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12/09/2019 | FRANCE | N°17/08185

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 12 septembre 2019, 17/08185


N° RG 17/08185

N° Portalis DBVX - V - B7B - LLTZ









Décisions :



- du tribunal de commerce de Lyon en date du 2 avril 2013



RG : 2011J2951







- de la cour d'appel de Lyon (3ème chambre A) en date du 5 mars 2015



RG : 13/02963





- de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 21 juin 2017



pourvoi n° C 15-17.059

arrêt n° 945 F-D











RÉPUBLIQUE FRANÇAIS

E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 12 Septembre 2019



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTE :



SA AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE

[Adresse 2]

[Localité 1]
...

N° RG 17/08185

N° Portalis DBVX - V - B7B - LLTZ

Décisions :

- du tribunal de commerce de Lyon en date du 2 avril 2013

RG : 2011J2951

- de la cour d'appel de Lyon (3ème chambre A) en date du 5 mars 2015

RG : 13/02963

- de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 21 juin 2017

pourvoi n° C 15-17.059

arrêt n° 945 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 12 Septembre 2019

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

SA AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Béranger BOUDIGNON, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

M. [O] [N] [B] [Q]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 1]

[Localité 3]

SELAS PHARMACIE [D] anciennement PHARMACIE [Q]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentés par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

assistés de Maître Julien BRILLET, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

******

Date de clôture de l'instruction : 21 décembre 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 juin 2019

Date de mise à disposition : 12 septembre 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Julie BOUVARD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [O] [Q], pharmacien, a exploité en son nom propre une officine de pharmacie qu'il avait créée, à [Localité 3] (04), en 1982. En 2007, souhaitant établir sa fille pharmacienne, Mme [Y] [Q], il a rencontré M. [W] [G], qui voulait céder sa pharmacie de [Localité 4] (04).

La société L'Auxiliaire pharmaceutique, société intermédiaire spécialisée dans les transactions d'officines de pharmacie, a été mandatée par M. [Q] pour mener à bien la cession de ce fonds de commerce et a proposé à ce dernier un montage impliquant :

- la cession de sa pharmacie à une SELARL Pharmacie [Q] créée à cet effet, au capital détenu à 95 % par [O] [Q] et à 5 % par [Y] [Q], pour un montant de 3 381 598 euros, au moyen notamment d'un prêt du Crédit agricole de 2.000.000 euros,

- la constitution d'une SELARL Pharmacie des 4 chemins, au capital détenu à 49 % par [O] [Q] et à 51 % par [Y] [Q] qui fera l'acquisition de la pharmacie de [W] [G], au moyen notamment d'un prêt de 1.800.000 euros sur un prix de vente de 2.131.000 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 avril 2011, M. [Q] a reproché à la société L'Auxiliaire pharmaceutique de ne pas l'avoir informé sur les conséquences juridiques, patrimoniales et fiscales résultant de ce montage, puis, par acte du 14 novembre 2011, l'a assignée devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement du 2 avril 2013, le tribunal de commerce de Lyon a :

- déclaré recevable l'action intentée par M. [O] [Q],

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SELARL Pharmacie [Q],

- jugé que la société L'Auxiliaire pharmaceutique a failli à son devoir de conseil,

- jugé que la société L'Auxiliaire pharmaceutique est responsable des préjudices subis par M. [Q], du fait de l'inexécution de son devoir de conseil,

- condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique à verser à M. [O] [Q] la somme de 672 843 euros,

- condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique à verser à la SELARL Pharmacie [Q] la somme de 243 044 euros au titre des intérêts bancaires sur le prêt surdimensionné contracté par la SELARL auprès de la Caisse de crédit agricole,

- débouté M. [O] [Q] du surplus de ses demandes indemnitaires,

- débouté M. [O] [Q] de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice psychologique et financier,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la société L'Auxiliaire pharmaceutique,

- condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique à verser à M. [O] [Q] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie, en la cantonnant à la somme de 200 000 euros,

- condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique aux entiers dépens de l'instance.

