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12/09/2019 | FRANCE | N°16/06896

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 12 septembre 2019, 16/06896


N° RG 16/06896

N° Portalis DBVX-V- B7A-KSSA









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 08 septembre 2016



3ème chambre civile



RG : 09/10554







[S]

SAS MERMET

SELARL AJ PARTENAIRES



C/



SARL CHAVANOZ INDUSTRIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRÊT DU 12 Septembre 2019


>APPELANTS :



Me [L] [S], ès qualités de commissaire à l'éxécution du plan de la SAS MERMET, par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 7 juin 2013

[Adresse 1]

[Localité 4]



SAS MERMET, représentée par son président en exercice domicilié audit siè...

N° RG 16/06896

N° Portalis DBVX-V- B7A-KSSA

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 08 septembre 2016

3ème chambre civile

RG : 09/10554

[S]

SAS MERMET

SELARL AJ PARTENAIRES

C/

SARL CHAVANOZ INDUSTRIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRÊT DU 12 Septembre 2019

APPELANTS :

Me [L] [S], ès qualités de commissaire à l'éxécution du plan de la SAS MERMET, par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 7 juin 2013

[Adresse 1]

[Localité 4]

SAS MERMET, représentée par son président en exercice domicilié audit siège, Monsieur [Z] [R]

[Adresse 6]

[Localité 5]/FRANCE

SELARL AJ PARTENAIRES ès qualités d'Administrateur judiciaire de la SAS MERMET en la personne de Maître [H] [C], par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 12 juin 2012.

Mission terminée par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 7 juin 2013 homologuant un plan de continuation

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentés par la SCP DUMOULIN - ADAM, avocat au barreau de LYON

assistés par la SCP VERON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SARL CHAVANOZ INDUSTRIE

[Adresse 11]

[Localité 3]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée par l'AARPI CABINET BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 05 Novembre 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mai 2019

Date de mise à disposition : 12 Septembre 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Julie BOUVARD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La société Chavanoz industrie est une filiale du groupe régional Porcher industries, spécialisée dans la conception et la fabrication de fils spéciaux destinés à l'industrie textile ; elle est titulaire du brevet européen EP 0 900 294, déposé le 16 avril 1997 sous demande de priorité française du 7 mai 1996, publié le 24 novembre 1999 et expiré le 16 avril 2017, ayant pour objet un fil composite, composé d'une âme en verre entourée d'une gaine comportant une charge ignifugeante.

La société Mermet SAS anciennement dénommée Mermet industrie, est une société spécialisée dans la production de tissus à usage technique de protection solaire, notamment utilisés pour la fabrication de stores ; installée dans l'Isère comme la société Chavanoz industrie, elle s'est approvisionnée en fils à tisser auprès de cette dernière pendant de nombreuses années.

Les sociétés Chavanoz industrie et Mermet ont entretenu des relations commerciales avec les sociétés Hexcel fabrics devenue XLScreen et Hélioscreen et ont notamment coopéré à travers une association ScreenGlass et un groupement d'intérêt économique ayant pour objet la promotion de stores techniques. Les sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen ont conclu le 9 avril 1996 un accord de confidentialité.

La société Chavanoz industrie a ainsi fourni pendant plusieurs années aux sociétés Mermet, XLScreen et Helioscreen un nouveau fil faisant l'objet de la protection du brevet EP 0 900 294, en vue de la fabrication de textiles de protection solaire.

La société Mermet a été rachetée en juillet 2005 par le groupe international Hunter Douglas, actionnaire majoritaire de la société Helioscreen depuis 1997 ; elle a alors décidé de fabriquer elle-même du fil répondant aux spécificités techniques permettant de satisfaire à la norme M1B1 tenant aux normes anti-feu, pour ses besoins et ceux de la société Helioscreen.

En décembre 2008, les sociétés XLScreen et Helioscreen ont brutalement rompu leurs relations commerciales avec la société Chavanoz industrie qui a engagé une procédure pour rupture abusive des relations commerciales devant le tribunal de commerce de Lyon ; par arrêt définitif du 6 septembre 2012, après rejet des pourvois en cassation, la cour d'appel de Lyon a accueilli la demande des sociétés Porcher industrie et Chavanoz industrie et condamné les sociétés de droit belge Hunter Douglas Belgium et Helioscreen, et Mermet venant aux droits de la société XLScreen, aux paiements respectifs d'une somme de 2 000 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et 3 946 500 euros au titre de la clause pénale contenue au contrat signé entre les parties le 19 juillet 2006.

Soupçonnant par ailleurs la société Mermet de fabriquer des fils selon les enseignements du brevet EP 0 900 294, la société Chavanoz industrie a fait procéder à des opérations de saisie contrefaçon les 9 juillet et 7 août 2009, puis assigné les sociétés Mermet SAS et Mermet industrie devant le tribunal de grande instance de Lyon pour contrefaçon des revendications n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie française du dit brevet.

Le 27 janvier 2011, la société Mermet a été absorbée par la société Mermet industrie devenue depuis la société Mermet SAS.

Le 12 juin 2012, la société Mermet a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire et les organes de la procédure sont intervenus à l'instance.

Par jugement du 7 juin 2013, a été homologué un plan de continuation avec désignation de Me [O] ès qualités de commissaire à son exécution.

Par jugement du 8 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- écarté les pièces communiquées par la société Mermet sous les n° 54 à 64 et 75,

- rejeté la demande en nullité des revendications n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie du brevet européen EP 0 900 294,

- dit que la société Mermet a commis des actes de contrefaçon des revendications n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie du brevet européen EP 0 900 294 au préjudice de la société Chavanoz,

en conséquence,

- condamné la société Mermet, sous astreinte définitive de 2 000 euros par infraction constatée, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, à cesser toute détention, fabrication, commercialisation, offre à la vente, sous quelque forme que ce soit du fil argué de contrefaçon référencé '165 tex' ou d'une fibre textile incorporant le fil argué de contrefaçon référencé 'Satiné 5500", reproduisant les revendications du brevet européen EP 0 900 294,

- dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,

- fixé la créance de la société Chavanoz industrie au passif de la société Mermet à la somme de 16'812'219 euros (soit 4 900 000 euros + 11 912 219 euros) pour la période 2006/2012, sous réserve des déclarations de créance régularisées par la société Chavanoz industrie et produites auprès du mandataire judiciaire,

- condamné la société Mermet à verser à la société Chavanoz industrie la somme de 8'508'727 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de la partie française du brevet commise à compter de la date d'ouverture du jugement de redressement judiciaire le 12 juin 2012 jusqu'au 31 décembre 2014 pour la référence contrefaisante 165 tex M1 B1,

- débouté la société Chavanoz industrie de sa demande en dommages-intérêts supplémentaire fondée sur l'article L.615-7-1 du code de la propriété intellectuelle,

- autorisé la publication du dispositif du jugement dans 2 journaux, revues ou magazines français au choix de la société demanderesse aux frais de la société Mermet sans que le coût de chaque publication n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 5 000 euros HT,

- débouté la société Mermet, Me [S] ès qualités et la Selarl Administrateurs judiciaires partenaires, prise en la personne de Me [C] administrateur judiciaire de la société Mermet de toutes leurs demandes,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, plus amples ou contraires,

- condamné in solidum la société Mermet, Me [S] ès qualités et la Selarl Administrateurs judiciaires partenaires, prise en la personne de Me [C] administrateur judiciaire de la société Mermet, aux dépens et à payer à la société Chavanoz industrie une somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement, sauf pour ce qui concerne la mesure de publication.

Une somme de 8 millions d'euros a alors été séquestrée auprès du bâtonnier de Paris conformément à un accord entre les parties.

Le tribunal a notamment :

- considéré que les pièces n° 54 à 64 se trouvant couvertes par un accord de confidentialité et la pièce n° 75 rédigée en langue allemande et non traduite, devaient être écartées,

- après avoir caractérisé le domaine technique de l'invention, rejeté la demande en nullité des revendications n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9, en considérant que :

- l'inventeur était un homme de métier, la description du brevet est suffisante et l'homme du métier, faisant appel à son seul bagage, à la lecture du brevet dans sa globalité, pouvait sans difficulté mettre en oeuvre l'invention, circonstance justifiant le rejet de la demande de nullité pour description insuffisante,

- aucune antériorité pertinente ne justifie le grief tiré de l'absence de nouveauté,

- le défaut d'activité inventive de la revendication n°1 ou des revendications 2, 4, 5, 7, 8 et 9 qui sont placées dans la dépendance de la première n'est pas démontré,

- jugé que la société Mermet s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon par équivalence,

- considéré que le préjudice subi devait être fixé aux sommes de 4 900 000 euros au titre de la marge perdue pour les années 2006/2008, 1 912 219 euros au titre de la marge perdue pour la période du 1er janvier 2009 au 12 juin 2012 et 8 508 727 euros pour la période du 13 juin 2012 au 31 décembre 2014, concernant seulement la référence contrefaisante '165 tex'.

