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18/12/2019 | FRANCE | N°17/06349

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 18 décembre 2019, 17/06349


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/06349 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LHJV





[C]



C/

SAS FIDUCIAL INFORMATIQUE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Septembre 2017

RG : F 15/01388



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019









APPELANT :



[G] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Me R

omain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Xavier BLUNAT de la SELARL PACHOUD - BLUNAT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS FIDUCIAL INFORMATIQUE

[Adresse 2]

[Adre...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/06349 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LHJV

[C]

C/

SAS FIDUCIAL INFORMATIQUE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Septembre 2017

RG : F 15/01388

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019

APPELANT :

[G] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Xavier BLUNAT de la SELARL PACHOUD - BLUNAT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS FIDUCIAL INFORMATIQUE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Octobre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Décembre 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

M. [G] [C] a été embauché par la société FIDUCIAL INFORMATIQUE le 12 octobre

2009, en qualité de Directeur Général, au statut de cadre dirigeant.

Il percevait, en contrepartie de ses fonctions, une rémunération annuelle de

169 000 euros bruts versée en treize mensualités de 13 000 euros bruts, à laquelle pouvait s'ajouter une prime sur objectif correspondant au maximum à 5 mensualités.

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE qui emploie prés de 500 salariés, a pour activité la conception et la commercialisation de solutions informatiques (formations, systèmes et logiciels) à destination de professionnels.

La relation de travail était régie par la Convention collective des Bureaux d'Etudes Techniques (SYNTEC).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2015, M. [C] a dénoncé auprès de M. [S] [P], Président du groupe FIDUCIAL, les conditions anormales d'exécution de son contrat de travail depuis plusieurs mois, quant à l'attribution de sa prime d'objectif et à la modification de l'organisation de l'activité d'édition de logiciels.

Le 10 avril 2015, M. [C] a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat.

Le 23 octobre 2015, M. [C] était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, à la date du 5 novembre 2015 et dans l'attente de la décision le concernant, il était dispensé d'activité par courrier du 5 novembre 2015.

Son licenciement lui était notifié par courrier du 10 novembre 2015 dans les termes suivants:

« (') diff érents constats nous amènent à déplorer tant la situation économique de ces activités et la poursuite de leur développement, que les modalités de votre management avec les membres de votre comité de direction, qui participe à leur démobilisation.

Enfin, votre attitude, elle-même de plus en plus défiante à l'égard des représentants du groupe, nuit à la poursuite d'une collaboration sereine, constructive et efficace au sein de FIDUCIAL au profit du secteur d'activité dont il vous a été confié la Direction Générale.

Aussi, comme cela vous a été exposé lors de l'entretien préalable du 5 novembre 2015, à l'occasion des opérations de clôture du dernier exercice fi scal, un bilan de vos actions a été conduit.

Ce bilan fait apparaître une dégradation continue des indicateurs économiques et financiers fondamentaux de FIDUCIAL Informatique.

Ainsi, en premier lieu, s'agissant de l'activité commerciale mesurée par la prise de

commandes et l'évolution du portefeuille de nouveaux clients (P) et des résiliations

clients (R), nous constatons une baisse constante de l'activité, qui tend à s'accélérer au cours du dernier exercice.

En effet, en dépit d'un ajustement du budget pour les années 2014/2015, réalisé à votre initiative en collaboration avec la Direction Commerciale et la Direction du Budget en avril dernier, afin de tenir compte des difficultés liées aux marchés juridiques des notaires et des huissiers, le montant des commandes annuelles de négoce, hors contrats d'assistance et de maintenance, enregistre une baisse de 15%, soit - 3 140 K€.

Sur la base du budget initial, arrêté, comme chaque année, sous votre responsabilité et en collaboration avec la Direction du Budget, la baisse des commandes annuelles de négoce ressort même à -22 %, soit - 4 940 K€.

Comparé aux trois exercices précédents, ce volume de commandes relatives à l'activité négoce et hébergement est significativement en diminution de :

- 3,3 M€ par rapport à l'exercice clos le 30 septembre 2014 soit ' 16 %

- 1,2 M€ par rapport à l'exercice clos le 30 septembre 2013 soit ' 7 %

- 2,7 M€ par rapport à l'exercice clos le 30 septembre 2012 soit ' 14 %

Sur le marché Auto-Moto, la prise de commande enregistre une baisse de 20 % par rapport au budget, ceux du Bâtiment et de l'Hôtellerie Restauration, affichent un solde net de ' 103 K€.

De plus, sur l'exercice clos au 30 septembre 2015, le nombre total de nouveaux clients est en diminution de 14 % par rapport à l'exercice précédent.

La variation du portefeuille de clients sous contrat (P-R), évalué en euros constant,affiche une diminution de 1,1 M€ au 30 septembre 2015. Cette diminution,constante depuis le l'exercice 2012-2013 s'accélère même au cours du dernier exercice.