Le premier juge a considéré que la société L'Auxiliaire pharmaceutique avait manqué à son devoir de conseil dans la mesure où l'utilité d'un tel montage juridique n'était pas démontrée alors même que la situation professionnelle de M. [Q] lui permettait de financer la seule acquisition de la pharmacie de [Localité 4] pour la somme de 1 800 000 euros ; que le préjudice de ce dernier ne pouvait cependant inclure notamment le montant de son impôt sur la fortune dont il ne pouvait ignorer son assujettissement à réception de la somme de 2 000 000 euros.

Selon déclaration du 9 avril 2013, la société L'Auxiliaire pharmaceutique a formé appel à l'encontre de ce jugement.

Suivant assignation délivrée le 16 avril 2013, elle a demandé à la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon l'aménagement de l'exécution provisoire, sous la forme d'une garantie réelle ou personnelle et a été déboutée de sa demande par ordonnance du 10 juin 2013, et condamnée aux dépens et à payer la somme de 1.000 euros chacun à M. [Q] et à la SELARL Pharmacie [Q] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 5 mars 2015, la cour d'appel de Lyon a :

- dit irrecevables les demandes de la SELARL Pharmacie [Q] en condamnation à lui payer les sommes de 168 055 euros au titre des droits d'enregistrement et de 15 835 euros au titre des honoraires de la cession,

- débouté la société L'Auxiliaire pharmaceutique de ses demandes tendant à dire irrecevables, comme nouvelles en appel, les demandes :

* de remboursement au titre des intérêts sur le prêt bancaire présentée par la SELARL Pharmacie [Q],

* de M. [O] [Q] relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune,

* d'expertise,

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société L'Auxiliaire pharmaceutique avait failli à son devoir de conseil,

- infirmé pour le surplus, et statuant à nouveau,

- condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [O] [Q] la somme de 58 100 euros en réparation de son préjudice,

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

- y ajoutant,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique aux entiers dépens.

La cour a notamment considéré que le seul préjudice qui résulte directement de la faute commise par la société L'Auxiliaire pharmaceutique consiste dans une perte de chance, laquelle ne peut être indemnisée que par le remboursement de la partie des honoraires versés dans le cadre de l'obligation de conseil.

Selon arrêt rendu le 21 juin 2017, la Cour de cassation, rejetant le pourvoi incident formé par la société L'Auxiliaire pharmaceutique, a, sur le pourvoi principal formé par M. [Q] et la SELARL Pharmacie [Q], cassé et annulé l'arrêt de la cour de Lyon, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la SELARL Pharmacie [Q] en condamnation de la société L'Auxiliaire pharmaceutique à l'indemniser au titre des droits d'enregistrement et au titre des honoraires de la cession, en ce qu'il a condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [Q] la somme de 58 100 euros et en ce qu'il a statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, renvoyant l'affaire et les parties devant la même cour autrement composée.

La Cour de cassation a considéré que :

- en ne recherchant pas, pour déclarer irrecevable la demande de la SELARL Pharmacie [Q] tendant à son indemnisation au titre des droits d'enregistrement liés à la cession du fonds de commerce et au titre des honoraires de cession payés à la société L'Auxiliaire pharmaceutique, si ces demandes n'étaient pas le complément de celles qu'elle avait présentées en première instance, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale,

- en ne s'expliquant pas sur le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité en ce qui concerne le manquement au devoir de conseil de la société L'Auxiliaire pharmaceutique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale,

- en condamnant la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [Q] la somme de 58 100 euros, alors que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, laquelle résulte de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, la cour d'appel qui a alloué une fraction des honoraires versés sans préciser de quelle éventualité favorable celui-ci avait été privé, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Selon déclaration du 23 novembre 2017, la société L'Auxiliaire pharmaceutique a saisi la cour de renvoi ; selon déclaration du 20 décembre 2017, la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] a également saisi la cour de renvoi, les affaires ayant fait l'objet d'une jonction selon décision du 9 janvier 2018.

