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04/07/2019 | FRANCE | N°18/01377

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 04 juillet 2019, 18/01377


AFFAIRE PRUD'HOMALE





RAPPORTEUR








N° RG 18/01377 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRPV








F...





C/


SA HOPITAL PRIVE DE LA LOIRE











APPEL D'UNE DÉCISION DU :


Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE


du 24 Janvier 2018


RG : 16/00637








COUR D'APPEL DE LYON





CHAMBRE SOCIALE C





ARRÊT DU 04 JUILLET 2019

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APPELANT :





DA... F...


[...]





représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON


ayant pour avocat plaidant Me Filomène FERNANDES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE








INTIMÉE :





SA HOPITAL PRIVE DE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/01377 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRPV

F...

C/

SA HOPITAL PRIVE DE LA LOIRE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 24 Janvier 2018

RG : 16/00637

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 04 JUILLET 2019

APPELANT :

DA... F...

[...]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Filomène FERNANDES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SA HOPITAL PRIVE DE LA LOIRE

[...]

[...]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & Laurent LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Avril 2019

Présidée par Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa MILLARY, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Rose-Marie PLAKSINE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juillet 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS. PROCÉDURE. PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Par contrat du 22 septembre 1992, Monsieur DA... F... a été embauché en qualité par le centre Hôpital privé de la Loire (CHPL) en qualité d'infirmier de bloc opératoire à la polyclinique de Beaulieu Saint-Étienne. Il est devenu chef de bloc en 1995 puis obtenu une maîtrise « gestion et administration des systèmes de santé » et un diplôme universitaire d'infectiologie et hygiène hospitalière

Monsieur F... a été muté à Saint-Étienne en septembre 2005. Il a été nommé directeur des soins infirmiers en juin 2008 (pièce 8), coefficient 712, échelon 15, cadre A, avec un salaire mensuel fixe de 4984 euros au dernier état de la relation salariale.

Le 22 août 2011, la société Hôpital privé de la Loire lui a remis en main propre une lettre lui indiquant que les objectifs fixés n'étaient pas remplis et prévoyant également un plan d'accompagnement. Le 29 août 2011, Monsieur DA... F... a répondu à Monsieur HN... L..., directeur général, puis a écrit à Monsieur PQ... Y..., directeur des opérations de la Générale de santé le 20 novembre 2011, pour lui faire part de sa souffrance et des difficultés éprouvées sur son lieu de travail.

Une enquête a été mise en place afin d'entendre les salariés concernés et Monsieur DA... F... a été entendu le 19 décembre 2011. Le 26 décembre 2011, il a reçu une lettre recommandée avec demande d'avis de réception contenant le compte rendu de son audition.

Monsieur DA... F... s'est trouvé en arrêt maladie le 5 janvier 2012.

Le 10 avril 2012, Monsieur DA... F... a saisi le conseil des prud'hommes de Saint-Étienne d'une demande tendant au paiement d'heures supplémentaires et à la condamnation de son employeur du chef de harcèlement moral.

Le 23 juillet 2012, Monsieur DA... F... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une mesure de licenciement fixé au 2 août 2012. Il ne s'est pas présenté à cet entretien. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2012, Monsieur DA... F... a été licencié pour désorganisation de l'entreprise causée par son absence prolongée.

Le 17 septembre 2012, Monsieur DA... F... a souscrit une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance-maladie de la Loire et le 19 octobre 2012, il a déposé plainte auprès du procureur de la république du tribunal de grande instance de Saint-Étienne, du chef de harcèlement moral. La plainte a été classée sans suite le 5 mars 2013.

L'arrêt de travail initial s'est prolongé jusqu'au 30 novembre 2012.