En second lieu, s'agissant de la résiliation de contrats clients, qui témoignent d'une insatisfaction manifeste des clients de FIDUCIAL Informatique, nous constatons que la situation se dégrade également.

Ainsi, au 30 septembre 2015, le nombre de résiliations enregistrées sur les clients notaires, pour les produits FNA et Winnot, s'établissent sur 3 ans à 244, soit 18% du parc, et à 184, soit 11% du parc pour le produit FNC.

S'agissant du produit comptable FNC, le mécontentement de ces clients est un comble pour FIDUCIAL, renommée pour son expertise comptable, et ce d'autant que cette solution était auparavant considérée comme une solution d'excellence, voire la meilleure sur son marché.

Le nombre de courriers de résiliations eff ectuées par les clients huissiers depuis trois ans ressort à 263 soit 36 % du parc.

L'évolution des résiliations est constante d'années en années et concerne des produits qui représentent une part significative du chiffre d'affaires de FIDUCIAL Informatique.

En troisième lieu, nous constatons que le volume de facturation, mesuré par le nombre de factures et d'avoirs émis sur la période, enregistre une diminution constante depuis 5 ans, et atteint ' 3,5 M€ au cours du dernier exercice, soit - 8,2 % sur l'exercice clos au 30 septembre 2015.

Dans ce cadre, le volume de facturation des trois premiers marchés (Huissiers, Notaires et Auto Moto) diminuent considérablement sur 5 ans de - 6,8 M€, dont ' 4,3 M€ uniquement au titre du dernier exercice.

A périmètre constant depuis 2011, le volume global facturé passe de 40,6 M€ au 30 septembre 2011 à 34,6 M€ au 30 septembre 2015, soit une diminution de 15 % soit 6 M€.

En dernier lieu, s'agissant de l'évolution du chiffre d'aff aires, et plus particulièrement par rapport à la dernière version du budget établie en avril dernier, afin de tenir compte des difficultés rencontrées sur certains marchés, le chiffre d'affaires global, retraité des provisions (produits constatés d'avance, factures à établir '), est en diminution de 2,9%, soit - 1,1 M€.

Il convient de noter dans ce cadre que la part de la diminution du chiffre d'affaires récurrent, c'est-à-dire résultant de contrats pluriannuels reconduits tacitement, est très significative, puisqu'elle s'établie à - 4,2%. Or, comme vous le savez, il s'agit de la part de chiffre d'affaires qui permet d'assurer l'avenir et la pérennité de la société.

Ainsi, au 30 septembre 2015, le chiffre d'affaires total est en diminution de 5,7 % par rapport au chiff re d'affaires de l'exercice précédent.

Il résulte de ce qui précède, comme nous l'indiquions ci-dessus, que le bilan de votre gestion n'est pas acceptable au regard de la dégradation continue des indicateurs fondamentaux de FIDUCIAL Informatique.

Cette situation économique dégradée a conduit le Comité d'Entreprise de FIDUCIAL Informatique, à solliciter l'organisation d'une réunion extraordinaire sur la « stratégie de l'entreprise suite aux diffi cultés économiques actuelles » et sur le projet ALLEGORIA.

Cette inquiétude créée un trouble intolérable dans l'entreprise et nuit à l'image et à la légitimité de la Direction Générale de la société.

De plus, nous déplorons certaines options stratégiques que vous avez prises, qui s'avèrent désastreuses et révèlent votre incapacité à gérer et impulser les évolutions technologiques nécessaires pour la société.

Deux faits sont particulièrement marquants à cet égard.

Il s'agit tout d'abord de la mise sur le marché hasardeuse du produit Allegoria, que vous avez réalisée, en dépit des alertes de vos collaborateurs quant aux régressions fonctionnelles de ce produit par rapport à la solution précédente,notamment en termes de développements incomplets des options de personnalisation. Il apparaît très clairement votre absence d'organisation de la maîtrise technologique de ce produit, puisque deux ans après son acquisition vous n'êtes pas parvenu à ce que FIDUCIAL Informatique dispose en elle-même des compétences techniques nécessaires à la prise en main et aux évolutions de ce produit.

Il s'agit ensuite du produit Score, à destination des infirmières, puisque ce produit a été mis sur le marché, sans être suffisamment testé, avec de nombreux dysfonctionnements ou des défauts de conception ou de réalisation informatiques qui ont provoqués de nombreuses réclamations clients.

Ces deux mises sur le marché, pour le moins précipitées, ont significativement dégradé l'image de la société et sa performance commerciale.

Par ailleurs, nous constatons que dans le même temps, vous n'avez mené aucune réflexion stratégique sur l'obsolescence technologique des produits de FIDUCIAL Informatique, ce dont il résulte un retard technique extrêmement élevé sur la majorité de ses produits de FIDUCIAL Informatique.

