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18/12/2019 | FRANCE | N°17/06510

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 18 décembre 2019, 17/06510


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/06510 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LHX4





[W]



C/

SAS SANTEFFI







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Septembre 2017

RG : F14/04992





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019







APPELANTE :



[I] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Me Kabaluki BAK

AYA, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS SANTEFFI

[Adresse 2]

[Localité 2]



Me Myriam ADJERAD de la SELARL ADJERAD AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Mélanie SCHLITTER, avocat au barreau de LYON



DÉBATS EN AUDIENCE PUBL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/06510 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LHX4

[W]

C/

SAS SANTEFFI

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Septembre 2017

RG : F14/04992

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019

APPELANTE :

[I] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Me Kabaluki BAKAYA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS SANTEFFI

[Adresse 2]

[Localité 2]

Me Myriam ADJERAD de la SELARL ADJERAD AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Mélanie SCHLITTER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Octobre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Décembre 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 mai 2001, le centre interbancaire régional Rhône-Alpes (CIRRA) a embauché Madame [I] [W] en qualité de télé opératrice, coefficient 210 de la convention collective SYNTEC (statut ETAM).

Par requête en date du 19 décembre 2014, Mme [I] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant :

- d'ordonner une mesure d'instruction avec injonction à la société de produire et communiquer aux débats :

les 'CV' de toutes les responsables d'unités GDC et des services GCC, de toutes les assistantes commerciales, de toute les coordonnatrices commerciales, de toutes les chargées du suivi des clients, de toutes les gestionnaires clients

les contrats de travail des avenants de toutes ses collègues recrutées à la même époque ou postérieurement à son engagement

les bulletins de paie les trois dernières années de toutes ses collègues ayant les fonctions d'assistante commerciale, de responsable d'unité, de responsable de service, de coordinatrice commerciale, de chargée du suivi des client, de gestionnaire clients

les rapports d'évaluation annuels de 2005 à 2013 concernant toutes ses collègues recrutées à la même époque ou postérieurement à son engagement et ce indépendamment du poste occupé

' à défaut de déférer à l'injonction de communiquer, de condamner la société SANTEFFI à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour traitement discriminatoire, dommages et intérêts pour harcèlement moral et rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Le 20 juillet 2015, la société SANTEFFI a informé Madame [W] qu'elle envisageait de prendre une mesure de licenciement à son égard et qu'elle la convoquait à un entretien préalable fixé au 29 juillet 2015.

Madame [W] ne s'est pas présentée à cet entretien.

Le 3 août 2015, la société SANTEFFI a prononcé le licenciement de Madame [W] pour des faits constituant une cause réelle et sérieuse, précisant que, Madame [W] ne l'ayant pas prévenue de son absence lors de l'entretien et n'en ayant pas sollicité le report alors qu'elle était à son poste de travail, elle lui avait téléphoné et que Madame [W] lui avait indiqué qu'elle refusait de participer à cet entretien.

Par jugement en date du 8 septembre 2017, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [W] de sa demande de mesure d'instruction et de production et de communication de pièces

- débouté Mme [W] de ses demandes de revalorisation salariale et de repositionnement conventionnel

- dit que Mme [W] n'avait pas été victime de discrimination, ni de harcèlement moral et que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse

- débouté Mme [W] de ses demandes en nullité de licenciement et de réintégration, et de toutes ses autres demandes

- débouté la société CA SANTEFFI de sa demande reconventionnelle

- condamné Mme [W] aux dépens de l'instance.

Mme [W] a interjeté appel de ce jugement, le 22 septembre 2017.

Par ordonnance en date du 5 avril 2018, le conseiller de la mise en état a :

- ordonné à la société CA SANTEFFI de communiquer à Mme [W] les pièces suivantes :

- l'extrait du registre du personnel mentionnant la date d'entrée dans l'entreprise des salariés suivants :

Mme [F]

Mme [G]

Mme [Q]

Mme [R]

Mme [O]

Mme [X]

Mme [B]

Mme [L]

- le bulletin de salaire de décembre des années 2012 à 2015 des huit salariées ci-dessus

- rejeté le surplus de la demande de communication de pièces

- dit n'y avoir lieu à la fixation d'une astreinte.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 21 février 2019, Madame [I] [W] demande à la cour :

