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18/10/2019 | FRANCE | N°17/00315

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 18 octobre 2019, 17/00315


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 17/00315 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KZJG





SASU SIGUE GLOBAL SERVICES



C/

[H]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 15 Décembre 2016

RG : 12/04009











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2019







APPELANTE :



SAS SIGUE GLOBAL SERVICES

[

Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON,

Ayant pour avocat plaidant Me Delphine RICARD de l'AARPI VATIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/00315 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KZJG

SASU SIGUE GLOBAL SERVICES

C/

[H]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 15 Décembre 2016

RG : 12/04009

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2019

APPELANTE :

SAS SIGUE GLOBAL SERVICES

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON,

Ayant pour avocat plaidant Me Delphine RICARD de l'AARPI VATIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Jérôme HABOZIT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[K] [H]

né le [Date naissance 1] 1977 à ADRE (TCHAD)

[Adresse 2]

69008 LYON

Représenté par Me Kabaluki BAKAYA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Juin 2019

Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Natacha LAVILLE, Conseiller faisant fonction de Président

- Sophie NOIR, conseiller

- Laurence BERTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Octobre 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Natacha LAVILLE, Conseiller faisant fonction de Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS COINSTAR MONEY TRANSFERT, désormais dénommée la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES a pour activité le transfert d'argent liquide de personne à personne par l'envoi de mandats.

Elle applique la convention collective nationale du personnel des sociétés financières.

[K] [H] a été embauché par la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES à compter du 1er décembre 2008 en qualité de Conseiller commercial, statut personnel qualifié II A, coefficient 195 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, avec une rémunération mensuelle de base de 1430,25 € bruts.

Il a été affecté à l'établissement de Lyon situé [Adresse 3].

Au cours de la relation de travail, [K] [H] a fait l'objet :

- d'une lettre de mise en garde versée au dossier personnel date du 24 mai 2012 pour avoir pris ses fonctions avec un retard de quatre heures les 26 avril et 2 mai 2012

- d'un avertissement notifié par lettre recommandée avec accusé réception du 12 septembre 2012 pour ne pas avoir assuré le 'banking' pour le relevé des fonds effectué par le prestataire LOOMIS en charge de cette opération le 8 septembre 2012, obligeant l'employeur à reprogrammer un passage.

Le 23 octobre 2012, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon pour obtenir:

- sa reclassification au niveau Cadre, repère A, coefficient 360 de la convention collective

- la fixation de son salaire à 1971,67 € depuis le début du contrat de travail

- des rappels de salaires depuis le début du contrat de travail

- la résiliation judiciaire du contrat de travail 'avec imputabilité de la rupture à son employeur en raison de la violation de ses obligations contractuelles et du harcèlement moral managérial dont il est victime'

- des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 octobre 2012, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES a convoqué [K] [H] le 9 novembre à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement auquel le salarié ne s'est pas présenté.

Par courrier recommandé avec accusée réception du 16 novembre 2012, l'employeur lui a notifié un 'nouvel avertissement' disciplinaire pour:

- des retards non justifiés les 22 octobre, 23 octobre 26 octobre 2012 ainsi que les 5 novembre, 7 novembre et 15 novembre 2012

- la dissimulation d'une différence de caisse de 412,60 € le 8 septembre 2012, découverte le 4 octobre 2012.

Par courrier recommandé avec accusé réception du 22 novembre 2012, [K] [H] a contesté cet avertissement et a reproché à l'employeur un harcèlement moral, que ce dernier a nié par lettre recommandée avec accusé réception du 28 novembre 2012.

Par courrier recommandé avec accusé réception daté du même jour, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES a de nouveau convoqué [K] [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 décembre 2012 et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire par courrier séparé.

Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé réception du 3 janvier 2013 dans les termes suivants:

'Monsieur,

Par lettre recommandée AR en date du 28 novembre 2012, nous vous avons convoqué un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement qui devait se tenir le 17 décembre 2012.

Vous n'avez pas daigné vous rendre à cet entretien, sans même nous informer préalablement de votre absence et des raisons de celle-ci.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Vous avez été embauché à compter du 1er décembre 2008, en qualité de « Conseiller commercial ' coefficient 195 ' échelon IIA pour CTM France».

Depuis maintenant plusieurs mois, nous avons eu à vous reprocher de multiples problèmes de comportement.

