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20/11/2019 | FRANCE | N°16/07418

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 20 novembre 2019, 16/07418


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 16/07418 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KTY5





SAS KODAK



C/

[A]

Association AGS CGEA [Localité 1]

SCP [D]([D])

Société SOCIETE CHAMPION CHEMTECH LTD







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON CEDEX

du 22 Septembre 2016

RG : 15/722





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019





APPE

LANTE :



SAS KODAK

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Jean-Charles MEUNIER, avocat plaidant au barreau de CH...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 16/07418 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KTY5

SAS KODAK

C/

[A]

Association AGS CGEA [Localité 1]

SCP [D]([D])

Société SOCIETE CHAMPION CHEMTECH LTD

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON CEDEX

du 22 Septembre 2016

RG : 15/722

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019

APPELANTE :

SAS KODAK

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Jean-Charles MEUNIER, avocat plaidant au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉES :

[E] [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Florence GAUDILLIERE, avocat plaidant au barreau de PARIS

Association AGS CGEA [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON, Me Cecile BAILLY, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

SCP [D]([D]) pris en la personne de Me [P] [D] es qualité de mand

ataire liquidateur de la SAS CHALON PHOTOCHIMIE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5] CANADA

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Juin 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Joëlle DOAT, Président

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Président

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Annette DUBLED VACHERON, Conseiller

ARRÊT : DEFAUT

Prononcé publiquement le 20 Novembre 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***********

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Il ressort des dossiers du conseil de prud'hommes de MACON (n°14/00139)et du conseil de prud'hommes de LYON (n° 15/00722) transmis à la cour suivant bordereau de transmission de pièces du 29 novembre 2016 que le conseil de prud'hommes de MACON a convoqué pour l'audience du bureau de jugement du 8 septembre 2014 :

- la SCP [D], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE

- la société KODAK

- la société CHAMPION CHEMTECH LIMITED

- l'AGS CGEA [Localité 1]

sur la demande de Mme [E] [A] aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement et d'obtenir le paiement d'une indemnité de 196.708 euros.

Par jugement en date du 8 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de MACON, au visa de l'article 47 du code de procédure civile, s'est déclaré incompétent auprofit du conseil de prud'hommes de LYON auquel le dossier de l'affaire a été transmis.

Par jugement en date du 22 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de LYON a :

- constaté la péremption de l'instance à l'égard de la société CHAMPION CHEMTECH LIMITED

- constaté la nullité du licenciement de Mme [A]

- condamné la société KODAK à payer à Mme [A] une indemnité de 50.000 euros nette

- condamné la société KODAK à rembourser au CGEA [Localité 1] la somme de 69.240 euros avancée dans le cadre du licenciement de Mme [A]

- débouté la société KODAK et la SCP [D] prise en la personne de Maître [D], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE, de l'intégralité de leurs demandes

- débouté le CGEA [Localité 1] et Mme [A] du surplus de leurs demandes

- condamné la société KODAK à payer à Mme [A] la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société KODAK a interjeté appel de ce jugement à l'égard de l'AGS CGEA [Localité 1], la SCP [D], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE, Mme [E] [A] et la société CHAMPION CHEMTECH LIMITED, le 18 octobre 2016.

Elle demande à la cour :

à titre liminaire,

- de déclarer irrecevables les demandes présentées par Mme [A] , en application du principe de la séparation des pouvoirs

à titre principal,

- de retenir la péremption de l'instance

subsidiairement,

- d'ordonner la mise en cause du groupe CHAMPION

- de la 'mettre hors de cause' en ce qui concerne les demandes tendant à la contestation du motif économique des licenciements, de l'obligation de reclassement et du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par le liquidateur

- de débouter Mme [A] et Maître [D], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE, de leurs autres demandes

- de débouter le CGEA de sa demande en répétition de l'indû

- de condamner Maître [D] es-qualités à (lui) payer la somme de 3.000 euros pour procédure abusive

- de condamner Maître [D] es-qualités à (lui) payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'au cours de l'année 2006, en raison des difficultés économiques qu'elle rencontrait sur son site de production de pellicules argentiques, elle a transféré au groupe CHAMPION une partie de son activité ainsi que les contrats de travail de 104 salariés, que la société CHALON PHOTOCHIMIE a été spécialement créée pour accueillir cette activité, que, par jugements du 21 janvier 2010 et du 20 mai 2010, le tribunal de commerce de CHALON SUR SAONE a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE, puis prononcé la liquidation judiciaire de celle-ci, que l'inspection du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés, que Mme [A] , conseiller prud'homal du conseil de prud'hommes de CHALON SUR SAONE, a saisi le conseil de prud'hommes de MACON pour voir dire notamment que les contrats conclus en mars 2006 entre les sociétés KODAK et CHAMPION constituaient une opération frauduleuse et que, dans d'autres affaires similaires, la cour d'appel de DIJON a dit qu'elle ne retenait pas la fraude alléguée.

