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20/11/2019 | FRANCE | N°17/04723

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 20 novembre 2019, 17/04723


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/04723 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LDNN





[B]



C/

SARL SOCIETE DE L'HOTEL DE LA CITE

SARL SOCIETE DE L'HOTEL DU LAC







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 22 Juin 2017

RG : 13/02947





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019



APPELANT :



[W] [B]

[Adresse 1]

[Ad

resse 1]



Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

La SCP REVEL ET MAHUSSIER avocat plaidant au barreau de LYON substituée par Me Emilie SGUAGLIA, avocat au barreau de LY...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/04723 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LDNN

[B]

C/

SARL SOCIETE DE L'HOTEL DE LA CITE

SARL SOCIETE DE L'HOTEL DU LAC

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 22 Juin 2017

RG : 13/02947

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019

APPELANT :

[W] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

La SCP REVEL ET MAHUSSIER avocat plaidant au barreau de LYON substituée par Me Emilie SGUAGLIA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

SARL SOCIETE DE L'HOTEL DE LA CITE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Eric JEANTET de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocat au barreau de LYON

SARL SOCIETE DE L'HOTEL DU LAC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Eric JEANTET de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Septembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Joëlle DOAT , Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Novembre 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [B] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juin 2011 en qualité de Directeur des Ressources Humaines (niveau 5 échelon de la convention collective), au statut de cadre, par la SARL Hôtel de la Cité.

Le contrat précise qu'il exercera ses fonctions à l'Hôtel de la Cité, [Adresse 3].

M. [B] percevait, au dernier état de la relation contractuelle, une rémunération brute mensuelle de 5403 euros (moyenne des trois derniers mois).

La convention collective applicable est celle des Hôtels, Cafés, Restaurants.

Le 25 octobre 2012, M. [B] a été placé en arrêt de travail par son médecin traitant pour un « syndrome anxio dépressif accompagné d'insomnies nécessitant un traitement et un suivi spécifique ''.

Le 11 décembre 2012, une déclaration d'accident du travail était réalisée par le salarié faisant

état de « menaces '' et d'« intimidations '' proférées par le Directeur Général de l'entreprise à son encontre, le 24 octobre 2012.

Après un premier refus de prise en charge, M. [B] s'est vu notifier que l'accident ainsi déclaré était pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 1].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 décembre 2012, M. [B] prenait acte de la rupture de son contrat de travail, à la suite de sa dénonciation un mois plus tôt d'actes qu'il qualifiait d'abus de pouvoir et d'abus du droit de sanction envers certains salariés. Il dénonçait en outre les actes d'intimidation contre sa personne commis le 24 octobre 2012.

M. [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes le 21 juin 2013 aux fins de voir juger que les SARL Hôtel de la Cité et Hôtel du Lac ont violé leur obligation de sécurité, de voir requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement des indemnités de licenciement et dommages-intérêts subséquents.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 17 septembre 2015.

Par jugement du 22 juin 2017, le juge départiteur de Lyon a :

- prononcé la mise hors de cause de la SARL Hôtel du Lac

- condamné M. [B] à lui verser 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture doit emporter les effets d'une démission

- condamné la SARL Hôtel de la Cité à verser à M. [B], 2000 euros pour perte de chance d'obtenir le bonus 2012

- débouté M. [B] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la SARL Hôtel de la Cité

- condamné M. [B] à verser à la SARL Hôtel de la Cité 16'209 euros au titre du préavis de démission ;

- débouté la SARL Hôtel de la Cité de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné d'office la compensation entre les créances

- laissé à la charge de chacune des parties, les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par déclaration d'appel du 27 juin 2017, M. [B] a interjeté appel de la décision.