Par arrêt du 21 juin 2018, la cour d'appel de Lyon a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et fixé au 21 décembre suivant la nouvelle date de la clôture de l'instruction de l'affaire, invité les parties à conclure selon un calendrier et fixé à l'audience du 6 juin 2019 la date d'audience des plaidoiries à laquelle seront rouverts les débats.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 21 décembre 2018 par la société L'Auxiliaire pharmaceutique qui demande à la cour de :

- déclarer irrecevables comme nouvelles, prescrites et tardives les demandes de condamnation à payer les sommes de 168 055 euros au titre des droits d'enregistrement et 15 835 euros au titre des honoraires de cession présentées à son encontre par la société Pharmacie [Q] devenue Pharmacie [D], ou si la cour venait à les déclarer recevables, débouter la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] de ses demandes,

- dire et juger que la perte de chance invoquée n'est pas établie et débouter M. [Q] de sa demande indemnitaire de ce chef,

- ordonner le remboursement par M. [Q] de la somme de 58 100 euros versée en exécution de l'arrêt du 5 mars 2015,

- déclarer irrecevable la demande en dommages-intérêts présentée par M. [Q] en réparation d'un préjudice psychologique et financier, au titre de laquelle aucune cassation n'est intervenue,

- en tout état de cause débouter M. [Q] et la SELAS Phamacie [D] venant aux droits de la société Pharmacie [Q] de l'ensemble de leurs demandes et les condamner in solidum à lui payer les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 décembre 2018 par M. [Q] et la SELAS Phamacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] qui demandent à la cour de condamner la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à :

- M. [Q] : la somme de 670 721,50 euros à titre de dommages-intérêts (71 176 euros au titre de l'impôt sur la fortune, 488 953 euros au titre de l'exonération manquée sur les plus values en cas de départ à la retraite et 110 592 euros au titre de la taxation) et celle de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice psychologique et financier,

- la SELAS Pharmacie [D] : la somme de 668 150 euros à titre de dommages-intérêts (484 206,72 euros au titre des intérêts bancaires sur le prêt surdimensionné, 168 055 euros au titre des droits d'enregistrement, 15 835 euros au titre des honoraires de cession),

- M. [Q] et la SELAS Pharmacie [D] : la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens,

sollicitant le rejet de l'intégralité des demandes présentées par la société L'Auxiliaire pharmaceutique à leur encontre,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 21 décembre 2018.

MOTIFS ET DECISION

L'article 624 du code de procédure civile dispose que 'La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.'

La lecture de l'arrêt de cassation partielle rendu le 21 juin 2017 permet de constater que n'ont été censurés par la Cour que les chefs de jugement suivants prononcés par la cour d'appel :

- dit irrecevables les demandes de la SELARL Pharmacie [Q] en condamnation à lui payer les sommes de 168 055 euros au titre des droits d'enregistrement et de 15 835 euros au titre des honoraires de la cession : la cassation pour manque de base légale fait droit aux deux branches du premier moyen du pourvoi principal, d'une part en ce que la cour d'appel n'a pas recherché si les demandes de la SELARL Pharmacie [Q] n'étaient pas le complément de celles qu'elle avait présentées en première instance et d'autre part en ce que la cour ne s'est pas expliquée sur le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement au devoir de conseil de la société L'Auxiliaire pharmaceutique,

-

condamne la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [O] [Q] la somme de 58 100 euros en réparation de son préjudice : la cassation pour manque de base légale fait droit au deuxième moyen du pourvoi principal en ce que la cour d'appel a alloué à M. [Q] une fraction des honoraires versés sans préciser de quelle éventualité favorable celui-ci avait été privé, alors que la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, laquelle résulte de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable,

- statue sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Aucune cassation n'a atteint les autres chefs jugés par la cour d'appel dans son arrêt du 5 mars 2015 et la décision de la cour qui a :

- débouté la société L'Auxiliaire pharmaceutique de ses demandes tendant à dire irrecevables, comme nouvelles en appel, les demandes :

* de remboursement au titre des intérêts sur le prêt bancaire présentée par la SELARL Pharmacie [Q],

* de M. [O] [Q] relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune,

- d'expertise,

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société L'Auxiliaire pharmaceutique avait failli à son devoir de conseil,

- infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, incluant la demande de la SELARL Pharmacie [Q] en paiement d'une somme de 484 260,72 euros à titre de dommages-intérêts au titre des intérêts bancaires à laquelle avait fait droit le premier juge à hauteur de 243 044 euros, (ajouté et souligné par la cour de renvoi),

sont donc aujourd'hui définitives.

