La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2019 | FRANCE | N°17/04979

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 23 octobre 2019, 17/04979


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 17/04979 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LEBS





[I]



C/

SAS ERESE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Juin 2017

RG : 15/01194





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2019







APPELANT :



[L] [I]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4]

[Adresse 2]


[Localité 3]



Me Thomas BERNARD, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS ERESE

[Adresse 1]

[Localité 1]



Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

SELARL CAPSTAN LSM, avocat plaidant au barreau de PARI...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/04979 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LEBS

[I]

C/

SAS ERESE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Juin 2017

RG : 15/01194

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2019

APPELANT :

[L] [I]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Me Thomas BERNARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS ERESE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

SELARL CAPSTAN LSM, avocat plaidant au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Mai 2019

Présidée par Evelyne ALLAIS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED VACHERON, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Octobre 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [L] [I] a été embauché le 8 juin 2009 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société HABITAT&TERRITOIRES CONSEIL, aux droits de laquelle vient la société ERESE, en qualité de consultant junior.

La société ERESE et Monsieur [I] ont conclu une convention de rupture conventionnelle le 25 septembre 2014.

Elles ont conclu un protocole d'accord transactionnel daté du 12 novembre 2014 destiné à mettre fin au litige les opposant quant à la validité de la rupture conventionnelle susvisée.

La société ERESE a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 26 mars 2015. EIle sollicitait en dernier lieu de voir annuler le protocole transactionnel, dire que la rupture conventionnelle produisait les effets d'un licenciement pour faute grave, et condamner Monsieur [I] à lui rembourser les indemnités versées dans le cadre de l'accord transactionnel et de la rupture conventionnelle ainsi qu'à lui payer des dommages et intérêts outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement en date du 15 juin 2017, le conseil de prud'hommes, dans sa formation paritaire, a:

- débouté la société ERESE de ses demandes en nullité de l'accord transactionnel du 12 novembre 2014 et en restitution de l'indemnité transactionnelle, en nullité de la rupture conventionnelle du 25 septembre 2014, en requalification de cette rupture en licenciement pour faute grave et en restitution de l'indemnité conventionnelle de rupture ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

- débouté Monsieur [I] de ses demandes de requalification de ses fonctions, de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'heures supplémentaires et au titre de déplacements professionnels non compensés ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouté la société ERESE et Monsieur [I] de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration en date du 6 juillet 2017, Monsieur [I] a interjeté appel de la décision, limitant cet appel aux dispositions du jugement le déboutant de ses demandes reconventionnelles (nullité de la transaction, heures supplémentaires, travail dissimulé, rappel de salaires eu égard à la classification, contrepartie des déplacements professionnels, exécution de mauvaise foi).

Dans ses conclusions, Monsieur [I] demande à la Cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé la rupture conventionnelle conclue le 25 septembre 2014 et débouté la société ERESE de l'ensemble de ses demandes,

- l'infirmer pour le surplus,

- prononcer la nullité du protocole transactionnel du 11 novembre 2014, aux motifs qu'il organisait les modalités de la rupture du contrat de travail,

- constater qu'il a perçu la somme nette de 7.360 euros en application de cet accord, de telle sorte que la société ERESE ne peut réclamer la restitution d'une somme de 8.000 euros,

- dire qu'il exerçait l'emploi de consultant expérimenté et non de consultant junior,

- condamner la société ERESE à lui payer les sommes suivantes:

14.954,66 euros au titre de la requalification de son emploi et 1.495,46 euros au titre des congés payés afférents,

1.178 euros au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

8.000 euros au titre des déplacements professionnels qui n'ont pas fait l'objet de compensation,

13.171,75 euros au titre des heures supplémentaires non payées et 1.317,17 euros au titre des congés payés afférents,

21.859,80 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ERESE aux dépens.

Dans ses conclusions, la société ERESE demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que le protocole transactionnel est nul.