Selon déclaration du 28 septembre 2016 la société Mermet, Me [S], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société ordonné le 7 juin 2013 et la Selarl AJ Partenaires ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Mermet, représentée par Me [C], ont formé appel à l'encontre de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 décembre 2018 par la société Mermet et Me [O], désigné en remplacement de Me [S] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, qui concluent :

- à l'infirmation du jugement du 8 septembre 2016 en ce qu'il a statué sur la demande en nullité des revendications d'origine n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 du brevet européen EP 0 900 294 et sur la demande en contrefaçon et demandent à la cour de :

- annuler les revendications nouvelles n° 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet, résultant de la procédure de limitation, pour défaut de nouveauté, insuffisance de description et en toute hypothèse, défaut d'activité inventive,

- annuler la revendication nouvelle n° 2 ainsi que les nouvelles revendications 5, 7, 8 et 9 qui en dépendent, pour extension de son objet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée,

- à titre subsidiaire, dire que la société Mermet n'a commis aucun acte de contrefaçon des revendications nouvelles n° 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9 du brevet européen EP 0 900 294 du fait de la fabrication et vente du fil 165 tex M1 B1,

- à titre plus subsidiaire, à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société Chavanoz industrie au passif de la société Mermet pour les faits de contrefaçon antérieurs au jugement de redressement judiciaire et condamné la société Mermet à payer à cette dernière des dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon commis postérieurement et ramener à de plus justes proportions les sommes retenues,

- à la confirmation du jugement ce qu'il a rejeté la demande de la société Chavanoz industrie tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portants atteinte à la partie française du brevet européen ainsi que des machines ayant permis la production des dits produits,

- à la condamnation de la société Chavanoz aux dépens et à payer à la société Mermet une somme de 150'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- au rejet de toutes les demandes formées par la société Chavanoz,

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 30 novembre 2018 par la société Chavanoz industrie qui conclut à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a rejeté les demandes en nullité de la partie française du brevet européen 0 900 294, en ce qu'il a retenu la contrefaçon commise par Mermet et a ordonné une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et demande à la cour, pour le reste, statuant à nouveau, de :

- rejeter toutes demandes visant à l'annulation du brevet EP 0 900 294 en la forme de ses revendications limitées,

- écarter des débats les pièces communiquées par la société Mermet sous les numéros 54 à 64, 75, 1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105,

- dire et juger que la société Mermet a commis des actes de contrefaçon des revendications n° 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9 de la partie française du brevet européen EP 0 900 294 de la société Chavanoz industrie au préjudice de cette dernière, par détention, fabrication, commercialisation, offre à la vente des fils arrêtés de contrefaçon référencés « 95/97 tex », « 115 tex » et « 165 tex » ou de tout tissu ou stores « S2 1 % », « S2 3 % », « SV 1 % », « SV 3 % », «SV 5 % », « SV 10 % », «M Sreen 8501 », « M-Screen 8503 » et « M-Screen 8505 », « Natte 2115 », « Star » et « Satiné 5500 »,

- pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment informée sur les caractéristiques des fils 95/97 tex et 115 tex fabriqués/commercialisés par la société Mermet, surseoir à statuer sur la contrefaçon du chef de ces produits et condamner la société Mermet, sous astreinte de 10'000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, à produire la ou les compositions des dits fils utilisés depuis début 2006 jusqu'à fin 2016 à tout expert indépendant qui sera désigné par la cour avec mission d'établir un rapport pour établir si cette ou ces compositions sont couvertes par le brevet EP 0 900 294, directement ou par équivalence,

- ordonner la publication du jugement à intervenir, par extrait, dans trois journaux, revues ou magazines français au choix de la société demanderesse et sur deux sites Internet professionnels au choix de cette dernière et aux frais de la société Mermet, à concurrence de 15'000 euros hors taxes par insertion,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Mermet et de Me [O],

Au titre du préjudice,

- du fait des actes de contrefaçon commis entre le 7 août 2006 et le 11 juin 2012, (avant jugement de redressement judiciaire) : évaluer le gain manqué global à la somme de 15'686'278 euros et fixer la créance de la société Chavanoz au passif de la société Mermet à la somme de 5 millions d'euros,

- du fait des actes de contrefaçon commis entre le 12 juin 2012 et le 31 octobre 2016 : condamner la société Mermet à verser à la société Chavanoz au titre des gains manqués :

- pour le fil 165 tex : 11'278'916 euros,

- pour le fil 115 tex : 3'413'612 euros,

- pour le fil 95/97 tex : 3'233'474 euros,

- du fait de la contrefaçon sur la même période : condamner la société Mermet à verser à la société Chavanoz la somme de 300'000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ou en tout cas à compter du 11 juin 2012, avec capitalisation à chaque date anniversaire du point de départ des intérêts,

Pour le surplus,

- condamner in solidum la société Mermet et Me [O] ès qualités, à payer à la société Chavanoz la somme de 200'000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner solidairement la société Mermet et Me [O] ès qualités, aux dépens de l'instance,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 17 avril 2019.

MOTIFS ET DÉCISION

L'ordonnance de clôture de la procédure d'instruction du dossier, prononcée d'abord le 5 novembre 2018, a été révoquée à la demande des parties, par le conseiller de la mise en état et une nouvelle date de clôture de la procédure a été de nouveau fixée au 17 avril 2019, selon ordonnance du même jour rendue à 11 h.

Aucune des pièces produites postérieurement à cette nouvelle clôture, déposées le 17 avril 2019 à 15 h par la société Mermet et Me [O] ès qualités, ne peuvent donc être soumises à la cour qui observe d'ailleurs à ce titre qu'aucune demande de rabat de la nouvelle ordonnance de clôture n'a été présentée aux termes de conclusions déposées par cette dernière.

I Sur le domaine technique de l'invention et la solution préconisée par l'invention :

Le brevet européen n° 0 900 294 de la société Chavanoz industrie, publié le 24 novembre 1997, est issu d'une demande internationale de brevet déposée le 16 avril 1997, sous priorité d'une demande de brevet français n° 96 05 942 du 7 mai 1996.

Il a été délivré le 24 novembre 1999 et s'intitule « Fil composite » ; il se rapporte à « un fil composite à usage technique ou industriel, pouvant être assemblé en tout type de structures textiles, notamment surfaces textiles appropriées, pour répondre à toute application ou spécifications particulières, par exemple pour la fabrication de stores ou rideaux. »

Il a fait l'objet à la demande de la société Chavanoz industrie le 7 février 2017, sur le fondement de l'article L. 613-24 du code de la propriété intellectuelle, d'une demande de limitation auprès de l'institut national de la propriété industrielle qui a fait droit à cette requête le 11 avril 2017.

Les termes des revendications s'en sont donc trouvés modifiés de façon rétroactive en cours de procédure d'appel et sont ainsi désormais énoncés :

«- revendication n° 1 :

Fil composite pour la fabrication d'un tissu technique destiné à la réalisation d'un store, le dit fil comprenant une âme comportant un fil continu en verre et une gaine enduite comportant une matrice constituée par au moins un matériau polymère chloré, par exemple un polychlorure de vinyle ou PVC, et une charge ignifugeante incorporée et distribuée dans la dite matrice, caractérisé en ce que, en combinaison, d'une part la charge ignifugeante comprend une composition ternaire associant un composé oxygéné de l'antimoine, par exemple le trioxyde d'antimoine, un oxyde métallique hydraté dont le métal est choisi dans le groupe constitué par l'aluminium, le magnésium, l'étain, le zinc, et le plomb, par exemple un hydrate d'alumine, et un borate de zinc, et d'autre part, avec ladite composition ternaire, la composition pondérale totale en matière inorganique du fil, est comprise entre 4 % et

65 %. »

- revendication n° 2 :

Fil composite selon la revendication 1, caractérisé en ce que la gaine comporte du plastifiant étant constituée de phtalate organique.

- revendication n° 3 :

Fil composite selon la revendication 1, caractérisé en ce que la composition pondérale totale en matière inorganique de la gaine est comprise entre 4 et 15 %.

- revendication n° 4 :

Fil composite selon la revendication 1, caractérisé en ce que la charge ignifugeante consiste en la dite composition ternaire.

- revendication n° 5 :

Fil composite selon la revendication n° 2, caractérisé en ce que la composition pondérale en plastifiant du dit fil n'excède pas 40 %, et est de préférence comprise entre 10 et 20 %.

- revendication n° 6 :

Fil composite selon la revendication 1, caractérisé en ce que la composition ternaire de la charge ignifugeante associe à parts pondérales sensiblement égales, le composé oxygéné d'antimoine, l'oxyde métallique hydraté et le borate de zinc.

- revendication n° 7 :

Structure textile, caractérisé en ce qu'elle est obtenue à partir d'au moins un fil composite selon l'une quelconque des revendications 1 à 6.

- revendication n° 8 :

Structure textile selon la revendication 7 caractérisée en ce qu'elle consiste en une nappe textile, tissée ou non, notamment en un tissu obtenu par tissage en chaîne et/ou trame du fil composite.

- revendication n° 9 :

Store ou rideau, comprenant une toile constituée par un tissu selon la revendication 8.»

Le brevet Chavanoz explique que les tissus techniques obtenus avec les fils composites comprenant notamment des fils de verre et une gaine enduite comportant une matrice plastique, notamment pour l'aménagement intérieur et extérieur de constructions, sont soumis à des exigences et des classements de comportement au feu, notamment en Allemagne, identifiés par les codes B1 à B3, le classement B1 caractérisant le meilleur comportement au feu accessible par un matériau comprenant des matières organiques (tel le PVC) et en France, identifiés par les codes M0 à M4, le classement M1 identifiant le meilleur comportement au feu généralement accessible par un matériau comprenant des matières organiques et le classement F3 caractérisant le meilleur comportement accessible par un matériau contenant un polymère halogéné.