Par jugement contradictoire du 24 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne a :

' dit que le licenciement du 6 août 2012 était bien fondé et régulier,

' dit que le harcèlement moral n'était pas démontré,

' condamné la société Hôpital privé de la Loire à verser à Monsieur DA... F..., outre les congés payés afférents au préavis, la somme de trois mois de salaire brut à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis,

' condamné la société Hôpital privé de la Loire à lui payer la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' rejeté toute autre demande et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 24 janvier 2018, Monsieur DA... F... a relevé appel de cette décision.

~*~

Monsieur DA... F... conclut à l'infirmation du jugement déféré et sollicite la condamnation de la société Hôpital privé de la Loire à lui payer les sommes de :

15'047,62 euros outre 1504,76 euros + 3630,70 euros au titre des heures supplémentaires, du rappel de repos compensateur, de l'indemnité pour astreintes,

30'000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité (défaut de visite médicale et non-respect des durées maximales de travail depuis 2008),

130'000 euros à titre de dommages-intérêts, à titre principal en raison du harcèlement moral subi, et à titre subsidiaire, en raison de l'attitude et du comportement déloyal de la société Hôpital privé de la Loire,

180'000 euros par suite de la nullité du licenciement à titre principal et de l'absence de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Hôpital privé de la Loire conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes principales et subsidiaires de Monsieur DA... F.... Reconventionnellement, elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 1 euro à titre de procédure abusive et celle de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile en application duquel l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens.

MOTIVATION.

Sur les heures supplémentaires, le repos compensateur et l'indemnité pour astreintes.

En premier lieu sur les heures supplémentaires, il convient de rappeler que la durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article L.3121-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

Cependant, les cadres dirigeants sont exclus des dispositions légales et réglementaires concernant la durée du travail.

En l'espèce, Monsieur DA... F... se prévaut de l'article 1 du chapitre II de l'accord du 27 janvier 2000 de la convention collective nationale hospitalisation privée au terme duquel les heures supplémentaires sont décomptées au-delà de la durée légale hebdomadaire du travail fixé par les articles L2112-1 du code du travail. Il fait valoir qu'il n'est pas un cadre dirigeant, que sa rémunération et sa qualification n'ont pas évolué depuis juin 2010, qu'il ne disposait d'aucune indépendance dans l'organisation de son emploi et était soumis aux demandes d'autorisation de congés payés ou repos, que le DRH a indiqué le 25 janvier 2013 que sa durée de travail était de 151,67 heures par mois, qu'il a réalisé au cours de l'année 2011, 240,49 heures supplémentaires, soit 110,49 heures au-delà du contingent fixé à 130 heures annuelles.

Pour étayer ses dires, il produit notamment :

des bulletins de salaire du 1er janvier 2010 au 31 mars 2012 (pièce 31) mentionnant tous une base de 151,67 heures,

des formulaires de demande de congé de 2010 à 2011 (pièce 32),

le courrier de Monsieur M..., directeur des ressources humaines du 25 janvier 2013, indiquant un temps de travail de 151,67 heures mensuel (pièce 33),

un tableau figurant les jours travaillés avec les heures d'arrivée et les heures de départ, ainsi que le total de la semaine (pièce 34) sans précision des années,

Aux termes de l'article L3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants sont ceux qui réunissent trois critères :

ils sont en charge de responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ;

ils sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ;

ils perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.

L'article 94 de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 édicte que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre Ier et aux chapitres préliminaires, Ier et II du titre II du livre II du code du travail et que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement.

La classification des cadres prévoit des coefficients allant de 300 à 379 pour le cadre A, de 380 à 424 pour le cadre B, de 425 à 524 pour le cadre C et un coefficient supérieur à 525 pour le cadre supérieur. Les coefficients du cadre dirigeant ne sont pas précisés.

Les fonctions attribuées à l'intéressé (fiche de poste pièce 8) impliquent nécessairement une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et des prises de décision autonomes. Nonobstant la mention de 151,67 heures par mois figurant dans les bulletins de salaire et dans le courrier du directeur des ressources humaines du 25 janvier 2013, il ressort de ces mêmes bulletins de salaire que Monsieur DA... F... a un coefficient de 712, soit 187 points au-dessus du premier coefficient du cadre supérieur. Ce coefficient vient confirmer le statut de cadre dirigeant, les différentes catégories de cadres recouvrant moins de 100 points chacun.