Par conclusions notifiées le 6 décembre 2018, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé, M. [B] demande à la cour de':

- réformer le jugement rendu le 22 juin 2017 en ce qu'il a :

prononcé la mise hors de cause de la SARL Hôtel du Lac

dit et jugé que la prise d'acte de la rupture devait emporter les effets d'une démission

prononcé une condamnation à son encontre en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

l'a condamné à verser à la SARL Hôtel de la Cité, la somme de 16 209 euros au titre du préavis

ordonné d'office la compensation entre les créances

- confirmer en son principe le jugement rendu le 22 juin 2017 en ce qu'il a condamné la SARL Hôtel de la Cité à lui verser une somme de 2000 euros pour perte de chance d`obtenir le bonus 20l 2

M. [B] demande en conséquence la requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la condamnation solidaire et à tout le moins in solidum des SARL Hôtel de la Cité et Hôtel du Lac à lui payer les sommes suivantes':

- rappel de salaire sur heures supplémentaires : 56374,22 euros bruts, outre 5'632,42 euros de congés payés afférents

- repos compensateurs : 81'700,95 euros bruts, outre 8170,09 euros de congés payés afférents

- dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : 25'000 euros

- indemnité de licenciement : 1665,35 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 16 209 euros

- congés payés afférents : 1620 euros

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 60'000 euros

- dommages et intérêts pour préjudice lié à la perte de chance: 8000 euros nets

- article 700 du Code de procédure civile: 2 000 euros pour les frais exposés en première instance

- article 700 du Code de procédure civile: 2 000 euros pour les frais exposés en cause d'appel

- la condamnation solidaire et à tout le moins in solidum des SARL Hôtel de la Cité et Hôtel du Lac aux entiers dépens de première instance et d`appel.

Par conclusions notifiées le 26 décembre 2018, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé, la SARL Hôtel de la Cité et la SARL Hôtel du Lac demandent à la cour de'confirmer le Jugement rendu le 22 juin 2017 en ce que la formation de départage du Conseil de Prud'Hommes de Lyon a :

- prononcé la mise hors de cause de la SARL Hôtel du Lac

- jugé que la rupture du contrat de travail de M. [B] doit s'analyser en une démission

- constaté l'absence de manquement à une obligation de sécurité de résultat imputable à l'entreprise.

- condamné M. [B] à verser à la SARL Hôtel de la Cité, la somme de 16 209 euros au titre du préavis non effectué.

- infirmant le jugement déféré'

À titre principal

- dire et juger que la convention de forfait de M. [B] est régulière,

- le débouter de ses demandes

À titre subsidiaire,

- débouter M. [B], dans tous les cas, de sa demande d'heures supplémentaires, de sa demande repos compensateur et de toutes les demandes subséquentes.

- rejeter par ailleurs la demande de dommages et intérêts de M. [B] pour perte de chance de percevoir le bonus 2012.

- condamner enfin M. [B] à verser à l'Hôtel de la Cité, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2019.

SUR CE:

- Sur la mise hors de cause de la SARL Hôtel du Lac':

M. [B] dirige ses demandes contre les deux SARL Hôtel du Lac et Hôtel de la Cité au motif qu'il était le DRH de ses deux hôtels. Il produit à l'appui de sa demande, un courriel du 23 mai 2011 du directeur général M. [Z] [W] lui confirmant son embauche au sein du groupe en qualité de DRH pour les deux établissements suivants': Concorde Cité Internationale et Golden Tulip de Lyon.

Il résulte cependant du contrat de travail signé le 15 juin 2011, que le seul employeur de M. [B] est la SARL Hôtel de la Cité et le salarié n'établit pas de lien de subordination à l'égard d'une autre société, fut-elle dirigée par les mêmes personnes que la SARL Hôtel de la Cité.

Son affectation sur plusieurs sites, en l'espèce, deux hôtels du groupe, n'induit pas nécessairement un lien de subordination avec la SARL Hôtel du Lac à propos de laquelle M. [B] ne donne d'ailleurs aucune information à l'exception d'une identité de gérant entre les deux SARL.

Le jugement déféré qui a mis hors de cause la SARL Hôtel du Lac sera en conséquence confirmé et M. [B] débouté de toutes ses demandes dirigées contre cette SARL.