' d'infirmer le jugement

de statuer à nouveau,

' de prononcer la nullité de son licenciement 'comme mesure de rétorsion de son action en justice pour discrimination et harcèlement moral'

' d'ordonner sa réintégration à son poste

' de condamner la société SANTEFFI au paiement des salaires mensuels échus depuis le 5 octobre 2015, date de la notification de son licenciement, et ce jusqu'à la date de sa réintégration définitive, soit :

à titre principal, 3.765,50 euros par mois

à titre subsidiaire, 2.264 € par mois

à titre infiniment subsidiaire, 1.976,64 euros bruts par mois,

le tout après déduction des sommes perçues auprès de Pôle emploi et pour activités postérieures à son licenciement

' avant-dire droit, en application des dispositions de l'article L 1134-2 du code du travail, d'ordonner une mesure d'instruction avec injonction à la société SANTEFFI de produire et communiquer aux débats :

l'extrait du registre du personnel

les 'CV' de toutes les responsables d'unités GDC et des services GCC, toutes les assistantes commerciales, toutes les coordinatrices commerciales, toutes les chargées du suivi des clients, toutes les gestionnaires clients, notamment ceux des personnes qu'elle désigne

les contrats de travail et les avenants des personnes qu'elle désigne

les bulletins de paie des cinq dernières années de toutes ses collègues ayant les fonctions d'assistante commerciale, responsable d'unité, responsable de service, coordinatrice commerciale, chargé du suivi des clients et gestionnaire client, notamment ceux des personnes qu'elle désigne

les rapports d'évaluation annuels de 2005 à 2011 concernant toutes ses collègues recrutées à la même époque ou postérieurement à son engagement et ce, indépendamment du poste occupé, notamment ceux des personnes qu'elle désigne

' de prononcer une astreinte de 200 € par jour de retard pour la production de pièces sollicitées à compter du huitième jour suivant la notification de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ou à défaut de notification de l'arrêt de la cour

' de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de chiffrer son préjudice découlant de la discrimination après la communication des pièces

à défaut de déférer à l'injonction de communiquer,

' à titre principal, de fixer sa rémunération contractuelle proportionnellement à celle de 1.807,44 euros actuellement perçue sur la base du coefficient de 240 à la somme mensuelle de 3.765,50 euros calculés par pondération du coefficient 500

' de prononcer la requalification de son licenciement en un licenciement nul comme étant justifié par son action en discrimination

' à titre principal, d'ordonner sa réintégration au poste de responsable d'unité et de fixer sa rémunération brute mensuelle au niveau de celle acquise à sa collègue A. [F], à défaut de produire les pièces permettant la comparaison, de fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 3.765,50 euros

' à titre principal, au titre de son préjudice résultant de la discrimination, de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit d'évaluer son préjudice résultant de la discrimination après communication des pièces

' à titre subsidiaire, de condamner la société SANTEFFI au paiement des sommes de :

23.922 euros au titre du solde du différentiel de salaire résultant de la discrimination pour l'année 2011

23.922 euros au titre du solde du différentiel de salaire pour l'année 2012

23.496,72 euros du solde du différentiel de salaire pour l'année 2014

13.706,42 euros au titre du solde du différentiel de salaire pour l'année 2015

3.765,50 euros par mois échu à compter du 6 août 2015 jusqu'à sa réintégration définitive

' à titre subsidiaire, de fixer à 500 son coefficient et à 3.3 sa position hiérarchique correspondant à l'emploi de coordinatrice commerciale déjà assumé en 2011 et de fixer son salaire mensuel conformément à la grille des salaires Syntec pour les ETAM à la somme de 2.264 euros bruts par mois

' de condamner la société SANTEFFI au paiement des sommes de :

5.904 euros au titre du solde du différentiel de salaire résultant de sa qualification professionnelle conventionnelle pour l'année 2011

5.904 euros au titre du solde du différentiel de salaire pour l'année 2012

5.478,72 euros au titre du solde du différentiel de salaire pour l'année 2013

5.478,50 12 eurosau titre du solde du différentiel de salaire pour l'année 2013

3.195,92 euros au titre du solde du différentiel de salaire pour l'année 2015

' de condamner la société SANTEFFI au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral

' de condamner la société SANTEFFI au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Dans ses conclusions récapitulatives et responsives notifiées le 9 septembre 2019, la société SANTEFFI demande à la cour :

' de confirmer le jugement qui a débouté Madame [W] de toutes ses demandes

' de condamner Madame [W] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2019.