Pour échapper à ce statut, Monsieur DA... F... fait valoir qu'il devait demander des congés au directeur général alors que cette demande ressort d'une organisation normale des services et ne compromet pas le statut de l'intéressé. Par ailleurs, les explications de l'appelant sur ses fonctions viennent confirmer la fiche de poste de directeur des soins infirmiers, laquelle comprend des responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

Les demandes d'heures supplémentaires et de repos compensateur de Monsieur DA... F... doivent être rejetées et le jugement confirmé sur ce point.

En second lieu sur les astreintes, les cadres dirigeants ne perçoivent pas de rémunération d'indemnité au titre des astreintes effectuées sauf stipulation du contrat ou dispositions de l'accord collectif. Monsieur F... dont le statut de cadre dirigeant a été ci-dessus retenu ne justifie pas d'une disposition en ce sens figurant dans la convention collective. Cette demande doit être rejetée

Sur l'obligation de sécurité.

Monsieur F... fait valoir d'une part, que la société Hôpital privé de la Loire n'a pas respecté les durées maximales de travail, et d'autre part, qu'aucune visite médicale n'a été organisée à son bénéfice entre 2008 et 2012.

Sur le non-respect des durées maximales de travail, Monsieur DA... F... se limite à indiquer qu'il a été amené à travailler plus de 12 heures au cours de la même journée et 50 heures hebdomadaires, et fonde sa prétention sur un récapitulatif des heures supplémentaires produit (pièce 33). Le non-respect d'une obligation de sécurité ne saurait être retenu à cet égard.

Sur l'obligation d'organiser une visite médicale, l'article R4624-16 du code du travail dispose que le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé. Le premier de ces examens a lieu dans les vingt-quatre mois qui suivent l'examen d'embauche.

Il appartient à l'employeur de prendre les dispositions nécessaires pour soumettre le salarié à cette visite médicale régulière et le fait de ne pas y procéder constitue une faute.

Il incombe à Monsieur F... de rapporter la preuve d'un préjudice direct et certain de l'absence de visite médicale en 2010.

L'année 2010 est l'année à compter de laquelle Monsieur F... a commencé à présenter de réelles difficultés dans l'exécution de son travail. L'organisation d'une visite médicale aurait permis aux services de santé au travail de déceler les difficultés rencontrées par l'intéressé et d'y remédier éventuellement avant que ce dernier ne se trouve atteint d'un syndrome anxio-dépressif non contesté. Le préjudice subi par Monsieur F... est établi. Au titre de sa carence et du préjudice subi, le CHPL doit être condamné à payer à Monsieur F... la somme de 5000 euros à ce titre.

Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement.

Selon les dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L.1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Enfin l'article L. 1154-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au sens de ces textes il appartient donc d'abord au salarié d'établir la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En l'espèce Monsieur DA... F... indique que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader en juin 2010, et avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de la direction, et en particulier de Monsieur L... son supérieur hiérarchique, directeur général.

Il décrit lesdits manquements ainsi qu'il suit :

' un dénigrement répété en septembre, octobre, novembre et décembre 2010, en janvier, juin, août et décembre 2011,

'un isolement professionnel (collègues de travail, chirurgien, membre du comité de direction) en décembre 2010, juin, juillet, novembre et décembre 2011,

' un retrait de responsabilité en mai 2011 et janvier 2012.