Elle fait valoir que la décision d'autorisation du licenciement de Mme [A] n'a pas été frappée de recours, de sorte que celle-ci est irrecevable à critiquer la procédure de licenciement, que, précédemment, la décision de transfert du contrat de travail de Mme [A] avait été autorisée par l'inspection du travail le 21 mars 2006, qu'elle avait déjà invoqué ces moyens devant les premiers juges et qu'en tout état de cause, les articles 563 à 565 du code de procédure civile sont applicables en l'espèce.

Elle soutient que l'instance est éteinte par l'effet de la péremption à l'égard de toutes les sociétés, en raison de la règle de l'indivisibilité,puisque le conseil de prud'hommes a prononcé la radiation de l'affaire le 10 octobre 2011, que Mme [A] ne justifie pas avoir accompli les diligences mises à sa charge par ce jugement, qu'il n'est pas justifié de l'envoi ou de la réception effectifs de la demande de remise au rôle, qu'en tout état de cause, l'acte tendant à faire réinscrire l'affaire au rôle n'est pasinterruptif de la péremption et que les pièces 42 et 44 de Mme [A] ne peuvent être datées avec certitude.

A titre subsidiaire, elle affirme qu'elle n'a commis aucune fraude, qu'elle a signé le 10 février 2006 un contrat de cession d'actifs, moyennant le prix de 1.670.484 euros et un contrat de fourniture photochimique,que la cause des difficultés réside en réalité dans la dégradation accélérée du marché qui a mis obstacle au développement de la société CHALON PHOTOCHIMIE et que les conditions d'application de l'article L1224-1 du code du travail sont réunies, de sorte qu'elle n'est pas restée l'employeur des 104 salariés.

A titre encore plus subsidiaire, elle déclare qu'il n'y a pas eu de co-emploi, puisqu'il n'y a eu ni confusion d'intérêts, ni confusion de dirigeants, ni confusion d'actions.

Elle s'oppose à l'action en restitution du CGEA formée à son encontre au motif 'qu'elle ne peut être dirigée contre celui pour le compte duquel le paiement a été effectué.'

Mme [E] [A] demande à la cour :

- de constater la nullité de son licenciement, à titre principal au motif que les contrats de cession conclus entre la société KODAK et la société CHALON PHOTOCHIMIE sont nuls, à titre subsidiaire, au motif que les conditions du transfert de son contrat de travail n'ont pas été respectées, à titre encore plus subsidiaire au motif que la société KODAK a le statut d'employeur à son égard

- de condamner la société KODAK et la société CHALON PHOTOCHIMIE prise en la personne de son liquidateur à lui payer une indemnité de 196.708 euros

à titre infiniment subsidiaire,

- de condamner la société CHALON PHOTOCHIMIE prise en la personne de son liquidateur à lui payer ladite indemnité de 196.708 euros

en tout état de cause,

- de condamner in solidum la société CHALON PHOTOCHIMIE prise en la personne de son liquidateur et la société KODAK à lui payer une indemnité de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- d'assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal

- de fixer ces mêmes créances au passif de la société CHALON PHOTOCHIMIE

- de condamner in solidum la société CHALON PHOTOCHIMIE prise en la personne de son liquidateur et la société KODAK aux dépens.

Elle soutient que l'exception d'incompétence du juge judiciaire soulevée pour la première fois en cause d'appel est nouvelle et irrecevable, et que le juge judiciaire est parfaitement compétent pour examiner sa demande relative à l'irrégularité du transfert de son contrat de travail par la société KODAK, que l'inspecteur du travail qui autorise le transfert du salarié protégé n'a pas compétence pour contrôler l'application de l'article L1224-1 du code du travail, à savoir la réalité du transfert d'une unité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Elle affirme qu'elle accédé aux demandes du conseil de prud'hommes lui demandant de faire citer la société CHAMPION PHOTOCHEMISTRY LIMITED dans le délai de deux ans de l'ordonnance de radiation, peu important que la société assignée ait été ou non effectivement touchée.