- Sur la convention de forfait':

L'article 4 du contrat de M. [B] prévoit une convention de forfait ainsi libellée:

« [Localité 2] égard à la classification du collaborateur, aux responsabilités qui lui sont confiées et à l'autonomie dont il dispose dans la gestion de son emploi du temps pour la réalisation de la mission qui lui est contractuellement confiée, le collaborateur relève des dispositions de l'article 13.2, Titre IV de l'avenant étendu n°1 du 13 juillet 2004 à la Convention Collective des hôtels, cafés restaurants (HCR).

Compte tenu de sa qualité de cadre autonome, le temps de travail du collaborateur est décompté en journée ou demi-journée de travail à raison d'un forfait de 218 jours travaillés dans l'année civile. Le calcul de ces jours prend en compte les congés payés pris ainsi que tous les congés conventionnels permettant d'atteindre le forfait de 218 jours.

Le collaborateur est libre d'organiser son temps de travail dans le respect de l'organisation en vigueur et des règles de fonctionnement de la société, des durées de repos quotidiens et hebdomadaires. Les demi-journées ou journées de repos sont fixées en accord avec le Directeur Général de l'HÔTEL DE LA CITÉ.'»

M. [B] soutient que la convention de forfait est irrégulière et en conséquence privée d'effet dès lors qu'il n'a pas été établi de convention individuelle de forfait, que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire est prévue sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération et que le forfait de 217 jours maximum prévu par la convention collective est dépassé.

Il expose qu'il n'a jamais reçu le décompte des jours travaillés, des jours de repos et de ceux restant à prendre, que l'employeur ne réalisait pas chaque année un entretien annuel et il souligne qu'il travaillait sous l'autorité de M. [W], Directeur Général, sans délégation de pouvoirs.

Il invoque, en tout état de cause, une décision du conseil de prud'hommes de [Localité 3] du 7 avril 2010, aux termes de laquelle les conventions individuelles de forfait en jours, conclues sur le fondement de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants sont nulles dès lors qu'elles n'assurent pas la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

La SARL Hôtel de la Cité fait valoir que la clause de forfait jours est prévue par écrit, que le dépassement du plafond annuel entraîne le bénéfice d'un nombre de jours équivalent au cours des trois premiers mois de l'année suivante, mais n'est pas une cause de nullité, que l'entretien annuel sur le forfait n'était pas prévu par la convention collective dans sa version antérieure à 2014.

****

L'article L 3121-43 du code du travail dans sa version en vigueur avant la loi du 8 août 2016, applicable en l'espèce, énonce que peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L312-39 du code du travail:

1° - les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés,

2°- les salariés sont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L'article L 3121-46 du code du travail dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, prévoit qu'un entretien individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, lequel porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

En application des textes sus-visés, une convention individuelle de forfait doit être conclue par écrit, dont il résulte un accord entre les parties. Dès lors, elle ne peut se déduire de la seule mention sur le bulletin de paie d'une rémunération forfaitaire d'heures supplémentaires, ce qui n'est même pas le cas en l'espèce, le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération forfaitaire n'étant pas précisé.

Il résulte par ailleurs d'une jurisprudence constante, que la cour de cassation a invalidé la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 au motif que ses dispositions ne permettaient pas de garantir le respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires

Dans ces conditions, faute, en outre, pour la SARL Hôtel de la Cité de justifier de l'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps qui l'autorisait à proposer à M. [B] une convention de forfait, et faute de convention individuelle établie entre les parties conformément à la loi, c'est à bon droit que le jugement déféré a déclaré nulle la convention de forfait invoquée par l'employeur.

- Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur:

M. [B] verse au débat le décompte du temps de travail réalisé par ses soins accompagné du calcul de ses heures supplémentaires en soulignant que l'employeur est resté sourd à sa sommation de communiquer le décompte de l'année 2011.Il produit par ailleurs des e-mails indiquant l'heure des envois.