Monsieur DA... F... produit au soutien de sa demande les pièces suivantes :

l'entretien annuel d'appréciation et fixation des objectifs pour l'année 2010 (pièce 14 et non 11 comme indiqué dans les conclusions)

un échange de courriels avec Monsieur VO... C... les 29 août et 5 septembre 2011, relatifs à des astreintes,

un courrier de Monsieur L... du 22 août 2011 constatant les difficultés suivantes : absence de maîtrise de la masse salariale et des effectifs, absence de mises à jour du tableau par service pour analyse charge/effectifs, absence de maîtrise des remplacements et de l'intérim, absence de suivi des chambres particulières et des dépenses d'achats médicaux par service, détérioration des résultats des questionnaires, dégradation du tracé des informations et suivi des prescriptions dans le dossier du patient informatisé, avec décision de points hebdomadaires pour chaque pôle, complétés par une analyse des achats médicaux, du taux de retour des questionnaires de satisfaction, du nombre de plaintes, et les événements indésirables (pièce 16),

la réponse de Monsieur F... du 29 août 2011 (pièce 17),

un courrier de Monsieur F... du 20 novembre 2011, adressé au directeur de la Générale de santé, lui demandant un rendez-vous et lui indiquant notamment qu'il n'a jamais été en 25 ans d'activité, confronté à de telles conditions de travail et à de telles pressions, qu'il a toujours été reconnu pour son savoir-faire, ses compétences et ses valeurs, mais qu'il était en souffrance, en grande difficulté par les attitudes, les comportements et les prises de position de son supérieur hiérarchique depuis plus d'une année (pièce 21),

les courriels de réponse de Monsieur E... directeur Bourgogne Rhône-Alpes PACA, du 1er décembre 2011, lui rappelant la nécessité de loyauté envers l'entreprise, et lui demandant de ne pas répercuter ses questionnements au sujet du budget auprès du personnel soignant dont il avait la charge (pièce 23),

le compte rendu de l'entretien du 19 décembre 2011 de Monsieur F... avec Monsieur E... et Madame P... (pièce 24), relevant les très bonnes capacités managériales de Monsieur F..., mais des difficultés tournant pour l'essentiel autour de la dimension économique de la fonction (établissement des tableaux/indicateurs relatifs à la masse salariale, dans le management de projet, sur les aspects de la mission se rapportant aux prévisions budgétaires et à l'analyse des charges, absende d'intégration de la dimension économique de manière générale) ; les cadres considérant que les critiques formulées à l'encontre de Monsieur L... étaient injustes, vues comme une diversion face à l'insuffisance réelle au niveau économique, et qu'il ne pouvait être reproché au directeur de l'établissement de lui demander d'exercer l'intégralité de la mission ; il a été proposé des formations complémentaires axées sur les aspects économiques de la fonction, un accompagnement dans la fonction par la direction de l'établissement, avec un esprit coopératif,

la plainte auprès du procureur de la république de Saint-Étienne (pièce 29),

le procès-verbal d'audition par les policiers de Monsieur George V... du 11 décembre 2012, indiquant que Monsieur DA... F... faisait très correctement son travail avec professionnalisme, conscience, s'investissant dans ses fonctions'; Monsieur DA... F... lui a dit que le directeur lui reprochait de ne pas être à la hauteur de son poste et de faire des erreurs de gestion, il se trouvait démuni et se sentait trahi, il lui relatait ses relations avec Monsieur L... qui se dégradaient et ses difficultés de travail du fait de sa mise à l'écart par ce dernier ; cela pouvait être qualifié de harcèlement moral selon les dires de Monsieur DA... F...,

le procès-verbal d'audition par les policiers de Monsieur UQ... G..., psychologue au HPL, du 12 décembre 2012, qualifiant de remarquable le travail fait par Monsieur DA... F... dans le cadre du projet bloc, et constatant la détresse psychologique importante et l'état d'épuisement de Monsieur DA... F..., ce dernier lui ayant fait part de ses problématiques relationnelles avec le directeur de l'établissement Monsieur L... et de sa solitude (très seul et peu soutenu par ses collaborateurs (pièce 54),