SUR CE :

Sur la discrimination

Mme [W] demande à la cour d'ordonner la production des pièces visées ci-dessus dans le dispositif de ses conclusions, en faisant valoir qu'elle a versé aux débats les éléments permettant d'établir :

- d'une part, sa rétrogradation professionnelle puisqu'elle est passée de la fonction de coordinatrice commerciale en 2011 à celle de gestionnaire clients déjà assumée en 2007

- d'autre part, la stagnation de sa rémunération alors que les collègues nommément désignés dont les pièces de comparaison sont sollicitées ont été recrutés après elle et ont eu une évolution de carrière professionnelle et de rémunération non justifiée par des éléments objectifs.

Toutefois, elle n'invoque pas de moyens, ni d'arguments autres que ceux qui ont été soumis au conseiller de la mise en état et qui ont donné lieu à l'ordonnance du 5 avril 2018 à la suite de laquelle la société SANTEFFI a communiqué les pièces conformément à l'injonction qui lui en avait été faite.

La demande de communication de pièces formée à nouveau devant la cour dans les mêmes termes que devant le conseiller de la mise en état doit être rejetée.

Mme [W] fait valoir que les pièces produites aux débats par l'employeur laissent présumer l'existence d'une discrimination, que la grille de classification jointe à la note d'information du comité d'entreprise sur la cartographie des métiers censés être harmonisés à la date du 16 septembre 2011 vient confirmer la discrimination par déqualification professionnelle, que la grille de classification opère une distinction entre l'emploi de gestionnaire clients relevant du même coefficient et position que téléconseiller (position 1.4, coefficient 240 à 250) et l'emploi de coordinateur relevant des positions 2.2 à 3.3 et du coefficient 275 à 500 et que la nouvelle nomenclature des postes supposée avoir harmonisé les anciens intitulés produite pour les besoins de la cause et probablement fabriquée au cours du procès est contredite par l'extrait du registre du personnel, puisqu'on constate que, malgré son recrutement postérieur à la prétendue harmonisation des intitulés des postes, Mme [V] [F] devenue sa responsable est désignée comme coordinateur.

Elle estime qu'il existe des contradictions en ce qui concerne :

- Mme [V] [F], censée relever de la nouvelle qualification, ne figure pas sur la liste jointe à la pièce n° 5.19 alors que son nom est mentionné dans le registre du personnel avec l'ancienne dénomination de coordinatrice, emploi assumé par elle-même, lequel a été déqualifié en gestionnaire de clients

- Mme [O] [Y] figurant sur la grille d'harmonisation avec l'ancien poste de chargée du suivi administratif et le nouveau poste de gestionnaire clients qui est reprise dans l'extrait du registre du personnel à l'emploi de gestionnaire clients

- Mme [P] [H] dont le nom ne figure pas sur la liste d'harmonisation des postes qui est reprise sur le registre du personnel en position 44 comme conseiller commercial sédentaire avec une date d'entrée au 18 avril 2013, alors que cet emploi n'est pas censé exister à la date de communication de ses pièces par l'employeur.

En ce qui concerne sa carrière, Mme [W] soutient qu'elle a été rétrogradée à la fonction de gestionnaire de clients à partir de 2013, alors qu'elle exerçait celle de coordinatrice commerciale, sans aucune explication.

Elle déclare que si les bulletins de paie laissent apparaître l'évolution normale des rémunérations, celle-ci revêt un caractère stagnant d'une part en raison de la stagnation de l'évolution de sa carrière, d'autre part en raison de la stagnation de son coefficient qui est resté à 240 depuis 2002 jusqu'en mai 2015 pour passer à 275, probablement en raison de la saisine du conseil de prud'hommes, sa rémunération étant demeurée la même.

Mme [W] invoque l'existence d'une déqualification survenue en 2011 et ne donne pas de précision quant à la date à compter de laquelle elle considère qu'elle a été victime d'une discrimination.

Néanmoins, au vu des éléments qu'elle présente, il apparaît qu'elle se plaint d'une discrimination à compter de janvier 2012.