La SARL Hôtel de la Cité soutient que ces documents n'ont aucun caractère probant en rappelant d'une part que M. [B] était en charge du paramétrage de la badgeuse, et en soulignant d'autre part, la mauvaise foi de M. [B] qui bénéficiait d'une extrême souplesse dans son horaire de travail compte tenu de sa résidence à [Localité 4].

Mais la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties.

Ainsi, le salarié doit étayer sa demande, et il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Si les éléments apportés par le salarié peuvent se réduire à quelques indices tels qu'un décompte même contesté, encore faut-il que ce décompte soit corroboré par des éléments relatifs à la charge de travail permettant d'accorder du crédit à ce décompte.

En l'espèce, il apparaît que durant la relation contractuelle M. [B] n'a jamais fait état d'heures supplémentaires non payées et que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est d'ailleurs pas fondée sur ce grief. En outre, les attestations, nombreuses sur l'excessive charge de travail, restent cependant générales, et concernent chacun des salariés attestant de sorte qu'elles sont sans objet pour déterminer le volume d'heures effectué par M.[B].

Dans ces conditions, la demande de M. [B] qui ne repose que sur un décompte des heures qu'il prétend avoir réalisées en 2011, sans précisions, jour par jour, de ses horaires de travail, et à l'exception de tout autre élément, n'est pas suffisamment étayée et sera rejetée. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce sens.

- Sur la qualification de la prise d'acte:

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture

produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits

invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, ceux d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de

faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu

d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même

si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du

travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de

manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat

de travail.

M. [B] fait valoir qu'il a été contraint de prendre acte de la rupture du contrat de travail au regard des manquements graves de l'employeur, soit en l'espèce, des manquements relatifs au temps de travail, un abus de pouvoir de direction, des brimades constatées sur les différents salariés, des manquements à l'obligation de sécurité de résultat en découlant, son agression par le directeur général, M. [W], les représailles et agissements malhonnêtes de l'employeur suite à la dénonciation de ces agissements.

La SARL Hôtel de la Cité rappelle que M. [B], en sa qualité de DRH avait notamment pour mission de faire respecter la réglementation, souligne que les nombreux témoignages d'autres salariés sur leur situation au sein de l'entreprise pour justifier la prise d'acte, sont hors de propos, et affirme, en s'appuyant sur un arrêt de la présente chambre du 18 novembre 2016 dans une affaire opposant un salarié, M. [H] à la SARL Hôtel de la Cité, que M. [B] a monté un dossier de toutes pièces, parvenant à convaincre d'autres salariés dont M.[H] d'accabler la direction de l'entreprise pour servir ses intérêts dans sa procédure prud'hommale.

a) Sur les manquements relatifs au temps de travail':

M. [B] expose qu'il a relevé plusieurs manquements relatifs au temps de travail tels que le non-respect d'un jour de repos par semaine pour lui ainsi que pour le chef de cuisine, M.[H], le non respect d'un repos quotidien de 11 heures consécutives pour plusieurs des salariés affectés à la cuisine ou au bar, l'absence de rémunération majorée des heures supplémentaires. Il ajoute que la société Hôtel de la Cité avait pour pratique d'éditer de faux tableaux à destination du commissaire aux comptes

La société Hôtel de la cité renvoie M. [B] à sa propre responsabilité dès lors qu'il lui appartenait de s'assurer du respect de la réglementation et qu'il était chargé du paramétrage de la badgeuse. Elle verse au débat l'attestation de Mme [V], qui a succédé à M. [B] sur le poste de direction des ressources humaines et qui témoigne de l'existence d'erreurs de paramétrage de la badgeuse imputables à M. [B], erreurs qu'elle a rectifiées et qui ont donné lieu à des régularisations et au paiement d'heures.

