La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2019 | FRANCE | N°19/00610

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 05 décembre 2019, 19/00610


N° RG 19/00610 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFAS









Décisions :

- du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS (1ère chambre civile)

Au fond du 03 mars 2016



RG : 16/00090



- de la Cour d'appel de Chambéry (1ère section chambre civile) du 10 octobre 2017



RG : 16/00536



- de la Cour de Cassation (1ère chambre civile) du 28 novembre 2018



Pourvoi n°K17-30.966

Arrêt n°1126 F-D





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS>




COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 05 Décembre 2019



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTS :



M. [O] [W] [D] [W]

né le [Date naissance 1] 1960 à [L...

N° RG 19/00610 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFAS

Décisions :

- du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS (1ère chambre civile)

Au fond du 03 mars 2016

RG : 16/00090

- de la Cour d'appel de Chambéry (1ère section chambre civile) du 10 octobre 2017

RG : 16/00536

- de la Cour de Cassation (1ère chambre civile) du 28 novembre 2018

Pourvoi n°K17-30.966

Arrêt n°1126 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 05 Décembre 2019

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTS :

M. [O] [W] [D] [W]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

S.C.I. DUPLO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant

Et ayant pour avocat plaidant la SELARL FAVRE DUBOULOZ COFFY, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

INTIME :

M. [L] [K] [E]

né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 2] (SUISSE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, avocat postulant

Et ayant pour avocat plaidant la SCP MERMET & ASSOCIES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Octobre 2019

Date de mise à disposition : 05 Décembre 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Elsa MILLARY, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

En 1994, M. [E] et M. [N] ont constitué la SCI SR, chacun d'eux détenant 250 parts sociales et étant cogérant.

Par jugement du 20 juin 2003, la SCI SR, propriétaire d'un ensemble immobilier à vocation industrielle, a été placée en redressement judiciaire et la Banque populaire des Alpes a cédé à Mme [P] [N], fille de M. [N], ses trois créances sur la société et chaque associé.

Le 1er décembre 2003, un accord a été conclu entre les consorts [N], la SCI SR et M. [E] en vue du remboursement de Mme [N], prévoyant un engagement personnel de M. [E] et, le cas échéant, la cession de ses parts.

Le 15 mars 2004, une assemblée générale a pris acte de la cession des parts de M. [E] à Mme [N], et le 26 juillet 2005, une assemblée générale a mis fin aux fonctions de gérant de M. [E].

Par acte authentique du 1er août 2005, reçu par Me [L], notaire, la SCI SR, représentée par M. [E], en qualité de cogérant, a cédé partie de l'ensemble immobilier dont elle était propriétaire à la SCI Duplo, représentée par M. [W], gérant et principal associé, moyennant la somme de 580.000 €.

La SCI Duplo a alors fait procéder à d'importants travaux de rénovation de l'immeuble.

Quatre procédures distinctes ont alors été menées parallèlement ou successivement :

La première procédure :

Par acte du 11 octobre 2005, M. [E] a assigné Mme [N] et la société SR en nullité des décisions d'assemblée générale des 15 mars 2004 et 26 juillet 2005 et reconnaissance de sa situation de cogérant et, par acte du 3 novembre 2005, les consorts [N] et la SCI SR ont assigné M. [E] en nullité de la vente du 1er août 2005.

Par arrêt du 16 mars 2010, la cour d'appel de Chambéry a notamment :

- accueilli les demandes de M. [E] relatives aux parts sociales et à la cogérance,

- retenu que la vente intervenue n'était pas un acte de gestion et n'était pas envisagée dans l'objet social de la SCI SR, que le véritable acquéreur était M. [E] et que la SCI Duplo lui avait servi de prête-nom,

- annulé la vente,

- ordonné la restitution des loyers perçus par la SCI Duplo à la SCI SR,

- rejeté, en l'absence de paiement, la demande de la SCI Duplo en remboursement du prix d'achat de l'immeuble et des travaux,

- révoqué M. [E] de ses fonctions de gérant.

Par arrêt du 11 février 2014, la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi de la SCI a:

- relevé que la cour d'appel avait souverainement retenu que le véritable acquéreur était M. [E], que la SCI Duplo ne lui avait servi que de prête-nom, qu'il n'était pas certain que les factures produites par cette dernière concernaient l'immeuble litigieux et qu'elle ne justifiait pas les avoir réglées ni que les travaux avaient été payés directement par le notaire,

- estimé que la cour d'appel avait pu en déduire que la SCI Duplo devait être déboutée de sa demande de remboursement des travaux,

- rejeté le pourvoi.

