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25/07/2019 | FRANCE | N°19/00888

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 juillet 2019, 19/00888


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/00888 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFUC





SARL à associé unique ATOUTS PRESTATIONS



C/

[M]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 17 Janvier 2019

RG : 17/00002











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 JUILLET 2019







APPELANTE :



EURL ATOUTS PRESTATION

S

RCS N° 488 528 399 000114

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Jamel MALLEM de la SELARL MALLEM-KAMMOUSSI-CHRISTOPHE,...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/00888 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MFUC

SARL à associé unique ATOUTS PRESTATIONS

C/

[M]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 17 Janvier 2019

RG : 17/00002

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 JUILLET 2019

APPELANTE :

EURL ATOUTS PRESTATIONS

RCS N° 488 528 399 000114

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Jamel MALLEM de la SELARL MALLEM-KAMMOUSSI-CHRISTOPHE, avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

[E] [M] épouse [O]

née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6] (42)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Camille THINON de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Juin 2019

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Rose-Marie PLAKSINE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Juillet 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [E] [M] épouse [O] est entrée au service de la société ATOUTS PRESTATIONS le 5 novembre 2013 en qualité d'aide à domicile, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à hauteur de 2 heures mensuelles et selon un salaire mensuel brut de 19,06 euros.

Des avenants modificatifs au contrat de travail étaient signés tous les 1er du mois augmentant l'horaire de travail de la salariée.

La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.

Mme [M] a adressé à son employeur sa démission selon courrier du 23 mai 2015 notifié le 27 mai 2015.

Mme [M] a saisi le conseil des prud'hommes de ROANNE le 5 janvier 2017 aux fins de voir requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de requalifier la démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, enfin constater les manquements contractuels et conventionnels de l'employeur et l'illicéité de la clause de non-concurrence et condamner ce dernier au paiement de rappels de salaire, de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis.

Par jugement du 17 janvier 2019, le conseil des prud'hommes a :

* Requalifié le contrat de travail en temps plein,

* Fixé la moyenne des salaires à la somme de 1457,55 euros,

* Condamné la société ATOUTS PRESTATIONS au paiement de la somme de 16 482,55 euros à titre de rappel de salaires outre les congés payés afférents,

* Constaté les manquements de l'employeur à ses obligations,

* Constaté la nullité de la clause de non-concurrence,

* Condamné l'employeur au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements de l'employeur,

* Condamné l'employeur à la remise des documents de fin de contrat sous astreinte,

* Réservé à la juridiction la liquidation de l'astreinte,

* Ordonné l'exécution provisoire,

* Condamné l'employeur au paiement de la somme de 1250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

* Débouté l'employeur de ses autres demandes,

* Débouté Mme [M] de sa demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

La société ATOUTS PRESTATIONS a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 5 février 2019.

Elle demande à la Cour , en l'état de ses dernières écritures régulièrement notifiées et remises au Greffe de:

INFIRMER le jugement déféré,

statuant à nouveau ,

- DIRE que le reçu pour solde de tout compte du 10 juillet 2015 a un effet libératoire et déclarer en conséquence irrecevables toutes les demandes formulées au titre de rappel de salaires et de congés payés et toutes autres demandes au titre de l'exécution et la cessation du contrat de travail,

- DEBOUTER Mme [M] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- DECLARER irrecevable la demande subsidiaire , comme demande nouvelle non formulée dans la requête procédurale initiale, de Mme [M] de rappel de salaires au titre des heures complémentaires, congés payés afférents et dommages et intérêts pour dépassement d'heures ou à tout le moins la débouter de ces demandes infondées,

- DEBOUTER Mme [M] de sa demande de remise de documents conformes au jugement même sous astreinte,

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes de dommages et intérêts et au titre des indemnités de rupture,

En tout état de cause,

- CONDAMNER Mme [M] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance et d'appel distraits au profit de Me NOUVELLET.