Mme [W] tire de la comparaison entre le registre du personnel et la nouvelle grille de classification ayant modifié la dénomination des métiers au sein de la société des constatations qui sont inopérantes en ce qui concerne la discrimination qu'elle allègue, le registre du personnel étant destiné à établir à quelle date les personnes auxquelles elle se compare ont été embauchées et les intitulés des postes de personnes embauchées avant le 1er janvier 2012 figurant sur le registre du personnel ayant été modifiés par la nouvelle grille de classification applicable à compter du 1er janvier 2012.

La rétrogradation invoquée n'est pas démontrée puisque la société SANTEFFI justifie que seul l'intitulé du poste a changé, sans modification des tâches et responsabilités de Mme [W], et qu'il en a été de même de l'intitulé du poste de Mme [F] en septembre 2012.

La société SANTEFFI produit à cet effet le document présentant la cartographie des métiers, daté du 25 janvier 2010, la note d'information du comité d'entreprise sur cette cartographie et la notification du changement de l'intitulé de son poste (devenu gestionnaire clients) qu'elle a adressée à Mme [W] le 19 décembre 2011, laquelle n'a donné lieu à aucune remarque de la part de cette dernière.

La société SANTEFFI justifie par ailleurs des différents postes occupés par Mme [W], laquelle en fait elle-même la liste dans ses conclusions, ainsi que des augmentations de salaire dont elle a bénéficié de 2006 à 2014 (de 1.461 euros en 2006 à 1.807 euros en 2014).

Le coefficient de Mme [W] est resté à 240 jusqu'au 1er mai 2015, date à laquelle il a été porté à 275.

Cependant, il a été noté dans les derniers entretiens d'évaluation de Mme [W] :

- que si l'année 2012 avait été une bonne année, la compétence étant acquise, il fallait à présent s'attacher à plus de rigueur dans la mise à jour des informations, et qu'il y avait encore une alerte sur les retards matinaux malgré les efforts fournis

- que des problèmes avaient été constatés sur la première partie de l'année 2013 au niveau du travail effectué (productivité et qualité), qu'ils semblaient résolus en fin d'année 2013 mais qu'il était impératif de ne plus observer les mêmes dérives en 2014

- qu'il y avait une amélioration sur la productivité depuis décembre 2014, que le positionnement de Mme [W] devait s'inscrire dans une démarche d'équipe et que les règles d'entreprise se devaient d'être respectées,

ce qui montre qu'un certain nombre de domaines restaient à perfectionner, même si Mme [W] a répondu dans sa dernière évaluation qu'elle n'était pas d'accord avec les points qui lui étaient reprochés, qu'elle avait fait pour le mieux compte-tenu des outils limités dont elle disposait et dans des conditions de travail difficiles et qu'elle s'inscrivait dans une démarche d'équipe comme elle l'avait toujours fait depuis 13 ans.

Le cas de Mme [W] a été évoqué lors d'une réunion du CHSCT du 20 juillet 2015 au cours de laquelle la direction a indiqué aux membres présents qu'aucun recrutement ne tenait compte d'une origine plus que d'une autre ainsi qu'en attestait la mixité des équipes et la diversité des origines des collaborateurs, qu'aucun écartement, aucune éviction et aucun mot d'ordre n'avait jamais été formulé par la direction en termes de recrutements ou de promotions.

Mme [W] ne peut se comparer à Mme [F] qui a postulé à un emploi de 'responsable d'unité - gestion de la relation clients' le 3 septembre 2014, emploi auquel elle-même n'avait pas postulé, malgré l'appel d'offres dont elle avait été destinataire, et qui avait dès lors des fonctions et un niveau de responsabilité différents.

En ce qui concerne Mmes [G], [Q], [R], [O], [X], [B] et [L], engagées postérieurement à elle, Mme [W] affirme qu'elles ' ne peuvent justifier par leur ancienneté et leur expérience, y compris leur formation, les critères objectifs de comparaison pour établir ou exclure une discrimination', sans expliquer en quoi sa situation serait moins favorable que la leur, alors que la société SANTEFFI a versé aux débats comme il le lui avait été ordonné le registre du personnel attestant de la date d'embauche de ces salariées et les bulletins de salaire de décembre 2012 à décembre 2015 concernant lesdites salariées, de nature à permettre la comparaison, et qu'il en résulte que leur coefficient pour un poste de gestionnaire de clients ou de gestionnaire comptable n'est pas supérieur à 240 et plus souvent 220 ou 230, et que leur salaire n'est pas plus élevé que celui de Mme [W].