Il appartient en conséquence à la cour de renvoi de se prononcer seulement d'une part sur la recevabilité et le bien fondé des demandes de la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q], tendant à son indemnisation au titre des droits d'enregistrements liés à la cession du fonds de commerce et au titre des honoraires de cession payés à la société L'Auxiliaire pharmaceutique, au regard de leur caractère nouveau en cause d'appel, de leur prescription ou de leur caractère tardif et non contradictoire et d'autre part sur le bien fondé de la demande de M. [Q] tendant à l'indemnisation de la perte de chance qui a résulté du manquement de la société L'Auxiliaire pharmaceutique à son devoir de conseil.

I. Sur l'irrecevabilité des demandes de la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] tendant à son indemnisation au titre des droits d'enregistrements liés à la cession du fonds de commerce et au titre des honoraires de cession payés à la société L'Auxiliaire pharmaceutique :

La société L'Auxiliaire pharmaceutique soutient que les demandes susvisées sont nouvelles en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile, pour n'avoir pas été présentées, à titre principal ou à titre subsidiaire par la SELARL Pharmacie [Q] en première instance, pour n'avoir pas eu la même finalité que les demandes alors présentées et n'avoir pas été virtuellement comprises dans les prétentions originaires de la SELARL Pharmacie [Q] et pour ne pas faire partie des exceptions prévues par l'article 564 du code de procédure civile.

Elle ajoute que présentées pour la première fois en cause d'appel par des conclusions déposées le 6 juin 2014, elles sont nécessairement prescrites par application des règles de prescription introduites par la loi du 17 juin 2008, le délai de 5 ans ayant couru à compter du 29 août 2007, date de l'acte de cession du fonds de commerce par M. [Q].

Elle prétend enfin qu'elles sont tardives et non contradictoires puisque présentées pour la première fois aux termes de conclusions déposées l'avant-veille de l'ordonnance de clôture prononcée par la 3ème chambre de la cour.

La SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] soutient quant à elle que les demandes qu'elle a présentées en cause d'appel ont un lien suffisamment étroit avec la demande originaire étant destinée à la réparation d'un préjudice pour ne pas être considérées comme nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; elle ajoute que la date de prescription a pour point de départ la date de réalisation du dommage ou celle à laquelle ce dommage s'est révélé à la victime ; qu'en l'espèce la découverte du dommage sera fixée au 22 février 2011 lorsque l'expert comptable de M. [Q] a attiré l'attention de la SELARL Pharmacie [Q] sur les conséquences fiscales du montage mis en place ; qu'elle avait jusqu'au 19 juin 2013 pour agir, la prescription ne pouvant donc être acquise en l'espèce en l'état d'une assignation du 14 novembre 2011 et d'une intervention volontaire interruptive de prescription du 23 mars 2012.

1° Sur l'irrecevabilité des demandes comme nouvelles en cause d'appel :

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 565 précise que 'Les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.'

L'article 566 du même code dispose enfin que 'Les parties peuvent aussi expliciter leurs prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes en défense soumises au premier juge et ajouter à celle-ci d'autres demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.'

La lecture du jugement critiqué permet de constater qu'en première instance, seul M. [O] [Q] réclamait, à titre personnel, le paiement de ces sommes, la SELARL Pharmacie [Q] qui réclamait alors seulement le remboursement des intérêts bancaires nés d'un prêt qu'elle qualifiait de surdimensionné, n'ayant présenté pour sa part, ces demandes, qu'en cause d'appel.

Il importe dès lors de déterminer si la demande de remboursement par la société Pharmacie [Q] des droits d'enregistrement liés à la cession du fonds de commerce et au titre des honoraires de cession payés à la société L'Auxiliaire pharmaceutique, constitue le complément, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, de la demande initiale en remboursement des intérêts bancaires.

De telles demandes visent à obtenir réparation des conséquences financières préjudiciables d'un même fait fautif né du manquement de la société L'Auxiliaire pharmaceutique à son devoir de conseil ; elles sont en cela indiscutablement liées à la demande originaire, ont le même fondement que la demande initiale et poursuivent la même fin d'indemnisation du préjudice né du manquement caractérisé à l'encontre de la société susnommée.