Ainsi, l'obsolescence indéniable du produit Vulcain, sur le marché Auto Moto, toujours commercialisé en mode licence sur la base d'une technologie obsolète (« Progress »), alors que la concurrence développe des solutions dites hébergées, plus performantes. Cette situation a contraint FIDUCIAL à procéder à l'acquisition de la société SPC dont le produit est performant et utilise des technologies actuelles.

On peut également citer le produit Néo, sur le marché des huissiers, dont la complexité rebute bon nombre de clients, qui préfèrent s'en détourner.Or, l'évolution de ces produits, comme de l'ensemble de ceux développés et commercialisés par FIDUCIAL Informatique est garante du maintien et du développement de la société sur ses marchés.

De même, nous avons constaté, face à l'érosion du chiffre d'affaires lié à la

maintenance matériel, que vous n'avez pas jugé utile de développer des solutions de compensation, notamment marketing, domaine dans lequel vous n'avez de cesse de mettre en avant vos compétences, sans qu'il en résulte d'actions concrètes et opérationnelles.

L'ensemble des éléments rappelé ci-dessus, que vous connaissez parfaitement bien compte tenu des fonctions que vous occupez, aurait dû vous faire réagir et vous concentrer sur le c'ur de vos fonctions. Or, au contraire, vous avez fait le choix de développer un climat délétère avec le groupe FIDUCIAL et sa Direction Générale, ainsi qu'au sein même de la société FIDUCIAL Informatique.

Ainsi, depuis environ un an, alors que vous avez commencé à manifester votre volonté de liquider prochainement vos droits à la retraite, vous avez pris tous les prétextes et saisis toutes les occasions de placer vos échanges sur des considérations accessoires.

Un certain nombre d'attitudes d'opposition, de défiance ou simplement de contestations, toujours plus illustrées et argumentées les unes que les autres, ont ainsi animé votre quotidien et nourris la nature de vos relations avec le Président de FIDUCIAL, la Secrétaire Générale du groupe et le Président de FIDUCIAL INFORMATIQUE.

Votre comportement est ainsi devenu la source de dysfonctionnements tant au sein de FIDUCIAL Informatique, qu'avec les fonctions supports du groupe en lien avec vous.

Pendant cette période, les vraies questions engageant l'avenir de FIDUCIAL Informatique n'étaient pas traitées.

Les difficultés rencontrées avec vos proches collaborateurs qui ont été réduits à solliciter auprès du DRH des éléments d'objectifs et de perspective sont l'illustration de votre désaffection pour vos fonctions ; ainsi en a-t-il été d'un Directeur sollicitant le Directeur des Ressources Humaines quant à sa mission, celle de ses managers et son avenir dans l'organisation.

De même, votre incapacité à évaluer des situations critiques, comme celle de la Direction de l'Assistance Technique, qui est pourtant en charge d'une part importante de la relation clients à travers l'assistance téléphonique et donc, à ce titre, stratégique pour l'entreprise.

Ainsi, votre comportement démontre que vous étiez plus préoccupé par votre situation personnelle que par la gestion et le pilotage de l'activité et des équipes de FIDUCIAL Informatique.

Pour l'ensemble de ces raisons vous avez failli à vos missions et placé la société dans une position incertaine sur son marché et dans une situation dégradée, tant au plan humain qu'économique. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement.(')»

Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, M.[C] ajoutait à ses prétentions une demande subsidiaire de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicitait, en tout état de cause, la condamnation de la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à lui verser les sommes suivantes :

306 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

156 758 euros bruts à titre de rappel de prime sur objectif,

15 675,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,

3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 7 septembre 2017, le conseil de prud'hommes a dit n'y avoir lieu au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C], que le licenciement de M. [C] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de toutes ses demandes en le condamnant aux dépens.

Par déclaration du 12 septembre 2017, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 19 septembre 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [C] demande à la cour de:

à titre principal:

- réformer le jugement attaqué en ordonnant la résiliation judiciaire du contrat de

travail compte tenu des manquements suffisamment graves de la société FIDUCIAL INFORMATIQUE dans l'exécution du contrat de travail ;

à titre subsidiaire:

- dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause:

- condamner la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à lui régler :

306.000 euros nets à titre de dommages et intérêts

156.758 euros bruts à titre de rappel de salaire

15.675,80 euros bruts au titre des congés payés afférents

- condamner la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à lui régler la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance et d'appel distraits au profit de Maître LAFFLY, LEXAVOUE, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 9 mars 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la SAS FIDUCIAL INFORMATIQUE demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de condamner M. [C] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 12 septembre 2019.

SUR CE:

- sur la résiliation judiciaire:

Sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. Tout salarié est recevable à demander la résiliation de son contrat de travail.

