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20/11/2019 | FRANCE | N°16/04873

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 20 novembre 2019, 16/04873


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 16/04873 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KNXH





[X]



C/

SAS RENAULT TRUCKS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Juin 2016

RG : F 15/01687





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019







APPELANT :



[G] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représent

é par Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Mélodie GIROUD, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS RENAULT TRUCKS

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Jean-baptiste TRAN-MINH...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 16/04873 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KNXH

[X]

C/

SAS RENAULT TRUCKS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Juin 2016

RG : F 15/01687

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019

APPELANT :

[G] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Mélodie GIROUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS RENAULT TRUCKS

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-baptiste TRAN-MINH de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Septembre 2019

Présidée par Evelyne ALLAIS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Novembre 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [G] [X] a été embauché le 23 avril 2007 par la société ARVINMERITOR CVS AXLES FRANCE, aux droits de laquelle vient la société RENAULT TRUCKS, en qualité de monteur, statut ouvrier, niveau III, coefficient 170 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail était régie par la convention collective des industries métallurgiques du Rhône.

Le 16 juin 2014, Monsieur [X] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 juin 2014.

Le 1er juillet 2014, il a été licencié pour faute grave, dans ces termes:

"Le 12 juin 2014, vous avez proféré des insultes et eu une altercation avec un de vos collègues sur votre poste de travail, au point qu'il a fallu l'intervention de deux de vos collègues, qui se sont interposés physiquement entre vous, pour vous séparer et éviter que des coups ne soient portés.

Suite à cette altercation, votre manager vous a réuni avec ce collègue, un autre collègue et deux représentants du personnel. Et là de nouveau vous n'avez pas su garder votre calme.

Vous vous êtes levé, dirigé vers votre collègue avec lequel vous aviez eu l'altercation au poste de travail et avez haussé le ton dans une langue étrangère.

Les explications recueillies au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Votre attitude est inadmissible : les actes de violence verbaux et physiques ne sauraient être tolérés dans l'entreprise et par votre comportement vous avez fait courir un risque à un de vos collègues

En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour faute grave."

Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 29 avril 2015. Il sollicitait en dernier lieu de voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ainsi que de voir condamner la société RENAULT TRUCKS à lui payer des dommages et intérêts et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 7 juin 2016, le conseil de prud'hommes, dans sa formation paritaire, a:

- dit que le licenciement de Monsieur [X] reposait sur une faute grave,

- débouté Monsieur [X] de sa demande.

-débouté la société RENAULT TRUCKS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- laissé les dépens à la charge de Monsieur [X].

Par lettre recommandée envoyée le 23 juin 2016, Monsieur [X] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Monsieur [X] demande à la Cour de:

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamner la société RENAULT TRUCKS au paiement des sommes suivantes :

3.551,79 euros à titre d'indemnité de licenciement,

4.439,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 443,97 euros à titre de congés payés afférents,

35.000,00 euros nets de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

2.000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société RENAULT TRUCKS aux dépens.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la société RENAULT TRUCKS demande à la Cour de:

- confirmer l'entier jugement,

- condamner Monsieur [X] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [X] aux dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

Selon les termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit la prouver.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

La sanction doit être proportionnée à la faute et tenir compte du contexte dans lequel les faits ont été commis, de l'ancienneté du salarié et des conséquences des agissements incriminés.

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Il résulte de la lettre de licenciement que la société RENAULT TRUCKS reproche à Monsieur [X] des violences verbales et une tentative de violences physiques à l'égard d'un collègue de travail.

Monsieur [X] fait valoir qu'il n'a pas commis les faits qui lui sont reprochés, qu'il a été été victime du comportement agressif et violent de Monsieur [A], lequel est intervenu sans raison dans un litige qui ne le concernait pas, qu'il n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire avant la rupture du contrat de travail, qu'il n'a pas fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire, nonobstant la faute grave retenue à son encontre, et que le licenciement avait en fait un motif économique.

La société RENAULT TRUCKS répond que les pièces versées aux débats établissent la matérialité des faits reprochés à Monsieur [X], que ces faits sont constitutifs d'une faute grave, nonobstant l'absence de passé disciplinaire du salarié ou de mise à pied à titre conservatoire, qu'enfin, le licenciement n'avait pas de motif économique.

Les parties sont d'accord pour reconnaître qu'une altercation est intervenue le 12 juin 2014 entre Messieurs [X] et [A] sur le lieu de travail du salarié situé à [Localité 2] (69).

Les témoignages versés aux débats font apparaître que l'altercation a d'abord eu lieu sur une zone de déchargement des camions puis au cours d'une réunion organisée immédiatement après les faits par Monsieur [B].