Elles sont en conséquence le complément de la demande indemnitaire présentée en première instance et sont donc recevables au sens des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile.

2° Sur l'irrecevabilité des demandes comme prescrites :

L'article L110-4 du code de commerce dispose que 'I.- Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes (...).'

Aux termes de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court ainsi qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

La SELARL Pharmacie [Q] a acquis le fonds de commerce de M. [Q] aux termes d'un acte du 29 août 2007 ; elle a alors nécessairement eu connaissance du montant des droits d'enregistrement qu'elle a versés et des honoraires de cession dont elle s'est acquittée auprès de la société L'Auxiliaire pharmaceutique.

Il ressort cependant d'un courrier recommandé adressé par le conseil de M. [Q] à la société L'Auxiliaire pharmaceutique le 13 avril 2011, mettant en avant le manquement de cette dernière à son devoir de conseil et sollicitant en retour ses observations avant toute action postérieure, que ce n'est qu'à partir de la consultation à cette époque par M. [Q] d'un avocat et d'un cabinet d'expertise comptable mandaté par ce dernier pour établir les préjudices subis en lien avec les choix mis en place, que l'intéressé, personnellement et/ou en sa qualité de gérant et associé majoritaire de la SELARL Pharmacie [Q], a pu prendre connaissance dans toute son ampleur, des effets et conséquences fiscales et patrimoniales globales du montage juridique et financier mis en place par la société L'Auxiliaire pharmaceutique, incluant notamment la dépense supplémentaire engagée au titre des droits d'enregistrement et des honoraires de cession.

La découverte du dommage, dans toute son ampleur, doit donc être fixée au 13 avril 2011.

La SELARL Pharmacie [Q] devenue Pharmacie [D] est intervenue volontairement à la procédure initiée par M. [Q] devant le tribunal de grande instance de Lyon le 23 mars 2012, réclamant l'indemnisation du préjudice né du paiement d'intérêts bancaires au titre d'un prêt surdimensionné contracté auprès de la Caisse de crédit agricole.

Sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts supplémentaires en réparation du préjudice né de la dépense supplémentaire engagée au titre des droits d'enregistrement et des honoraires de cession à hauteur des sommes respectives de 168 055 euros et 15 835 euros n'a été présentée qu'en cause d'appel, par voie de conclusions déposées et notifiées le 6 juin 2014, soit dans le délai de prescription de 5 ans expirant le 13 avril 2016.

La cour observe d'ailleurs, que même à considérer que le dommage ait été connu dans toute son ampleur par la société Pharmacie [Q] dès la date de cession du 29 août 2007 comme le soutient la société L'Auxiliaire pharmaceutique, le délai de prescription ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 expirait le 18 juin 2013 ; la demande de cette dernière relative aux droits d'enregistrement et honoraires de cession, quoi qu'ayant une cause distincte, tendait à un seul et même but d'indemnisation du préjudice subi en lien avec le défaut de conseil de la société L'Auxiliaire pharmaceutique et se trouvait donc en cela, comprise virtuellement dans la première demande en paiement de dommages-intérêts, présentée par la SELARL Pharmacie [Q] devant le premier juge, dès son intervention volontaire du 23 mars 2012, demande non prescrite.

Il convient dès lors de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société L'Auxiliaire pharmaceutique.

3° Sur l'irrecevabilité des demandes comme tardives et non contradictoires :

Les conclusions déposées le 10 juin 2014 par la SELARL Pharmacie [Q] devenue Pharmacie [D], n'ont pas été déclarées irrecevables comme tardives au regard de la date de clôture de l'instruction de la procédure prononcée le même jour, la cour observant d'ailleurs que la société L'Auxiliaire pharmaceutique avait également conclu en dernier lieu le 10 juin 2014.

Seules les conclusions des parties peuvent être écartées si elles sont considérées tardives en ce qu'elles ne permettent pas le respect du principe du contradictoire vis-à-vis des parties ; les demandes en paiement de dommages-intérêts au titre des droits d'enregistrement et des honoraires de cession, présentées aux termes de conclusions régulièrement déposées et non écartées, n'ont donc pas à être déclarées irrecevables.