Enfin, Mme [W] ne présente pas d'éléments de fait relatifs aux fonctions qu'elle exerce, au soutien de sa revendication tendant à se voir attribuer la classification la plus élevée des ETAM (position 3.3 coefficient 500).

Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme [W] ne démontre pas l'existence de faits laissant présumer une discrimination liée à ses origines et à son état de santé.

Le jugement qui a relevé qu'il résultait des propres pièces de la salariée qu'elle avait fait l'objet d'une évolution régulière au sein de la société depuis son embauche, qu'elle n'avait pas dénoncé de faits de discrimination avant de saisir le conseil de prud'hommes et qu'elle ne justifiait pas de la saisine des instances représentatives du personnel sur ce point sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'existence d'une discrimination et de sa demande de rappel de salaire consécutive, de même que de sa demande de rappel de salaire fondée sur un repositionnement.

Sur le harcèlement moral

En vertu de l'article L1152-1du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Il pèse ainsi sur le salarié l'obligation de rapporter la preuve d'éléments précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement. Ce n'est qu'à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

A l'appui de sa demande, Mme [W] invoque le contenu humiliant et dégradant de 'ses entretiens annuels' et reproche à la société SANTEFFI son stratagème consistant à avoir mis en place un 'audit social' en réaction à sa saisine du conseil de prud'hommes.

Elle indique dans ses conclusions qu'elle a produit, en plus des entretiens annuels, de nombreuses pièces de nature à conforter son reproche de harcèlement commis par l'employeur, à savoir les pièces 16 à 20.

Ces pièces sont :

- des courriels envoyés à Mme [W] par Mme [D], responsable des ressources humaines, en mai 2014, afin de la convoquer dans son bureau et de lui adresser une mise en garde postérieurement à leur entrevue

- des courriels datés de décembre 2014, dans lequels Mme [W] demande pour quel motif elle ne fait pas partie des principales interlocutrices désignées pour répondre aux plate-formes et l'explication en réponse de Mme [A], responsable du service clients

- un courriel envoyé par Mme [A] à Mme [W] le 8 juin 2015, dans lequel elle rappelle le nombre des contrats devant être saisis par jour en réponse à un courriel de Mme [W] qui lui signale qu'elle est seule depuis plus de deux semaines pour traiter des contrats.

- les échanges relatifs à l'audit sur les risques psycho-sociaux organisé par la société SANTEFFI, Mme [W] annonçant le 6 mai 2015 qu'elle ne souhaite pas participer à cet audit.

Ces courriels et les entretiens d'évaluation ne permettent pas d'établir la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble, sont susceptibles de constituer un harcèlement moral, aucun fait précis n'étant du reste invoqué.

En effet, Mme [W] n'apporte pas d'élément susceptible de démontrer que les reproches ou critiques faits par l'employeur n'étaient pas justifiés et s'appuie dans ses conclusions sur un seul entretien d'évaluation contenant quelques critiques, celui de 2015, dans lequel elle a du reste fait figurer ses propres remarques, comme il a été dit ci-dessus, pour en déduire qu'elle a subi un harcèlement moral.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme [W] au titre du harcèlement moral.

Sur le licenciement

En l'absence de discrimination et de harcèlement moral, le licenciement prononcé par la société SANTEFFI n'encourt pas la nullité, quand bien même il a été prononcé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes tendant à voir reconnaître l'existence de tels faits.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande aux fins de nullité du licenciement.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, Mme [W] a demandé dans le dispositif de ses conclusions d'appel l'infirmation du jugement et a sollicité uniquement de la cour, statuant à nouveau, qu'elle prononce la nullité de son licenciement, sans lui demander, à titre subsidiaire, de statuer sur le bien-fondé du licenciement, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette question.

Mme [W] dont le recours est rejeté sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles d'appel supportés par la société SANTEFFI.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement

CONDAMNE Mme [I] [W] aux dépens d'appel

REJETTE la demande de la société SANTEFFI fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/06510
Date de la décision : 18/12/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/06510 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-18;17.06510 ?
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