Elle fait valoir :

à titre principal,

- que les contrats conclus en mars 2006 par KODAK et CHAMPION constituent une opération frauduleuse destinée à faire échec aux dispositions impératives du code du travail relatives au licenciement économique et plus particulièrement à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi et à l'obligation de reclassement

à titre subsidiaire,

- que le transfert de l'activité du repreneur ne s'est pas fait dans les conditions de l'article L1224-1 du code du travail, de sorte que ce texte ne pouvait s'appliquer, que KODAK est resté son véritable employeur et qu'à ce titre, il aurait dû élaborer un plan de sauvegardede l'emploi proportionné aux moyens du groupe

à titre encore plus subsidiaire,

- que le statut d'employeur de la société KODAK à son égard est caractérisé en raison du retour programmé de l'éventuelle entité économique autonome vers l'employeur initial et la domination de KODAK sur CHALON PHOTOCHIMIE ainsi que la confusion de dirigeants, d'activité et d'intérêt entre elles

à titre infiniment subsidiaire,

- que, si la société CHALON PHOTOCHIME était considérée comme son seul employeur, la procédure de licenciement serait irrégulière sur le fondement de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi.

La société [D] prise en la personne de Maître [D] demande à la cour:

in limine litis,

- de renvoyer devant le tribunal administratif de DIJON la question préjudicielle liée à la légalité de l'autorisation de transfert du 22 mars 2006 et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de cette juridiction

- de statuer ce que de droit sur la péremption d'instance

- de dire que la demande de requalification du licenciement notifié par la liquidation judiciaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse est irrecevable

à titre principal,

- de constater la nullité du licenciement

- de condamner la société KODAK à verser les indemnités réclamées par 'les salariés'

- de condamner la société KODAK à lui payer, es-qualités, la totalité des indemnités de rupture payées 'aux salariés' lors du licenciement intervenu en juin 2010 (préavis, indemnité de licenciement, congés payés etc...)

- de débouter la société KODAK de sa demande reconventionnelle

à titre subsidiaire,

- de déclarer irrecevables les demandes de Mme [A]

- de débouter Mme [A] de ses demandes dirigées contre elle, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE

à titre infiniment subsidiaire,

- de réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts

en tout état de cause,

- de déclarer irrecevable toute demande de condamnation

- de condamner la société KODAK 'au versement' de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la société BAUFUME et SOURBE.

Le liquidateur judiciaire, es-qualités, fait valoir que, si le moyen invoqué pour la première fois en cause d'appel selon lequel le juge judiciaire ne serait pas compétent pour apprécier si les conditions d'application de l'article L1224-1 du code du travail relatives au transfert d'entreprise sont réunies était jugé recevable, il conviendra de renvoyer la question préjudicielle devant le tribunal administratif de DIJON, que, l'inspection du travail ayant autorisé son licenciement, Mme [A] est irrecevable à contester tant le motif économique de la mesure que la procédure de reclassement mise en oeuvre et le plan de sauvegarde de l'emploi .

Il soutient qu'à la date de la cession, le 1er mars 2006, l'article L1224-1 du code du travail n'était pas applicable de plein droit puisqu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique maintenant son identité et que le montage mis en oeuvre par la société KODAK n'avait pour objet que de lui permettre de tenter d'échapper à ses obligations par la création apparente de nouveaux rapports juridiques, de sorte que, qu'il y ait fraude ou simple annulation du transfert opéré à tort, la société KODAK doit assumer seule les conséquences de la rupture des contrats de travail.

Il ajoute que la société KODAK ne démontre aucun abus du droit d'agir en justice qu'il aurait commis.

Le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) [Localité 1] demande à la cour :

- de rejeter l'exception d'incompétence et de retenir sa compétence pour connaître du présent litige

- de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la péremption d'instance

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société KODAK à rembourser les avances effectuées par l'AGS pour le compte de la salariée

à titre subsidiaire,

- de déclarer irrecevable la demande en dommages et intérêts formée par Mme [E] [A]

à titre infiniment subsidiaire,

- de débouter Mme [A] de sa demande de dommages et inétrêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

en tout état de cause,

- de dire que le plafond 6 de la garantie AGS a d'ores et déjà été atteint et que l'AGS ne saurait garantir les sommes qui pourraient être allouées par la cour à Mme [A]

à titre infiniment subsidiaire,

- de lui donner acte des conditions de sa prise en charge éventuelle et de ce qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-17 et L3253-19 du code du travail.