II. Sur les demandes de la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q], tendant à son indemnisation au titre des droits d'enregistrement liés à la cession du fonds de commerce et honoraires de cession payés à la société L'Auxiliaire pharmaceutique :

La société L'Auxiliaire pharmaceutique soutient que les droits d'enregistrement on été acquittés en vertu d'une obligation légale ne pouvant être remise en cause ; que leur montant ainsi que celui des honoraires de cession ont été déduits de l'assiette de détermination de l'impôt sur le revenu des sociétés, y compris la partie portant la TVA.

La SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] soutient quant à elle que les droits d'enregistrement et les honoraires de cession qu'elle a réglés n'auraient pas été dus s'il n'y avait pas eu de montage qui a dégénéré en dommage, la société L'Auxiliaire pharmaceutique n'ayant pas à se substituer à l'administration fiscale pour justifier un quelconque abattement.

Sur ce :

Le paiement des droits d'enregistrement et des honoraires de cession, supportés par la SELARL Pharmacie [Q] au moment de sa création en vue de l'acquisition de la pharmacie exploitée en nom personnel par M. [Q], sont liés à l'acquisition par cette dernière du fonds de commerce constituant son principal actif et son outil de travail.

Le manquement à son devoir général de conseil retenu à l'encontre de la société L'Auxiliaire pharmaceutique a consisté à proposer à M. [Q] un montage juridique complexe sans informer ce dernier de toutes les possibilités qui s'offraient à lui pour acquérir l'officine de M. [G] ainsi que des répercussions fiscales et des risques financiers et patrimoniaux inhérents au montage proposé ; en aucun cas le manquement à son devoir de conseil caractérisé à l'encontre de M. [Q] ne peut être retenu également à l'encontre de la SELARL Pharmacie [Q], dont la création n'est que le fruit du montage proposé à l'intéressé.

Aucun préjudice né du paiement par cette dernière des droits d'enregistrement, résultant d'une obligation de la loi et des honoraires de cession, qui ne peuvent constituer une dépense supplémentaire inutile la concernant, ne peuvent donc faire l'objet d'une indemnisation à la charge de la société L'Auxiliaire pharmaceutique.

La SELAS Pharmacie [D] qui vient aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] doit donc être déboutée en sa demande de ce chef.

III. Sur la demande de M. [Q] en paiement de dommages-intérêts :

La société L'Auxiliaire pharmaceutique conclut à l'inexistence de la perte de chance invoquée par M. [Q] en ce que ce dernier ne démontre pas le manquement au devoir de conseil, préalable nécessaire à la qualification de perte de chance alors même qu'aucune probabilité d'une éventualité favorable n'est par ailleurs démontrée, tant en ce qui concerne l'exonération de plus-value sur la vente de son fonds de commerce individuel de pharmacie que l'acquittement de l'impôt sur la fortune, l'exonération sur la plus-value de cession des titres de la SELARL Pharmacie [Q] ou enfin l'existence d'un financement plus favorable des conditions de l'opération.

Elle ajoute que M. [Q] ne démontre enfin en rien le caractère actuel et certain de la perte de chance qu'il invoque puisqu'il s'est enrichi de plus d'un million et demi d'euros grâce aux opérations réalisées à la suite de l'intermédiation de la société L'Auxiliaire pharmaceutique.

Elle expose enfin que le préjudice psychologique et financier invoqué par M. [Q] a été rejeté de façon définitive par la cour d'appel dans son arrêt du 5 mars 2015 n'ayant fait l'objet d'aucune cassation en la matière.

M. [Q] soutient quant à lui que les manquements de la société L'Auxiliaire pharmaceutique à son devoir de conseil ont été jugés de façon définitive par la cour d'appel dont la décision n'a pas été cassée en la matière ; il ajoute que cette dernière, en ne le mettant pas en mesure de choisir l'option la plus favorable en ce qui concerne son mode d'activité professionnelle, lui a fait perdre la possibilité d'une part de réaliser un gain plus important à la revente de son officine et d'autre part de ne pas voir son patrimoine soumis à l'impôt sur la fortune.

