La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2019 | FRANCE | N°19/00890

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 juillet 2019, 19/00890


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/00890 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFUG





SARL à associé unique ATOUTS PRESTATIONS



C/

[C]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 17 Janvier 2019

RG : 17/00054









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 JUILLET 2019







APPELANTE :



EURL ATOUTS PRESTATIONS
>[Adresse 1]

[Localité 4]

N°SIRET : 488 528 399 00014



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Jamel MALLEM de la SELARL MALLEM-KAMMOUSSI-CHRISTOPHE, a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/00890 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFUG

SARL à associé unique ATOUTS PRESTATIONS

C/

[C]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 17 Janvier 2019

RG : 17/00054

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 JUILLET 2019

APPELANTE :

EURL ATOUTS PRESTATIONS

[Adresse 1]

[Localité 4]

N°SIRET : 488 528 399 00014

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Jamel MALLEM de la SELARL MALLEM-KAMMOUSSI-CHRISTOPHE, avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

[X] [C]

née le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 5] (42)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Camille THINON de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Juin 2019

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Rose-Marie PLAKSINE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Juillet 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [X] [C] est entrée au service de la société ATOUTS PRESTATIONS le 20 juillet 2011 en qualité d'aide à domicile, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à hauteur de 2 heures mensuelles et selon un salaire mensuel brut de 18 euros.

Des avenants modificatifs au contrat de travail étaient signés tous les 1er du mois augmentant l'horaire de travail de la salariée puis au 1er juin 2016, un avenant annualisé à durée indéterminée.

La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.

Mme [C] a adressé à son employeur sa démission selon courrier réceptionné le 20 mars 2017.

Mme [C] a saisi le conseil des prud'hommes de ROANNE le 20 juin 2017 aux fins de voir requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de requalifier la démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, enfin constater les manquements contractuels et conventionnels de l'employeur et condamner ce dernier au paiement de rappels de salaire, de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis et celle de licenciement.

Par jugement du 17 janvier 2019, le conseil des prud'hommes a :

* requalifié le contrat de travail en temps plein,

* fixé la moyenne des salaires à la somme de 1495,47 euros,

* constaté les manquements de l'employeur à ses obligations,

* condamné la société ATOUTS PRESTATIONS au paiement des sommes de :

- 13 255,46 euros à titre de rappel de salaires outre les congés payés afférents,

- 1325,54 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour les manquements de l'employeur,

- 1250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

* condamné l'employeur au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements de l'employeur,

* condamné l'employeur à la remise des documents de fin de contrat sous astreinte,

* réservé à la juridiction la liquidation de l'astreinte,

* ordonné l'exécution provisoire,

* condamné l'employeur aux dépens,

* débouté l'employeur de ses demandes,

* débouté Mme [C] de sa demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de des demandes en réparation de la rupture.

La société ATOUTS PRESTATIONS a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 5 février 2019.

Elle demande à la Cour , en l'état de ses dernières écritures régulièrement notifiées et remises au Greffe de:

* infirmer le jugement déféré,

* statuant à nouveau ,

* dire que le reçu pour solde de tout compte a un effet libératoire et déclarer en conséquence irrecevables les demandes formulées au titre de rappel de salaires et de congés payés et toutes autres demandes au titre de l'exécution et la cessation du contrat de travail,

* débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

* déclarer irrecevable la demande subsidiaire , comme nouvelle non formulée dans la requête procédurale initiale, de Mme [C] de rappel de salaires au titre des heures complémentaires, congés payés afférents et dommages et intérêts pour dépassement d'heures ou à tout le moins la débouter de ces demandes infondées,

* débouter Mme [C] de sa demande de remise de documents conformes au jugement sous astreinte,

* confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes de dommages et intérêts et au titre des indemnités de rupture,

En tout état de cause, condamner Mme [C] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance et d'appel distraits au profit de Me NOUVELLET.

Selon conclusions régulièrement notifiées et remises au greffe, Mme [C] demande à la Cour :

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

- Requalifié le contrat de travail de Madame [C] en contrat de travail à temps plein ;

- Contacté les manquements de l'employeur à ses obligations,

- Condamné en conséquence l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS à payer à Madame [C] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS à remettre à Madame [W] [N] une attestation destinée à POLE EMPLOI, un certificat de travail et des bulletins de paye conformes à la décision à intervenir, à peine d'une astreinte de 50 € passé le délai de 8 jours à compter de la notification du jugement qui sera rendu.

- Débouté l'employeur de ses demandes

- Condamner l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS au paiement à la SELARL AD JUSTITIAM de la somme de 1250 € au titre de l'article 3700 du code de procédure civile

1991.