Le CGEA fait valoir :

- qu'il justifie avoir fait assigner la société CHAMPION CHEMTECH LIMITED, société mère du groupe CHAMPION dans le délai de deux ans à compter de l'ordonnance du 10 octobre 2011, si bien que l'instance n'est pas périmée

- qu'il résulte des contrats de cession et de sous-traitance photochimie consentis par la société KODAK à la société CHALON PHOTOCHIMIE le 10 février 2006 que cette dernière société n'est en réalité que le sous-traitant de KODAK, que le site de production [Localité 1] est resté un centre de production KODAK et qu'en réalité, la société KODAK a organisé la délocalisation de sa production tout en en faisant supporter les conséquences financières par le liquidateur, mais surtout par l'AGS

- que l'article L1224-1 du code du travail était inapplicable à la date de la cession, soit le 1er mars 2006 car il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique maintenant son identité

- que l'AGS est recevable à solliciter le remboursement des avances versées aux salariés sur le fondement de la répétition de l'indû, qu'en effet, elle s'est appauvrie sans cause tandis que la société KODAK s'est enrichie en ne procédant pas elle-même au licenciement de Mme [A]

- que l'inspection du travail ayant autorisé son licenciement le 16 juin 2010, la demande de Mme [A] dirigée contre la procédure collective est irrecevable

- que le liquidateur judiciaire, es-qualités, a respecté son obligation de reclassement

- que Mme [A] ne démontre pas les insuffisances du plan de sauvegarde de l'emploi de la société CHALON PHOTOCHIMIE.

La société KODAK a fait signifier sa déclaration d'appel à la société CHAMPION CHEMTECH LTD située à [Localité 2] au CANADA, par acte d'huissier en date du 19 septembre 2017.

L'acte a été délivré suivant la procédure de l'article 659 du code de procédure civile.

La société CHAMPION CHEMTECH LTD n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera rendu par défaut.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2019.

SUR CE :

Sur la péremption d'instance

La société KODAK produit la décision prononcée le 10 octobre 2011, en vertu de laquelle le conseil de prud'hommes de MACON a dit qu'il appartient au demandeur de faire citer par huissier la société CHAMPION PHOTOCHEMISTRY LIMITED au CANADA, constaté le défaut de diligence du demandeur à l'audience de ce jour, ordonné la radiation de l'affaire et son retrait du rang des affaires en cours et dit que l'affaire ne sera réenrôlée qu'avec la citation valablement délivrée au groupe CHAMPION.

'Le demandeur', Mme [E] [A], verse aux débats :

- un courrier daté du 20 septembre 2013 adressé par son avocat au conseil de prud'hommes de MACON pour lui transmettre ses conclusions et lui demander la réintroduction de l'affaire

- la copie d'un projet d'assignation à délivrer à la société CHAMPION CHEMTECH LIMITED.

Il ressort du dossier de la procédure transmis à la cour que l'affaire a été enrôlée par le conseil de prud'hommes de MACON le 7 mai 2014, avec mention sur la cote d'un acte de saisine en date du 2 mai 2014 qui ne figure pas au dossier, le jugement d'incompétence du 8 décembre 2014 faisant état d'une demande reçue le 7 mai 2014.

Le conseil de prud'hommes a lui-même envoyé à nouveau le 5 juin 2014 à la société CHEMTECH LIMITED une convocation d'avoir à se présenter à l'audience du 8 décembre 2014, par lettre recommandée avec accusé de réception revenue non réclamée.

Au vu de ces éléments, il apparaît que :

- par son courrier du 20 septembre 2013, soit dans le délai de deux ans suivant la décision du 10 octobre 2011, Mme [A] a manifesté sa volonté de poursuivre l'instance

- le conseil de prud'hommes a accepté d'enrôler l'affaire et de convoquer les parties pour l'audience du 8 septembre 2014, ce qui démontre qu'il a vérifié que la diligence impartie à Mme [A] avait été effectuée.

Dans ces conditions, la péremption d'instance n'est encourue à l'égard d'aucune des parties, ni sur le fondement de l'article 386 du code de procédure civile, ni sur celui de l'article R1452-8 du code du travail.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a constatéla péremption d'instance à l'égard de la société CHAMPION PHOTOCHEMISTRY LIMITED.

Sur la demande principale

C'est à juste titre, par des motifs que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point, a dit qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur le caractère frauduleux ou non de la cession intervenue le 10 février 2006 entre la société KODAK et le groupe CHAMPION et a rejeté la demande en paiement de Mme [A] fondée sur la nullité deladite cession.

Sur les demandes subsidiaires

Par décision en date du 21 mars 2006, l'inspectrice du travail a accordé à la société KODAK INDUSTRIE l'autorisation de procéder au transfert du contrat de travail de Mme [A] au sein de la société CHALON PHOTOCHIMIE, après enquête en date du 28 février 2006, considérant que cette demande était motivée par la cession de l'activité flux photochimie de la société KODAK INDUSTRIE à la société CHALON PHOTOCHIME, qu'il s'agissait d'un transfert partiel d'entreprise et que le contrat de travail de Mme [A] était inclus dans le périmètre du transfert et qu'il n'avait pas été établi que Mme [A] faisait en la matière l'objet d'une mesure discriminatoire.