Selon conclusions régulièrement notifiées et remises au greffe, Mme [M] épouse [O] demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu le 17 janvier 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Roanne en ce qu'il a été décidé de :

- REQUALIFIER le contrat de travail en contrat de travail à temps plein

- CONDAMNER la société ATOUTS PRESTATIONS à verser à Madame [O] la somme de:

* 16 482.55 € à titre de rappel de salaires,

* outre la somme de 1 648.26 € au titre des congés payés afférents

- CONSTATER les manquements de la société ATOUTS PRESTATIONS à ses obligations

- CONSTATER la nullité de la clause de non-concurrence

- CONDAMNER la société ATOUTS PRESTATIONS à verser à Madame [O] la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements de l'employeur

- CONDAMNER la société ATOUTS PRESTATIONS à remettre à Madame [O] une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de paye conforme au jugement, à peine d'une astreinte de 50 € passé le délai de 8 jours à compter de la notification du jugement rendu

- DEBOUTER la société ATOUTS PRESTATIONS de toutes ses autres demandes

- CONDAMNER la société ATOUTS PRESTATIONS au versement de la somme de 1250 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- CONDAMNER la société ATOUTS PRESTATIONS aux entiers dépens de l'instance

Infirmer le jugement pour le surplus.

- REQUALIFIER en tout état de cause la démission de Madame [E] [O] née [M] en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle est sérieuse.

- CONDAMNER l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS à payer à Madame [E] [O] née [M] les sommes de:

* 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

* 1 457.55 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 145.75 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, et à défaut de requalification en contrat à temps plein,

- DIRE ET JUGER que Madame [E] [O] née [M] a effectué des heures complémentaires

- CONDAMNER l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS à payer à Madame [E] [O] née [M] les sommes de :

* 4 014,33 € à titre de majoration d'heures complémentaires, outre indemnité de congés payés de 401,53€.

* 2 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les dépassements

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

- CONDAMNER l'E.U.R.L. ATOUTS PRESTATIONS à payer à Madame [E] [O] à la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

- CONDAMNER la société ATOUTS PRESTATIONS aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture intervenue le 14 mai 2019 a été révoquée le jour de l'audience et prononcée à nouveau ce jour-là, avant l'ouverture des débats.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement notifiées.

MOTIVATION.

Sur l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte.

La société ATOUTS PRESTATIONS soutient que le reçu pour solde de tout compte faisant mention du versement d'une somme de 515,94 euros au titre de rappel de salaire et au titre de l'indemnité de congés payés lui restant dû, signé par Mme [M] suite à sa démission et qu'elle lui a retourné le 15 juillet 2015, n'ayant pas été contesté par elle dans le délai de 6 mois rend irrecevables ses demandes à titre de rappel de salaires et congés payés ainsi que de dommages et intérêts au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail.

Mme [M] soutient au contraire que le reçu pour solde de tout compte n'est limité qu'aux sommes qui y sont mentionnées.

Selon l'article L 1234-20 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juin 2008, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte mentionne une somme globale, en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation du contrat de travail, sans qu'il soit possible de détailler les sommes versées à un titre ou à un autre.

Par ailleurs, si le dernier bulletin de salaire est joint au reçu pour solde de tout compte, il ne peut pallier l'absence de détail des sommes versées devant figurer à ce reçu .

Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'employeur, le reçu pour solde de tout compte ne présente pas ici d'effet libératoire, faute d'avoir été dénoncé dans les 6 mois de sa signature.

Les demandes formulées par Mme [M] à titre de rappels de salaires et de congés payés afférents sont donc recevables ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, en déboutant l'employeur de ses demandes.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

La société ATOUTS PRESTATIONS soutient que :

* La présomption selon laquelle le contrat de travail aurait été conclu à temps plein et non à temps partiel ne joue qu'en l'absence d'écrit et non en l'absence de répartition de la durée du travail, la société bénéficiant de la dérogation spécifique légale prévue au 3° de l'article L 3123-14 du code du travail pour les entreprises d'aide à domicile: le régime prévu permet ainsi par avenant au contrat de travail d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat, les heures accomplies dans le cadre de tels avenants en sus de la durée initialement prévue étant dénommées compléments d'heures qui sont rémunérées au taux normal et ne sont donc pas des heures complémentaires qui donnent lieu à majoration d'au moins 25 %,

* Les bulletins de salaires, les congés payés pris et les absences pour maladie de Mme [M] sont en totale adéquation avec le temps de travail réalisé et le rémunération concordante,

* Le délai de prévenance a été respecté, tous les plannings remis à Mme [M] ayant été édités au moins trois jours à l'avance,

* Mme [M] a eu connaissance du fonctionnement et de l'organisation du travail prévus dans une note de service qui lui a été remise et qu'elle a signé,

* Le calcul proposé par Mme [M] pour sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires et congés payés est purement arithmétique et ne tient pas compte des périodes d'absence pour congés payés, maladies, accident du travail, congés sans solde ou période de formation,

* Aucune heure complémentaire n'a été accomplie.