Il indique que « l'inconvénient des tissus techniques de l'art antérieur est qu'ils présentent un comportement au feu ayant une certaine limite, illustré par le fait que de tels tissus n'ont jamais pu obtenir, sans traitement chimique postérieur à leur tissage, le classement B1 de la réglementation allemande, conjointement avec le classement M1 de la réglementation française. » ; il précise que l'utilisation de plastifiants, comme des phosphates, connus pour améliorer le comportement au feu, détériore les caractéristiques de mise en oeuvre (souplesse, pouvoir glissant etc...) des fils, ce qui nuit à leur tissage, le rend difficile et augmente l'indice de fumée, étant rappelé qu'une proportion pondérale trop importante de la charge ignifugeante détériore également les caractéristiques de mise en oeuvre et que les documents enseignant des charges ignifugeantes améliorant le comportement au feu ne précisent pas l'application de la matière plastique, les charges divulguées ne convenant pas pour améliorer le comportement au feu du fil composite considéré.

Selon le brevet, le défaut d'obtention pour ses tissus du classement M1 B1 des dites réglementations résulte de la nature organique de certains constituants du fil composite, notamment le matériau polymère coloré, le plastifiant, voire certains additifs d'enduction ; il prétend que le problème technique à résoudre est double et consiste donc à rechercher la composition d'un fil composite qui d'une part permette d'obtenir un tissu bénéficiant d'un comportement au feu amélioré, satisfaisant aux classements allemand et français et d'autre part ne nuise pas aux caractéristiques de mise en 'uvre du fil nécessaires à leur tissage.

Le brevet prétend alors résoudre le double problème ainsi présenté en enseignant la combinaison de deux caractéristiques essentielles de la gaine entourant le fil d'âme :

- une composition ternaire pour la charge ignifugeante associant :

- un composé oxygéné d'antimoine par exemple du trioxyde d'antimoine ou du pentoxyde d'antimoine,

- un oxyde métallique hydraté dont le métal est choisi dans le groupe constitué par l'aluminium, le magnésium, l'étain, le zinc, et le plomb, par exemple hydrate d'alumine,

- un borate de zinc, hydraté ou non,

- avec le maintien de la composition pondérale totale en matière inorganique du fil composite, y compris l'âme, dans une fourchette comprise entre 4 et 65 %.

Le brevet indique enfin que le fil composite selon l'invention présente « globalement et intrinsèquement un comportement au feu amélioré, exprimé conjointement par une diminution substantielle de la température des fumées de combustion et par un abaissement substantiel du seuil d'inflammation résiduelle des différents tissus obtenus avec le fil selon l'invention, de telle sorte qu'en particulier de tels tissus puissent satisfaire à la fois aux classements actuels B1 de la réglementation allemande et M1 et F3 de la réglementation française, et tout cela sans nuire aux caractéristiques de mise en 'uvre du même fil, requises pour le tissage ».

II Sur la demande en nullité des revendications nouvelles du brevet :

A ] Sur la nullité pour défaut de nouveauté :

La société Mermet soutient que les revendications modifiées 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9 du brevet européen Chavanoz sont nulles pour défaut de nouveauté en raison de l'accessibilité au public de l'objet de ces revendications par la divulgation qu'en ont opérées la société Chavanoz industrie elle-même et la société Helioscreen avant la date de priorité du 7 mai 1996.

Elle soutient à ce titre que du fil présentant les caractéristiques revendiquées a été vendu et livré, bien avant la date de priorité du brevet Chavanoz du 7 mai 1996, à la société Helioscreeen et à la société Mermet, qui n'étaient alors pas soumises à un accord de confidentialité au moment de la divulgation ; que du tissu confectionné avec ce fil a été vendu et livré par la société Helioscreeen à des tiers, non soumis non plus à une obligation de confidentialité ; que les méthodes d'analyse à disposition de l'homme du métier à la date de priorité du brevet Chavanoz lui permettaient de découvrir l'invention en analysant le fil M1/B1 fabriqué par la société Chavanoz ou le tissu confectionné par la société Helioscreen à partir de ce fil.

Elle prétend enfin que pour démontrer cette situation, elle est en droit de produire en justice des documents qui lui ont été communiqués par la société Helioscreen dans la mesure où :

- l'accord de confidentialité signé le 9 avril 1996 entre la société Chavanoz et la société Helioscreen est devenu caduc à compter de la publication de la demande de brevet le 14 novembre 1997,

- en vertu de l'effet relatif des contrats, l'accord de confidentialité ne pouvait obliger que les parties signataires dont ne faisait pas partie la société Mermet,

- l'accord de confidentialité, à supposer qu'il ne soit pas caduc et soit opposable à la société Mermet, ne pouvait lui-même en tant que pièce, être écarté des débats,

- à supposer que cet accord de confidentialité ne soit pas caduc et soit opposable à la société Mermet, plusieurs pièces écartées à tort par le premier juge et d'autres dont la société Chavanoz demande le rejet, n'entrent pas dans le champ d'application de cet accord,

Elle ajoute que les dispositions de l'accord de confidentialité ne peuvent effacer la divulgation antérieure de l'invention, alors même que cet accord ne constitue pas un acte recognitif ou confirmatif d'une obligation de confidentialité préexistante et que les ventes de tissus par la société Helioscreen à des tiers constituent une divulgation, quand bien même celle-ci aurait violé une prétendue obligation de confidentialité.

La société Chavanoz industrie soutient quant à elle que le brevet est nouveau, la société Mermet ayant elle-même retiré dans un premier temps son moyen tenant à la nullité du brevet pour défaut de nouveauté avant de le reprendre en cours de procédure d'appel ; elle ajoute que les pièces sur lesquelles se fonde l'intimée sont irrecevables et doivent être écartées des débats dans la mesure où elles ont été remises par la société Helioscreen à la société Mermet à la demande de cette dernière alors même que relatant des échanges intervenus entre les sociétés Chavanoz et Helioscreen de 1992 à 1996, ces pièces ne pouvaient être communiquées à la société Mermet, tiers à un accord de confidentialité conclu entre la société Chavanoz et la société Helioscreen le 9 avril 1996 ; elle prétend que l'effet relatif des contrats n'empêche pas de se prévaloir des obligations de confidentialité ainsi convenues dans un accord qui n'est pas devenu caduc le 13 novembre 1997 par l'effet de la publication de la demande de brevet et soutient enfin que le droit de se défendre en justice qui peut justifier par une partie la production d'un document en fraude d'un engagement de confidentialité, ne peut toutefois autoriser l'accession frauduleuse par un tiers à un document remis par une des signataires à l'accord de confidentialité.

Elle soutient encore qu'il n'est pas établi que les pièces litigieuses produites aux débats par la société Mermet se rapportent bien à un fil selon les caractéristiques du brevet EP 000 294 et qu'il n'est nullement démontré qu'un fil, remis et utilisé par la société Helioscreen, à le supposer conforme au brevet, aurait divulgué l'information en l'absence de toute certitude et traçabilité des échantillons testés ; que le tissu remis à la société Krülland et prétendument exposé au public n'est pas opposable au visa des articles L.611-13 du code de la propriété intellectuelle et 55 du code des brevets européens puisque constituant un abus intervenant dans les 6 mois précédant la date de dépôt du brevet et qu'enfin et en tout état de cause, disposer de fils selon l'invention, n'aurait pas permis à l'homme du métier d'analyser sa composition et de le reproduire sans difficulté excessive.

Sur ce :

1) sur la demande de la société Chavanoz industrie tendant à voir écarter certaines pièces des débats :

La société Chavanoz industrie présente une demande tendant à voir écarter les pièces communiquées par la société Mermet sous les numéros 54 à 64, 75, (communiquées devant le premier juge) et 1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105 (communiquées en cause d'appel).

Il incombe à chaque partie, en application de l'article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il incombe par ailleurs au juge, dans sa mission d'administration des preuves, de contribuer à la manifestation de la vérité en assurant le respect des droits et libertés des justiciables, en s'assurant notamment de la protection de certains droits particuliers et en contrôlant la manière d'obtention des preuves par les parties, en vérifiant à ce titre, que les procédés employés ont été respectueux des droits des justiciables.

Pour contester le caractère de nouveauté du brevet dont elle réclame la nullité, la société Mermet qui a conclu à la divulgation du dit brevet antérieurement à sa date de publication, a produit aux débats, tant devant le premier juge qu'en cause d'appel, diverses pièces qu'elle considère comme pertinentes à établir la réalité de sa prétention.

Le premier juge a alors décidé au visa des articles 1134 et 1165 anciens du code civil, que l'accord de confidentialité conclu le 9 avril 1996 entre les sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen justifiait que soient déclarées irrecevables et écartées des débats, les pièces 54, 58 à 64 comprenant en pièce 64 l'accord de confidentialité lui-même, censées établir que la première société a fourni à la seconde, avant la date de publication du brevet, diverses quantités de fil doté des caractéristiques techniques couvertes par le brevet.