Au soutien de sa demande, M. [G] [C] invoque trois types de manquements :

- le retrait de ses prérogatives et de ses attributions, et notamment le retrait de l'équipe 'Bible' du logiciel Allegoria et le retrait de l'équipe télémarketing

- le non-respect des stipulations contractuelles s'agissant de la prime d'objectifs

- une inégalité de traitement par rapport aux autres membres du comité de direction

Pour une bonne compréhension du débat, il convient de préciser que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE a une activité de développement de logiciels au bénéfice des notaires, laquelle est assurée d'une part, par une équipe d'informaticiens et d'autre part, par une équipe de professionnels du droit appelée équipe 'Bible', composée de notaires, de clercs de notaires et de juristes. L'équipe 'Bible' est chargée de rédiger le contenu des logiciels de rédaction d'actes à destination des notaires. La société FIDUCIAL INFORMATIQUE propose trois logiciels de rédaction d'actes qui sont: Fiducial Notaires Acts ( FNA), Fiducial Allegoria et Winnot Expert.

1°) sur le retrait de ses prérogatives:

M. [C] expose que la décision de déménager l'équipe 'Bible'dans les locaux de la société Sofira sous la responsabilité de M. [V], l'a privé à la fois de son pouvoir décisionnaire, mais aussi de la maîtrise des dépenses, ainsi que de sa légitimité au sein de l'équipe.

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE fait valoir que cette décision répondait à un besoin technique juridique urgent compte tenu des difficultés générées par la mise sur le marché précipitée du logiciel Allegoria, alors que le serveur d'hébergement du produit n'était pas prêt et que le contenu rédactionnel du logiciel n'était pas satisfaisant, ce qui a entrainé la perte de 109 clients notaires à la date du 30 septembre 2014.

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE soutient en conséquence que sa décision résulte d'un constat objectif et souligne qu'en tout état de cause, les responsabilités de M. [C] étaient peu impactées dés lors d'une part, qu'il n'avait pas à gérer personnellement et directement l'équipe 'Bible' et que le déménagement concernait une équipe réduite de 10 personnes, installée 150 mètres plus loin, sous la responsabilité de Mme [M], chef de produit juridique, en concertation avec M. [C] sur les problématiques non techniques, Mme [M] étant elle-même rattachée à M. [W], directeur des produits verticaux au sein du bureau d'études.

Elle conclut que le supposé retrait du management d'une équipe de dix personnes sur un effectif total de 441 salariés ne constitue pas un grief suffisamment grave pour justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail, pas plus que le retrait d'une équipe de sept télémarketeurs constituée de salariés en contrat d'apprentissage.

***

Il résulte du débat que M. [C] a été engagé en qualité de directeur général de la société FIDUCIAL INFORMATIQUE et qu'il avait notamment, en cette qualité, la responsabilité du management de l'équipe de juristes spécialisés dans la rédaction des actes à destination des notaires.

Par courrier du 15 avril 2015 de M. [S] [P], Président du groupe FIDUCIAL, la société FIDUCIAL INFORMATIQUE a confirmé à M. [C], qu'elle avait pris la décision de confier au directeur général de la société Sofiral le management de l'équipe 'Bible' au vu des difficultés et insatisfactions constatées en dépit des moyens donnés à M. [C] afin que ladite bible soit à la hauteur des exigences du marché.

La société Sofiral, présidée par Mme [I] [O] épouse [P], est une société d'avocats composant le groupe FIDUCIAL.

Le courrier du 15 avril 2015 faisant expressément le lien entre cette décision et le constat 'd'une perte constante de clients notaires sur les logiciels historiques, FNA et Winnot depuis 2011, c'est- à- dire sous la direction générale de M. [C]', la société FIDUCIAL INFORMATIQUE ne peut, sans contradiction manifeste, soutenir d'une part, que le déménagement de l'équipe 'Bible' était sans impact sur les attributions de M. [C], et d'autre part que M. [C] étant censé développer l'ensemble des activités externes de la société, l'activité de développement de logiciels au bénéfice des notaires n'en constituerait qu'une partie résiduelle.

Ainsi, le caractère réduit de l'équipe concernée par le transfert et la proximité géographique du lieu de déménagement de l'équipe 'Bible' ne constituent pas des éléments d'appréciation pertinents de l'importance des attributions ainsi retirées à M. [C] , alors même que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE précise que son activité externe 'ne se réduit pas seulement aux prestations réalisées au bénéfice des notaires bien qu'elle en représente entre 40 et 45%.', confirmant ce faisant l'importance de cette branche d'activité au sein de la société.

Dans ces conditions, il est légitime pour M. [C] d'avoir 'cristallisé' la discussion, selon les termes de son employeur, sur l'activité de développement de logiciels, au bénéfice des notaires, étant de surcroît précisé que l'un des principaux griefs faits à M. [C] dans la lettre de licenciement porte précisément sur ce point, c'est-à-dire sur la mise sur le marché précipitée du logiciel Allegoria à destination des notaires, en dépit des alertes de ses collaborateurs sur les nombreuses difficultés non résolues.

En affirmant par ailleurs que M. [C] conservait, dans la nouvelle organisation, la responsabilité de problématiques non techniques, avec Mme [M], la société FIDUCIAL INFORMATIQUE confirme de façon univoque qu'elle a retiré à M. [C] la responsabilité des problèmes techniques du logiciel en question, c'est-à-dire le coeur du projet, et qu'elle a par ailleurs placé M. [C] sous la tutelle de Mme [M], pour le reste.