La deuxième procédure :

Aux termes d'un acte authentique du 1er avril 2010, M. [E] a, à la suite de l'arrêt du 16 mars 2010 :

- déclaré 'qu'il est parfaitement conscient du préjudice considérable subi par la SCI Duplo alors que celle-ci a bien payé le prix à la SCI SR dont il était le gérant et a réalisé une rénovation complète de l'immeuble situé à [Adresse 3]. Sans que cette déclaration n'ait de conséquence dans le cadre des relations conflictuelles qu'il entretient avec M. [G] [N] et sa fille Melle [P] [N], il indique vouloir garantir la SCI Duplo des conséquences de ce litige et de l'appauvrissement de son patrimoine et de celui de ses associés à concurrence d'une somme évaluée pour les besoins des présentes à 1.000.000 €, et sans que cet engagement ne puisse excéder la valeur des parts données en nantissement ci-après, et sans qu'il puisse engager M. [E] au delà à titre personnel'.

- nanti les 250 parts sociales détenues dans la société SR au profit de la SCI Duplo pour garantir le remboursement de la somme de 1.000.000 d'euros,

- promis de céder à M. [W] ses 250 parts sociales dans le capital de la société SR, sous les conditions suspensives suivantes : rejet du pourvoi en cassation formé par la SCI Duplo et agrément de la cession selon les dispositions de l'article 11 des statuts de la SCI SR.

Par acte d'huissier du 20 avril 2010, M. [N] et la SCI SR ont assigné M. [E] et la SCI Duplo en annulation de ces actes et mainlevée du nantissement des parts sociales.

M. [E] a fait valoir qu'ils ne démontraient pas leur intérêt et qualité à agir en nullité de l'acte, que la cour d'appel de Chambéry ayant très mal apprécié le litige, il avait estimé être moralement responsable du préjudice subi par la SCI Duplo et que la nullité pour défaut de cause ne pouvait être invoquée que par les parties à l'acte.

Par arrêt du 15 octobre 2013, la cour d'appel de Lyon a :

- relevé que l'acte du 1er avril 2010 n'avait été conclu qu'entre M. [E] et la SCI Duplo, qui ne pouvait s'immiscer dans la gestion de ses parts par l'associé cédant, lequel seul pouvait invoquer la nullité de cet acte qui est relative,

- relevé que la preuve d'un concert frauduleux n'était pas rapportée et que M. [N] et la SCI SR, n'étant pas créanciers de M. [E], ne pouvaient agir ni sur le fondement de la fraude paulienne ni par la voie de l'action oblique,

- rejeté leurs demandes.

Par arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi de M. [N] et de la SCI SR a :

- approuvé la cour d'appel d'avoir retenu que ni l'autre associé ni la société, tiers à l'acte de disposition, ne pouvaient s'immiscer dans la gestion de ses parts par l'associé cédant pouvant seul invoquer la nullité de cet acte et qu'ils ne pouvaient agir ni sur le fondement de la fraude paulienne ni par la voie de l'action oblique,

- rejeté le pourvoi.

La troisième procédure :

Par acte du 17 juin 2013, la SCI Duplo a assigné M. [L], et la SCP de notaires, dont il est associé, en réparation du préjudice résultant de l'annulation de la vente du1er août 2005 et de la non-restitution du prix et du non remboursement du prix des travaux qu'elle a effectués sur l'immeuble. Ceux-ci ont appelé en intervention forcée M. [E] afin qu'il soit déclaré seul responsable du préjudice subi par la SCI Duplo.

Par jugement du 14 janvier 2016, le tribunal de grande instance d'Annecy a :

- retenu l'existence de fautes du notaire et de M. [E] lors de la vente,

- condamné ceux-ci solidairement à verser solidairement à la SCI Duplo des dommages-intérêts à hauteur de 122.702,08 €.

Par arrêt du 10 octobre 2017, aujourd'hui définitif en l'absence de pourvoi, la cour d'appel de Chambéry, statuant sur l'appel de M. [E] et de la SCI Duplo, a :

- retenu que le notaire n'avait pas vérifié les pouvoirs du cogérant et avait porté une mention incomplète et obscure sur les modalités de paiement du prix, de sorte que la cour d'appel avait considéré que le prix n'en avait pas été réellement payé et que M. [E] en avait été le véritable acquéreur et qu'il y avait eu simulation destinée à frauder les droits de la SCI SR, alors que la réalité du paiement du prix de vente par la SCI Duplo n'était plus remise en question,

- retenu sur le préjudice que la SCI Duplo avait restitué l'immeuble, à la suite de l'annulation de la vente, sans être remboursée du prix de vente payé, qu'elle avait exposé des frais d'acte en pure perte, effectué des travaux dont elle n'avait finalement retiré aucun profit et perdu des revenus locatifs,

- retenu qu'il n'était pas établi que c'était intentionnellement que M. [E] avait signé seul la vente, alors qu'il n'en avait pas le pouvoir ou qu'il avait agi dans son seul intérêt personnel de manière à nuire aux intérêts de la SCI Duplo,

- infirmé le jugement,

- écarté la responsabilité de M. [E],

- condamné solidairement le notaire et la SCP à payer à la SCI Duplo la somme de 430.6301, 34 € à titre de dommages-intérêts.