- dire que la rupture conventionnelle du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement pour faute grave,

- condamner Monsieur [I] à lui payer les sommes suivantes:

8.000 euros en remboursement de l'indemnité transactionnelle,

15.727 euros en remboursement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle,

3.341,30 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [I] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur la validité du protocole d'accord transactionnel:

Monsieur [I] fait valoir qu'il a été victime de nombreux manquements commis tant par la société HABITAT&TERRITOIRES CONSEIL que par la société ERESE dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, que ces manquements étaient relatifs notamment au respect de sa fiche de poste ainsi qu'au paiement d'heures supplémentaires, que dans ce contexte, les parties ont conclu le 25 septembre 2014 la rupture conventionnelle ainsi que le protocole d'accord transactionnel, mais 'antidaté par la société au 11 novembre 2014", que postérieurement à la rupture du contrat de travail, il a créé sa propre structure en qualité d'entrepreneur individuel et a obtenu l'adjudication d'un marché public fin décembre 2014 à la place de la société ERESE, ancien adjudicataire de ce marché, qu'il n'était tenu à aucune obligation de non concurrence à l'égard de l'employeur et n'a pas utilisé d'informations confidentielles dont il aurait eu connaissance au cours de la relation de travail pour obtenir ce marché, que le protocole d'accord transactionnel ne peut être annulé pour le motif invoqué par l'employeur, que néanmoins, ce protocole d'accord doit être annulé dès lors qu'il organise les modalités de la rupture et prévoit une renonciation au recours juridictionnel de l'article L.1237-14 du code du travail.

La société ERESE réclame également la nullité du protocole d'accord transactionnel, au motif que Monsieur [I] a manqué à son obligation de confidentialité dans le cadre de ce protocole et a commis un dol en vue d'obtenir son consentement. Elle précise que le salarié a utilisé les contacts dont il avait connaissance au cours de la relation de travail pour détourner des clients de la société à son profit alors que ces informations avaient un caractère confidentiel, qu'au surplus, Monsieur [I] lui a délibérément caché qu'il essayait de convaincre la société LOIRE HABITAT de rompre les relations contractuelles avec elle pour pouvoir conclure un contrat avec cette société , qu'elle n'aurait pas signé le protocole si elle avait été informée de la volonté du salarié de détourner sa clientèle.

Il résulte de l'application combinée des articles L. 1237-11, L. 1237-13, L. 1237-14, L. 1237-15 du code du travail et 2044 du code civil dans leur rédaction applicable qu'un salarié et un employeur ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction, d'une part, que si celle-ci intervient postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative ou, s'agissant d'un salarié bénéficiant d'une protection mentionnée aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail,postérieurement à la notification aux parties de l'autorisation, par l'inspecteur du travail, de la rupture conventionnelle, d'autre part, que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture.

Le protocole d'accord transactionnel est daté du 12 et non du 11 novembre 2014. En l'absence de démonstration par le salarié de ce que ce protocole a été signé à une autre date, la transaction considérée a été conclue le 12 novembre 2014.

Par ailleurs, les parties sont d'accord pour reconnaître que la rupture du contrat de travail est intervenue le 4 novembre 2014. Aussi, le protocole d'accord transactionnel litigieux a bien été conclu postérieurement à l'homologation par la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence de la Consommation du Travail et de l'Emploi de la rupture conventionnelle.

Néanmoins, l'article 3 du protocole d'accord transactionnel est rédigé en ces termes:

' Sous réserve de la parfaite exécution du présent accord, intervenu librement après négociations entre les Parties, celles-ci renoncent irrévocablement l'une envers l'autre à toute réclamation, droit et action pour tout fait concernant l'exécution, la cessation et/ou les conséquences de l'exécution, de la cessation des relations de travail les ayant unies.

Monsieur [L] [I] s'estimant rempli de la totalité de ses droits renonce définitivement à toute instance contre la société concernant tant l'exécution que la rupture de sa relation de travail et, notamment, à toute demande de salaires, avantages, commissions et indemnités de quelque nature que ce soit.

Monsieur [L] [I] renonce notamment à toute action fondée sur un prétendu comportement professionnel inadapté.'

La transaction conclue entre les parties avait donc pour objet de régler un différend non seulement quant à l'exécution du contrat de travail mais aussi quant à la rupture de celui-ci, ce qu'elle ne pouvait pas faire, compte tenu de la rupture conventionnelle déjà intervenue.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité du protocole d'accord transactionnel. Les parties devant être remises dans l'état où elles trouvaient antérieurement à ce protocole, Monsieur [I] sera condamné à rembourser à la société ERESE la somme de 7.360 euros qui lui a été versée en exécution du protocole, après application des cotisations sociales sur l'indemnité brute de 8.000 euros contractuellement prévue. Le jugement sera infirmé sur ces points.

sur la validité de la rupture conventionnelle:

Monsieur [I] fait valoir qu'il n'a commis aucun dol de nature à justifier la nullité de la rupture conventionnelle du 25 septembre 2014, que les faits allégués par l'employeur sont postérieurs à cette date et ne sont pas constitutifs d'un détournement de clientèle, compte tenu des conditions dans lesquelles il a obtenu le marché de la société LOIRE HABITAT.