Par décision en date du 16 juin 2010, l'inspectrice du travail a accordé à la SCP [D], mandataire judiciaire, l'autorisation de procéder au licenciement de Mme [A] , après enquête contradictoire effectuée le 11 mai 2010, considérant notamment que la liquidation judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE sans poursuite d'activité, en l'absence de tout repreneur potentiel, rendait inévitable la rupture des contrats de travail des salariés de cette entreprise, que la société CHALON PHOTOCHIMIE dépendait du groupe CHAMPION mais constituait la seule entreprise implantée en France de cette entité, que, dans le cadre du groupe CHAMPION, les seuls reclassements possibles ne pouvaient que s'effectuer dans l'entreprise malaisienne de ce groupe, proposition de reclassement que Mme [A] avait déclinée pour des motifs légitimes, et qu'il ne ressortait pas de l'enquête que la demande d'autorisation soit en lien avec les mandats détenus par Mme [A] .

La SCP [D], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE, a notifié le 17 juin 2010 à Mme [E] [A] son licenciement, en application de l'article L122-14-1 (ancien) du code du travail.

Seul le juge administratif avait le pouvoir de remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la validité du transfert du contrat de travail de Mme [A] au profit de la société CHALON PHOTOCHIMIE et sur la validité de son licenciement.

Or, les deux décisions prises par l'inspection du travail n'ont pas fait l'objet de recours et sont devenues irrévocables.

La demande tendant à voir poser une question préjudicielle au tribunal administratif de DIJON est dès lors sans objet.

En raison de l'autorité de la chose décidée, quels qu'en soient les motifs, et du principe de séparation des pouvoirs, il convient de déclarer irrecevables les demandes de Mme [A] aux fins de nullité de son licenciement dirigées contre la société KODAK et la liquidation judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE.

Les articles 564 et 566 du code de procédure civile ne sont pas applicables, s'agissant d'une fin de non recevoir qui peut être proposée en tout état de cause, conformément aux dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté la nullité du licenciement de Mme [A] et condamné la société KODAK à verser des dommages et intérêts à celle-ci.

Sur la demande de remboursement formée par l'AGS CGEA

L'AGS CGEA fonde sa demande de restitution de la somme qu'elle a versée à Mme [A] à la suite de son licenciement, en exécution de sa garantie légale, sur l'enrichissement sans cause de la société KODAK et sur son propre appauvrissement corrélatif.

Le licenciement de Mme [A] étant valable et ayant été prononcé pendant l'une des périodes visées par l'article L 3253-8 du code du travail, les sommes avancées par l'AGS CGEA, à titre de salaires, d'indemnités de congés payés, de préavis et d'indemnité de licenciement n'ont pas été versées sans cause, si bien que c'est à tort que le conseil de prud'hommes dont le jugement sera infirmé sur ce point a condamné la société KODAK à rembourser au CGEA la somme de 69.240 euros et que cette demande doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de remboursement formées par le liquidateur judiciaire es-qualités.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société KODAK ne démontre pas que les demandes formées à son encontre par le liquidateur judiciaire, es-qualités, lui-même attrait à la procédure par Mme [A], l'ont été de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable.

La demande en dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Il convient d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

La société KODAK obtenant gain de cause en son recours, il convient de condamner Mme [A] aux dépens de première instance et d'appel.

Les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel seront rejetées.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et par défaut:

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [E] [A] fondée sur la nullité des contrats de cession conclus le 10 février 2006 entre la société KODAK et le groupe CHAMPION et débouté SCP [D], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE, de ses demandes

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que l'instance introduite par Mme [E] [A] devant le conseil de prud'hommes n'est périmée à l'égard d'aucune des parties

DECLARE irrecevables les demandes subsidiaires de Mme [E] [A] à l'égard de la société KODAK et de la liquidation judiciaire de la société CHALON PHOTOCHIMIE

REJETTE la demande en remboursement des sommes versées à Mme [A] formée par l'AGS CGEA à l'encontre de la société KODAK

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société KODAK à l'encontre du liquidateur judiciaire, es-qualités

CONDAMNE Mme [E] [A] aux dépens de première instance et d'appel

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

Le greffier La presidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/07418
Date de la décision : 20/11/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/07418 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-20;16.07418 ?
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