La quatrième procédure :

Par acte du 11 janvier 2016, la SCI Duplo et M. [W], estimant que les deux conditions suspensives de l'acte du 1er avril 2010 étaient réalisées ont, après avoir fait estimer la valeur vénale de l'immeuble de la SCI SR à 1.830.000 €, assigné M. [E] aux fins notamment de voir juger parfaite la cession de parts, qu'il soit condamné au remboursement des emprunts immobiliers contractés par SCI Duplo et subsidiairement de voir ordonner la vente forcée des parts sociales.

M. [E] a conclu à la nullité de ses engagements du 1er avril 2010 et à l'allocation de dommages-intérêts, faisant valoir qu'il pensait alors faussement être responsable des préjudices subis par la SCI Duplo et était particulièrement vulnérable.

Par jugement du 3 mars 2016, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a :

- rappelé les dispositions de l'article 1108 du code civil, relevé, au vu du contenu de l'acte du 1er avril 2010, que la promesse apparaissait causée et admis sa validité,

- retenu sur la cession des parts sociales que la demande d'agrément devait être sollicitée préalablement à la cession,

- retenu sur la demande de licitation des parts sociales qu'elle n'était pas fondée en droit, comme n'étant prévue que lorsque le bien n'était pas aisément partageable et du fait que M. [W] n'était pas créancier mais seulement bénéficiaire d'une promesse de cession de parts sociales dont les conditions suspensives n'avaient pas été réalisées,

- rejeté les demandes de la SCI Duplo et de M. [W] ainsi que la demande reconventionnelle de M. [E].

Par arrêt du 10 octobre 2017, rendu le même jour que celui rendu dans l'instance parallèle en responsabilité notariale, la cour d'appel de Chambéry, statuant sur l'appel de M. [W] et de la SCI Duplo, a :

- confirmant le jugement critiqué, écarté les fins de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de grande instance d'Annecy du 14 janvier 2016 et du défaut de qualité à agir,

- réformant pour le surplus, retenu sur la validité de la promesse de cession de parts et du nantissement de ces parts, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1108 du code civil, que la cause de cette promesse était longuement caractérisée dans l'acte notarié qui en donnait un exposé précis, qu'il s'agissait de la reconnaissance par M. [E] de sa responsabilité dans les pertes subies par la SCI Duplo à la suite de l'annulation de la vente, que pendant six ans, M. [E] n'avait jamais contesté la validité de son engagement et qu'il avait même soutenu la validité de l'acte à l'occasion des procédures engagées par la SCI SR pour en obtenir l'annulation, qu'en intervenant au soutien de l'acte, il l'avait confirmé et purgé des irrégularités dont il pouvait être frappé, qu'elles soient relatives au consentement et à la capacité de M. [E] ou à la cause de l'acte, que si M. [E] produisait un certificat médical d'un psychiatre du 11 juin 2015 attestant de problèmes psychiques depuis plusieurs années et notamment d'une capacité de discernement nulle le 1er août 2010, l'acte litigieux était antérieur de plusieurs mois à cette période critique, extrêmement détaillé et précis sur les faits litigieux et quant à la volonté de M. [E] de mettre fin de manière la plus équitable possible au litige, qu'il avait été établi par devant notaire, c'est à dire devant un officier ministériel à même d'apprécier si les parties à l'acte étaient en capacité physique et psychique de comprendre et de signer l'acte en cause, que celui-ci était clair puisque étaient bien distingués les bénéficiaires de la cession de parts et ceux du nantissement et que la promesse de cession de parts et du nantissement était valable,

- retenu sur la promesse de cession de parts que la condition suspensive tenant au rejet du pourvoi était remplie et qu'il appartenait à M. [W] de procéder aux notifications de la cession à la SCI SR et à ses associés,

- déclaré régulière et parfaite la promesse de cession par M. [E] de ses parts dans le capital de la SCI SR à M. [W],

- dit que cette promesse serait notifiée à la SCI SR et à ses associés selon les conditions des articles 1861 du code civil et de l'article 11 des statuts, puis à la commune d'Annemasse au titre de son droit de préemption urbain,

- dit qu'en cas d'agrément de M. [W], la cession de parts serait réalisée au sens de l'article 11 des statuts,

- dit que le prix devrait alors être fixé à dire d'expert conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil,

- déclaré régulier et parfait le nantissement des 250 parts détenues par M. [E] dans le capital de la société SR au profit de la SCI Duplo en garantie du remboursement de la somme d'un million d'euros, ainsi que la promesse de cession de ces parts à M. [W],

- sursis à statuer sur les autres demandes de M. [W] et de la SCI Duplo jusqu'à exécution des formalités d'agrément et d'exercice du droit de préemption,

- condamné M. [E] aux dépens et à payer à M. [W] et la SCI Duplo une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de M. [E], par arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 10 octobre 2017 par la cour d'appel de Chambéry, renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.

