxair,

Condamne les sociétés appelantes Tokio Marine Kiln Insurance limited (anciennement dénommée Tokio Marine Europe Insurance limited), la SA GL Events, la SAS GL Events Audiovisual et la SA Live by GL Events (anciennement Market Place) à verser à la société Luxair une indemnité de procédure de 5.000 € pour la cause d'appel,

Dit que chaque partie appelante et intimée supporte les dépens et frais non répétibles qu'elle a exposés.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 16/06742
Date de la décision : 16/01/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 3A, arrêt n°16/06742 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-16;16.06742 ?
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