Le tribunal a considéré que l'effet rétroactif que les parties ont donné à leur accord de confidentialité, ont doté leurs relations commerciales pour la période comprise entre le 9 mai 1994 et le 9 avril 1996, ainsi que les documents élaborés au cours de cette période critique, d'un caractère confidentiel incompatible avec la production aux débats, 20 ans après la date de conclusion de cet accord, des dits document qui doivent être écartés, la qualité de tiers au contrat de la société Mermet ne l'autorisant pas par ailleurs à communiquer ou utiliser des informations obtenues dans le cadre de ces échanges et appartenant à la société Chavanoz industrie.

Si en application de l'article 1165 du code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, l'effet relatif des conventions ne peut cependant avoir pour effet d'interdire aux tiers d'invoquer une situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, dès lors que cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, si la société Mermet qui n'était pas partie à l'accord de confidentialité ne peut l'invoquer pour prétendre à la création d'un droit à son profit, elle se trouve cependant en droit de le soumettre au juge en tant que fait juridique dans le cadre de sa demande tendant à obtenir la nullité du brevet pour divulgation destructrice de nouveauté.

Si certaines pièces peuvent être considérées comme confidentielles en application d'un accord de confidentialité, il importe d'ailleurs que soit nécessairement produit au dossier et soumis au juge cet accord de façon à ce qu'il soit statué sur sa portée et ses effets sur la recevabilité des pièces litigieuses.

Aux termes de l''accord de confidentialité' convenu le 9 avril 1996, entre la société Chavanoz industrie d'une part et la société de droit belge Helioscreen d'autre part, dont il était indiqué qu'il était conclu pour une durée indéterminée à effet rétroactif à compter du 9 mai 1994, les parties ont rappelé la teneur de leurs activités respectives et l'existence de leurs relations commerciales, concernant notamment la réalisation et fabrication par la société Chavanoz industrie d'échantillons de fil, selon les spécifications et indications de la société Helioscreen, remis à cette dernière avec communication des informations techniques ou pratiques dont les caractéristiques techniques du fil, nécessaires à leur tissage, notamment avec les machines et équipements de la société Helioscreen, pour obtenir des échantillons de tissu permettant à la société Chavanoz industrie d'effectuer tous essais de résistance au feu dudit tissu.

Il était précisé que les échantillons de fils seront remis par la société Chavanoz industrie à la société Helioscreen et qu'en contrepartie celle-ci remettrait à la première, pour essais de résistance au feu, les échantillons de tissus.

Il était alors prévu à l'article 2 ' Propriété des informations échangées ', que :

'- toutes les informations communiquées par CI (Chavanoz industrie) à HS (Helioscreen) au titre de l'article 1.1, y compris celles immédiatement accessibles à HS du fait de sa détention provisoire d'un échantillon du FIL, appartiennent uniquement à CI et en conséquence, HS s'interdit :

a) toute divulgation , publication, communication à un tiers, y compris sous forme confidentielle, des dites informations,

b) toute utilisation, usage ou exploitation des dites informations, autre que celui requis pour la mise en oeuvre du FIL pur obtenir l'échantillon de tissu,

c) toute conservation ou stockage d'une partie de l'échantillon de fil ; le reste éventuel de l'échantillon, non tissé, sera remis en totalité à CI, avec l'échantillon du tissu,

d) toute analyse par elle-même ou par un tiers du fil,

e) toute prise de droit de propriété industrielle, dont brevet, par elle-même ou par un tiers, dans tous pays, ayant pour objet tout ou partie des dites informations,

- CI pourra disposer librement et sous sa responsabilité de l'échantillon de tissu d'une part et de toutes les informations contenues dans le rapport remis par HS, d'autre part. Les informations contenues ou supportées par l'échantillon de tissu remis à CI et celles contenues dans le rapport également remis à CI seront soumises au mêmes interdictions que celles définies aux articles 2.1 a) à c) et e), au débit de HS.'

L'article 3 de l'accord prévoyait enfin que : 'le présent accord est conclu pour une durée indéterminée commençant rétroactivement le 9 mai 1994. Il pourra être dénoncé par l'une ou l'autre des parties avec un préavis de 3 mois.

Toutefois, les interdictions stipulées à l'article 2.1 demeureront en vigueur aussi longtemps que la totalité des informations visées au même article n'auront pas été rendues immédiatement accessibles au public, sans que cela soit le fait ou la faute de HS, et ceci sous réserve des droits de propriété industrielle éventuellement pris entre temps par CI ou toute société qui lui est liée.'

Au paragraphe 4 et dernier de l'accord, il était enfin précisé que 'L'existence du présent accord sera tenue confidentielle.'.

Il n'est pas contestable que l'accord de confidentialité susvisé s'est trouvé caduc le 14 novembre 1997, date d'effet de la publication de la demande internationale de brevet déposée sous priorité de brevet français par la société Chavanoz le 7 mai 1996, la confidentialité des informations techniques n'ayant alors plus lieu d'être préservée ; du fait de cette caducité, la société Helioscreen s'est trouvée déliée de son obligation de confidentialité et elle pouvait donc remettre l'accord en cause à la société Mermet pour les besoins de la procédure judiciaire, la cour observant que la société Chavanoz n'invoque pas de fraude à ce titre de la part de la société Helioscreen qu'elle n'a d'ailleurs pas attrait à la procédure.

Les pièces communiquées par la société Mermet et dont la société Chavanoz industrie demande le rejet, consistent en des factures ou autres documents échangés entre les sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen, non seulement au cours de la période de confidentialité visée par l'accord susvisé mais également antérieurement ou postérieurement pour certaines d'entre elles ; elles ne sont pas en cela en elles-mêmes ou par effet de la loi, des pièces de nature confidentielle interdisant toute communication en justice, même par des tiers.

Sauf à interdire de façon disproportionnée à la société Mermet, tout droit d'accès à la preuve de la divulgation qu'elle invoque comme moyen de nullité du brevet, il importe que le juge soit en mesure de procéder à l'examen de ces pièces.

Il convient en conséquence de ne pas écarter des débats les pièces n° 54 et 58 à 63 produites et communiquées par la société Mermet, sans même qu'il soit besoin, à ce stade du raisonnement, de les analyser chacune pour rechercher si elles sont ou non couvertes par l'accord de confidentialité, tant au niveau de leur date que de leur contenu et si elles se rapportent à un fil selon les caractéristiques du brevet.

De la même façon les pièces produites et communiquées seulement en cause d'appel sous les n°1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105, relatives pour partie d'ailleurs seulement, aux relations contractuelles entretenues entre les sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen au cours de la période litigieuse du 9 mai 1994 au 9 avril 1996, n'ont pas à être écartées des débats.

Le premier juge a écarté également les pièces n° 55 à 57 en ce que la société Mermet n'y ferait pas référence dans ses écritures.

Si l'article 954 du code de procédure civile dispose que les conclusions d'appel doivent indiquer pour chaque prétention, les pièces invoquées, aucune sanction visant à écarter les pièces produites et communiquées non expressément visées dans les conclusions, n'est prévue de ce chef ; l'article 753 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l'instance s'étant déroulée devant le premier juge, n'exigeait d'ailleurs pas quant à lui l'indication pour chaque prétention, des pièces invoquées et aucune sanction conduisant à voir écarter des débats les pièces en cause ne saurait donc être prononcée.

Il convient dès lors de rejeter la demande de la société Chavanoz industrie tendant à voir écarter des débats les pièces n° 55 à 57 produites et communiquées par la société Mermet.

S'agissant enfin de la pièce n° 75 produite et communiquée par la société Mermet, il s'avère qu'une traduction libre en langue française en a été produite sous le n° 75.1.1 par l'intéressée ; elle n'a donc plus lieu d'être écartée du dossier.

Le jugement critiqué doit en conséquence être infirmé de ces chefs.

2) sur l'existence d'une divulgation antérieure au 7 mai 1996 :

L'article 54 de la convention sur le brevet européen définit la condition de nouveauté, dans les mêmes termes que l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle : « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.

L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. (...) ».

Une invention n'est donc pas nouvelle au sens des dispositions susvisées, si l'invention a été divulguée avant la date de dépôt du brevet, même si cette divulgation est le fait du breveté.

La divulgation qui permet d'annuler, pour défaut de nouveauté, un brevet délivré par un office et en cela présumé valide, doit être certaine, tant en ce qui concerne son existence que son contenu, le doute profitant au breveté.

Pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière, dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

Dans le cas où l'invention porte sur une propriété du produit qui n'est pas directement accessible par l'examen visuel de celui-ci, l'invention est rendue accessible au public si les méthodes d'analyse à la disposition de l'homme du métier au moment de l'invention lui permettent de découvrir l'invention en analysant le produit rendu accessible au public.

Le public visé par les dispositions légales rappelées ci-dessus s'entend d'au moins une personne non liée par une obligation de confidentialité.

Il ressort de l'ensemble des documents produits aux débats que :

a) la société Chavanoz a vendu et livré à la société Helioscreen plusieurs dizaines de tonnes de fil M1B1 avant le 7 mai 1996, date de priorité du brevet :

Ces ventes ont en effet donné lieu à l'établissement de factures précédées de bons de commande, et notamment d'une facture du 5 octobre 1995, (pièce n° 60 Mermet) pour la fourniture de près de 10 tonnes de fil portant la référence E80162/90/4000 'SILIONNE ENDUITE PVC 162 TEX STORE', en blanc ou gris, correspondant en tous points à la référence donnée selon fiche établie par l'atelier de production le 26 mai 1995, au fil 'SILIONNE ENDUITE PVC 165 TEX M1B1".