Mme [M] soutient de son côté que :

* L'absence d'écrit fixant la durée du travail et sa répartition permet de présumer l'existence d'un contrat de travail à temps plein,

* Les bulletins de paie produits permettent d'appréhender la régularité des horaires de travail accomplis,

* Il lui était impossible de prévoir son rythme de travail, les avenants étant signés une fois le mois achevé, de sorte qu'elle débutait ses semaines dans l'incertitude du nombre d'heures à effectuer et que durant toute la durée de son contrat, elle a été à l'entière disposition de la société ATOUTS PRESTATIONS,

* La demande de rappel de salaires qu'elle présente est fondée ur le temps complet auquel elle estime pouvoir prétendre.

L'article L 3123-6 du code du travail (anciennement article L 3123-14) dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne :

1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification

3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.

4° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ;

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L 3123- 22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat ;

La société ATOUTS PRESTATIONS doit donc préciser la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, ce qu'elle fait à l'article 4 du contrat de travail en précisant que l'horaire mensuelle sera de deux heures le lundi de 8h30 à 10h30.

En revanche conformément aux mentions du contrat de travail elle est une entreprise d'aide à domicile, de sorte que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'a pas, conformément au paragraphe 1° de l'article L 3123-6, à être mentionnée dans le contrat de travail.

Cependant conformément au paragraphe 3° de l'article L 3123-6 les horaires de travail doivent être communiqués par écrit chaque mois au salarié.

L'article 4 du contrat de travail indique qu'en cas de modification de la répartition de l'horaire de travail, la salariée sera avertie par avenant, 7 jours avant, comme prévu par la législation en vigueur.

Toutefois, en l'absence de stipulations contractuelles relatives au jour du mois auquel sont remis par écrit les horaires de travail, ceux-ci doivent l'être avant le début de chaque mois, même si dans le même article du contrat, il est indiqué que la salariée a donné son accord de principe pour les éventuelles modifications de répartition d'horaires, en lui laissant par ailleurs la possibilité de refuser les prestations, pour raisons familiales impérieuses, sans que cela rende la rupture imputable, disposition qui permet ainsi à l'employeur de ne pas être tenu par le délai de prévenance légal ci-dessus rappelé.

Le contrat de travail précise également que la répartition horaire pourra éventuellement être modifiée tant sur le positionnement journalier que sur les jours, selon les nécessités du bon fonctionnement notamment pour pallier à l'absence d'un salarié absent pour quelque motif que ce soit, surcroît de travail, modification de l'organisation générale du travail et que l'horaire de travail est susceptible d'être augmenté suite à la signature de nouveaux contrats ou réduit suite à certaines circonstances, telles que le décès ou l'hospitalisation de la personne aidée, la diminution des prises en charge des organismes financeurs ou l'annulation des prestations par le client.

Dès lors, l'employeur a signé avec la salariée le 1er de chaque mois un avenant au contrat de travail augmentant la durée de travail .

Par ailleurs, l'employeur remettait chaque semaine à la salariée un planning de travail.

La production de ces plannings permet de démontrer, au regard de la date d'émission de ces documents, laquelle n'est pas sérieusement contestée par des éléments contraires produits par l'intimée, qu'ils étaient remis en respectant un délai de prévenance d'au moins 3 jours tel que prévu par la convention collective applicable .

En outre, l'étude des plannings produits par la partie appelante démontre une faible variation d'amplitude de travail d'une semaine sur l'autre, ou d'un mois sur l'autre, de sorte que cela permettait à la salariée de pouvoir prévoir son emploi du temps, sans lui interdire de postuler à un second emploi à temps partiel puisqu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Il convient dès lors par réformation de la décision déférée de débouter la salariée de sa demande de requalification ainsi que de la demande de rappel de salaire subséquente.

Sur la demande subsidiaire au titre des heures complémentaires et celle de dommages et intérêts pour dépassement d'heures contractuelles.

La société appelante soutient que ces demandes sont irrecevables pour n'avoir pas été formulées au stade de la requête initiale devant le conseil des prud'hommes conformément aux dispositions de l'article R 1452-1 et 1451-2 du code du travail dans leur version applicable aux instances postérieures au 1eraoût 2016.

Mme [M] soutient que cette demande est recevable car en lien avec la première demande et avec le contenu du dossier en lui-même.