La société ERESE réplique que la rupture conventionnelle est nulle en raison du dol du salarié, que le salarié lui a délibérément caché qu'il essayait de convaincre la société LOIRE HABITAT de rompre les relations contractuelles avec elle pour pouvoir conclure un contrat avec cette société, qu'elle n'aurait pas signé la rupture conventionnelle si elle avait eu connaissance de la volonté du salarié de détourner sa clientèle, que Monsieur [I] ayant commis des actes délibérés de concurrence déloyale entre le 25 septembre et le 4 novembre 2014, la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement pour faute grave.

Monsieur [I] a créé en novembre 2014 une entreprise individuelle exerçant une activité libérale d'ingénierie et d'études techniques. Fin janvier 2015, il a été adjudicataire d'un marché public avec la société LOIRE HABITAT par préférence à la société ERESE suite à un appel d'offres du 10 novembre 2014.

Il ressort de deux courriels des 24 et 27 octobre 2014, que Monsieur [I] a informé la société LOIRE HABITAT de ce qu'il devait prochainement quitter l'employeur, a émis le souhait de s'entretenir avec elle de l'avenir de la mission effectuée pour le compte de son employeur et des suites pouvant lui être données, et lui a transmis ses coordonnées personnelles. Néanmoins, ces courriels sont postérieurs à la convention de rupture conventionnelle. Aussi, ils ne révèlent aucune dissimulation fautive de la part du salarié de nature à vicier le consentement de l'employeur à la date de conclusion de la convention considérée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société ERESE de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle pour dol ainsi que de sa demande de remboursement de l'indemnité spécifique versée au titre de cette rupture.

sur la demande de dommages et intérêts de l'employeur:

La responsabilité civile d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts, la société ERESE fait valoir que Monsieur [I] a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en procédant à des actes de concurrence déloyale, ce que conteste le salarié.

Monsieur [I] n'était soumis à aucune obligation de non concurrence après la rupture du contrat de travail.

Les courriels des 24 et 27 octobre 2014 précités révèlent que Monsieur [I] a pris attache pour son compte personnel avec la société LOIRE HABITAT. Toutefois, cette prise de contact a eu lieu après l'expiration du délai de rétractation de la convention de rupture conventionnelle et moins de 15 jours avant la rupture effective du contrat de travail. En outre, ces courriels ne prouvent pas que Monsieur [I] a remporté l'appel d'offres de la société LOIRE HABITAT du 10 novembre 2014 en raison d'informations confidentielles dont il avait connaissance dans le cadre du contrat de travail. L'employeur n'établit donc pas les actes de concurrence déloyale qu'il impute au salarié et ne caractérise aucune faute lourde de nature à justifier sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société ERESE de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Monsieur [I].

sur les demandes du salarié:

revalorisation de l'emploi exercé:

Il résulte du principe "à travail égal, salaire égal", dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.II-9° , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Monsieur [I] fait valoir qu'il a exercé les fonctions de consultant expérimenté à compter de l'année 2011 au lieu de celles de consultant junior pour lesquelles il avait été recruté, qu'il ne travaillait plus sous l'autorité d'un chef de projet à compter de cette date, étant l'unique responsable des missions qui lui étaient confiées, qu'il avait non seulement une activité de production mais aussi de pilotage et de négociation, qu'il effectuait les mêmes tâches que son collègue de travail Monsieur [O], consultant expérimenté mais bénéficiait d'un salaire moindre, que bien qu'ayant reconnu qu'il assumait des fonctions ne correspondant pas à son emploi, l'employeur n'a pas modifié cette situation, qu'il est bien fondé à réclamer un rappel de salaire pour la période de 2011 à 2014 égal à la différence de rémunérations perçues entre Monsieur [O] et lui-même ainsi qu'un complément d'indemnité conventionnelle résultant de la revalorisation salariale réclamée.

La société ERESE rétorque que les missions de consultant junior et de consultant expérimenté énergie et environnement sont bien distinctes, celles de consultant junior étant axées majoritairement sur la production alors que le consultant expérimenté dispose d'une charge de travail répartie à la fois sur la production et sur le développement commercial, que Monsieur [O] avait une charge de travail et un niveau de responsabilité supérieurs à ceux du salarié, devant atteindre des objectifs liés à la négociation et à la conclusion de nouvelles affaires, en plus d'objectifs de production, que le fait d'être l'interlocuteur privilégié des clients rentrait dans les fonctions de consultant junior du salarié, qu'enfin, le salarié faisait l'objet d'un encadrement, même s'il refusait d'intégrer son manager dans ses relations avec les clients.