Il ressort encore d'un courrier adressé par la société Chavanoz industrie à la société Helioscreen le 3 juillet 1994, (pièce Mermet n° 59), que la première annonçait la livraison à la seconde, pour une pré-industrialisation, de 16 tonnes de fil M1B1 gris, 16 tonnes de fil M1B1 blanc et 12 tonnes de fil M1B1 sable, de la même façon qu'étaient également réclamées, par fax du 11 juillet 1994, par la société Helioscreen à la société Chavanoz industrie, des livraisons de 3 tonnes de fil M1B1 gris, 3,5 tonnes de fil M1B1 blanc et 2,1 tonnes de fil M1B1 sable, à réserver par le fabricant sur sa 'fabrication essai'.

Par fax du 6 juin 1995, la direction de la société Chavanoz industrie s'adressait à la direction de la société Helioscreen, pour lui annoncer la livraison de 4 tonnes de fil M1B1 blanc et gris, lui précisant encore que dans l'attente de l'homologation officielle (du produit aux normes de classement au feu), elle souhaitait néanmoins poursuivre (souligné par la cour) l'industrialisation de ce fil afin de préparer le basculement définitif de la formulation M1 vers celle M1B1 dont elle précisait in fine qu'elle serait effective dès juillet suivant, s'agissant du coloris blanc.

Aucun élément du dossier et notamment aucune annonce par le fabricant de la nécessité de tests supplémentaires avant une mise sur le marché, ne permet d'établir que le fil identifié par les parties à cette époque sous l'expression M1B1, ne correspond pas aux caractéristiques de l'invention brevetée, les échanges écrits entre les sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen antérieurement à la date de priorité du brevet du 7 mai 1996 ne faisant que confirmer qu'une appellation unique M1B1 a toujours été donnée au fil ayant bénéficié de l'invention, avant ou après le dépôt de la demande de brevet, y compris par la société Chavanoz industrie elle-même.

Il est d'ailleurs établi par l'ensemble des documents produits par la société Mermet en pièces 54 à 63 et 1041 à 1044.1, que si l'expérimentation destinée à obtenir la mise au point du fil, ayant par la suite donné lieu à l'invention, a commencé dès la fin de l'année 1992 avec le lancement des essais d'ourdissage par la société Helioscreen (pièce n° 1042 Mermet), elle s'est poursuivie pendant plusieurs années avant la mise au point de la formulation permettant une production industrielle, proposée par la société Chavanoz industrie elle-même à sa partenaire commerciale Helioscreen dans un fax du 13 avril 1995, (pièce 1105 Mermet) aux termes duquel elle annonçait à cette dernière qu'elle était désormais 'en mesure de fabriquer des quantités industrielles dans la nouvelle formulation M1B1".

Il ressort encore d'un fax adressé par la société Chavanoz industrie à la société Helioscreen le 17 octobre 1995, que la société Chavanoz a obtenu le 29 septembre précédent un classement officiel au feu B1 avec la formulation objet du brevet ultérieurement déposé puisqu'elle indique s'agissant d'une différence constatée sur le coloris blanc entre la qualité standard M1 et le nouveau fil M1B1 qu'il lui semble très délicat de rectifier cette différence car 'cela passerait par une modification de la formulation et donc par une nouvelle homologation B1" ; aucune nouvelle demande tendant à une nouvelle homologation B1 ne ressort avoir été sollicitée avant le 7 mai 1996, situation démontrant qu'il n'a jamais été question de modifier les caractéristiques objet de la revendication n°1 du brevet Chavanoz avant son dépôt.

Il importe peu que des développements ultérieurs nécessaires à la mise sur le marché des différentes déclinaisons du produit, de coloris notamment, aient encore nécessité la fabrication de quantités notables de produits dès lors qu'il est ainsi établi, contrairement à ce que soutient la société Chavanoz industrie, que la formule brevetée était au point avant même ces développements et que les produits en question ont été vendus par cette dernière à la société Helioscreen avant le 7 mai 1996, en quantités industrielles permettant une fabrication au delà même de la réalisation d'essais dans le cadre d'une mise au point de la nouvelle formule ayant fait l'invention.

b) le tissu fabriqué par la société Helioscreen à partir du fil M1B1 livré par la société Chavanoz industrie a été vendu à des tiers dans le cadre de la réalisation de stores, avant le 7 mai 1996 :

Il ressort en effet des pièces n° 85, 96, 97 et 98 de la société Mermet, à l'examen desquelles le premier juge ne s'est pas livré alors même qu'elles ne faisaient pas partie des pièces écartées, que :

- par courrier du 19 novembre 1996, la société Helioscreen s'est adressée à la société Chavanoz industrie pour lui faire part de la réclamation d'un de ses clients en Allemagne concernant la qualité d'un tissu coloris blanc se dégradant en un coloris rose ; les références de fabrication indiquées au document permettent de constater que le fil en cause est le fil M1B1 livré et facturé à la société Helioscreen par la société Chavanoz aux termes d'une facture n° 20689 du 5 octobre 1995 dont l'existence a été ci-dessus rappelée comme élément participant à la preuve de la livraison de fil M1B1 ; la réclamation de la société Helioscreen indique que le remplacement des toiles livrées pour une surface de 491 m² environ a engendré des coûts dont la société Helioscreeen réclame remboursement à sa partenaire commerciale,

- les échanges relatifs à la fabrication et installation de stores dans un musée situé à [Localité 9] en mars 1996 par la société Krülland (pièces Mermet n° 96 et 97) permettent encore de constater que la réclamation initiale susvisée de la société allemande auprès de la société Helioscreen concerne la livraison de fil M1B1 par cette dernière à cette société Krülland, que les tissus ont été commandés à la société Helioscreen en octobre et novembre 1995, que la fabrication s'est achevée le 17 janvier 1996 et que la pose a été réalisée auprès du client final (le musée) en mars 1996,

- par un fax du 4 décembre 1996, la société Helioscreen a transmis à la société Chavanoz industrie, sous la référence 'réclamation Krülland', l'ensemble des informations concernant les dates de tissage et confection des toiles et assemblages et pose des stores dégradés, répondant in fine à la question posée par cette dernière concernant les conditions de stockage des toiles avant leur pose,

- le compte rendu de l'assemblée générale de l'association ScreenGlass du 20 décembre 1995, (pièce Mermet n° 98), qui réunissait tisseurs (Brochier, Helioscreeen et Mermet) et fabricant du fil (Chavanoz industrie), à laquelle se trouvaient présents des membres de la direction des sociétés Brochier, Helioscreen, Mermet et Chavanoz industrie, indique au paragraphe 'BILAN DES ESSAIS DE QUALITE M1B1" que :

'Un tour de table a été effectué avec les commentaires suivants :

- société Brochier :

La tissabilité ainsi que la processabilité de ce fil sont en ordre.

Un problème de classement au feu M2 a été rencontré sur un coloris chaîne M1B1, trame M1.

- société Helioscreen :

Cette qualité génère des problèmes de poudrage ainsi que de mitage, essentiellement sur un lot de gris.

Problème également de différence de coloris Blanc par rapport au standard M1 qu'engendre la formulation M1B1.

- société Mermet :

Les tests réalisés initialement avaient donné des résultats positifs, sans commentaire particulier.

De nouveaux tests sont à prévoir sur début 1996 pour confirmation.

Les propositions retenues pour la suite de ce développement sont :

- un démarrage industriel avec le coloris Perle début 1996,

- poursuite de la phase pré-industrielle avec les trois tisseurs dans les coloris Blanc, Gris et Lin,

- Chavanoz doit améliorer le coloris Blanc pour amoindrir la différence avec le standard M1.

Chavanoz doit organiser des rencontres techniques avec les trois tisseurs pour approfondir cette question.

L'objectif général retenu est de basculer définitivement l'ensemble des livraisons dans le titre 165 tex dans cette nouvelle formulation qualifiée M1B1 dans le courant de l'année 1996.'

Il ressort de l'ensemble des éléments susvisés que d'une part du tissu fabriqué à partir du fil M1B1 livré par la société Chavanoz à la société Helioscreen a été vendu par cette dernière à des tiers en 1995 et 1996 et que d'autre part, les parties membres de l'association SreenGlass, constituée non seulement des sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen mais également des sociétés Brochier et Mermet, ont été livrées en fil M1B1 et ont eu à se prononcer sur la qualité de tissage du fil, différente notamment selon ses coloris.

c) sur la portée et les conséquences de l'accord de confidentialité :

Il n'est pas contestable qu'au moment des livraisons par la société Chavanoz industrie à la société Helioscreen, du fil M1B1 dans les conditions définies ci-dessus, aucun accord de confidentialité écrit n'avait encore été signé entre ces dernières.

Aucune mention du caractère confidentiel des documents, techniques ou commerciaux, communiqués entre les sociétés Chavanoz industrie et Helioscreen antérieurement au 7 mai 1996, date de priorité, n'a été apposée sur les documents produits au dossier ; aucun courrier, fax ou mail n'a été échangé en ce sens entre les parties.