La Cour de cassation a considéré qu'alors que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance d'un vice l'affectant et l'intention de le réparer et que la réalisation de ces conditions ne peut résulter de l'absence de contestation de la validité de l'acte avant l'instance en cause ou même de l'invocation de sa validité dans une autre instance, la cour d'appel avait violé l'article 1388 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Selon déclaration du 24 janvier 2019, M. [W] et la SCI Duplo ont saisi la cour de Lyon.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 octobre 2019 par M. [W] et la SCI Duplo qui concluent à la réformation du jugement rendu le 3 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains et demandent à la cour de :

1. Sur la demande de M. [W] et de la SCI Duplo :

Principalement :

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains en date du 3 mars 2016,

- recevoir la demande de M. [W] à l'encontre de Monsieur [E],

- recevoir l'intervention volontaire de la SCI Duplo pour voir aussi exécuter la promesse de cession de parts,

- dire que la promesse de cession de parts de 250 parts détenues par M. [E] dans la SCI SR est parfaite,

- dire qu'elle sera ensuite notifiée à la SCI SR et ses associés selon les conditions des articles 1861 et suivants du code civil et de l'article 11 des statuts,

- dire quelle sera ensuite notifiée à la commune d'Annemasse au titre de son droit de préemption urbain instituée par l'article L.213-1-3 du code de l'urbanisme,

- dire qu'en cas d'agrément de M. [W], la cession de parts sera réalisée au sens de l'article 11 des statuts,

- dire que le prix des parts dû par M. [W] aux droits de la SCI Duplo sera compensée à due concurrence avec la garantie contractuelle de 1 000 000 d'euros donnée par M. [E],

- dire que M. [W] sera rempli de ses droits d'associé, et notamment de ses droits au dividende de la SCI SR depuis le jour du procès-verbal de carence du 19 octobre 2015, subsidiairement depuis le jour de la délivrance de l'assignation en justice, plus subsidiairement encore au jour de l'arrêt à intervenir,

- dire qu'en cas de préemption des associés, de la société ou de la commune d'Annemasse, le prix sera versé à la SCI Duplo au titre de son nantissement conventionnel,

-condamner M. [E] au remboursement des emprunts immobiliers payés depuis ces mêmes dates au Crédit agricole à concurrence de 4 363 € mensuels jusqu'à l'exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner M. [E] paiement de la somme de 125'000,€ au titre de la perte des bénéfices de la SCI SR entre le procès-verbal de carence du 16 octobre 2015 et le 1er juillet 2017, outre une somme mensuelle depuis cette date de 6 250 € jusqu'à parfait exécution de l'arrêt,

- condamner M. [E] paiement de la somme de 10'000 € au titre du préjudice moral subi par M. [W],

- le débouter de sa demande reconventionnelle de nullité de l'acte du 1er avril 2010,

- le débouter de sa demande d'expertise médicale,

- le condamner aux dépens et à la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement :

vu les notifications faites à la SCI SR et à ses associés du projet d'acte de cession de parts,

- dire qu'au vu de l'article 11 des statuts de la SCI et des articles 1862 et 1863 du code civil, la cession de parts est parfaite,

- adjuger à l'appelant le bénéfice de ses autres demandes principales,

Plus subsidiairement :

- désigner tout expert judiciaire pour apprécier la valeur des droits selon les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil,

- dire que le projet de cession de parts sera notifié par M. [W] au vu de ce rapport,

- lui adjuger le bénéfice de ses autres demandes,

2. Sur la demande de la SCI Duplo :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains le 3 mars 2016,

vu le nantissement conventionnel résultant de l'acte authentique du 1er avril 2010,

- pour le cas où la cession des 250 parts sociales appartenant à M. [E] ne serait pas ordonnée par la cour ou ne pourrait être réalisé au profit de M. [W],

- ordonner la vente forcée des 250 parts sociales appartenant à M. [E] dans la SCI SR en désignant la SCP Verdonnet Tissot Grevaz Gauthier, notaires à Annemasse, pour procéder aux formalités préalables et distribution du prix, subsidiairement à la chambre des adjudications du tribunal d'instance de Thonon,

- fixer la mise à prix à 900'000 €,

- dire que cette vente sera notifiée un mois auparavant aux associés et à la société SR selon les dispositions de l'article 1868 du code civil,

- condamner M. [E] aux dépens et au paiement de la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 14 octobre 2019 par M. [E] qui conclut au débouté de la SCI Duplo et de M. [W] en leurs demandes et formant appel incident en ce que le tribunal de grande instance de Thon-les-Bains a rejeté les fins de non-recevoir qu'il avait soulevées, demande à la cour, infirmant de ce chef, de :

- au principal : dire et juger nul et de nul effet l'acte authentique du 1er avril 2010 en raison des vices affectant son consentement et en l'absence de cause,