- Condamner l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS aux entiers dépens.

- INFIRMER le jugement déféré pour le surplus et, suite à la requalification du contrat de travail en temps plein, condamner l'employeur au paiement de la somme de 19 036,39 euros à titre de rappel de salaire outre congés payés afférents,

Requalifier en tout état de cause la rupture du contrat de travail en prise d'acte s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner l'employeur au paiement des sommes de :

2990,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de o préavis outre congés payés afférents,

1951,52 euros à titre d'indemnité de licenciement,

8000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A TITRE SUBSIDIAIRE, et à défaut de requalification en contrat à temps plein ,

- Condamner l'employeur au paiement des sommes de :

6167,85 euros à titre de majorations d'heures complémentaires outre congés payés afférents,

2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les dépassements,

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

- Condamner l'employeur au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner à remettre à Mme [C] l'attestation de ses droits acquis au titre du DIF au 31 décembre 2014,

- le condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture intervenue le 14 mai 2019 , a été révoquée le jour de l'audience et prononcée à nouveau ce jour-là, avant l'ouverture des débats.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement notifiées.

MOTIVATION.

Sur l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte.

La société ATOUTS PRESTATIONS soutient que le reçu pour solde de tout compte signé par Mme [C] suite à sa démission et qu'elle lui a retourné le 15 mai 2017 n'ayant pas été contesté par elle dans le délai de 6 mois rend irrecevables ses demandes à titre de rappel de salaires et congés payés ainsi que de dommages et intérêts au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail.

Mme [C] soutient au contraire que le reçu pour solde de tout compte n'est limité qu'aux sommes qui y sont mentionnées.

Selon l'article L 1234-20 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juin 2008, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte mentionne une somme globale, en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation du contrat de travail, sans qu'il soit possible de détailler les sommes versées à un titre ou à un autre.

Par ailleurs, si le dernier bulletin de salaire est joint au reçu pour solde de tout compte, il ne peut pallier l'absence de détail des sommes versées devant figurer à ce reçu .

Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'employeur, le reçu pour solde de tout compte ne présente pas ici d'effet libératoire, faute d'avoir été dénoncé dans les 6 mois de sa signature.

Les demandes formulées par Mme [C] à titre de rappels de salaires et de congés payés afférents sont donc recevables ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, en déboutant l'employeur de ses demandes.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

La société ATOUTS PRESTATIONS soutient que :

* la présomption selon laquelle le contrat de travail aurait été conclu à temps plein et non à temps partiel ne joue qu'en l'absence d'écrit et non en l'absence de répartition de la durée du travail, la société bénéficiant de la dérogation spécifique légale prévue au 3° de l'article L 3123-14 du code du travail pour les entreprises d'aide à domicile: le régime prévu permet ainsi par avenant au contrat de travail d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat, les heures accomplies dans le cadre de tels avenants en sus de la durée initialement prévue étant dénommées compléments d'heures qui sont rémunérées au taux normal et ne sont donc pas des heures complémentaires qui donnent lieu à majoration d'au moins 25 %,

* les bulletins de salaires, les congés payés pris et les absences pour maladie de Mme [C] sont en totale adéquation avec le temps de travail réalisé et le rémunération concordante,

* le délai de prévenance a été respecté, tous les plannings remis à Mme [C] ayant été édités au moins trois jours à l'avance,

* Mme [C] a eu connaissance du fonctionnement et de l'organisation du travail prévus dans une note de service qui lui a été remise et qu'elle a signé,

* le calcul proposé par Mme [C] pour sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires et congés payés est purement arithmétique et ne tient pas compte des périodes d'absence pour congés payés, maladies, accident du travail, congés sans solde ou période de formation,

* aucune heure complémentaire n'a été accomplie.

Mme [X] [C] soutient de son côté que :

* l'absence d'écrit fixant la durée du travail et sa répartition permet de présumer l'existence d'un contrat de travail à temps plein,

* les bulletins de paie produits permettent d'appréhender la régularité des horaires de travail accomplis,

* il lui était impossible de prévoir son rythme de travail, les avenants étant signés une fois le mois achevé, de sorte qu'elle débutait ses semaines dans l'incertitude du nombre d'heures à effectuer et que durant toute la durée de son contrat, elle a été à l'entière disposition de la société ATOUTS PRESTATIONS,

* la demande de rappel de salaires qu'elle présente est fondée ur le temps complet auquel elle estime pouvoir prétendre.

L'article L 3123-6 du code du travail (anciennement article L 3123-14) dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne :

1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification

3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.

4° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ;

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L 3123- 22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat ;

La société ATOUTS PRESTATIONS doit donc préciser la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, ce qu'elle fait à l'article 4 du contrat de travail en précisant que l'horaire mensuelle sera de deux heures le lundi de 8h30 à 10h30.

En revanche conformément aux mentions du contrat de travail elle est une entreprise d'aide à domicile, de sorte que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'a pas, conformément au paragraphe 1° de l'article L 3123-6, à être mentionnée dans le contrat de travail .

Cependant conformément au paragraphe 3° de l'article L 3123-6 les horaires de travail doivent être communiqués par écrit chaque mois au salarié .

L'article 4 du contrat de travail indique qu'en cas de modification de la répartition de l'horaire de travail, la salariée sera avertie par avenant, 7 jours avant, comme prévu par la législation en vigueur.

Toutefois, en l'absence de stipulations contractuelles relatives au jour du mois auquel sont remis par écrit les horaires de travail, ceux-ci doivent l'être avant le début de chaque mois , même si dans le même article du contrat, il est indiqué que la salariée a donné son accord de principe pour les éventuelles modifications de répartition d'horaires, en lui laissant par ailleurs la possibilité de refuser les prestations, pour raisons familiales impérieuses, sans que cela rende la rupture imputable, disposition qui permet ainsi à l'employeur de ne pas être tenu par le délai de prévenance légal ci-dessus rappelé .

Le contrat de travail précise également que la répartition horaire pourra éventuellement être modifiée tant sur le positionnement journalier que sur les jours, selon les nécessités du bon fonctionnement notamment pour pallier à l'absence d'un salarié absent pour quelque motif que ce soit, surcroît de travail, modification de l'organisation générale du travail et que l'horaire de travail est susceptible d'être augmenté suite à la signature de nouveaux contrats ou réduit suite à certaines circonstances, telles que le décès ou l'hospitalisation de la personne aidée, la diminution des prises en charge des organismes financeurs ou l'annulation des prestations par le client.

Dès lors, l'employeur a signé avec la salariée le 1er de chaque mois un avenant au contrat de travail augmentant la durée de travail .

Par ailleurs, l'employeur remettait chaque semaine à la salariée un planning de travail.

La production de ces plannings permet de démontrer, au regard de la date d'émission de ces documents, laquelle n'est pas sérieusement contestée par des éléments contraires produits par l'intimée, qu'ils étaient remis en respectant un délai de prévenance d'au moins 3 jours tel que prévu par la convention collective applicable .

En outre, l'étude des plannings produits par la partie appelante démontre une faible variation d'amplitude de travail d'une semaine sur l'autre, ou d'un mois sur l'autre , de sorte que cela permettait à la salariée de pouvoir prévoir son emploi du temps, sans lui interdire de postuler à un second emploi à temps partiel puisqu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur .

Il convient dès lors par réformation de la décision déférée de débouter la salariée de sa demande de requalification ainsi que de la demande de rappel de salaire subséquente.

Sur la demande subsidiaire au titre des heures complémentaires et celle de dommages et intérêts pour dépassement d'heures contractuelles.

La société appelante soutient que ces demandes sont irrecevables pour n'avoir pas été formulées au stade de la requête initiale devant le conseil des prud'hommes conformément aux dispositions de l'article R 1452-1 et 1451-2 du code du travail dans leur version applicable aux instances postérieures au 1er août 2016 .

Mme [C] soutient que cette demande est recevable car en lien avec la première demande et avec le contenu du dossier en lui-même.

Les dispositions du décret du 20 mai 2016 ont modifiées l'article 879 du code de procédure civile et l'article R 1452-1 du code du travail , pour les instances introduites à compter du 1er août 2016, de sorte que l'employeur considère que, dès la requête initiale, Mme aurait dû mentionner sa demande subsidiaire de rappel de salaires au titre de la majoration des heures complémentaires, ce qu'elle n'a fait qu'en cours de procédure d'appel.

Si conformément aux articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, ces prétentions ne sont pas nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, par ailleurs, les parties peuvent également expliciter des prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes celles qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

En l'espèce, la demande subsidiaire en rappel de salaires pour heures complémentaires est bien le complément de la demande initiale de rappel de salaires formée comme conséquence de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et comme telle est recevable.

Au fond la salariée soutient que dès lors que son contrat de travail prévoyait une durée mensuelle de travail de deux heures, toute heure au-delà aurait dû être majorée comme heure complémentaire.