Dès le 24 mai 2012, nous avons été contraints de vous adresser une mise en garde en raison de retards injustifiés perturbant le bon fonctionnement de l'agence et donnant une mauvaise image de notre société à nos clients.

Par ailleurs, le 8 septembre 2012, vous n'avez pas assuré le « banking » pour le relevé des fonds effectués par Loomis, notre prestataire en charge de cette opération, nous obligeant ainsi à reprogrammer un passage. Ainsi une forte somme d'argent est restée dans les coffres, ce qui non seulement porte préjudice au bon fonctionnement de l'agence, mais surtout, peut avoir des incidences graves en termes de sécurité. Ce nouveau manquement professionnel a été sanctionné par un avertissement en date du 12 septembre 2012.

Le 4 octobre 2012, votre responsable de secteur Madame [P] [D] a découvert une différence de caisse de 412,60 € que vous avez volontairement omis de déclarer à votre responsable direct et à votre responsable de secteur, contrairement à ce que prévoient nos procédures internes dont vous avez pourtant parfaitement connaissance. Cette différence de caisses datait du 8 septembre 2012. Dans ces conditions, eu égard par ailleurs à de nouveaux et multiples retards injustifiés, nous vous avons notifié un deuxième avertissement en date du 16 novembre 2012.

Aux termes de cet avertissement, nous vous indiquions clairement que si de tels faits venaient à se reproduire à l'avenir, nous serions obligés de prendre à votre égard une sanction disciplinaire plus grave et d'envisager la rupture de votre contrat de travail.

Vous n'avez visiblement pas tenu compte de cette mise en garde puisque le 26 novembre 2012, votre responsable direct a informé le responsable de secteur, Madame [P] [D], que vous aviez fait une nouvelle différence de caisse de 1000 € le 24 novembre 2012. Vous avez, une nouvelle fois, tenté de dissimuler cette différence de caisse, au mépris de nos avertissements répétés et de nos procédures internes puisque vous n'êtes pas sans savoir que chaque erreur comprise entre 30 et 1500 € doit impérativement faire l'objet d'un signalement par le salarié concerné au service de secteur, à l'audit et la comptabilité.

En outre, malgré les demandes de vos responsables vous avez refusé de rédiger le rapport d'incident, indiquant qu'il ne s'agissait pas réellement une différence de caisse dans la mesure où cette somme de 1000 € correspondait en réalité à l'envoi d'un client sensé régulariser la situation plus tard, chose qui naturellement n'est jamais arrivée.

Non seulement vos explications de sont pas crédibles, mais en outre un tel comportement va à l'encontre de nos règles les plus élémentaires puisque vous n'êtes pas sans ignorer que notre établissement n'est pas un établissement de crédit et que vous avez donc l'obligation de percevoir directement la somme que le client souhaite transférer avant d'effectuer une transaction.

Il s'avère en outre que vous avez été incapable de nous présenter le moindre reçu de transfert de sorte que nous sommes aujourd'hui dans l'incapacité d'identifier la personne qui aurait transféré ces 1000 €.

Vous comprendrez que nous ne pouvons plus tolérer de tels agissements, votre comportement est parfaitement irresponsable compte tenu de la nature de nos activités et au regard de nos procédures internes dont vous avez parfaitement connaissance.

Ces faits constituent une violation de notre règlement intérieur et de nos obligations de vigilance LCB ' FT (lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme) et portent atteinte à notre étihique. Nous nous réservons d'ores et déjà la possibilité d'engager toutes les procédures susceptibles de garantir nos droits et protéger nos intérêts. Nous sommes donc contraints de mettre fin à votre contrat de travail.

Par la présente, nous vous notifions donc votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture. (...)'.

Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil des prud'hommes de Lyon en sa formation de départage a :

' rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société SIGUE GLOBAL SERVICES venant aux droits de la SAS COINSTAR MONEY TRANSFER formulées par [K] [H]

' dit que le licenciement de Monsieur [K] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

' condamné la société SIGUE GLOBAL SERVICES venant aux droits de la SAS COINSTAR MONEY TRANSFER à payer à Monsieur [K] [H]:

à titre d'indemnité de préavis : 2860,50 €

à titre de congés payés afférents : 286,05 €

à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8581,50 €

à titre d'indemnité de licenciement : 2920,09 €

à titre d'indemnité pour atteinte à la liberté de travailler et d'entreprendre : 5000 €

en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 1000 €

' dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du même code

' dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1475 € et rappelle les dispositions de l'article R 1454 ' 28 du code du travail

' débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

' condamné la société SIGUE GLOBAL SERVICES venant aux droits de la SAS COINSTAR MONEY TRANSFER aux dépens.