- subsidiairement et avant dire-droit : désigner tel médecin expert afin de déterminer s'il était apte physiquement et psychiquement à donner un consentement éclairé à l'acte du 1er avril 2010 et lui donner acte de ce qu'il offre de faire l'avance des frais d'expertise,

- subsidiairement dire et juger irrecevables les demandes de la SCI Duplo et de M. [W] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,

- subsidiairement les déclarer prescrites en application de l'article 2224 du code civil,

- dire et juger que la promesse de cession de parts sociales consentie par M. [E] au profit de M. [W] est indivisible de la garantie accordée à la SCI Duplo,

- en conséquence débouter M. [W] de sa demande principale en réitération de la promesse de cession de parts nulle et de nul effet,

- subsidiairement pour le cas où la cour estimerait devoir dire et juger valable la promesse de cession de parts de M. [E] au bénéfice de M. [W] :

- se déclarer incompétente pour désigner l'expert et renvoyer M. [W] à se pourvoir devant le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains statuant en la forme des référés par application de l'article 1843-4 du code civil,

- dire et juger qu'en l'absence de toute créance à l'encontre de M. [E], M. [W] devra lui payer le prix des parts sociales cédées selon évaluation qui en sera faite par l'expert commis,

- débouter de même M. [W] de sa demande en paiement des échéances du prêt immobilier consenti par le Crédit agricole à la SCI Duplo ainsi que de sa demande en de paiement des dividendes revenant à M. [E],

- le débouter de sa demande en dommages-intérêts en réparation d'un prétendu préjudice moral,

- constater que la SCI Duplo ne dispose d'aucune créance à l'encontre de M. [E] et d'aucun titre exécutoire caractérisant une créance certaine liquide et exigible,

- en conséquence débouter la SCI Duplo de sa demande tendant à voir ordonner la vente forcée des 250 parts sociales appartenant à M. [E],

- très subsidiairement dire et juger que la créance de la SCI Duplo à l'encontre de M. [E] doit être diminuée des dommages-intérêts mis à la charge du notaire par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 10 octobre 2017,

- débouter la SCI Duplo et M. [W] du surplus de leurs demandes,

- les condamner in solidum aux dépens et à payer à M. [E] une indemnité de procédure de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 17 octobre 2019.

MOTIFS ET DECISION

I. Sur la demande de Monsieur [E] tendant à la nullité de l'acte notarié du 1er avril 2010 :

Monsieur [E] soutient que l'acte de nantissement de ses parts sociales au profit de la SCI Duplo et la promesse de cession de ces mêmes parts au bénéfice de Monsieur [W] sont nuls et de nul effet en raison d'un vice du consentement, d'une erreur de droit et d'une absence de cause.

Il explique que son avocat n'a pas été informé de ce projet d'acte et qu'il se trouvait alors lui-même dans l'incapacité totale de pouvoir gérer ses affaires courantes ainsi qu'il résulte du certificat médical du docteur [J] ; qu'il a ainsi été contraint de signer l'acte litigieux rédigé dans la précipitation alors même que sa capacité de discernement était altérée.

Il ajoute que c'est par erreur qu'il a déclaré au notaire qu'il était conscient du préjudice qu'il aurait causé à la SCI Duplo alors même que sa responsabilité n'était pas engagée ainsi que l'a reconnu la cour d'appel de Chambéry dans l'arrêt rendu le même jour dans le cadre de l'autre instance.

Il indique enfin que l'acte du 1er avril 2010 n'est nullement constitutif d'une reconnaissance de dette de sa part au bénéfice de la SCI Duplo, s'agissant seulement de consentir une sûreté par nantissement de ses parts sociales au bénéfice de cette dernière, dans l'attente des décisions de justice à intervenir ; que dans la mesure où l'arrêt définitif de la cour d'appel de Chambéry du 10 octobre 2017 a retenu qu'il n'avait commis aucune faute, la sûreté susvisée n'est plus causée.

Monsieur [W] et la SCI Duplo soutiennent quant à eux que Monsieur [E] était en capacité de signer l'acte litigieux du 1er avril 2010 alors même qu'il ne justifie d'aucune incapacité juridique pour ce faire, d'aucune absence de discernement à l'époque de sa signature ni d'aucune violence.

Ils ajoutent que l'acte litigieux n'a jamais évoqué la responsabilité de Monsieur [E], laquelle a été définitivement écartée par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry rendu le 10 octobre 2007 mais trouve sa cause dans l'obligation morale reconnue par l'intéressé, de réparer en partie l'appauvrissement injuste de la SCI Duplo et de Monsieur [W].

Sur ce :

Aux termes de l'article 1108 du code civil, dans son ancienne rédaction applicable au litige, « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

- le consentement de la partie qui s'oblige,

- sa capacité de contracter,

- un objet certain qui forme la matière de l'engagement,

- une cause licite dans l'obligation ».