L'employeur soutient que dès lors que l'article L 3123-25 du code du travail permet par avenant au contrat de travail d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat, les heures accomplies dans le cadre de tels avenants, en sus de la durée initialement prévue, sont dénommées « compléments d'heure » et relèvent d'un régime distinct des heures complémentaires, en ce que sauf disposition conventionnelle contraire, elles sont rémunérées au taux normal. Il ajoute que les heures complémentaires accomplies au-delà de ces compléments d'heures donnent lieu à majoration de salaire d'au moins 25 %.

En l'espèce, il apparaît que, conformément aux conventions collectives applicables, la durée de travail de la salariée faisait l'objet chaque mois, pour chacun des deux contrats formalisés avec ses deux employeurs, d'un ajustement contractuel qu'elle n'a jamais contesté, de sorte que les heures accomplies dans le cadre de ces avenants signés par la salariée, en sus de la durée initialement prévue au contrat de travail sont dénommées compléments d'heures, relèvent d'un régime distinct de celui des heures complémentaires et sont rémunérées au taux normal.

Par ailleurs, la salariée ne vient pas alléguer ni démontrer que les heures prévues aux avenants de travail auraient été dépassées, ce qui aurait pu justifier une demande de paiement des heures complémentaires .

Cette demande doit être rejetée.

Sur la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

L'employeur soutient que Mme [C] a démissionné le 21 avril 2017 sans formuler le moindre grief à l'encontre de l'employeur et qu'elle soutient aujourd'hui tardivement et de manière artificielle l'existence de manquements à l'appui de sa prise d'acte.

Il ajoute qu'elle sollicite à tort une indemnité de préavis et de congés payés pour le mois de juin 2015 alors qu'elle n'était pas en mesure de l'exécuter ayant été placée en arrêt de travail pour maladie.

Mme [C] soutient que durant toute l'exécution du contrat de travail, elle n'a jamais su le nombre d'heures qu'elle allait devoir réaliser, qu'elle n'a pas pu ainsi envisager un autre contrat de travail à temps partiel, compte tenu de cette incertitude. Elle soutient également que le comportement de l'employeur l'empêchait de faire face à ses factures et nourrir correctement ses enfants dès lors qu'il ne remboursait plus les frais de déplacement, faisait signer systématiquement des avenants antidatés et modifiait l'emploi du temps à la dernière minute.

Sur les conséquences de la requalification de la démission en prise d'acte, elle demande des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de la violation des dispositions légales .

Elle demande également l'indemnité compensatrice de préavis dès lors qu'en raison de sa démission elle n'a pas effectué son préavis d'un mois .

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.

Elle est nécessairement équivoque lorsque le salarié énonce dans la lettre de rupture des faits qu'il reproche à son employeur et peut être considérée comme telle, même si elle n'est accompagnée d'aucune réserve, si elle est remise en cause dans un délai raisonnable ou s'il est établi qu'un différend antérieur ou contemporain à la rupture opposait les parties.

En l'espèce, il résulte du courrier adressé par Mme [C] à la société ATOUTS PRESTATIONS, qu'elle informait son employeur, qu'à la date du 1er mars 2017, elle commençait un autre emploi avec un contrat de 104 heures. Si, dans ce même courrier, elle indiquait qu'elle souhaitait conserver son poste d'auxiliaire de vie au sein de la société, il n'est pas contesté que le contrat a finalement été rompu par une démission et, si aucun courrier n'est versé sur ce point de part et d'autre, il ne résulte d'aucun élément que Mme [C], qui n'a saisi le conseil des prud'hommes que fin juin 2017, ait fait état d'un différend antérieur ou contemporain de la rupture l'opposant à son employeur.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [C] de sa demande de requalification de la démission en prise d'acte aux torts de l'employeur.

Sur les manquements contractuels et conventionnels.

Sur les frais de déplacements.

L'employeur soutient qu'ils ne sont pas mentionnés au contrat mais que les dispositions conventionnelles les prévoient uniquement si le temps de trajet dépasse 45 minutes et si le nombre de kilomètres dépasse 30 kms, conditions que Mme [C] ne justifie pas avoir remplies et étant précisé qu'elle n'avait jamais formulé aucune demande spécifique ni proposé aucun décompte.

Mme [C] soutient que dès lors qu'elle est dans l'obligation de prendre son véhicule pour aller travailler, l'employeur doit lui rembourser les frais en résultant, ce qu'il a fait dans un premier temps.

Le contrat de travail de la salariée stipule en leur article 7 que la salariée sera amenée à effectuer des déplacements et qu'elle devra posséder un moyen de locomotion lui permettant de mener à bien sa tâche par tous les temps.L'employeur considère qu'il s'agit d'un élément substantiel du contrat de travail et qu'il pourrait tirer toutes conséquences du fait que la salariée ne possède plus de moyen de locomotion. Il est également prévu qu'elle devra avoir une assurance et aviser de tout accident dans les 48 heures.