L'employeur a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 12 janvier 2017.

Dans ses dernières conclusions, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES demande à la cour :

' d'infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon le 15 décembre 2016 en ce qu'il a considéré le licenciement de [K] [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse

' de confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon le 15 décembre 2016 en ce qu'il a considéré que la demande de Monsieur [K] [H] de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur devait être rejetée

En conséquence statuant à nouveau : de dire et juger Monsieur [K] [H] mal fondé tant en droit qu'en fait en intégralité de ses demandes

En conséquence :

de dire que les faits à l'origine du licenciement de Monsieur [K] [H] sont biens constitutifs d'une faute grave

de débouter Monsieur [K] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

de débouter Monsieur [K] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

de débouter Monsieur [K] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

de débouter Monsieur [K] [H] de sa demande de condamnation de la société SIGUE au titre de l'atteinte à sa liberté de travailler et d'entreprendre

de débouter Monsieur [K] [H] du surplus de ses demandes

de débouter Monsieur [K] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' de condamner Monsieur [K] [H] à verser à la société la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' de condamner Monsieur [K] [H] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, [K] [H] demande pour sa part à la cour :

- de 'déclarer recevables et bien fondés les moyens exposés par Monsieur [K] [H] tant au titre de sa demande subsidiaire afférente à l'appel de la société SIGUE GLOBAL SERVICES SAS qu'au titre de sa demande principale correspondant à sa demande reconventionnelle'

A titre principal :

' le rejet de l'appel de la société SIGUE GLOBAL SERVICE, la réformation du jugement querellé en ce qu'il a retenu le licenciement sans cause réelle et sérieuse

' et en conséquence la requalification du licenciement intervenu en licenciement nul

' la condamnation de la société SIGUE GLOBAL SERVICE, sous astreinte de 400 € par jour d'inexécution de son obligation, à le réintégrer dans son poste avec tous les avantages acquis à compter du 27 novembre 2012, date de son éviction de son poste

' en conséquence, de condamner la société SIGUE GLOBAL SERVICE au paiement des sommes de :

1656,17 € par mois échus à compter du 27 novembre 2012, date de sa mise à pied jusqu'à la date de réintégration

15'000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir respecté une clause de non-concurrence frappée de nullité

A titre subsidiaire :

' le rejet de l'appel de la société SIGUE GLOBAL SERVICE

' la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse son licenciement

' le réformer en ce qui concerne l'évaluation des différents chefs de préjudice

' de constater que sa rémunération mensuelle brute à la date de son licenciement a été de 1656,17 € et de dire que l'évaluation qui en a été faite en première instance relève d'une simple erreur matérielle

' en conséquence, de condamner la société au paiement des sommes de :

3312,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

331,23 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

2920,09 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

10'000 € au titre du préjudice découlant du harcèlement moral

9937 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

15'000 € au titre du préjudice résultant du respect de son engagement de l'exécution d'une clause nulle

' dans tous les cas, de condamner la même au paiement de la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire et au vu des conclusions des parties, la cour estime nécessaire de rappeler que, par application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion figurant aux conclusions.

En l'espèce, il résulte de la lecture du dispositif du jugement déféré et du dispositif des conclusions des parties en cause d'appel que la cour est uniquement saisie de demandes relatives:

- au bien fondé du licenciement (objet de l'appel principal) et au montant des demandes indemnitaires consécutives (objet de l'appel incident et formée à titre de demande subsidiaire)

- à la nullité du licenciement (objet de l'appel incident et formée à titre de demande principal)

- à la réintégration sous astreinte du salarié à compter du 27 novembre 2012 (objet de l'appel incident et formée à titre de demande principal)

- à des rappels de salaires depuis le 27 novembre 2012 (objet de l'appel incident et formée à titre de demande principal)

- à des dommages et intérêts pour harcèlement moral (objet de l'appel incident et formée à titre de demande subsidiaire)

- à des dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle (objet de l'appel incident et formée à titre de demande subsidiaire).

Par ailleurs, il apparaît plus opportun d'examiner en tout premier lieu la demande de nullité du licenciement formée par le salarié au titre de son appel incident.