L'article 1109 suivant ajoute qu'« Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par la violence ou surpris par le dol. »

Le consentement dont il s'agit doit être apprécié au moment où il a été donné.

Il ressort de l'acte signé devant notaire le 1er avril 2010, entre la SCI Duplo, représentée par son gérant en exercice, Monsieur [W], et Monsieur [E], intitulé « nantissement de parts sociales de la SCI SR et promesse de cession de parts », que la cause de cet acte consiste, suivant déclaration expresse de Monsieur [E], dans la conscience qu'il a du préjudice considérable subi par la SCI Duplo qui a effectivement payé le prix à la SCI SR dont il était le gérant et a réalisé une rénovation complète de l'immeuble et dans la volonté de l'intéressé de participer, à concurrence d'une somme de 1 000 000 euros, à la réparation du préjudice ainsi subi.

L'obligation morale de Monsieur [E] ainsi déclarée s'est alors transformée aux termes de l'acte litigieux en une obligation civile tenant à la fois dans une promesse de cession de parts et dans le nantissement de ces mêmes parts à hauteur de 1 000 000 d'euros au profit de la SCI Duplo.

Monsieur [E] échoue en conséquence à démontrer que l'acte qu'il conteste est dépourvu de cause.

Il ressort par ailleurs du certificat médical établi le 11 juin 2015 par le docteur [J], psychiatre à Genève, que Monsieur [E] rencontre des problèmes psychiques depuis plusieurs années et est suivi en consultation depuis avril 2008, qu'il a connu une rechute sévère en juin 2010 caractérisée par un effondrement thymique progressif et la résurgence d'angoisse quasi continues, le médecin ajoutant qu'à la date du 1er août 2010, sa capacité de discernement était nulle, l'intéressé étant dans l'incapacité de comprendre, d'apprécier et aussi de pouvoir envisager les décisions raisonnables à une situation un peu complexe.

L'acte litigieux est antérieur de plusieurs mois à cet épisode critique ; il a été établi devant notaire, officier ministériel à même d'apprécier si les parties à l'acte étaient en capacité physique et psychique de comprendre et de signer l'acte en cause, étant observé par la cour qu'en l'absence du représentant légal de la SCI Duplo représentée à l'acte par un clerc de notaire ayant reçu procuration, Monsieur [E] s'est présenté en personne, ne faisant état alors d'aucune contrainte ni d'aucune conséquence tenant à l'absence d'assistance à l'acte par son conseil habituel.

L'acte, précis et détaillé sur les faits litigieux et sur la volonté claire affichée par Monsieur [E] de participer de manière la plus équitable possible à la réparation du préjudice de la SCI Duplo, distingue le bénéficiaire de la cession de parts pris en la personne de Monsieur [W] et le bénéficiaire du nantissement pris en la personne de la SCI Duplo, le simple fait que dans sa déclaration liminaire Monsieur [E] ait cité la SCI comme cessionnaire des parts étant sans incidence, dès lors que cette partie de l'acte notarié n'est pas décisoire et relève en réalité d'une erreur de plume.

Il ressort enfin de la déclaration faite par Monsieur [E] aux termes de l'acte litigieux, que ce dernier ne reconnaît à aucun moment une quelconque responsabilité, que ce soit en sa qualité de cogérant ou à titre personnel, se bornant à s'engager à participer à la réparation du préjudice subi par la SCI Duplo alors même que par arrêt du 10 octobre 2017, la cour d'appel de Chambéry a définitivement écarté toute faute de sa part, dans l'exercice de ses fonctions de cogérance.

Monsieur [E] ne pouvait donc comme il le soutient à tort, commettre le 1er avril 2010 une erreur de droit s'agissant de sa responsabilité qu'il n'a à aucun moment reconnue.

Monsieur [E] qui était en capacité de contracter le 1er avril 2010 en ce qu'aucune mesure de protection n'avait été prise à son égard et ne ressort d'ailleurs n'avoir jamais été prise, ne démontre en conséquence nullement que l'une des conditions exigées par les dispositions légales susvisées n'aurait pas été remplie lors de la conclusion de l'acte ; il convient en conséquence de débouter ce dernier de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte notarié du 1er avril 2010.

II. Sur les demandes de Monsieur [W] et de la SCI Duplo tendant à l'exécution de la promesse de cession de parts et relatives au nantissement de ces parts, contenus dans l'acte 1er avril 2010 :

- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée :

Monsieur [E] considère que l'acte du 1er avril 2010 constitue soit un cautionnement réel puisqu'il n'a pris aucun engagement personnel de payer la dette d'autrui et affecte seulement à la garantie de la dette un bien meuble ou immeuble lui appartenant, soit une garantie autonome de payer la dette d'autrui ; il soutient alors que la cour d'appel de Chambéry dans son arrêt du 10 octobre 2017 non frappé de pourvoi, a débouté la SCI Duplo de ses demandes dirigées à son encontre au motif qu'il n'avait pas commis de faute ; il prétend que Monsieur [E] et la SCI Duplo étaient tous les deux parties à l'instance, que l'objet des deux procédures est identique puisqu'il s'agit d'obtenir de Monsieur [E] l'exécution d'un engagement de garantie en vertu d'un même acte et que le fondement du bénéfice légal invoqué par la SCI Duplo est le préjudice qu'elle affirme avoir subi du fait de l'annulation de la vente du 1er août 2005 et il conclut en ce sens à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 10 octobre 2017 non frappé de pourvoi.