Les dispositions du décret du 20 mai 2016 ont modifiées l'article 879 du code de procédure civile et l'article R 1452-1 du code du travail , pour les instances introduites à compter du 1er août 2016, de sorte que l'employeur considère que, dès la requête initiale, Mme aurait dû mentionner sa demande subsidiaire de rappel de salaires au titre de la majoration des heures complémentaires, ce qu'elle n'a fait qu'en cours de procédure d'appel.

Si conformément aux articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, ces prétentions ne sont pas nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, par ailleurs, les parties peuvent également expliciter des prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes celles qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

En l'espèce, la demande subsidiaire en rappel de salaires pour heures complémentaires est bien le complément de la demande initiale de rappel de salaires formée comme conséquence de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et comme telle est recevable.

Au fond la salariée soutient que dès lors que son contrat de travail prévoyait une durée mensuelle de travail de deux heures, toute heure au-delà aurait dû être majorée comme heure complémentaire.

L'employeur soutient que dès lors que l'article L 3123-25 du code du travail permet par avenant au contrat de travail d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat, les heures accomplies dans le cadre de tels avenants, en sus de la durée initialement prévue, sont dénommées « compléments d'heure » et relèvent d'un régime distinct des heures complémentaires, en ce que sauf disposition conventionnelle contraire, elles sont rémunérées au taux normal. Il ajoute que les heures complémentaires accomplies au-delà de ces compléments d'heures donnent lieu à majoration de salaire d'au moins 25 %.

En l'espèce, il apparaît que, conformément à la convention collective applicable, la durée de travail de la salariée faisait l'objet chaque mois, pour le contrat formalisé avec son employeur, d'un ajustement contractuel qu'elle n'a jamais contesté, de sorte que les heures accomplies dans le cadre de ces avenants signés par la salariée, en sus de la durée initialement prévue au contrat de travail sont dénommées compléments d'heures, relèvent d'un régime distinct de celui des heures complémentaires et sont rémunérées au taux normal.

Par ailleurs, la salariée ne vient pas alléguer ni démontrer que les heures prévues aux avenants de travail auraient été dépassées, ce qui aurait pu justifier une demande de paiement des heures complémentaires .

Cette demande doit être rejetée.

Sur la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

L'employeur soutient que Mme [M] a démissionné le 23 mai 2015 sans formuler le moindre grief à l'encontre de l'employeur et qu'elle soutient aujourd'hui tardivement et de manière artificielle l'existence de manquements à l'appui de sa prise d'acte.

Il ajoute qu'elle sollicite à tort une indemnité de préavis et de congés payés pour le mois de juin 2015 alors qu'elle n'était pas en mesure de l'exécuter ayant été placée en arrêt de travail pour maladie.

Mme [M] soutient que durant toute l'exécution du contrat de travail, elle n'a jamais su le nombre d'heures qu'elle allait devoir réaliser, qu'elle n'a pas pu ainsi envisager un autre contrat de travail à temps partiel, compte tenu de cette incertitude. Elle soutient également que le comportement de l'employeur l'empêchait de faire face à ses factures et nourrir correctement ses enfants dès lors qu'il ne remboursait plus les frais de déplacement, faisait signer systématiquement des avenants antidatés et modifiait l'emploi du temps à la dernière minute.

Sur les conséquences de la requalification de la démission en prise d'acte, elle demande des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de la violation des dispositions légales.

Elle demande également l'indemnité compensatrice de préavis dès lors qu'en raison de sa démission elle n'a pas effectué son préavis d'un mois.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.

Elle est nécessairement équivoque lorsque le salarié énonce dans la lettre de rupture des faits qu'il reproche à son employeur et peut être considérée comme telle, même si elle n'est accompagnée d'aucune réserve, si elle est remise en cause dans un délai raisonnable ou s'il est établi qu'un différend antérieur ou contemporain à la rupture opposait les parties.

En l'espèce, il apparaît que le courrier de démission formalisé par Mme [M] le 23 mai 2015 est rédigé comme suit :

« Par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste d'aide à domicile que j'occupe depuis Novembre 2013 dans votre entreprise.

Je respecterai un préavis de départ d'une durée de 1 mois.

La fin de mon contrat sera donc effective le 23 juin 2015 inclus.