le certificat de Monsieur I..., psycho praticien, du 6 juin 2012, attestant avoir reçu Monsieur F... en séance de soutien psychologique individuel pour un total de 12 séances, dans le cadre d'un dispositif « accompagnant psychologique des salariés », et continuation de cet accompagnement, la situation de travail s'étant maintenue dans un niveau de stress très important (pièce 20),

le certificat du docteur T... du 4 juin 2012, certifiant avoir soigné Monsieur F... de début février 2011 à ce jour pour un syndrome anxio-dépressif sérieux en relation avec les conditions du travail du patient (pièce 40),

les arrêts de travail du 5 janvier au 31 octobre 2012 (pièce 6 à 10) pour syndrome anxieux dépressif,

un courrier du professeur U... psychiatre du 20 août 2012, indiquant que l'entretien du 22 décembre 2011 avec ke supérieur hiérarchique pouvait être qualifié un accident du travail, Monsieur DA... F... s'étant littéralement effondré à partir de ce moment-là (pièce 52-1),

un courrier du docteur O... psychiatre du 2 janvier 2013, indiquant avoir accueilli Monsieur DA... F... à compter du 18 décembre 2012 en raison d'un épisode dépressif sévère sans syndrome psychotique (pièce 24),

un bulletin d'admission au [...] du 11 au 19 juillet 2013 (pièces 52-4),

un certificat médical du professeur U... psychiatre du 23 septembre 2013 constatant un état de santé précaire avec agoraphobie, attaque de panique et asthénie importante (pièces 52-5),

un certificat de Madame D... psychologue clinicienne du 10 octobre 2013 aux termes duquel Monsieur DA... F... présente de graves troubles émotionnels, une grande perte de confiance en soi, déjà en phase dépressive en lien avec la perte de son travail et principalement les conditions dans lesquelles elle est survenue, ces symptômes étant tout à fait compatibles avec un harcèlement moral sur son lieu de travail (pièces 52-6),

un bulletin d'admission de Monsieur DA... F... au [...] du 11 au 19 juillet 2013,

le procès-verbal d'audition de Madame WJ... J... du 13 décembre 2012, indiquant avoir été témoin indirect des pressions que Monsieur F... subissait de la part de la direction, et l'avoir entendu dire qu'il subissait un harcèlement de la part de Monsieur L... ; ce dernier lui ayant indiqué « de toute façon Monsieur F... ne sert à rien », et témoignant du dédain pour lui ; un projet pédiatrie pour lequel Monsieur F..., elle-même et une équipe de projet ont donné beaucoup d'énergie pendant quatre mois, a été démonté par Monsieur L... qui disait n'avoir pas le budget nécessaire, ce qui a démotivé l'ensemble de l'équipe (pièce 41),

le rapport d'examen psychiatrique du Docteur QL...-BJ... du 1er septembre 2013 (procédure devant le tribunal de grande instance de Saint-Étienne) indiquant l'absence d'antécédents psychiatriques avant 2010, et mettant en évidence un syndrome dépressif majeur et un syndrome post-traumatique évolutif (avec deux hospitalisations pour crise suicidaire fin 2012 et en août 2013), en lien avec son emploi ; les symptômes présentés (tristesse et angoisse, dévalorisation intense, vécu de culpabilisation, ralentissement psychomoteur notable asthénie, débordements émotionnels notables, culpabilité psychique avec tentative de justification, sentiment d'impuissance, retrait social ,etc...) sont ceux classiquement décrits dans les situations de harcèlement moral : atteinte de la dignité, altération de la santé psychique, effets dommageables sur l'avenir professionnel (pièce 55),

l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (pièce 61) du 12 février 2014, rejetant l'origine professionnelle de la maladie,