En l'état des pièces versées au débat, les erreurs de paramétrage de la badgeuse invoquées par l'actuelle DRH de la société mais non confirmées par des éléments objectifs, ne sont pas établies. Par ailleurs, les tableaux de présence que M. [B] produit pour l'année 2011, prétendument falsifiés, sont signés par chaque salarié concerné, dont M. [B], de sorte que s'ils ont été falsifiés, ces falsifications sont le fait des salariés concernés et nul ne peut arguer de sa propre turpitude.

Enfin, les considérations générales de M. [B] ou d'autres salariés sur l'excessive charge de travail, ne permettent pas de caractériser les manquements précis relatifs au temps de travail dénoncés étant précisé que M. [B] n'a jamais fait aucune observation relative à la violation de la réglementation sur le temps de travail, ni pour lui, ni pour d'autres salariés, mais a au contraire bénéficié d'un aménagement particulièrement accommodant de ses horaires pour lui permettre de maintenir sa résidence familiale à [Localité 4] tout en travaillant à Lyon.

Il en résulte que les manquements relatifs au temps de travail sont insuffisamment caractérisés.

b) sur l'abus de pouvoir et les brimades:

M. [B] s'appuie sur plusieurs témoignages concordants faisant état d'une mauvaise ambiance de travail, de comportements blessants et destructeurs à l'égard de certains salariés (attestation de M. [B] [E]), d'actes abusifs et d'intimidation, de manque de considération (M. [L] [M]), d'une culture d'entreprise fondée sur un management répressif (M. [A] [H]).

M. [B] s'appuie également sur un courrier daté du 23 novembre 2012 d'un cabinet de consulting en' « efficacité et bien-être en entreprise'», KANYO, qui décrit avoir constaté à l'occasion d'un module de deux jours effectué à la demande de M. [B], une ambiance de tension et de peur, une très grosse pression sur les collaborateurs à tous les niveaux, un stress entrainant des comportements émotionnellement violents, des participants en protection, manifestement pris en étau dans des injonctions contradictoires (')

En réponse, la société Hôtel de la Cité verse au débat un audit sur les risques psychosociaux que la direction de l'Hôtel a commandé à la suite d'une demande de la médecine et de l'inspection du travail visant à identifier les situations de malaise, à les réduire et à les prévenir.

Au terme de cet audit daté du 25 octobre 2013, quelques facteurs de risques ont été repérés comme la difficulté à réguler la charge de travail, une certaine retenue à s'exprimer et une information parfois insuffisante, mais il est conclu à l'absence de problème majeur de nature à mettre en souffrance les collaborateurs de l'établissement, ainsi qu'à l'existence d'un certain nombre de points positifs comme un management respectueux, sentiment cependant partagé davantage par les cadres de l'entreprise, une grande qualité du lien social, l'intérêt du travail et une rémunération attractive, ou encore la fierté d'appartenance à l'entreprise.

Ce rapport souligne que «'si certaines situations passées ont pu alerter la médecine du travail et l'inspection du travail, il semblerait qu'il s'agisse de cas spécifiques qui ne traduisent en rien le climat général au sein de l'entreprise'».

De ces éléments contradictoires, il résulte la mise en évidence d'un climat de tension inhérent à la nature même de l'activité d'hôtellerie de luxe de la SARL Hôtel de la Cité avec des épisodes récurrents de surcharge de travail et un management exigeant pour satisfaire une clientèle qui ne l'est pas moins, mais aucune situation d'abus de pouvoir ou de brimade n'est caractérisée.

L'important «'turn-over'» illustré par de nombreuses attestations de salariés ayant quitté l'entreprise, soit 48 en 2011, n'est pas davantage significatif d'un climat de brimade, dans un secteur économique qui favorise la mobilité des salariés.