Selon l'article L. 3261-3 du Code du travail, l'employeur a la faculté, et non l'obligation, de prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation d'un véhicule électrique, engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés :

- dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région d'Île-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par l'article 27 de la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

- ou pour lesquels, bien que la résidence ou le lieu de travail se trouve dans les zones ci-dessus, l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable soit parce que le trajet entre la résidence habituelle et le lieu de travail n'est pas desservi par les transports en commun, soit en raison d'horaires particuliers de travail (travail de nuit, horaires décalés, travail continu, équipe de suppléance...).

Cette possibilité est exclusive de la prise en charge par l'employeur des frais d'abonnement à un transport collectif ou à un service public de location de vélos.

Selon l'article R 3261-15 du code du travail, le salarié qui exerce son activité sur plusieurs lieux de travail au sein d'une même entreprise qui n'assure pas le transport sur ces différents lieux peut prétendre à la prise en charge des frais de carburant (ou d'alimentation électrique) lui permettant de réaliser l'ensemble des déplacements qui lui sont imposés entre sa résidence habituelle et ses différents lieux de travail, ainsi qu'entre ces lieux de travail eux-mêmes.

Il est donc constant que dès lors que l'employeur faisait de l'obligation pour la salariée d'avoir un moyen de locomotion lui permettant d'assurer ses déplacements entre son domicile et ses différents lieux de travail par tous les temps, il se devait de lui verser une indemnité kilométrique ou une prime de transport couvrant ces frais, ce qu'il n'a pas fait.

L' employeur a donc manqué à son obligation contractuelle.

Sur les manquements à l'obligation de loyauté concernant le temps de travail .

L'employeur estime n'en avoir commis aucun.

Mme [C] soutient à cet égard que l'employeur a contourné les lois sociales en faisant signer des avenants antidatés à ses salariés.

Cette affirmation qui ne repose sur aucun élément ne peut caractériser un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

Sur le délai de prévenance.

L'employeur affirme que les plannings étaient remis à tout le moins 3 jours avant le délai d'exécution de la prestation.

Mme [C] soutient qu'elle était souvent prévenue de son changement de poste en se rendant sur son lieu de travail.

La convention collective vise un délai de prévenance de trois jours ouvré pour la modification du planning prévisionnel porté à 10 jours calendaires quand la modification concerne une semaine programmée sans aucun travail par la salariée.

La salariée allègue en l'espèce, sans le démontrer qu'elle n'a pas toujours bénéficié de délais de prévenance raisonnables de la part de l'employeur.

Il convient dès lors de ramener les dommages et intérêts alloués au titre du manquement établi à la somme de 750 euros.

Sur la demande de remise des documents sous astreinte .

Il convient de réformer la décision déférée de ce chef, la demande de requalification n'ayant pas été accueillie et la rectification des bulletins de salaire sous astreinte n'ayant donc pas lieu d'être.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Il n'y a pas lieu, compte tenu du déséquilibre existant dans la situation économique respective des parties, de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel. En revanche, la décision déférée sera réformée en ce qu'elle a accordé à la salariée la somme de 1250 euros de ce chef.

Sur les dépens

Dès lors que la société ATOUT PRESTATIONS a prospéré dans son appel principal et que Mme [C] succombe dans son appel incident, elle en supportera en revanche tous les dépens, de première instance comme d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [X] [C] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'elle lui a alloué des dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à ses obligations , sauf en ce qui concerne le montant alloué,

REFORME la décision déférée en toutes ses autres dispositions, y compris en ce qu'elle a alloué à Mme [X] [C] la somme de 1250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société ATOUT PRESTATIONS aux dépens ,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

DIT les demandes formées par Mme [X] [C] recevables,

DÉBOUTE la société ATOUT PRESTATIONS de sa demande concernant l'effet libératoire du contrat de travail,

DÉBOUTE Mme [X] [C] de ses demandes au titre de la requalification de son contrat à temps partiel en temps plein ainsi que de ses demandes de rappels de salaire formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,

DIT que la société ATOUT PRESTATIONS a manqué à ses obligations contractuelles en ne remboursant pas à Mme [X] [C] ses frais kilométriques ,

LA CONDAMNE en conséquence chacune à lui payer la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts,

DÉBOUTE Mme [X] [C] de ses demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [X] [C] .

LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/00890
Date de la décision : 25/07/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°19/00890 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-25;19.00890 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award