Or, il apparaît que M. [C] qui a été jugé par son employeur, comme insuffisamment apte à comprendre les enjeux techniques de la 'Bible' et à évaluer la pertinence des travaux réalisés, car non juriste, invoque un rapport d'évaluation du projet Allegoria réalisée courant novembre 2014 qui lui est favorable.

Il ressort de ce travail d'audit partiel remis par M. [P] [L] et M. [B] [G] à la direction du groupe FIDUCIAL en la personne de M. [P] et de Mme [Q] [O], que le projet Allegoria repose sur deux personnes, [G] [C] et [Z] [Y] qui 'font tout pour le faire fonctionner'. Il est notamment conclu que 'sans l'implication totale d'[G] [C] dans ce projet, la 'greffe' des équipes et du produit n'aurait pas été possible dans Fiducial Informatique et notamment au BE' et que '[G] [C] subit les carences du BE

( points de vue initial de JMG, départ [C] [H] et absence de patron de BE)'.

Il résulte par ailleurs des pièces versées au débat et notamment d'un compte-rendu d'une réunion tenue quelques mois auparavant et portant sur l'état des lieux du projet Allegoria avant l'organisation d'un congrès relatif à ce projet, d'une part qu'un certain nombre de points étaient parfaitement maîtrisés, et d'autre part, que [Z] [Y] et [G] [C] ont expressément soulevé des difficultés qui ne leur étaient pas imputables.

Ainsi, il apparaît au titre des éléments positifs qu'à cette date, soit le 5 juin 2014, le module FNA était opérationnel et le module Winot, prêt à être livré à la fin du mois de juin comme prévu.

En revanche, deux points sensibles étaient soulevés par M. [Y] et M. [C], soit d'une part l'incapacité de déploiement des serveurs auprès de la société Nexto compte tenu du défaut de fixation des périmètres d'intervention et des tarifs entre les deux sociétés, et d'autre part l'insuffisance du contenu du formulaire au sujet duquel M. [C] soulignait que le départ de deux personnes de l'équipe, Mme [E] [R] et Mme [M] [E] et la prise de fonctions de Mme [M] avaient perturbé la production.

Mme [O] a clôturé la réunion du 5 juin 2014 en donnant l'injonction de concentrer les efforts sur ce dernier point avec un objectif majeur d'élever le niveau de satisfaction du parc et en indiquant que 'le basculement du notaire de FIDUCIAL sur le produit ALLEGORIA serait pour elle un signe très positif et une satisfaction personnelle.'

Ces éléments factuels révèlent que contrairement à ce que soutient la société FIDUCIAL INFORMATIQUE, le bilan relatif au projet Allegoria était, à la date du 5 juin 2014, globalement positif, ce qui autorisait l'optimisme exprimé par la voix de Mme [O].

M. [G] [C] sera d'ailleurs informé, quelques semaines plus tard, par courrier du 1er septembre 2015, de l'agrément accordé par le Conseil Supérieur du Notariat au logiciel de rédaction d'actes Allegoria à la suite de l'homologation du logiciel et du recueil d'avis positifs des notaires pilotes.

L'incompétence de M. [C] dans le management du projet Allegoria comme ayant présidé à la décision de réorganisation est ainsi contredite par les éléments ci-dessus exposés et par l'absence de toute critique formulée à l'encontre de M. [C] par son employeur, avant le courrier du 10 février 2015 dénonçant les conditions anormales d'exécution du contrat de travail.

M. [C] apparaît en effet comme l'interlocuteur incontesté tant par ses collaborateurs et la direction de la société FIDUCIAL que par le Conseil Supérieur du Notariat.

En revanche, la société FIDUCIAL INFORMATIQUE n'apportera aucune réponse aux différentes difficultés soulevées dés le 1er avril 2014 alors même que certaines de ces difficultés auraient pu être aisément résolues.

Ainsi par exemple, l'interpellation de Mme [O] par courriel du 1er avril 2014 sur l'urgence à procéder au remplacement de Mme [E] [R] restera sans réponse alors que M. [C] précise dans cet écrit: 'le lancement de la version 2 d'Allegoria en dépend et en particulier, pour le corpus, il ne reste que l'équivalent de 2 mois de travail par rapport à l'échéance du congrès; le recouvrement entre [E] et [U] ([M]) est indispensable y compris vis à vis des notaires du comité Bible. Pouvons- nous nous voir très rapidement pour définir ce que nous faisons à court terme.'

Il en résulte que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE ne démontre pas la pertinence du constat d'insuffisance professionnelle qui l'a conduite à retirer à M. [C] le management du projet Allegoria, et qu'elle ne justifie pas par ailleurs avoir mis à disposition de M. [C] les moyens notamment humains que ce dernier a revendiqués pour mener à bien le projet en question.