M. [B] ne démontre pas en conséquence les abus de pouvoir et brimades qu'il dénonce.

c) sur les manquements à l'obligation de sécurité':

M. [B] fait état de plusieurs alertes sur ce point, par le cabinet de consulting KANYO cité plus haut, mais surtout par la médecine du travail au travers du cas d'un salarié, M. [E] [J], agent de réservation examiné en visite de pré-reprise le 4 juillet 2012 par le médecin du travail [H] [G] et au sujet duquel ce médecin a sollicité un avis auprès du docteur [L], du service des maladies professionnelles de [Localité 5][Localité 6] Sud.

Il produit encore une lettre du docteur [V] [D], médecin du travail, datée du 11 octobre 2012 rappelant la direction de l'hôtel du Lac sis à Saint Priest, à ses obligations en matière de santé au travail sur la base de constats cliniques lui permettant de penser qu'il y avait lieu d'améliorer la prise en compte des risques dans cet établissement.

M. [B] expose que lorsqu'il a sollicité par courriel du 22 octobre 2012 l'inscription à l'ordre du jour de la réunion du comité de direction du courrier du médecin du travail, il s'est heurté, dans un premier temps à un refus traduisant l'inertie de la direction sur la question des risques psycho-sociaux et, dans un second temps, le 24 octobre 2012 à l'opposition violente de M. [W] qui l'a invectivé de manière agressive et menaçante.

La SARL Hôtel de la Cité fait observer que M. [B] invoque des faits qui ne le concernent pas et réfute le terme «'d'agression'» utilisé par ce dernier au sujet des faits du 24 octobre 2012.

Concernant l'altercation du 24 octobre 2012 avec M. [W], M. [B] explique que le directeur général M. [Z] [W] est venu dans son bureau pour lui reprocher des propos qu'il aurait tenus sur une autre salariée et l'aurait poussé à bout pour qu'il s'énerve. M. [B] indique qu'il a récusé en bloc les propos mensongers le concernant, considérant qu'il s'agissait d'une technique d'isolement et de dénigrement pour le pousser à la démission.

A la suite de ces faits, il a indiqué: «'je ne suis plus en mesure d'assurer mes fonctions correctement au vu de l'ensemble de ces éléments'.Depuis quelques semaines, je suis nerveusement épuisé de cette situation et je ne suis plus capable d'être serein à mon poste de travail et de ne plus m'énerver. Je me vois contraint de m'arrêter quelques jours car cette tension est insupportable.'»

Compte tenu de ce qui précède, l'altercation du 24 octobre 2012 qui ne saurait être qualifiée d'agression, s'agissant d'une discussion même houleuse, apparaît comme un incident isolé dont les éléments du débat ne permettent pas de dire s'il était fondé par des reproches objectifs ou non.

Concernant l'état de santé de M. [B], tous les certificats médicaux produits sont postérieurs à l'incident du 24 octobre 2012, et aucun élément objectif de nature médicale ou autre ne permet de dire que M. [B] présentait, avant cette date, un état de santé altéré.

Enfin, les courriers de la médecine du travail, le premier sur le cas de M. [J] et, le second sur la situation de l'Hôtel du Lac, ne concernent ni M. [B] personnellement, ni le site de son affectation qui est l'Hôtel de la Cité.

Il en résulte que M. [B] ne démontre pas que la SARL Hôtel de la Cité aurait manqué à son obligation de sécurité à son égard, pas plus qu'il ne rapporte la preuve de mesures prises en représailles, comme la propagation de fausses nouvelles sur sa vie privée.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [B] emportait les effets d'une démission. Dès lors, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes de dommages-intérêts et au titre de l'indemnité de licenciement, et en ce qu'il a condamné M. [B] à payer à la SARL Hôtel de la Cité, la somme de 16'209 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, cette somme équivalant à trois mois de salaires.

- Sur la perte de chance d'obtenir le bonus de l'année 2012':

M. [B] expose que son contrat de travail prévoit le bénéfice d'un bonus annuel représentant 8% de sa rémunération annuelle brute et ce en fonction de la réalisation d'objectifs professionnels fixés par le Directeur Général.