La confidentialité n'est jamais présumée dans le cadre d'une relation avec un acheteur et la seule existence de relations commerciales entre les sociétés susvisées et la société Mermet et un autre tisseur (société Brochier), ne peut suffire à démontrer en l'espèce, que l'ensemble de ces sociétés qui étaient alors partenaires dans le cadre d'une association et d'un GIE destinés à la promotion de stores, avaient pour autant entendu être liées à l'égard de la société Chavanoz industrie, par une obligation de confidentialité.

La société Chavanoz industrie soutient alors que l'accord de confidentialité du 9 avril 1996 formalise un engagement de confidentialité, non écrit à l'époque mais résultant de la nature des relations entre les parties, qui couvrirait selon elle la communication de l'ensemble des documents relatifs au fil M1B1 par la société Chavanoz industrie à la société Helioscreen, depuis le 7 mai 1994.

L'accord de confidentialité signé le 9 avril 1996 rappelle de façon préliminaire, dans le cadre d'un historique, la chronologie des événements survenus du 9 mai 1994 jusqu'au 16 février 1996 ; il est ainsi rappelé à ce titre que la société Chavanoz industrie a 'conçu et développé en 1994, un fil enduit, appelé M1B1, comprenant une âme en verre enduite de polychlorure de vinyle (PVC) plastifié et ignifugé avec un système ignifugeant particulier. Par tissage de ce fil, en chaîne et/ou en trame, on obtient des tissus techniques susceptibles d'être classés, en ce qui concerne leur résistance au feu, M1 selon la norme (...) en France et B1 (...) selon la norme en République fédérale d'Allemagne. Ce fil composite sera identifié ci-après par l'expression 'le fil'.'

Il est alors ajouté que des échantillons (dont préséries) du fil ont été remis confidentiellement par la société Chavanoz industrie à la société Helioscreen, aux fins d'essayer leur tissage avec les équipements et machines d'Helioscreen, puis de qualifier la résistance au feu des tissus ainsi obtenus.

Sont ensuite décrites par ordre chronologique, les différentes étapes marquantes du processus de mise au point du fil M1B1, des dates d'homologation concernant ses qualités de résistance au feu et des périodes de livraison du fil à la société Helioscreen.

À aucun moment il n'est cependant fait état entre les parties de la réalité des quantités livrées à la société Helioscreen et de la réalité de la phase d'industrialisation mise en avant par la société Chavanoz industrie elle-même dans ses échanges commerciaux, le contenu des livraisons retracées par les parties ne visant que des 'échantillons'.

L'existence d'une obligation de confidentialité s'imposant à la société Helioscreen ne saurait résulter de la seule mention portée au paragraphe e) de l'accord qui prévoit que 'en conséquence de l'historique selon d), HS et CI, d'une part confirment que leurs relations ont été régies par les dispositions définies ci-après et d'autre part réitèrent ces dernières pour la poursuite de leurs relations, en ce qui concerne la mise au point et l'industrialisation du fil.' ; la teneur de l'accord ainsi conclu un mois seulement avant le dépôt de la demande de brevet sous priorité française et l'insertion d'une clause de rétroactivité de ses effets quant à la propriété à la société Chavanoz industrie des informations échangées et aux interdictions de communication de ces dernières par la société Helioscreen démontrent au contraire que cet accord a cherché, par son effet rétroactif, à instituer une obligation de confidentialité qui n'existait pas au moment de la divulgation.

Il importe dès lors de savoir, si une société qui a divulgué son invention à un partenaire non soumis à une obligation de confidentialité au moment de la divulgation, peut effacer l'existence de cette divulgation éventuellement destructrice de nouveauté, par la conclusion, a posteriori, d'un accord de confidentialité.

Les dispositions d'ordre public du droit des brevets interdisent à des parties à un contrat, fut-ce par un effet rétroactif conféré à celui-ci, de priver de ses effets légaux une divulgation d'ores et déjà intervenue.

Une invention est rendue accessible au public lorsqu'elle est divulguée à une personne qui n'était pas tenue au secret au moment de la divulgation de sorte que la clause de rétroactivité de l'accord de confidentialité susvisé est sans effet en l'espèce sur l'appréciation de la validité du brevet.

Il est ainsi établi que le fil M1B1 présentant les caractéristiques du brevet et le tissu confectionné à partir de ce fil, ont été divulgués avant la date de priorité du brevet (7 mai 1996) à une personne non tenue à une obligation de confidentialité.

Il a été suffisamment démontré ci-dessus que la divulgation ainsi constatée auprès de la société Helioscreen, représentant le public visé par l'article 54 de la convention sur le brevet européen, s'est étendue sur une période antérieure au délai de 6 mois prévu par l'article L 611-13 du code de la propriété intellectuelle, précédant le 7 mai 1996, date de priorité française du brevet de l'espèce ; il n'est dès lors point nécessaire de rechercher si les ventes de tissu par la société Helioscreen à la société allemande Krülland et leur installation dans un musée à [Localité 9] en janvier 1996 doivent ou non être considérées comme un abus de divulgation intervenu dans les 6 mois précédant la date de dépôt du brevet, fixée de façon contradictoire, par la société Chavanoz industrie à la date de priorité française du 7 mai 1996 et par la société Mermet à la date de dépôt de la demande de brevet européen.

Il appartient maintenant à la cour de rechercher si la divulgation ainsi opérée a pu rendre accessible au public la connaissance de l'invention.

d) sur l'accessibilité au public :

La société Chavanoz industrie soutient que la cour ne pourra que rejeter le grief d'auto-divulgation invoqué par la société Mermet dans la mesure où même en procédant aux analyses qu'elle suggère, l'homme du métier n'aurait pas été en mesure de déduire, sans difficulté excessive et sans avoir été informé à l'avance, la composition des fils en cause.

La société Mermet soutient quant à elle que les méthodes d'analyse à la disposition de l'homme du métier à la date de priorité du brevet Chavanoz lui permettaient de découvrir la composition du produit en analysant le fil M1B1 ou le tissu confectionné à partir de ce fil.

Sur ce :

Aux termes de l'article 54 de la convention sur le brevet européen, pour que l'invention soit rendue accessible au public, il faut que le public puisse avoir une connaissance de l'invention par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Un usage antérieur n'est destructeur de nouveauté que si l'homme du métier était en mesure de découvrir la composition du produit sans difficulté excessive et sans avoir été informé à l'avance de cette composition.

La société Mermet a fait procéder par des laboratoires scientifiques et à partir d'échantillons de tissus prélevés sous contrôle d'huissier, à des analyses ; il convient d'abord d'apprécier la pertinence des échantillons avant de procéder à l'examen des rapports d'expertises.

- sur les échantillons analysés :

Deux sortes d'échantillons ont été donnés à analyser : des échantillons reconstitués selon la méthode du brevet, fabriqués par la société Mermet sous le contrôle de Me [W], huissier de justice à [Localité 10], et des échantillons prélevés le 20 octobre 2017, sous le contrôle d'un huissier, dans les locaux de la société Helioscreen.

- il ressort du procès-verbal dressé les 16, 17, 21, 23, 24, 30 novembre et 1er décembre 2016, que Me [W], informé de l'existence et de la teneur du procès en contrefaçon de brevet pendant devant la cour d'appel de Lyon entre les sociétés Mermet et Chavanoz industrie, a été requis par la société Mermet de bien vouloir constater et attester des différentes étapes de fabrication du fil et du tissu selon les revendications du brevet, afin que des tests puissent être opérés en ce sens par des laboratoires d'analyses.

L'huissier a ainsi assisté, selon des dates différentes rendues nécessaires par le processus de fabrication, aux différentes étapes indispensables en la matière, prenant la précaution de mettre sous scellés entre chaque étape, l'ensemble des matières issues de la fabrication antérieure, en levant lui-même les scellés à chaque nouvelle opération après avoir méticuleusement contrôlé leur intégrité.

Il est encore indiqué que l'huissier a procédé aux vérifications des poids ou des volumes des produits dont il a préalablement procédé à l'identification, en conservant au rang de ses minutes des échantillons, disponibles sur simple demande pour vérification ; qu'il a enfin contrôlé le dosage des matières après avoir vérifié le bon étalonnage des machines à peser, obtenant un dosage conforme à la fiche de formulation 165 tex jointe en annexe à son procès-verbal.

L'huissier indique qu'après réalisation sous son contrôle du coeur du fil et enduction de ce dernier enroulé sur des bobines, il a été procédé à l'ourdissage et tissage du tissu ensuite thermofixé ; qu'une bande de 5 m a été conservée à destination d'un laboratoire allemand et une bande de 3 m à destination d'un laboratoire français, une dernière bande de 4 m étant placée sous scellé pour toute vérification utile.

L'huissier a ensuite procédé à l'envoi des échantillons ainsi obtenus avec traçabilité des envois et des échantillons envoyés et reçus sous contrôle d'huissier par les laboratoires de façon à ce qu'aucun doute ne puisse exister sur l'identification du produit finalement analysé.

Aucune anomalie n'a lieu d'être relevée en l'espèce s'agissant de l'identification de la matière finalement obtenue et soumise à l'analyse des deux laboratoires, aucune critique n'étant d'ailleurs élevée à ce titre par la société Chavanoz industrie.

- un deuxième échantillon a par ailleurs été prélevé le 20 octobre 2017 sous contrôle de Me [D], huissier de justice à [Localité 8] (Belgique) au sein de la société Helioscreen.