A l'appui de ses allégations quant à la différence de traitement dont il était victime par rapport à Monsieur [O], Monsieur [I] produit les pièces suivantes:

- sa fiche de poste,

- ses plans de charge de décembre pour les années 2009 à 2014,

- le contrat de travail, les fiches de paie de février 2011 au 13 mai 2012, les plans de charge de décembre 2011, février à avril 2012 de Monsieur [O] ,

- plusieurs marchés conclus par l'employeur en 2010, 2012 et 2014,

- son entretien individuel du 20 juin 2014,

- des courriels professionnels échangés en 2014 avec des clients ou son employeur.

Il ressort de ces pièces:

- que les fonctions de consultant junior ont pour finalités:

de produire des prestations d'études, de conseil d'ingénierie encadrées par un chef de projet pour le compte de clients et dans le respect des procédures, méthodes, outils et chartes de la société,

de contribuer à l'établissement de propositions commerciales,

de contribuer à une relation client permettant de valoriser l'image de la structure et obtenir sa satisfaction,

- qu'à compter de 2011, Monsieur [I] a assuré la responsabilité de la majorité des missions qui lui étaient confiées et était désigné par l'employeur comme consultant confirmé vis à vis des clients,

- que lors d'un échange de courriels des 20 et 23 juin 2014, le supérieur hiérarchique de Monsieur [I] a rappelé à celui-ci la nécessité de le mettre en copie des courriels importants et de lui faire valider les rapports et documents importants, que néanmoins, lors d'un entretien individuel postérieur à cet échange, il a reconnu que le salarié assumait des fonctions et du pilotage qui ne correspondaient pas à son emploi mais n'a pas remédié à cette situation, malgré son engagement de prendre en charge le pilotage des missions dans l'attente de la venue d'un consultant senior,

- que Monsieur [O], recruté comme consultant expérimenté en février 2011, accomplissait le même type de missions que Monsieur [I] mais bénéficiait d'un salaire mensuel supérieur à celui de Monsieur [I].

Ces éléments sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération entre Messieurs [O] et [I].

La comparaison des plans de charge de Messieurs [I] et [O] ne prouve pas que le salarié n'exerçait pas l'emploi de consultant expérimenté au seul motif qu'il avait moins d'affaires en négociation que Monsieur [O]. Aussi, en l'absence d'autres pièces versées aux débats par l'employeur, celui-ci ne démontre pas que l'inégalité de rémunération existant entre Messieurs [O] et [I] résulte d'éléments objectifs, alors que ces salariés exerçaient les mêmes fonctions de consultant expérimenté.

Les modalités de calcul du rappel de salaire auquel le salarié pouvait prétendre en qualité de consultant expérimenté n'étant pas critiquées par l'employeur, la société ERESE sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme totale de 14.954,66 euros à ce titre outre 1.496,46 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ce point.

complément d'indemnité conventionnelle de licenciement

La rémunération mensuelle moyenne de Monsieur [I] sur les 12 derniers mois s'élève à la somme de 3.643,30 euros après revalorisation de sa rémunération du fait de ses fonctions de consultant expérimenté au lieu de celle de 3.341,30 euros.

Monsieur [I] réclame un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement du fait de cette revalorisation.

La société ERESE, qui ne conteste pas les modalités de calcul de ce complément d'indemnité de licenciement en application de l'article 4-4 de la convention collective nationale des organisations professionnelles de l'habitat social, sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 1.178 euros à ce titre.

heures supplémentaires:

L'article L. 3171-4 du code du travail énonce en son premier alinéa qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et en son second alinéa qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La preuve des heures de travail effectuées n'incombant spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail accomplies de répondre en fournissant ses propres éléments.

Monsieur [I] fait valoir que compte tenu des tâches qui lui étaient confiées par l'employeur, il a dû travailler en sus des horaires de travail auxquels il était tenu par le règlement intérieur, qu'il a effectué 470 heures supplémentaires avec l'accord implicite de l'employeur de mai 2011 jusqu'à la rupture du contrat de travail.