Elle ne justifie pas davantage des actions menées par exemple auprès de la société Nexto pour répondre au problème de déploiement des serveurs alors même qu'elle admet la réalité des difficultés rencontrées avec la société Nexto et précise que la décision d'acquérir cette société, devenue FIDUCIAL CLOUD, était une décision stratégique du groupe destinée à lui permettre de fournir ses propres solutions d'hébergement et sur laquelle M. [C] n'avait aucune emprise.

Dans ces conditions, la société FIDUCIAL INFORMATIQUE, parfaitement consciente de ce que l'hébergement des serveurs n'était pas opérationnel, ne peut se dédouanner de sa propre responsabilité en soutenant qu'il appartenait à M [C] de différer la mise sur le marché du logiciel jusqu'à ce que l'hébergement choisi soit en mesure d'assurer une prestation de qualité.

Enfin il résulte des éléments du débat que M. [C] a été désavoué sur le projet Allegoria à une période éminemment critique dès lors que la société FIDUCIAL a été accusée dans un article de presse du 2 mars 2015, d'avoir usé de manoeuvres en marge de la discussion du projet de loi Macron sur les professions réglementées, dans le but d'intervenir de façon directe ou indirecte au capital des offices notariaux.

Or, il résulte des pièces versées au débat que cette polémique a conduit M. [P], Président du Groupe FIDUCIAL à décider d'abandonner l'hébergement indépendant de son application Allegoria au profit d'un site présentant davantage de garanties pour la sécurité et l'intégrité des données notariales, proposition sur laquelle M. [C] a été largement consulté et qui a eu pour effet de rassurer la profession notariale.

L'ensemble de ces éléments conduit à considérer que la réorganisation de l'activité de développement du logiciel Allegoria à destination des notaires qui a eu pour effet de retirer à M. [G] [C] la responsabilité de l'équipe 'Bible' à un moment particulièrement sensible du projet, au coeur d'une polémique politique, sans qu'il ait été au préalable informé de quelconques doléances que ce soit sur sa pratique professionnelle, et alors même que le débat révèle que des choix stratégiques faits par sa hiérarchie ont été remis en cause, caractérise un grave manquement de la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à ses obligations contractuelles.

2°) sur la prime d'objectifs:

Le deuxième manquement invoqué par M. [C] au soutien de sa demande de résiliation judiciaire résulte du défaut de fixation des objectifs à atteindre pour le calcul de sa rémunération variable.

Il soutient qu'aucun objectif ne lui a jamais été fixé quant aux résultats à dégager et qu'il n'a jamais été convoqué à un quelconque entretien annuel en dépit de ses demandes.

Il expose en outre que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE n'a jamais justifié du montant des primes versées sur les exercices de 2009 à 2014 alors même que l'évolution du résultat d'exploitation de la société révèle une progression constante depuis 2007.

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE considère qu'il s'agit là d'un grief opportuniste en ce qu'il intervient pour la première fois en février 2015 alors qu'il n'a jamais empêché la poursuite du contrat de travail depuis l'embauche de M. [C] en 2009, ce qui démontrerait que ce manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail.

Elle ajoute en tout état de cause qu'une atteinte à la rémunération ne saurait emporter résiliation judiciaire du contrat que si elle représente une part importante de la rémunération, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que M. [C] a perçu en 2011 et en 2012, 95% de la somme maximale à laquelle il pouvait prétendre, 89% de cette somme maximale en 2013, 93% en 2014 et 87% en 2015.

****

Aux termes de son contrat de collaboration, la rémunération de M. [C] est composée d'une partie forfaitaire annuelle brute de 13 mensualités de 13 000 euros, et d'une prime sur objectif correspondant au maximum à cinq mensualités de la rémunération fixe, et ce en fonction des résultats dégagés sur l'exercice allant du 1er octobre de l'année N au 30 septembre N+1. Il est en outre indiqué que cette prime sera liquidée, le cas échéant, le 1er janvier N+2.

Il est constant que lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d'accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il appartient au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, et à défaut des données de la cause.

En l'espèce, il n'est pas contesté par la société FIDUCIAL INFORMATIQUE qu'aucun objectif n'a été fixé à M. [C] qui a perçu:

- au titre des exercices 2009/2010 et 2010/2011, une prime équivalent à 4 mois de salaires, - au titre de l'exercice 2011/2012, une prime équivalent à 3 mois de salaire

- au titre de l'exercice 2012/2013, une prime de 3, 5 mois de salaire

- au titre de l'exercice 2013/2014, une prime de 3,5 mois de salaire.

M. [C] n'a perçu aucune somme au titre de l'exercice 2014/2015.

Dès lors, le grief relatif au paiement de la partie variable de la rémunération portant sur la totalité de la relation contractuelle, la société FIDUCIAL INFORMATIQUE n'est pas fondée à invoquer l'ancienneté de ce grief et par voie de conséquence l'absence d'obstacle à la poursuite de la relation contractuelle.