A cette date, je vous demanderai de bien vouloir me remettre le solde de mon compte, ainsi qu'un certificat de travail. »

Ce courrier n'énonce pas les faits que Mme [M] reproche à son employeur, par ailleurs, il n'apparaît pas que Mme [M] ait remis en cause sa démission dans un délai raisonnable puisqu'elle n'a saisi le conseil des prud'hommes que le 5 janvier 2017 et ne produit par ailleurs aucun courrier aux termes duquel, elle ferait état d'un différend antérieur ou contemporain de la rupture l'opposant à son employeur.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme de sa demande de requalification de la démission en prise d'acte aux torts de l'employeur.

Sur les manquements contractuels et conventionnels.

Sur les frais de déplacement.

L'employeur soutient qu'ils ne sont pas mentionnés au contrat mais que les dispositions conventionnelles la prévoient uniquement si le temps de trajet dépasse 45 minutes et si le nombre de kilomètres dépasse 30 kms, conditions que Mme [M] ne justifie pas avoir remplies et étant précisé qu'elle n'avait jamais formulé aucune demande spécifique ni proposé aucun décompte.

Mme [M] soutient que dès lors qu'elle est dans l'obligation de prendre son véhicule pour aller travailler, l'employeur doit lui rembourser les frais en résultant, ce qu'il a fait dans un premier temps.

Le contrat de travail de la salariée stipule en son article 7 que la salariée sera amenée à effectuer des déplacements et qu'elle devra posséder un moyen de locomotion lui permettant de mener à bien sa tâche par tous les temps.L'employeur considère qu'il s'agit d'un élément substantiel du contrat de travail et qu'il pourrait tirer toutes conséquences du fait que la salariée ne possède plus de moyen de locomotion. Il est également prévu qu'elle devra avoir une assurance et aviser de tout accident dans les 48 heures.

Selon l'article L. 3261-3 du Code du travail, l'employeur a la faculté, et non l'obligation, de prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation d'un véhicule électrique, engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés :

- dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région d'Île-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par l'article 27 de la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

- ou pour lesquels, bien que la résidence ou le lieu de travail se trouve dans les zones ci-dessus, l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable soit parce que le trajet entre la résidence habituelle et le lieu de travail n'est pas desservi par les transports en commun, soit en raison d'horaires particuliers de travail (travail de nuit, horaires décalés, travail continu, équipe de suppléance...).

Cette possibilité est exclusive de la prise en charge par l'employeur des frais d'abonnement à un transport collectif ou à un service public de location de vélos.

Selon l'article R 3261-15 du code du travail, le salarié qui exerce son activité sur plusieurs lieux de travail au sein d'une même entreprise qui n'assure pas le transport sur ces différents lieux peut prétendre à la prise en charge des frais de carburant (ou d'alimentation électrique) lui permettant de réaliser l'ensemble des déplacements qui lui sont imposés entre sa résidence habituelle et ses différents lieux de travail, ainsi qu'entre ces lieux de travail eux-mêmes.

Il est donc constant que dès lors que l'employeur faisait de l'obligation pour la salariée d'avoir un moyen de locomotion lui permettant d'assurer ses déplacements entre son domicile et ses différents lieux de travail par tous les temps, il se devait de lui verser une indemnité kilométrique ou une prime de transport couvrant ces frais, ce qu'il n'a pas fait.

L'employeur a donc manqué à son obligation contractuelle.

Sur les manquements à l'obligation de loyauté concernant le temps de travail.

L'employeur estime n'en avoir commis aucun.

Mme [M] soutient à cet égard que l'employeur a contourné les lois sociales en faisant signer des avenants antidatés à ses salariés.

Cette affirmation qui ne repose sur aucun élément ne peut caractériser un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

Sur le délai de prévenance.

L'employeur affirme que les plannings étaient remis à tout le moins 3 jours avant le délai d'exécution de la prestation.

Mme [M] soutient qu'elle était souvent prévenue de son changement de poste en se rendant sur son lieu de travail.

La convention collective vise un délai de prévenance de trois jours ouvré pour la modification du planning prévisionnel porté à 10 jours calendaires quand la modification concerne une semaine programmée sans aucun travail par la salariée.

La salariée allègue en l'espèce, sans le démontrer qu'elle n'a pas toujours bénéficié de délais de prévenance raisonnables de la part de l'employeur.

Sur la clause de non-concurrence.