Il ressort du procès-verbal dressé par l'huissier le 20 octobre 2017, que celui-ci, missionné par la société Mermet qui l'a préalablement informé de l'existence et de la teneur du procès l'opposant à la société Chavanoz industrie devant la cour d'appel de Lyon, s'est rendu dans les locaux de la société Helioscreen et a rencontré le directeur de la société à qui il a fait part de la mission qui lui avait été confiée ; que celui-ci a alors ouvert à sa demande des dossiers dont il a déclaré qu'il s'agissait là des dossiers en originaux de son prédécesseur [X] [J], comprenant notamment deux échantillons de tissus de la dimension d'une feuille A4, un document manuscrit émanant de ce dernier qui indique 'tissu tissé par Mermet avec fil expérimental M1B1" le 8 mai 1994" et un document de confirmation d'ordre pour analyse daté du 11 mai 1994 avec attestation de réception du 16 mai suivant, établi de la même main en langue allemande.

L'huissier décrit ensuite le processus d'envoi tracé et contrôlé par ses soins, pour double analyse aux laboratoires français et allemand, des deux échantillons de tissu E 816 ainsi obtenus.

Aucun élément du dossier ne permet en l'espèce de douter de l'authenticité des produits saisis par l'huissier, aucune critique n'étant d'ailleurs apportée par la société Chavanoz industrie de ce chef.

- sur les rapports d'expertise :

Deux laboratoires différents ont procédé à des analyses des échantillons transmis par la société Mermet :

- le laboratoire Science et surface qui a déposé le 13 novembre 2017 deux rapports d'analyse distincts concernant d'une part les analyses du tissu reconstitué par la société Mermet et d'autre part les analyses du tissu prélevé par l'huissier dans les locaux de la société Helioscreen le 20 octobre 2017,

- le laboratoire Lrccp qui a déposé trois rapports d'analyse distincts : deux rapports établis le 17 octobre 2017 ayant eu pour objet d'analyser d'abord le tissu obtenu par la société Mermet par tissage du fil composite enduit selon la formulation du brevet et ensuite l'enduction du dit fil et un rapport déposé le 15 février 2018 concernant l'analyse d'une enduction sur fil de verre prélevé par huissier dans les locaux de la société Helioscreen le 20 octobre 2017.

Aucune conséquence sur la pertinence des analyses ou des conclusions données par les scientifiques ne peut être tirée du délai de près de 3 mois écoulé entre le prélèvement des échantillons le 25 octobre 2017 au sein de la société Helioscreen et le dépôt du second rapport déposé par le laboratoire Lrccp le 15 février 2018 à qui les échantillons n'ont été adressés que le 6 novembre suivant, la cour observant d'ailleurs que les deux premiers rapports d'expertise déposés par la société Science et surface et la même société Lrccp ayant eu pour objet l'analyse des précédents échantillons issus de la fabrication au sein de l'usine Mermet en novembre/décembre 2016, n'ont été déposés, sans critique de la société Chavanoz industrie, qu'en octobre et novembre et novembre 2017, pour avoir été remis au cours de l'été 2017, soit quelques mois également après le dépôt des échantillons à analyser.

Les rapports ainsi obtenus indiquent tous qu'ils ont été obtenus en utilisant les méthodes et appareils disponibles faisant partie de l'art en 1996, date de dépôt du brevet et à partir d'articles scientifiques de l'époque.

Ils concluent dans les termes suivants :

- rapport d'analyse n° R17-0852 du 13 novembre 2017 de la société Science et surface :

'En résumé, les investigations réalisées sur un tissu de fibres de verre avec une enduction PVC ignifugée ont montré :

- que l'enduction PVC contient un plastifiant de type phtalate ainsi que de l'hydroxyde d'aluminium correspondant très vraisemblablement aux particules de type 4 identifiées par microscopie électronique,

- la présence d'au moins 6 types de particules (charges minérales) à c'ur de l'enduit) :

- copeaux métalliques de l'ordre du micromètre qui contienne du fer,

- particules de l'ordre du micromètre qui contiennent de l'antimoine et de l'oxygène,

- charges de l'ordre du micromètre contenant du plomb et de l'oxygène,

- charges angulaires de plusieurs micromètres contenant de l'aluminium et de l'oxygène,

- charges de plusieurs micromètres qui contiennent du zinc, de l'oxygène et du bore,

- particules nanométriques non identifiées.'

- rapport d'analyse n° R17-0838 du 13 novembre 2017 de la société Science et surface :

'En résumé, les investigations réalisées sur un tissu de fibres de verre avec une enduction PVC ignifugée ont montré :

- que l'enduction PVC contient un plastifiant de type phtalate ainsi que de l'hydroxyde d'aluminium correspondant très vraisemblablement aux particules de type 3 identifiées par microscopie électronique,

- la présence d'au moins 5 types de particules (charges minérales) à c'ur de l'enduit) :

- particules de l'ordre du micromètre qui contiennent de l'antimoine et de l'oxygène,

- charges de l'ordre du micromètre contenant du plomb et de l'oxygène,

- charges angulaires de plusieurs micromètres contenant de l'aluminium et de l'oxygène,

- charges de plusieurs micromètres qui contiennent du zinc, de l'oxygène et du bore,

- particules nanométriques non identifiées.'

- rapport d'analyse n° C3101560Zbb du 17 octobre 2017 du laboratoire Lrccp :

'L'échantillon analysé est constitué de :

- matières extractibles (plastifiants phtalates) à 16,4 %,

- polymère PVC (par défaut) à 32,8 %,

- charges minérales (par excès, c'est-à-dire que toutes ces charges ne sont peut-être pas simultanément présentes) à 50,8 % : fibre de verre, carbonate de calcium, hydroxyde d'aluminium, kaolinite, oxyde de plomb, trioxyde d'antimoine, savon calcium/zinc, hydroxyde borate de zinc.'

La société Chavanoz industrie critique la procédure et les résultats des analyses ainsi obtenus en remettant d'une part en cause les méthodes et la partialité des laboratoires et en produisant d'autre part l'avis du professeur [V], spécialiste du comportement au feu des matériaux.

Le rapport du professeur [V] et la société Chavanoz industrie, sur la base de ce rapport, prétendent ainsi que la présence de bore ne serait pas scientifiquement établie et que les conclusions des rapports relèveraient d'un raisonnement a posteriori aux motifs que :

- les analyses montreraient un recouvrement des pics de bore et de chlore,

- la présence conjointe de bore et de zinc dans une même particule ne serait pas démontrée,

- d'autres éléments présents pourraient être associés au zinc et au bore, tel que le calcium,

- certaines méthodes utilisées ne seraient pas suffisamment rigoureuses,

- la bibliographie communiquée au laboratoire serait orientée et insuffisante.

La société Mermet conteste quant à elle l'ensemble des critiques ainsi présentées et produit de son côté deux notes établies les 13 juillet et 30 octobre 2018 par M. [N] [P], ancien directeur de recherche au CNRS, spécialiste des polymères, s'appuyant notamment sur une note établie le 30 octobre 2018 par M. [B] et [A], ayant procédé aux analyses pour le compte du laboratoire Science et surface.

Les notes de M. [P] et la société Mermet sur la base de ces dernières, prétendent ainsi que du fait d'une lecture volontairement séparée des rapports, les conclusions du professeur [V] sont erronées ; que les protocoles utilisés ne manquent pas de fiabilité et ne montrent pas d'incohérences, les rapports du laboratoire Science et surface caractérisant bien la présence de particules primaires de borate de zinc.

La société Chavanoz industrie invoque enfin l'existence d'un conflit d'intérêt auquel M. [P] serait confronté au motif que le groupe Porcher auquel elle appartient, l'aurait récemment sollicité, la société Mermet contestant cependant tout lien entre la consultation effectivement réclamée à ce scientifique reconnu et le litige en cours.

S'il s'avère que M. [P] a été effectivement interrogé par la société Porcher industries en mai 2018 sur une question concernant des polymères thermosoudables, aucun lien n'existe cependant entre cette question et les questions scientifiques posées dans le cadre de l'instance en cours ; M. [P] a d'ailleurs répondu en ce sens par lettre du 26 octobre 2018 à l'argument ainsi élevé par la société Chavanoz industrie, en indiquant au conseil de la société Mermet qu'il n'avait au titre de sa consultation par la société Porcher industrie, eu connaissance d'aucune information confidentielle pouvant avoir un quelconque rapport avec le litige opposant les sociétés Chavanoz industrie et Mermet, qu'il avait donné un avis d'expert en toute indépendance alors même que les deux missions ne relevaient pas de mêmes technologies et qu'aucune information ne lui avait été donnée par la société Porcher industries sur ses liens d'affiliation avec la société Chavanoz industrie.

La mission que lui avait confiée la société Porcher industrie lui a été retirée en août 2018 après que sa mandante ait pris connaissance de ses conclusions dans l'instance pendante devant la cour d'appel de Lyon et aucune suspicion de partialité ne peut en être déduite quant aux critiques formulées aux termes de ses notes délivrées à la société Mermet, que ce soit celle du 13 juillet 2018, avant d'être déchargé de sa mission auprès du groupe Porcher, ou celle du 30 novembre 2018 qui ne fait que confirmer sa précédente note en apportant des explications supplémentaires.