En ce qui concerne la gravité du grief, la comparaison opérée par l'employeur entre la somme maximale que le salarié aurait pu percevoir et la somme effectivement perçue ne constitue pas le seul critère d'appréciation . En effet, la gravité du manquement de l'employeur réside en l'espèce également dans l'absence d'objectifs clairement définis et dans le défaut de critères transparents pour la liquidation de ladite prime.

Il apparaît en effet que la liquidation de la prime d'objectif de M [C] a été réalisée de façon arbitraire, pour avoir été déterminée au regard d'une appréciation globale tenant compte: 'de la performance de nos produits et de notre organisation, de la satisfaction de nos clients, de la reconnaissance des professions que nous équipons, quantitativement par l'atteinte des objectifs de chiffre d'affaires et de résultats,'selon les termes du courrier de M. [P] du 15 avril 2015, et que l'employeur justifie que M. [C] n'ait pas perçu la totalité de la prime d'objectif par les 'nombreux motifs d'insatisfaction, très souvent rappelés et ayant fait l'objet d'âpres discussions.'

Il en résulte que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE a procédé, de 2009 à 2014 à la liquidation de la prime d'objectifs de M. [C] en appliquant des critères non contractuels et difficilement quantifiables comme 'la reconnaissance des professions que nous équipons' et en utilisant cette prime comme la sanction d'insatisfactions qui n'ont fait l'objet avant la demande de résiliation judiciaire de M. [C], d'aucun avertissement ou observation.

Ces circonstances caractérisent la gravité de l'atteinte portée à la rémunération de M. [C].

3°) M. [C] dénonce enfin des différences de traitement injustifiées entre sa situation et celle des membres du comité de direction quant aux augmentations de salaires annuelles, à la prime d'objectifs ou encore aux gratifications liées au remplacement des membres du comité de direction.

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE fait valoir qu'il n'y a pas de comparaison pertinente de la part de M. [C] qui bénéficiait du statut de cadre dirigeant et n'avait pas le même niveau de responsabilité que les salariés auxquels il compare sa situation.

****

Il résulte des documents informatiques versés au débat, relatifs aux augmentations des membres du comité de direction pour les années 2012, 2013 et 2014 notamment, que sont concernés des salariés ayant le statut de cadre et exerçant pour la majorité d'entr'eux des fonctions de direction commerciale, marketing ou technique. Si M. [C] établit que l'augmentation des autres membres du comité de direction sur la période 2011/2015 s'est élevée à 13,87% tandis que son augmentation pour la même période a été de 4,62%, il apparaît cependant que les autres membres du comité de direction bénéficient, chacun, d'une rémunération mensuelle fixe largement inférieure à celle de M. [C], comprise, en 2013 par exemple, entre 4 820 euros pour M. [J] [A] (chef de service technique) et 8 520 euros pour M. [F] [W] ( directeur du bureau d'études).

Dès lors, M. [C] ne peut se comparer sur ce point avec les autres membres du comité de direction, la comparaison n'étant pertinente qu'entre des salaires correspondant à des niveaux de responsabilité identiques.

En revanche, en ce qui concerne le montant de la prime sur objectifs, M. [C] souligne, sans être démenti par l'employeur, qu'il est le seul membre du comité de direction à n'avoir pas perçu l'intégralité de sa prime sur objectif et à n'avoir reçu aucune gratification particulière pour avoir assumé pendant 18 mois, en plus de ses responsabilités de Directeur Général, celles du Directeur Commercial.

Il s'agit là d'une différence de traitement que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE ne justifie par aucune circonstance particulière, étant rappelé qu'il résulte du contrat de travail que la prime sur objectif est calculée en fonction des résultats dégagés sur l'exercice à l'exception de tout autre critère.

Cette différence de traitement manifeste, renouvelée pendant plusieurs exercices, tout au long de la relation contractuelle, constitue par conséquent un manquement grave de l'employeur.

Les manquements ci-dessus établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier la rupture aux torts de l'employeur.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet à la date de notification du licenciement, soit le 10 novembre 2015.

- sur la demande au titre du rappel de salaires et des congés payés afférents:

M. [C] demande au titre du solde de prime sur objectifs, un rappel de 156 758 euros outre 15 675,80 euros de congés payés pour les exercices 2010 à 2015.

Il expose que la société FIDUCIAL INFORMATIQUE a toujours connu une situation bénéficiaire depuis l'exercice 2010 avec des progressions particulièrement fortes sur chaque exercice, de sorte que rien ne justifie qu'il n'ait pas perçu l'intégralité de sa prime depuis le premier exercice, ni l'absence de toute prime au titre du dernier exercice 2014/2015.