1.- Sur la demande de nullité du licenciement formée par [K] [H]:

Est nul comme portante atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié.

Au soutien de sa demande principale de nullité du licenciement, [K] [H] fait notamment valoir que son licenciement est lié à l'action en justice intentée contre son employeur et plus particulièrement à la réception par ce dernier de la convocation en bureau de conciliation, laquelle est en date du 26 octobre 2012.

La SAS SIGUE GLOBAL SERVICES ne formule pour sa part aucun moyen sur ce point.

Or, [K] [H] démontre et justifie de ce que :

' la convocation à entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire du 28 novembre 2012 est postérieure d'un mois seulement à la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation

' cette convocation à entretien préalable, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, a été envoyée le même jour que le courrier de l'employeur du 28 novembre 2012 dans lequel ce dernier mentionne à deux reprises l'existence de la saisine du conseil des prud'hommes par le salarié.

Ces éléments établissent que le licenciement est lié à l'action en justice du salarié et ce d'autant que, comme le fait justement valoir ce dernier, l'employeur ne démontre pas la matérialité des fautes qu'il lui reproche depuis la saisine du conseil des prud'hommes et qui fondent son licenciement, à savoir le préalable constitué par l'avertissement du 16 novembre 2012 et la dissimulation d'une erreur de caisse de 1000 € le 24 novembre 2012.

S'agissant de l'avertissement du 16 novembre 2012, le courrier de notification de cette sanction disciplinaire est libellé ainsi :

«(...) Les faits suivants ont été portés à notre connaissance par Monsieur [T], assistant opérationnel réseaux et agent.

Pour le mois d'octobre 2012, vos retards non justifiés ont été les suivants :

le 22 octobre : 10 minutes

le 23 octobre : 15 minutes

le 26 octobre : 50 minutes

et pour le mois de novembre 2012, vos retards non justifiés ont été les suivants :

le 5 novembre : 15 minutes

le 7 novembre : 15 minutes

le 15 novembre : 15 minutes.

(...)

Il s'avère en outre que, lors du contrôle effectué sur votre caisse par Madame [D], responsable de secteur, le 4 octobre 2012, cette dernière a découvert une différence de 412,60 €, en date du 8 septembre 2012, que vous n'avez déclarée ni à votre responsable direct ni à votre responsable de secteur.

Vous avez donc dissimulé une différence de caisse, alors que pour toute différente de caisse au-delà de 30 €, vous est tenu d'effectuer un rapport d'incident et de l'envoyer dans les trois jours qui suivent au Responsable de secteur, au Responsable du contrôle interne ainsi qu'au service Comptabilité.

Vous comprendrez que nous ne pouvons plus tolérer ni vos retards répétitifs, ni votre comportement irresponsable au regard des procédures internes dont vous avez parfaitement connaissance.

Nous vous notifions donc par la présente un nouvel avertissement disciplinaire qui sera versé à votre dossier.

Vous voudrez bien tenir le plus grand compte de ce courrier sachant que si de tels faits devaient se reproduire à l'avenir, nous serions obligés de prendre à votre égard une sanction disciplinaire plus grave et d'envisager la rupture de votre contrat de travail'.

S'agissant des retards reprochés au salarié au cours des mois d'octobre et novembre 2012 que [K] [H] conteste, il résulte du contrat de travail que ce dernier travaillait 7h18 par jour dans le cadre d'une amplitude horaire définie par les heures d'ouverture de l'agence pouvant aller de 8 heures à 21 heures.

Il est également constant que les heures de travail du salarié lui étaient communiquées au moyen d'un planning.

Or, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES ne produit pas les plannings de [K] [H] des mois d'octobre et novembre 2012 mais uniquement celui de la semaine du '30 avril au 6 mai', sans précision de l'année.

De même, aucune pièce ne permet d'établir l'heure d'arrivée exacte du salarié durant ces six journées ou des retards lui sont reprochés.

Dans ces conditions, la preuve des retards ici reprochés au salarié n'est pas rapportée.

S'agissant du second grief tenant à la dissimulation volontaire d'une erreur de caisse de 412,60 € commise le 8 septembre 2012, [K] [H] reconnaît dans son courrier du 22 novembre 2012 avoir oublié d'établir le rapport d'incident selon la procédure en vigueur dans l'entreprise mais explique que ce type d'erreur arrivait également à l'ensemble de ses collègues sans pour autant donner lieu à des avertissements.