M. [B] fait grief à la société Hôtel de la Cité de lui avoir fait perdre une chance de bénéficier de ce bonus faute de lui avoir fixé les objectifs en question et demande réparation de son préjudice à hauteur de 8'000 euros.

La SARL l'Hôtel de la Cité s'oppose à cette demande qu'elle juge inacceptable compte tenu des motifs fallacieux qui sous-tendent la prise d'acte de M. [B] et compte tenu de l'absence de caractère contractuel du montant du bonus, de sorte que le salarié ne saurait se prévaloir d'un droit acquis.

En droit, il est constant que lorsqu'une clause du contrat prévoit une variation de la rémunération en fonction d'éléments tels que la réalisation d'objectifs professionnels, ces objectifs doivent être fixés au salarié en début d'exercice.

En l'espèce, la SARL l'Hôtel de la Cité invoque le comportement de M. [B] au moment de la prise d'acte, ce qui est sans objet dès lors que les conditions en vertu desquelles est fixée la rémunération variable s'apprécient lors de l'engagement contractuel et non à posteriori.

Dans ces conditions, la SARL l'Hôtel de la Cité qui ne conteste pas l'absence d'objectifs professionnels assignés à M. [B], sera justement condamnée à indemniser M.[B] au titre de la perte de chance. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a évalué ce préjudice à la somme de 2'000 euros et M. [B] sera débouté de sa demande pour le surplus.

- Sur la demande reconventionnelle de la SARL Hôtel de la Cité au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail':

La SARL Hôtel de la Cité demande la condamnation de M. [B] à lui payer la somme de 15'000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat, au motif qu'il est à l'origine de toutes les déstabilisations du personnel qui ont eu lieu durant la période où il était présent dans l'entreprise, incitant certains salariés tels que M. [H] et M. [S] à initier une procédure prud'hommale, et n'hésitant pas à utiliser des informations confidentielles, dont il était détenteur en sa qualité de DRH, pour servir ses propres intérêts et alimenter la défense d'autres salariés.

S'il est constant, ainsi que l'a relevé cette cour dans son arrêt du 18 novembre 2016, en s'appuyant notamment sur les mails adressés à M. [B] par M. [H], que ce dernier a accepté, à la demande de M. [B], d'accabler la direction pour servir sa propre procédure prud'hommale, il apparaît que ces mails sont datés du mois de mai 2013, qu'ils sont par conséquent largement postérieurs à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [B] qui avait dés lors retrouvé toute liberté de parole.

Il résulte par ailleurs du contenu de ces échanges, que si M. [H] sollicite des instructions auprès de M. [B], ce dernier reste relativement neutre dans ses réponses, soit par exemple': «'Salut [A] ([H]), super, merci pour ton retour, j'ai pris beaucoup de plaisir à faire cette lettre. Oui, change les phrases en fonction de la réalité, je n'ai pas ts les détails. (') Pour les attestations, oui commence tout de suite à faite ton dossier. Peut-être que tu n'en auras pas besoin mais au cas où'! Je te donne le formulaire si tu as en besoin...'»

Dès lors, le manque de loyauté dans l'exécution du contrat de travail n'est pas caractérisé, et en tout état de cause, la SARL Hôtel de la Cité qui fait état d'une déstabilisation de son personnel par M. [B], ne démontre ni la réalité de cette déstabilisation, ni le rôle déterminant de M. [B], de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par ce dernier.

La demande reconventionnelle de la SARL Hôtel de la Cité au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail sera par conséquent rejetée.

- Sur les demandes accessoires:

L'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, du code de procédure civile, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur l'application de ces dispositions et de rejeter toute demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

M. [B] qui succombe pour l'essentiel dans son appel, sera justement condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y AJOUTANT':

REJETTE la demande de dommages-intérêts de la SARL Hôtel de la Cité au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail'

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel

CONDAMNE M. [W] [B] aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/04723
Date de la décision : 20/11/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/04723 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-20;17.04723 ?
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