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE s'oppose à cette demande en soulevant à titre principal, les défaillances de M. [C], et à titre subsidiaire, la prescription des sommes revendiquées pour les exercices antérieurs à l'année 2013. Elle conclut en conséquence que les prétentions de M. [C] ne sauraient excéder la somme totale de 103 360 euros, se décomposant comme suit:

68 000 euros au titre de l'année 2015

18 000 euros au titre de l'année 2014

17 360 euros au titre de l'année 2013, outre 10 336 euros au titre des congés payés afférents.

Elle expose, en tout état de cause, que M. [C] qui n'a jamais bénéficié de l'intégralité de la part variable de sa rémunération, ne peut y prétendre à ce jour, et qu'il appartient à la cour de fixer le montant qui devait lui être versé au titre des années non prescrites, en fonction des années précédentes et des données de la cause.

****

Il résulte de l'article L 3245-1 du code du travail que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La prescription de trois ans résulte de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 qui a modifié l'article sus-visé lequel prévoyait, dans sa rédaction en vigueur du 19 juin 2008 au 17 juin 2013 que l'action en paiement ou en répétition se prescrivait par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.

Le point de départ d'un délai de prescription d'une créance salariale étant le jour de son exigibilité, il apparaît qu'en l'espèce, la prime d'objectif de l'exercice 2009/2010 était exigible le 1er janvier 2011 ( N+2 conformément au contrat de travail) , celle de l'exercice 2010/2011 au 1er janvier 2012 , celle de l'exercice 2011/2012 au 1er janvier 2013, de sorte que le délai de prescription applicable à la date d'exigibilité est celui de cinq ans, interrompu par le nouveau délai de prescription sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, la demande de rappel de salaires pour les exercices 2010, 2011, 2012 et 2013 ne devenait prescrite qu'entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2018, de sorte qu'en saisissant le conseil de prud'hommes à la date du 10 avril 2015, M. [C] a bien agi dans le délai de la prescription quinquennale applicable.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a jugé que les demandes antérieures à 2013 étaient prescrites.

En ce qui concerne les principes applicables au calcul de la prime d'objectifs, il a été rappelé ci-dessus qu' à défaut d'accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de la rémunération variable, il appartient au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, et à défaut des données de la cause.

Le contrat de travail de M. [C] prévoyant qu'il pourra être alloué au collaborateur une prime sur objectif correspondant au maximum à cinq mensualités de la rémunération fixe définie par le contrat de travail, en fonction des résultats dégagés sur l'exercice, la société FIDUCIAL INFORMATIQUE qui ne justifie pas de l'existence de critères de minoration de ladite prime soumis à l'accord du salarié et qui ne conteste pas l'affirmation selon laquelle les autres membres du comité de direction ont perçu l'intégralité de leur prime d'objectif, n'est pas fondée à imposer à M. [C] une réduction de sa prime d'objectif.

Faute pour la société FIDUCIAL INFORMATIQUE de critiquer les bases de calcul de la somme demandée par M. [C], il sera fait droit à la demande de ce dernier à hauteur de

156 758 euros outre 15 675,80 euros de congés payés.

- sur les dommages-intérêts:

La société FIDUCIAL INFORMATIQUE conclut à titre principal au rejet de la demande de dommages-intérêts formulée par M. [C] à hauteur de 306 000 euros et à titre subsidiaire, au caractère disproportionné et injustifié d'une telle demande en l'absence de preuve d'un préjudice supérieur à celui réparé par l'indemnité légale minimale de 6 mois de salaires.

En application des articles L 1235-3 et L 1235-5 du code du travail, M. [C] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [C] âgé de 62 ans lors de la rupture, de son ancienneté de six années et un mois, d'un salaire mensuel moyen brut de 19.500 euros, primes incluses, de ce qu'il justifie avoir été inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 15 février 2016 et de ce qu'il a été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 2 mars 2016 au 13 janvier 2017 à minima, sans justifier de sa situation à ce jour, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 120 000 euros.

Le jugement déféré qui a débouté M. [C] de ses demandes sera en conséquence infirmé en ce sens.

- sur le remboursement des indemnités de chômage:

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnisation.

- sur les demandes accessoires:

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société FIDUCIAL INFORMATIQUE.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS:

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant:

ORDONNE la résiliation du contrat de travail signé le 12 octobre 2009 par M. [G] [C] et la société FIDUCIAL INFORMATIQUE

CONDAMNE la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à payer à M. [G] [C] les sommes suivantes:

156 758,00 euros au titre du rappel de salaire de l'exercice 2010/2011 à l'exercice 2014/2015

15 675,80 euros de congés payés afférents

120 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la résiliation consécutive aux manquements de la société FIDUCIAL INFORMATIQUE

ORDONNE à la société FIDUCIAL INFORMATIQUE de remettre à M. [G] [C] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

CONDAMNE d'office la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [C] dans la limite de six mois d'indemnisation,

CONDAMNE la société FIDUCIAL INFORMATIQUE à payer à M. [G] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la société FIDUCIAL INFORMATIQUE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Manon FADHLAOUI Joëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/06349
Date de la décision : 18/12/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/06349 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-18;17.06349 ?
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