Il considère que son préjudice consiste dans la taxation sur la plus-value de cession de son officine à une société à hauteur de près d'un demi million d'euros, somme définitivement perdue, à son assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune lié à l'encaissement du prix de cession de son officine, imposition qui pouvait être évitée, et à la taxation sur la plus-value de cession des titres de la SELARL Pharmacie [Q] lorsqu'il a pris sa retraite.

Il prétend encore que les avantages mis en avant par la société L'Auxiliaire pharmaceutique ne sont pas démontrés dans leur réalité alors même que les inconvénients qu'il établit dans leur principe et leur quantum, sont tous démontrés.

Il précise enfin que l'opération globale mise en place a provoqué un déséquilibre successoral et créé de fortes tensions au sein de son couple et de sa famille dont il doit également être indemnisé.

Sur ce :

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 5 mars 2015 a relevé la particularité de l'activité de la société L'Auxiliaire pharmaceutique qui est intervenue comme agent immobilier (intermédiaire dans la transaction de cession de l'officine de pharmacie), comme conseil juridique (dispensant un conseil quant au montage juridique de l'opération) et aussi comme rédacteur d'acte (rédigeant les actes de cession, les statuts des sociétés, les règlements intérieurs et pactes d'associés) ; la cour a alors retenu l'existence d'un manquement de la société L'Auxiliaire pharmaceutique à son devoir général de conseil, tant en ce qui concerne l'information sur les possibilités d'acquisition que les risques financiers encourus par M. [Q] ; l'arrêt n'a fait l'objet d'aucune cassation de ces chefs et la cour de renvoi n'est donc pas saisie de la question de l'existence du manquement au devoir de conseil définitivement retenu à l'encontre de la société L'Auxiliaire pharmaceutique.

De la même façon, la demande indemnitaire présentée par M. [Q] en réparation d'un préjudice psychologique et financier, au motif que l'intéressé ne démontrait l'existence ni d'une faute ni d'un préjudice et d'un lien de causalité en la matière, a été définitivement jugée par la cour d'appel dans son arrêt du 5 mars 2015 ; la Cour de cassation, au titre du 4ème moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, a en effet rejeté ce dernier en considérant que n'existait aucun moyen de cassation ; l'arrêt de la cour est donc définitif en la matière et il n'appartient pas à la cour de renvoi d'apprécier de nouveau la demande en paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice psychologique et financier présentée par M. [Q].

S'agissant des autres préjudices invoqués par M. [Q] il ressort de l'ensemble des éléments du dossier que :

- lors de la cession de l'officine qu'il exploitait en nom personnel, M. [Q] a été dans l'obligation de s'acquitter d'une taxe sur la plus-value prévue par l'article 151 septies A du code général des impôts à hauteur de 488 953 euros,

- en encaissant le prix de cession de son officine, M. [Q], qui ne l'était pas auparavant puisque la pharmacie qu'il exploitait constituait son propre outil de travail, s'est trouvé soumis à l'imposition de solidarité sur la fortune, à hauteur d'une somme de 71 176 euros pour les exercices 2008 à 2017,

- lors de son départ à la retraite en 2016 et de la cession des parts qu'il détenait dans la SELARL Pharmacie [Q], il a de nouveau été taxé au titre de la plus-value de cession à hauteur d'une somme de 110 592,50 euros.

La société L'Auxiliaire pharmaceutique ne démontre pas comme elle le soutient que l'opération mise en place aurait apporté les avantages suivants au bénéfice de M. [Q] de :

- réaliser l'opération dans les délais requis : aucun élément ne permet d'établir qu'un délai avait été posé comme condition par ce dernier,

- passer d'une imposition sur les résultats (impôt sur les revenus) à une imposition sur les bénéfices (impôt sur les sociétés et impôt sur les revenus) : les revenus personnels de M. [Q] ont fortement diminué postérieurement à la mise en place de l'opération alors même que le foyer fiscal est resté soumis à l'impôt sur les revenus,

- exercer dans une structure à responsabilité limitée permettant de séparer patrimoine professionnel et privé : l'avantage tiré par M. [Q] âgé de 56 ans à la mise en place des opérations et doté en cela d'une expérience importante, n'est pas démontré,