Monsieur [U] relate que suite à un incident survenu entre Messieurs [L] et [X] sur la zone de déchargement, Monsieur [A] est venu voir Monsieur [X]; que lui-même a dû s'interposer entre Messieurs [X] et [A], du fait que ceux-ci s'insultaient et allaient se battre et que rétrospectivement, il a eu peur pour sa propre personne.

Monsieur [O] confirme que Messieurs [X] et [A] ont eu une violente altercation verbale et se seraient bagarrés s'ils n'avaient pas été retenus chacun de leur côté; qu'il précise avoir retenu Monsieur [A] de façon à ce qu'il ne rentre pas en contact avec Monsieur [X] et que l'échange verbal est alors passé du français à l'arabe, langue qu'il ne comprend pas.

Monsieur [B], supérieur hiérarchique des intéressés, indique qu'il a fait asseoir les protagonistes de l'altercation autour d'une table pour connaître leurs explications à chaud mais que très vite, Monsieur [A] s'est énervé, s'est levé le premier, a crié avec agressivité et a échangé avec Monsieur [X] des insultes en arabe; que l'altercation a été très violente de telle sorte que Messieurs [A] et [X] ont dû être retenus physiquement pour qu'ils n'en viennent pas aux mains.

Messieurs [S] et [M], présents à la réunion organisée par Monsieur [B], témoignent du comportement agressif de Monsieur [A]. Monsieur [S] précise qu'en s'expliquant, Messieurs [X] et [A] ont haussé le ton, qu'aucune discussion n'étant possible, Monsieur [X] s'est levé et a quitté les lieux et que lui-même s'est levé afin d'empêcher Monsieur [A] de suivre Monsieur [X] à l'extérieur du bureau. Monsieur [M] ne fait pas état d'un comportement inadapté de Monsieur [X] lors de cette réunion.

Il ressort de ces témoignages que:

-le 12 juin 2014, Monsieur [X] a commis des violences verbales ainsi qu'une tentative de violences physiques contre Monsieur [A] sur la zone de déchargement, un doute existant quant au fait que Monsieur [X] aurait insulté Monsieur [A] lors de la réunion organisée par Monsieur [B],

-les faits de violences imputables au salarié ont été générés par le comportement particulièrement agressif de Monsieur [A] et n'ont pas eu de conséquences particulières au niveau de l'entreprise.

Messieurs [Z], [T], [P] et [D] témoignent du bon comportement de Monsieur [X], qui était leur collègue de travail. Par ailleurs, le salarié n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire au cours de la relation de travail. Enfin, l'employeur, qui ne produit pas les entretiens annuels d'évaluation du salarié ni son registre du personnel malgré une sommation de communiquer, ne contredit pas Monsieur [X] quant au fait qu'il ne l'a pas remplacé. Compte tenu de ces éléments, les actes établis à l'encontre de Monsieur [X] ayant été provoqués par le comportement agressif de Monsieur [A] ne sont pas constitutifs d'une faute grave, ni même d'une faute simple. Le licenciement est dès lors sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé sur ce point.

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, le salarié qui a une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur [X] avait 54 ans et une ancienneté de plus de 7 ans dans l'entreprise au moment du licenciement. Il percevait à cette date un salaire mensuel brut moyen de 2.219,87 euros (moyenne des trois derniers mois de salaire), montant qu'il y a lieu de retenir au lieu de celui de 2.015,71 euros avancé par l'employeur. Monsieur [X], inscrit comme demandeur d'emploi depuis le 4 juillet 2014, avait bénéficié de 894 allocations journalières d'aide au retour à l'emploi au 16 février 2018. Il ne justifie pas de sa situation depuis cette date.

Les sommes réclamées par Monsieur [X] en cause d'appel au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité conventionnelle de licenciement ne sont pas critiquées par l'employeur. La société RENAULT TRUCKS sera condamnée à payer à Monsieur [X] la somme de 4.439,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 443,97 euros au titre des congés payés afférents et celle de 3.551,79 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Compte tenu de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du salarié rappelés ci-dessus, la société RENAULT TRUCKS sera condamnée en outre à payer à Monsieur [X] la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois.

La société RENAULT TRUCKS , partie perdante , sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à Monsieur [X] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par le salarié tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS:

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions;

STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT,

DIT que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société RENAULT TRUCKS à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes:

4.439,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 443,97 euros au titre des congés payés afférents,

3.551,79 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;

ORDONNE, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société RENAULT TRUCKS des allocations de chômage versées à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois;

CONDAMNE la société RENAULT TRUCKS à payer à Monsieur [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société RENAULT TRUCKS aux dépens de première instance et d'appel

Le greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/04873
Date de la décision : 20/11/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/04873 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-20;16.04873 ?
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