M. [P], consultant dont la compétence scientifique est ainsi reconnue de l'ensemble des acteurs industriels eux mêmes, n'a donc, eu égard aux éléments susvisés, été confronté à aucun conflit d'intérêt, la cour observant que la société Chavanoz industrie qui fait état de la situation ainsi décrite, ne réclame pas que les notes de M. [P] soient écartées des débats.

Il ressort alors de l'ensemble des constatations scientifiques et résultats des analyses des laboratoires tels qu'exposés aux termes des rapports susvisés ainsi que des critiques et réponses aux critiques apportées par le professeur [V] et M. [P], que :

- la société Mermet a confié l'analyse des échantillons de tissu qu'elle leur a remis à deux laboratoires différents, utilisant des techniques analytiques différentes et complémentaires : microscopie électronique d'une part permettant de visualiser avec un très fort grossissement la surface des échantillons et de dresser une carte géographique des éléments chimiques qui la compose, sans pour autant permettre l'attribution d'une formule chimique et d'autre part analyse des polymères avec dosage des matériaux utilisés et déduction de la nature chimique des composants des échantillons ; elle est donc bien fondée à prétendre, reprenant en cela les explications de M. [P] en réponse au rapport du professeur [V], que les résultats obtenus doivent être lus de manière complémentaire et non pas séparément comme le fait ce dernier,

- les parties s'accordent pour considérer que le choix des techniques analytiques est conforme avec l'objectif de dé-formuler le tissu, les techniques utilisées dans les deux laboratoires étant disponibles en 1996,

- l'absence d'indication dans les rapports déposés par la société Lrccp des précautions prises pour éviter toute contamination d'un échantillon à un autre n'est d'aucune conséquence dans la mesure où il n'est pas discuté que les laboratoires choisis par la société Mermet sont des laboratoires rompus aux bonnes pratiques de sorte que nécessairement des précautions sont prises pour écarter la contamination extérieure sans qu'il soit indispensable que cela figure aux rapports,

- la déstructuration des tissus par séparation des fibres à la pince après extraction au THF réalisée par le laboratoire Lrccp, méthode jugée rudimentaire et non rigoureuse par le professeur [V], a constitué une opération nécessaire importante ayant permis de localiser dans le verre ou dans le polymère les éléments trouvés par analyse alors même que le protocole utilisé montre que toutes les précautions ont été prises pour mener à bien cette opération,

- la réponse apportée par M. [B] et [A] du laboratoire Science et surface aux critiques formulées par le professeur [V], rédigée dans les termes suivants 'le défaut le plus important de l'argumentation de M. [V] est une interprétation erronée des spectres EDS obtenus par microscopie électronique à balayage pour l'identification et la localisation des éléments qui entrent dans la composition du matériau analysé. En effet, à aucun moment dans la comparaison des spectres, il ne prend en compte la sensibilité des différents éléments au rayonnement électronique auquel ils sont soumis et donc l'intensité de leur réponse et cela le conduit à nier la présence du bore dans le PVC et à croire à la présence du calcium là où il n'est pas. (...) S'agissant d'un fil composite constitué de fibres de verre enduites d'un matériau polymère, la physico-chimie analytique telle que conduite dans les laboratoires Science et surface et Lrccp nous renseigne parfaitement sur la nature du polymère et de ses plastifiants et les techniques de la microscopie électronique vont nous informer sur la nature des atomes qui constituent les molécules ignifugeant qui sont ajoutées au polymère.', n'a fait l'objet d'aucune réponse précise et circonstanciée de son auteur,

- les analyses rapprochées des laboratoires Science et surface et Lrccp ont permis de conclure :

- par les dosages ICP/AES et ICP/MS à la présence d'aluminium, d'antimoine, de soufre, de bore et de zinc qui grâce à la séparation des fibres de verre, ont pu être localisés dans le PVC et à la présence de calcium localisé dans le verre,

- par les clichés MEB et analyses EDS, à la localisation de ces éléments dans des charges minérales de différentes compositions dans le PVC : antimoine associé à l'oxygène, plomb associé à oxygène, aluminium associé à oxygène, bore associé à l'oxygène et au zinc et confirmation de la présence de calcium dans la fibre de verre et non dans le PVC,

- par spectroscopie infrarouge, à l'identification des plastifiants,

- il a été ainsi établi par les rapports du laboratoire Science et surface que bore et zinc sont présents ensemble avec de l'oxygène, sur des particules indépendantes dispersées dans le polymère et peuvent donc constituer sous forme d'un borate de zinc un élément de formulation ignifugeante ; que le calcium qui n'est présent en quantité que dans le fil de verre, mais qui n'est visible dans le polymère que sous forme de traces, ne peut donc participer à l'ignifugation ; que l'hydroxyde d'aluminium est détecté dans le polymère et peut donc avoir un rôle ignifugeant,

- de telles conclusions sont renforcées par les résultats obtenus par le laboratoire Lrccp qui rassemble les éléments détectés en quantité importante et localisés dans le PVC : aluminium, antimoine, bore et zinc, en l'absence de calcium,

- les résultats des analyses sur les différents échantillons ont ainsi mis en évidence dans le PVC, la présence d'hydrate d'aluminium et des trois éléments bore, zinc et antimoine, chacun associé à l'oxygène, sur des particules indépendantes,

Il est ainsi établi par l'ensemble des éléments scientifiques susvisés que les méthodes d'analyse et les connaissances scientifiques accessibles en 1996, permettaient de découvrir l'invention en analysant la composition chimique du tissu confectionné à partir de fil M1B1 fabriqué par la société Chavanoz industrie, en constatant que :

- ce fil contenait les trois ignifugeants de la revendication n°1 nouvelle du brevet Chavanoz n° 0 900 294 que sont l'hydroxyde d'aluminium (oxyde métallique hydraté), le trioxyde d'antimoine (composé oxygéné d'antimoine) et le borate de zinc, hydraté ou non et que la composition pondérale totale en matières inorganiques, y compris l'âme en verre, était de 51,7 % soit dans la fourchette comprise entre 4 et 65 % de la revendication n°1 nouvelle,

- le plastifiant de la gaine était composé de phtalate organique conformément à la revendication n° 2 nouvelle,

- la composition pondérale totale en matières inorganiques de la gaine était de 9,8 % soit dans la fourchette comprise entre 4 et 15 % de la revendication n° 3 nouvelle,

- la charge ignifugeante était constituée par la composition ternaire trioxyde d'antimoine, hydroxyde d'aluminium et un borate de zinc conformément à la revendication n° 4 nouvelle,

- la composition pondérale en plastifiant du fil était de 14,6 %, conformément à la revendication n° 5 nouvelle selon laquelle la composition pondérale en plastifiant n'excède pas 40 % et est de préférence comprise entre 10 et 20 %.

Il était encore possible, par l'analyse du tissu fabriqué à partir du fil composite susvisé, d'en obtenir la composition chimique objet des revendications 7 et 8 du brevet modifié, de la même façon qu'était visible à l'oeil nu l'utilisation du tissu comme store ou rideau, objet de la revendication n° 9.

Les méthodes d'analyse à la disposition des laboratoires d'analyse à la date de priorité du brevet du 7 mai 1996, représentant l'homme du métier en tant que praticiens du domaine technique concerné, disposant de connaissances et d'aptitudes moyennes et possédant les connaissances générales dans le domaine concerné, permettaient donc à ces derniers d'identifier, sans difficultés excessives, la composition objet des revendications limitées n° 1, 2, 3 et 5 et la structure textile objet des revendications n° 7 et 8 en analysant du tissu confectionné à partir de fil M1/B1 selon le brevet européen n° 0 900 294, de sorte que l'accessibilité au public du fil en question a entraîné l'accessibilité au public de la prétendue invention.

Il est dès lors établi que le fil et le tissu, ainsi que la composition objet de ce brevet ont été rendues accessibles au public avant la date de priorité du 7 mai 1996 de sorte que l'invention s'est trouvée, à la date de priorité, déjà comprise dans l'état de la technique, rendant en cela les revendications de ce brevet nulles pour défaut de nouveauté.

Il doit en conséquence être fait droit à la demande de nullité des dites revendications du brevet Chavanoz, présentée à titre reconventionnel par la société Mermet.

* * * * *

La cour faisant droit à la demande reconventionnelle en nullité des revendications du brevet Chavanoz, il n'y a donc pas lieu d'examiner la demande en contrefaçon du dit brevet et la société Chavanoz industrie doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes à ce titre.

III Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité et la situation économique des parties commandent l'octroi à la société Mermet, à la charge de la société Chavanoz industrie, d'une indemnité de 150'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu le rabat de l'ordonnance de clôture selon décision du conseiller de la mise en état du 17 avril 2019 et la nouvelle clôture de l'instruction selon ordonnance du même jour,

Infirme le jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Mermet tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portant atteinte à la partie française du brevet européen Chavanoz n° 0 900 294 ainsi que des machines ayant permis la production des dits produits,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Chavanoz industrie de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 54 à 64, 75, 1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105,

Annule les revendications modifiées n° 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9 du brevet européen Chavanoz

n° 0 900 294 pour défaut de nouveauté,

Déboute la société Chavanoz industrie de son action en contrefaçon du dit brevet et de toutes ses demandes qui en dépendent,

Condamne la société Chavanoz industrie à payer à la société Mermet une somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes supplémentaires,

Condamne la société Chavanoz industrie aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 16/06896
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°16/06896 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;16.06896 ?
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