- bénéficier d'importantes liquidités : il s'avère néanmoins que ces dernières ont été bloquées en compte courant pour garantir les prêts, l'intéressé n'ayant vraiment bénéficié du prix de cession net après taxation sur les plus-value, de ses parts dans la SELARL Pharmacie [Q], que lors de son départ en retraite,

- déduire les intérêts de l'emprunt ayant servi à l'acquisition de la pharmacie de [Localité 4] : lesquels auraient pu également être déduits s'il avait emprunté en nom propre, ou ne pas être supportés s'il n'avait pas emprunté,

- conserver des revenus professionnels supérieurs à ceux d'une pension de retraite : aucun élément chiffré n'est donné en la matière par la société L'Auxiliaire pharmaceutique,

- purger la plus-value de cession de la pharmacie de [Localité 3] : l'intérêt d'un règlement de la plus-value de cession dès la mise en place des opérations n'est pas démontré,

- bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune par souscription au capital d'une PME : c'est postérieurement à la mise en place des opérations et pour atténuer le montant de son impôt en la matière que M. [Q] a investi dans le capital de sa PME, sur les conseils de son comptable,

- bénéficier d'un fonds de roulement : aucun élément pertinent du dossier ne permet de constater que la recherche d'une telle situation se trouvait indispensable.

L'ensemble des éléments susvisés permet dès lors à la cour de constater que le patrimoine professionnel de M. [Q] a été bouleversé par la mise en place des opérations complexes préconisées par la société L'Auxiliaire pharmaceutique ; que l'intéressé ne s'est pas enrichi alors même que les liquidités dégagées ont été bloquées en garantie des prêts souscrits et que la SELARL Pharmacie [Q], endettée, n'a pu fournir à ses associés des dividendes, au moins au cours des 6 années ayant suivi la mise en place des opérations.

Si l'impôt auquel est tenu le contribuable ne peut constituer par ailleurs un préjudice indemnisable, il s'avère toutefois que si ce dernier démontre qu'avec un conseil avisé, il aurait pu recourir à une solution alternative lui permettant d'échapper à cette taxation, il peut alors être indemnisé.

Il est ainsi établi en l'espèce que si M. [Q] n'avait pas accepté la mise en place des opérations complexes imaginées par la société L'Auxiliaire pharmaceutique, il aurait alors pu échapper par une décision plus judicieuse, au risque finalement réalisé tenant aux nombreuses contraintes de baisse de revenus, gel des liquidités dégagées et impositions ou taxations diverses immédiatement dues alors qu'aucun élément ne permet de constater que l'intéressé avait défini au préalable auprès de la société intermédiaire, une situation urgente justifiant un tel bouleversement immédiat de sa situation professionnelle.

Il convient dès lors de l'indemniser du préjudice né de la perte de chance ainsi subie par l'octroi d'une somme de 350 000 euros, justifiée au regard de l'ensemble des éléments susvisés.

Aucun remboursement de la somme de 58 000 euros d'ores et déjà versée en exécution de l'arrêt du 5 mars 2015 n'a lieu d'être ordonné.

IV. Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par le société L'Auxiliaire pharmaceutique :

Aucun abus de procédure n'est démontré à l'encontre de M. [Q] ou de la SELAS [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] alors même que ces dernières voient leurs demandes satisfaites, au moins pour partie.

V. Sur la demande des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à la charge de la société L'Auxiliaire pharmaceutique, au bénéfice de M. [Q] et de la SELAS Pharmacie [D], d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant sur renvoi après cassation, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt rendu le 21 juin 2017 par la Cour de cassation,

Statuant dans les limites de la cassation,

Déclare recevables les demandes présentées par la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q], en indemnisation des droits d'enregistrement et honoraires de cession,

Déboute la SELAS Pharmacie [D] venant aux droits de la SELARL Pharmacie [Q] de ces demandes,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 2 avril 2013 en ce qu'il a condamné la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [Q] la somme de 672.843 euros,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [Q] la somme de 350 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société L'Auxiliaire pharmaceutique à payer à M. [Q] et à la SELAS Pharmacie [D] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les demandes contraires ou supplémentaires des parties,

Condamne la société L'Auxiliaire pharmaceutique aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 17/08185
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°17/08185 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;17.08185 ?
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