La société ERESE réplique que le salarié était soumis à une durée hebdomadaire de travail de 37h30, que les courriels versés aux débats par le salarié ne sont pas suffisants pour établir les heures supplémentaires de celui-ci, 14 courriels seulement étant émis à des heures très tardives ou durant les jours de repos et la plupart de ces courriels ne concernant pas l'exécution de la prestation de travail, qu'au surplus, le salarié ne respectait pas toujours l'horaire collectif, qu'enfin, les heures supplémentaires réclamées intègrent à tort des temps de déplacement professionnel.

A l'appui de sa demande d'heures supplémentaires, Monsieur [I] produit:

- le règlement intérieur de l'UES L'UNION SOCIALE POUR L'HABITAT mentionnant notamment les horaires de travail au sein de cette entité (9h-12h30/14h-18h),

- ses agendas professionnels ainsi qu'un relevé de ses frais de déplacements professionnels de 2009 à 2014, faisant apparaître que le salarié travaillait certains jours en sus des horaires susvisés ou encore était soumis à des déplacements professionnels très importants,

- de nombreux courriels professionnels envoyés par lui en dehors des horaires de travail susvisés de 2010 à 2014,

- des courriels d'août et septembre 2014 se plaignant auprès de l'employeur de l'absence de réponse de celui-ci sur le mode de récupération des heures de travail et de trajet, effectués hors temps de travail,

- des attestations établies par Messieurs [O] et [C] [V], collègues du salarié, lesquels relatent que leur charge de travail était trop importante pour être réalisée dans les horaires fixés par la société et que Monsieur [I] était soumis aux mêmes contraintes, finissant très souvent le travail après 18 heures 30,

- une réponse du 10 octobre 2013 à un courrier de mise en garde de l'employeur du 8 octobre 2013, où il fait part du sous-dimensionnement des moyens qui lui sont alloués pour réaliser ses missions,

- des décomptes par semaine des heures supplémentaires effectuées

Ces éléments sont suffisants pour étayer la demande d'heures supplémentaires du salarié.

Les parties sont d'accord pour reconnaître que:

- la durée hebdomadaire de travail au sein de la société était de 37 h 30 au lieu de 35 heures en application d'un protocole d'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 31 mai 1999,

- Monsieur [I] devait respecter les horaires de travail suivants: 9h-12h30/14h-18h.

La majorité des courriels versés aux débats par le salarié sont adressés de la boîte électronique professionnelle du salarié et ont un caractère professionnel. Compte tenu de l'importante charge de travail confiée au salarié, comprenant également des rendez-vous sur des sites extérieurs avant 9 heures, il convient de considérer que que Monsieur [I] a effectué des heures supplémentaires avec l'accord au moins implicite de l'employeur. La lettre de mise en garde de l'employeur du 8 octobre 2013 et le courriel du salarié du 12 novembre 2013 faisant état de ce qu'il aura des difficultés à se rendre à une réunion prévue le 18 décembre 2013 à 9h30 à [Localité 2] en raison d'impératifs familiaux ne prouvent pas que Monsieur [I] n'a pas respecté ses horaires de travail le 18 décembre 2013 ainsi que les autres jours pour lesquels il sollicite des heures supplémentaires. Le courriel à caractère personnel du salarié du 19 mai 2014 n'est d'aucun renseignement sur ce point.

Néanmoins, au vu des observations de l'employeur, il apparaît que les heures supplémentaires décomptées par Monsieur [I] ne correspondent pas à la réalité, en ce que:

- la durée du travail effectuée en dehors des horaires auxquels le salarié était astreint est surestimée au regard du travail justifié,

- les temps de déplacements professionnels sont décomptés comme du temps de travail.

Aussi, au vu des éléments versés aux débats par chacune des parties, il y a lieu de considérer que le salarié a accompli 300 heures supplémentaires.

La société ERESE sera donc condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 8.407,05 euros (28,025 €x300) au titre de ces heures supplémentaires outre celle de 840,70 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ce point.

déplacements professionnels:

L'article L.3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif; que toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière; que cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe; que la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Monsieur [I] fait valoir qu'il a accompli de nombreux déplacements professionnels en dehors de son temps de travail, que les temps de trajets afférents à ces déplacements n'ont fait l'objet d'aucune contrepartie financière, ce qui motive sa demande en paiement à ce titre.

La société ERESE réplique que Monsieur [I] ne prouve pas être créancier d'une quelconque somme au titre des temps de déplacement professionnel, lesquels étaient effectués au cours de la journée de travail.