Monsieur [W] et la SCI Duplo considèrent qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être retenue en l'espèce, les deux instances opposant des parties différentes alors même que la cause et l'objet des demandes étaient également différents.

Sur ce :

L'instance initiée par Monsieur [E] mettant en cause la responsabilité du notaire solidairement avec la SCP dont il est associé n'avait pas pour objet l'exécution de la promesse de cession de parts ayant fait l'objet du nantissement ; Monsieur [W] n'y a pas été attrait ; les conditions tenant à l'identité d'objet et l'identité des parties n'étant pas remplies, aucune autorité de chose jugée n'a lieu d'être retenue en l'espèce.

- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Monsieur [E] conclut encore à la prescription de l'action initiée le 11 janvier 2016 par Monsieur [W] et la SCI Duplo, soit plus de cinq ans après la signature de l'acte authentique du 1er avril 2010.

Monsieur [W] et la SCI Duplo soutiennent quant à eux que la promesse de cession de parts a été soumise à la condition suspensive du rejet du pourvoi en cassation formé par la SCI ; que le délai de prescription n'a couru qu'à compter de l'arrêt de rejet du pourvoi rendu par la Cour de cassation le 11 février 2014, l'action initiée moins de cinq ans après n'étant donc pas prescrite.

Sur ce :

Il ressort de l'acte notarié du 1er avril 2010 que la promesse de cession de parts a été soumise à la condition suspensive du rejet du pourvoi en cassation formée par la SCI Duplo ; l'arrêt de la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi n'a été rendu que le 11 février 2014 ; l'action en exécution de la promesse de cession de parts initiée par Monsieur [W] et la SCI Duplo devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains le 11 janvier 2016, soit dans le délai de cinq ans suivant l'accomplissement de la condition suspensive de rejet du pourvoi, n'est donc pas prescrite.

- Sur la promesse de cession de parts :

Monsieur [W] soutient que la promesse de cession de parts consentie par Monsieur [E] à son bénéfice a été acceptée ainsi qu'il résulte du mandat que les deux parties ont donné à Monsieur [H] afin d'estimer la valeur des parts sociales conformément aux clauses contenues à l'acte ; que ce n'est qu'après la délivrance de l'assignation à jour fixe du 11 janvier 2016 que Monsieur [E] a adressé à Monsieur [W] le 28 janvier 2016, une lettre recommandée avec accusé de réception révoquant purement et simplement sa promesse de cession de parts ; que cette révocation est tardive, postérieure à la levée de la promesse de vente.

Il ajoute qu'il conviendra donc de réformer le jugement pour dire qu'ensuite de la promesse de cession de parts engageant définitivement Monsieur [E], il convient de purger les droits de préemption de la SCI SR et de la commune d'Annemasse ; à titre subsidiaire, ils exposent que le projet d'acte de cession de parts a été notifié par lettres recommandées avec accusé de réception du 20 juin 2016 à la gérance, la société et chacun des associés selon l'article 11 des statuts, l'autre associé n'ayant pas apporté de réponse.

Monsieur [E] expose que la promesse unilatérale de vente figurant dans l'acte authentique du 1er avril 2010 n'a pas été acceptée par Monsieur [W] dans l'acte lui-même mais le 13 octobre 2015, par la notification d'un projet d'acte de cession de parts sociales avec sommation d'avoir à comparaître devant le notaire le 13 octobre 2015 à 16 heures ; qu'à défaut d'avoir été enregistrée dans les 10 jours, l'acceptation de Monsieur [W] est frappée de nullité absolue.

Il ajoute que Monsieur [W] a sollicité l'agrément de la société SR et des associés par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juin 2016, sans mettre en 'uvre la procédure de nomination d'un administrateur provisoire chargé de convoquer une assemblée générale, la notification du projet de cession ne pouvant en tout état cause être faite avant qu'il ait été statué sur la validité de la promesse de cession de parts sociales.

Il fait enfin valoir que si la cour considère comme valable la promesse de cession des parts sociales, il devra en payer le prix tel qu'il sera fixé par expert.

Sur ce :

L'acte notarié du 1er avril 2010 prévoit que Monsieur [E] promet de céder à Monsieur [W] les 250 parts sociales qu'il détient dans la SCI SR sous les conditions suspensives suivantes :

- rejet du pourvoi en cassation formé par la SCI Duplo,

- agrément de la cession, selon les dispositions de l'article 11 des statuts de la SCI SR, le prix étant fixé à dire d'expert selon l'article 1843-4 du code civil.