De son côté, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES ne démontre ni ne rapporte la preuve de ce que [K] [H] s'est volontairement abstenu de dresser un rapport d'incident et il apparaît peu vraisemblable, au vu 'des procédures strictes de maniement des fonds' mises en place dans l'entreprise dont la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES fait état dans ses conclusions, qu'une erreur de caisse commise le 8 septembre 2012 n'a pu être découverte que le 4 octobre 2012 seulement.

En revanche, la cour observe que cette date du 4 octobre 2012 correspond également à une demande d'entretien de [K] [H] à sa responsable [P] [D] 'concernant [son] évolution', demande ayant donné lieu à la saisine du conseil des prud'hommes quelques jours plus tard au travers d'une demande de reclassification.

Compte tenu de tous ces éléments, la preuve des fautes reprochées au salarié dans l'avertissement du 16 novembre 2012 n'est pas rapportée.

S'agissant de la tentative de dissimulation de l'erreur de caisse de 1000 € découverte le 26 novembre 2012: il résulte des termes de la lettre de licenciement reproduit ci-dessus que l'employeur reproche à [K] [H]:

- de ne pas avoir tenu compte de l'avertissement du 16 novembre 2012 relatif à une précédente erreur de caisse commise le 8 septembre 2012

- d'avoir une nouvelle fois tentée de dissimuler une erreur de caisse de 1000 € commise le 24 novembre 2012 au mépris des procédures internes

- d'avoir refusé, malgré les demandes de ses responsables, de rédiger le rapport d'incident au motif qu'il ne s'agissait pas réellement une différence de caisse

- de ne pas avoir présenté le reçu de transfert de cette opération.

Il est jugé plus haut que l'avertissement du 16 novembre 2016 était infondé.

Par ailleurs, pour établir la faute du salarié, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES verse aux débats:

- le rapport d'incident en date du 26 novembre 2012 (pièce 22)

- le courriel de [P] [D] du 27 novembre 2012 (pièce 18)

- le courriel adressé à sa hiérarchie par [P] [D] le 26 novembre 2012 à 7h37 transférant le courriel d'explication de [K] [H] reçu à 7h35 le jour même (pièce 29)

- un 'rapport d'enquête sur la différence de caisse d'[K] [H] en date du 26 novembre 2012 à l'agence de Lyon Péri' daté du 24 décembre 2012 (pièce 23)

- la plainte 'contre X pouvant être Monsieur [K]' déposée par [O] [T] pour le compte de l'employeur le 7 janvier 2013 relative à la disparition de 1000 € dans la caisse de [K] [H] le samedi 24 novembre 2012 (pièce 26).

Or, ainsi que le fait justement valoir le salarié toutes ses pièces ne reposent que sur les propres déclarations de ses responsables hiérarchiques - ce que reflète d'ailleurs le rapport d'enquête du 24 décembre 2012 dont l'auteur n'a jamais entendu [K] [H] - et il n'existe aucun constat contradictoire de l'erreur de caisse qui lui est reprochée, pas plus que de l'absence de reçu de transfert de l'opération litigieuse.

Cette violation du principe du contradictoire ne pouvait en toute hypothèse être réparée au travers du seul entretien préalable auquel l'employeur reproche au salarié de ne pas s'être présenté.

De plus et contrairement à ce que soutient la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES dans ses conclusions, [K] [H] n'a jamais varié dans ses déclarations et il résulte de son courriel du 26 novembre 2012 adressé à [P] [D] qu'il a immédiatement contesté toute erreur de caisse lorsqu'il a eu connaissance des reproches qui lui était faits.

En conséquence, la preuve des fautes postérieures à la saisine du conseil des prud'hommes reprochées au salarié à l'appui du licenciement n'est pas rapportée.

Au terme de cette analyse il apparaît au vu de la chronologie des événements et du caractère particulièrement infondé de toutes les sanctions disciplinaires prononcées depuis la saisine du conseil des prud'hommes par [K] [H] que le licenciement est en réalité directement et exclusivement lié à l'action en justice intentée contre son employeur.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le salarié sollicite la nullité de ce licenciement par application du principe rappelé ci-dessus, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés au soutien de cette demande.

Le jugement, qui a déclaré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse sera donc infirmé sur ce point.