Le relevé des frais de déplacements professionnels de Monsieur [I], qui n'est contredit par aucune pièce de l'employeur montre que celui-ci a effectué de nombreux déplacements professionnels excédant le temps normal de trajet entre son domicile et le siège social de la société, situés tous les deux à [Localité 3].

Or, l'employeur ne prouve pas que ces temps de déplacements professionnels étaient compris dans les horaires de travail du salarié, certains excédant 200 kilomètres aller et retour.

Monsieur [I], qui a estimé à 204 heures les temps de trajet considérés pour la période non prescrite de 2011 à 2014, ne produit aucune pièce de nature à justifier de cette évaluation. Compte tenu de ces éléments, la société ERESE sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 3.000 euros à titre de contrepartie financière pour ces temps de trajet et le jugement infirmé sur ce point.

travail dissimulé:

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable:

" Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales"

Si Monsieur [I] a fait état auprès de l'employeur de ses heures supplémentaires à compter du mois d'août 2014, il n'a pas fait de réclamation précise quant à celles-ci et les parties ont conclu une rupture conventionnelle dès le mois de septembre 2014. Aussi, le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié résultant de l'absence de mention sur le bulletin de salaire de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale par l'employeur n'est pas démontré.

Le jugement sera confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

déloyauté de l'employeur:

Monsieur [I] fait valoir que l'employeur a commis de nombreux manquements dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, que l'employeur ne lui a pas payé ses heures supplémentaires ainsi que de contrepartie pour ses temps de déplacement professionnel, que l'employeur a refusé de répondre à ses interrogations quant à cette contrepartie, qu'il n'a plus bénéficié de prime sur objectifs à compter de l'année 2012 sans aucune explication de la part de l'employeur, qu'il a eu des difficultés à obtenir des congés suite au décès d'un proche et a été contraint de travailler alors qu'il était en arrêt pour maladie

La société ERESE conteste l'ensemble des manquements qui lui sont reprochés.

Monsieur [I] ne prouve pas que l'employeur a commis un manquement fautif en ne lui octroyant pas à l'occasion du décès de la mère de sa compagne en juillet 2014 le congé exceptionnel prévu par l'article 9-1 de la convention collective de l'habitat social à l'occasion du décès des beaux-parents ni qu'il a été contraint par l'employeur d'adresser des courriels professionnels pendant un arrêt de travail de juin 2014.

En revanche, la Cour a condamné la société ERESE à payer à Monsieur [I] des heures supplémentaires ainsi qu' une contrepartie financière pour compenser les temps de déplacements professionnels du salarié.

Le contrat de travail prévoit le versement au salarié d'une prime complémentaire basée sur le résultat de l'exercice et calculée selon des critères concernant l'atteinte d'objectifs de valeur ajoutée, de contractualisation commerciale et de contribution au développement de la société. Monsieur [I] a perçu une prime de performance de 2.319 euros pour l'exercice 2009 et de 3.300 euros pour l'exercice 2010. Si l'employeur n'explique pas pour quel motif il n'a plus versé la prime d'objectifs prévue au contrat de travail pour les autres exercices, le salarié ne fait aucune demande de rappel de salaires à ce titre.

Monsieur [I] ne justifiant pas avoir subi de préjudice particulier en sus du préjudice financier réparé par la Cour d'appel au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie financière due au titre des déplacements professionnels, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

La société ERESE, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS:

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société ERESE de ses demande de nullité de la rupture conventionnelle et de remboursement de l'indemnité spécifique versée au titre de cette rupture, débouté la société ERESE et Monsieur [I] de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et débouté Monsieur [I] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé;

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU,

PRONONCE la nullité du protocole d'accord transactionnel conclu le 12 novembre 2014 entre les parties;

CONDAMNE Monsieur [I] à payer à la société ERESE la somme de 7.360 euros en remboursement de l'indemnité versée à celui-ci au titre du protocole d'accord transactionnel,

CONDAMNE la société ERESE à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :

14.954,66 euros à titre de rappel de salaire résultant de l'inégalité de traitement outre 1.496,46 euros au titre des congés payés afférents,

8.407,05 au titre des heures supplémentaires outre 840,70 euros au titre des congés payés afférents,

3.000 euros à titre de contrepartie financière pour les temps de déplacements professionnels,

1.178 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement;

CONDAMNE la société ERESE à payer à Monsieur [I] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société ERESE aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/04979
Date de la décision : 23/10/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/04979 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-23;17.04979 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award