Si la promesse unilatérale engageant Monsieur [E] a été acceptée par Monsieur [W] qui en réclame l'exécution et a, de concert avec l'auteur de la promesse, dépêché un expert en vue d'obtenir une évaluation du prix des parts sociales, il importe de rechercher si les conditions suspensives qui en conditionnaient sa validité, ont été levées.

Par un arrêt du 9 avril 2015 la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la SCI Duplo ; la condition suspensive formulée en ce sens est donc remplie.

L'article 11 des statuts de la SCI SR intitulé « cession transmission de parts sociales » prévoit que l'agrément de la cession par tous les associés à l'unanimité est indispensable ; que le projet de cession doit être notifié avec la demande d'agrément précisant l'identité complète du ou des cessionnaires proposés, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la gérance, à la société et à chacun des associés ; que dans le mois de la réception de la notification qui lui est faite du projet de cession, la gérance consulte les associés sur la demande d'agrément, selon les modalités prévues plus loin pour les décisions collectives (soit par assemblée des associés, soit par consultation écrite, soit par acte authentique ou sous-seing privé) ; que la notification de la décision d'agrément ou de refus n'a pas à être motivée et qu'en cas d'agrément, la cession est réalisée.

Monsieur [W] a sollicité, respectant en cela les formes exigées par les dispositions susvisées, l'agrément de la cession de parts aux termes de lettres recommandées avec accusé de réception adressées le 20 juin 2016 à la SCI SR, M. [N] en sa qualité de gérant de la SCI SR, M. [N] et M. [E].

Monsieur [N] a répondu à la notification qui lui a été ainsi faite par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juillet 2016 adressée en sa qualité de gérant de la SCI SR, à Monsieur [W], contestant la validité de la demande d'agrément dont il considérait qu'il n'était pas justifié d'une part qu'elle ait aussi été adressée à Monsieur [E] et d'autre part qu'elle ait été accompagnée d'un projet de cession complet, proposant enfin la cession de ses propres parts dans la SCI moyennant le paiement d'une somme de 915'000 € payables comptant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre suivant, Monsieur [W] a informé le gérant de la SCI SR de ce qu'il considérait qu'il avait bien notifié le projet de cession de parts à chaque associé, à la SCI et son gérant, contestant le caractère incomplet du projet, indiquant que la notification ainsi faite portera plein effet et ne sera pas réitérée et précisant in fine qu'il ne se trouvait pas intéressé par l'offre de cession de parts présentée.

Il est ainsi établi que si la notification du projet de cession de parts a bien été faite dans le respect des dispositions statutaires par Monsieur [W], aucune assemblée générale ni aucune consultation écrite ou acte authentique ou sous-seing privé n'ont été pour autant initiés en l'espèce de façon à recueillir le consentement ou refus des associés de la SCI SR.

Il appartient en conséquence à Monsieur [W] de faire procéder à la nomination d'un mandataire ad'hoc chargé, en l'état de la carence de la gérance de la SCI SR à ce titre, de convoquer une assemblée générale des associés de façon à ce que ces derniers se prononcent sur la demande d'agrément.

Il convient dès lors de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'agrément.

- Sur le nantissement :

La cession des parts ayant été reconnue régulière, il convient de surseoir à statuer sur les demandes formées par la SCI Duplo au titre du nantissement, dans l'attente de l'issue de la procédure d'agrément par les associés de la SCI SR et de l'exercice des droits de préemption éventuels.

III. Sur les demandes en dommages-intérêts :

Il sera également sursis à statuer sur ces demandes dans l'attente de l'issue de la procédure susvisée.

IV. Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à Monsieur [W] et à la SCI Duplo, à la charge de Monsieur [E], d'une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 3 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir tirées de l'autorité de la chose jugée et du défaut d'intérêt à agir,

Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Monsieur [E] de sa demande en nullité de l'acte notarié du 1er avril 2010 portant nantissement et cession de parts sociales,

Dit et juge régulière et parfaite la promesse de cession par Monsieur [E] de ses parts sociales dans la SCI SR selon acte du 1er avril 2010,

Dit et juge régulier et parfait le nantissement des parts sociales détenues par Monsieur [E] au sein de la SCI SR selon acte du 1er avril 2010,

Rejette la fin de non-recevoir tendant à voir déclarer prescrite l'action initiée par Monsieur [W] et la SCI Duplo,

Sursoit à statuer sur les demandes supplémentaires des parties dans l'attente de l'issue de la procédure d'agrément telle que prévue à l'article 11 des statuts de la SCI SR et de l'exercice des droits de préemption éventuels,

Condamne Monsieur [E] à payer à Monsieur [W] et à la SCI Duplo une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [E] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 19/00610
Date de la décision : 05/12/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°19/00610 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-05;19.00610 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award