2.- Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

[K] [H] demande à titre principal sa réintégration dans l'entreprise sous astreinte de 400 € par jour de retard ainsi que le versement des salaires qu'il aurait du percevoir depuis sa mise à pied à titre conservatoire, soit le 28 novembre 2012 - et non pas le 27 novembre 2012 - sur la base d'un salaire brut mensuel de 1656,17 €.

De son côté, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES s'oppose à la 'demande de rappel de salaire au titre du préjudice subi depuis la suspension de son activité jusqu'au jour de la signification de son arrêt à venir' au motif que le salarié dont le licenciement est déclaré nul a droit à 'deux possibilités de dédommagement:

- soit en cas de réintégration une réparation du préjudice réellement subi

- soit des dommages et intérêt au moins égal à six mois de salaire' et qu'en l'espèce, [K] [H] ne justifie pas de son préjudice.

Ce faisant, la cour observe que l'employeur ne s'oppose pas à la réintégration sollicitée par le salarié.

Contrairement à ce que soutient la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES et en application de l'article L 1235-11 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié est nul et que ce dernier sollicite sa réintégration, il a également droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Il y a donc lieu de faire droit aux demandes de [K] [H] et d'ordonner sa réintégration dans les conditions qui seront précisées au dispositif du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard.

De plus dès lors qu'il résulte du dernier bulletin de paie produit par le salarié (décembre 2011, pièce 3.3) que son salaire s'élevait à 1576,77 € bruts et non à 1656,17 €, l'intimé est également fondé à solliciter le paiement, à titre de dommages-intérêts et avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, d'une somme égale à autant de fois 1576,77 € qu'il y aura de mois dans la période allant du 28 novembre 2012, jour de sa mise à pied à titre conservatoire, au jour effectif de sa réintégration dans l'entreprise, sous déduction des sommes perçues de POLE EMPLOI au titre de ce licenciement, dont [K] [H] ne justifie que partiellement au travers de ses pièces 12 à 12-4.

3.- Sur la demande de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle:

Il résulte de la lecture du contrat de travail que ce dernier stipule, non pas une clause de non concurrence comme le fait parfois valoir [K] [H] dans ses conclusions, mais une clause de non sollicitation lui interdisant, pendant 12 mois à compter de la date de son départ effectif de l'entreprise, de proposer un emploi, d'embaucher ou de faire embaucher par un tiers un salarié de la société ou de toute société de groupe dont fait partie l'employeur.

La nullité de cette clause stipulée entre employeur et salarié n'est pas discutée par l'appelante qui reproche seulement au jugement déféré de ne pas avoir caractérisé le préjudice causé au salarié par le respect de cette clause.

De son côté, [K] [H] fait état d'un préjudice nécessairement causé par cette entrave à 'la liberté d'entreprendre, laquelle implique une libre concurrence tant à l'égard de la clientèle qu'à l'égard du personnel des entreprises concurrentes'.

Cependant, un tel moyen apparaît insuffisant pour établir et justifier du préjudice effectivement subi.

Dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts formée à ce titre sera rejetée.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

4.- Sur les demandes formées à titre subsidiaires par [K] [H] :

Dès lors qu'il est fait droit aux demandes principales formées par [K] [H], il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées à titre subsidiaire et notamment sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

5.- Sur les demandes accessoires:

Partie perdante, la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, [K] [H] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES à lui payer la somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité complémentaire de 2000 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a condamné la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES aux dépens de première instance ainsi qu'à payer à [K] [H] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE nul le licenciement de [K] [H] prononcé par la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES par lettre du 3 janvier 2013,

En conséquence, ORDONNE la réintégration de [K] [H] dans cette entreprise au plus tard six semaines après la signification qui sera faite à l'employeur du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard pendant 4 mois ;

CONDAMNE la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES à payer à [K] [H] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, une somme égale à autant de fois 1576,77 € qu'il y aura de mois dans la période allant du 28 novembre 2012 au jour effectif de sa réintégration dans l'entreprise sous déduction toutefois du montant total des sommes perçues de POLE EMPLOI au titre de ce licenciement, dont [K] [H] devra justifier;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle;

CONDAMNE la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES aux dépens de l'appel ;

CONDAMNE la SAS SIGUE GLOBAL SERVICES à payer à [K] [H] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par elle en cause d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier Le Conseiller faisant fonction de Président

Gaétan PILLIENatacha LAVILLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 17/00315
Date de la décision : 18/10/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°17/00315 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-18;17.00315 ?
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