L'employeur soutient que si le contrat de travail prévoyait qu'en cas de démission ou de licenciement, la salariée s'engageait à ne pas travailler au domicile de la clientèle de la société, il ne s'agissait pas d'une clause de non-concurrence mais d'une clause de loyauté absolue prévue par la convention collective et pour laquelle il n'est prévu aucune contrainte financière. Il conclut donc au rejet de la demande de nullité de la dite clause et au rejet de la demande de nullité pour manquement allégué au titre de l'absence de contrepartie financière.

Mme [M] soutient que faire perdurer l'obligation de loyauté après l'exécution du contrat de travail constitue purement et simplement une obligation de non-concurrence qui est nulle en l'absence de contrepartie financière.

La clause dite "obligation de loyauté" d'un salarié peut s'analyser en une clause de non-concurrence du fait de l'interdiction faite au salarié d'entrer en relation, directement ou indirectement et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle auprès de laquelle il était intervenu lorsqu'il était au service de son ancien employeur.

La conséquence de l'assimilation d'une clause dite de loyauté à une clause de non-concurrence, est la vérification par le juge de la licéité de cette clause , laquelle doit répondre à trois conditions cumulatives :

- être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise,

- être limitée dans le temps et dans l'espace en tenant compte des spécificités de l'emploi du salarié - comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière

Si l'une de ses conditions n'est pas réunie, le salarié pourra introduire une action afin d'obtenir soit la nullité de la clause soit des dommages-intérêts après la rupture du contrat de travail alors que la clause est en cours d'exécution.

Néanmoins, afin de prétendre à des dommages et intérêts il devra justifier de la réalité de son préjudice et donc notamment du respect de l'interdiction qui lui était faite.

En l'espèce, l'article 13 du contrat de travail de Mme [M] stipule qu'elle s'engage, en cas de démission ou de licenciement, à ne pas travailler au domicile de la clientèle de la société ATOUTS PRESTATIONS et ce durant une période d'un an.

Cette clause, en interdisant à la salariée d'entrer en contact avec la clientèle de la société ATOUTS PRESTATIONS, avec laquelle elle a été en contact pendant la période d'emploi, s'apparente à une clause de non-concurrence.

Cette clause apparaît illicite en ce qu'elle n'apparaît pas indispensable aux intérêts de la société et en ce qu'elle ne comporte aucune contrepartie financière à la charge de l'employeur.

Elle doit dès lors être déclarée nulle ainsi qu'en ont décidé les premiers juges.

Par ailleurs, Mme [M] n'a pas formé de demande de dommages et intérêts spécifique à ce titre , formant une demande globale au titre des différents manquements qu'elle reproche à l'employeur.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer à ce titre mais également concernant le non-paiement des frais kilométriques, la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de remise des documents sous astreinte.

Il convient de réformer la décision déférée de ce chef, la demande de requalification n'ayant pas été accueillie et la rectification des bulletins de salaire sous astreinte n'ayant donc pas lieu d'être.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu, compte tenu du déséquilibre existant dans la situation économique respective des parties, de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel. En revanche, la décision déférée sera réformée en ce qu'elle a accordé à la salariée la somme de 1250 euros de ce chef.

Sur les dépens.

Dès lors que la société ATOUT PRESTATIONS a prospéré dans son appel principal et que Mme [K] succombe dans son appel incident, elle en supportera en revanche tous les dépens, de première instance comme d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [E] [M] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'elle lui a alloué des dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à ses obligations et a constaté la nullité de la clause de non-concurrence, sauf en ce qui concerne le montant alloué ,

REFORME la décision déférée en toutes ses autres dispositions, y compris en ce qu'elle a alloué à Mme [E] [M] la somme de 1250 euros sur le fondement de l'article 700-2° du code de procédure civile et a condamné la société ATOUT PRESTATIONS aux dépens ,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

DIT les demandes formées par Mme [E] [M] recevables,

DÉBOUTE la société ATOUT PRESTATIONS de sa demande concernant l'effet libératoire du contrat de travail,

DÉBOUTE Mme [E] [M] de ses demandes au titre de la requalification de son contrat à temps partiel en temps plein ainsi que de ses demandes de rappels de salaire formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,

DIT que la société ATOUT PRESTATIONS a manqué à ses obligations contractuelles en ne remboursant pas à Mme [E] [M] ses frais kilométriques et en ne prévoyant aucune contrepartie au titre de la clause de non-concurrence,

LA CONDAMNE en conséquence chacune à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts,

DÉBOUTE Mme [E] [M] de ses demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [E] [M].

LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/00888
Date de la décision : 25/07/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°19/00888 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-25;19.00888 ?
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