le courrier de Monsieur M..., directeur des ressources humaines de l'Hôpital privé de la Loire du 25 janvier 2013, considérant que le manager était fondé à être exigeant envers Monsieur F..., directeur des soins d'un établissement de 356 lits réalisant 36 millions d'euros de chiffre d'affaires, et que Monsieur L... s'était toujours attaché à développer courtoisie et convivialité envers ses collaborateurs proches ; il a été accordé à Monsieur F... un accompagnement que celui-ci a commencé puis a abandonné (pièce 33),

le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Étienne du 7 juillet 2017, disposant que le syndrome anxio-dépressif dont Monsieur F... était atteint suivant déclaration de maladie professionnelle du 17 septembre 2012 devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

des courriels de Madame PN... Q..., de Madame WO... YK... du 18 juillet 2012, une lettre non signée et datée du 18 juin 2012.

La société Hôpital privé de la Loire conteste chacun de ces reproches et oppose'les éléments suivants :

' aucune pièce n'est produite permettant d'étayer les faits reprochés, les seuls éléments versés aux débats étant d'ordre médical sans que le lien avec l'environnement professionnel soit établi,

' Monsieur F... n'a saisi ni les délégués du personnel dans le cadre du droit d'alerte (article L2313-2 du code du travail), ni l'administration du travail ni les services de santé au travail ni le comité d'hygiène, de sécurité des conditions de travail,

' la date prétendue du harcèlement moral est incertaine (à compter de juin 2010 dans les conclusions, après juin 2011 lors de son audition le 19 décembre 2011),

' il n'y a pas eu de critiques injustifiées mais exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur (lettre de recadrage du 22 août 2011 pièces 4, 21-7),

' sur le retrait de responsabilité, l'attestation de Madame J... n'est pas objective car celle-ci a été licenciée ; Monsieur F... a été pleinement associé au projet pédiatrie et à la charte du bloc opératoire,

' l'annonce faite aux salariés de réduction du personnel relevait de son poste de chef de service,

' il n'y a eu ni humiliation ni comportement dégradant, ni pression de plus en plus importante, ni baisse de salaire,

' l'enquête interne a permis l'audition du directeur des ressources humaines, de la directrice des opérations, du pharmacien gérant, du responsable service technique biologique et du directeur administratif et financier, ainsi que de Monsieur F... et de Monsieur L... directeur-général ; elle permet d'écarter toute situation de harcèlement moral et tout comportement fautif de l'employeur ; le rappel à l'ordre effectué par Monsieur E... était justifié,

' les formations mises en 'uvre ont été nombreuses (pièce 22-1 et 22-2), Monsieur F... a suivi une formation personnelle intitulée « Manager ! Qualité, rigueur exigence'! » (pièces 23-1 et 2), il a été soutenu par Monsieur C..., directeur de ressources humaines (pièce 21-7) avec une proposition de soutien encore plus resserré à partir du mois de septembre 2011 (pièce 3), il n'était pas nécessaire pour lui de suivre une formation relative à l'approche financière et aux indicateurs, car il avait été jusqu'en 2009 chef de bloc encadrant plus de 70 salariés et assumant la gestion et la préparation du budget de son service,

' dans un premier temps, la CPAM a refusé la prise en charge au titre professionnel de la maladie déclarée par Monsieur F... (pièces 25-1 et 2) ; ce dernier a obtenu une prise en charge (pièce adverse 39) inopposable à l'employeur, et sans prouver que ce dernier avait connaissance au moment des faits de l'origine de l'accident de la maladie,

' les courriels adressés à Monsieur L... par Monsieur F... prouvent l'absence de harcèlement moral.

Les éléments produits par Monsieur DA... F... justifient de difficultés de santé réelles et de difficultés d'exécution par l'intéressé de ses fonctions notamment dans le domaine économique, budgétaire et financier, mais en revanche, ne justifient pas de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La demande de Monsieur DA... F... tendant à obtenir la nullité du licenciement, ainsi que des dommages-intérêts consécutifs, doit être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le comportement déloyal de la société Hôpital privé de la Loire.

Monsieur DA... F... se prévaut d'une dévalorisation car le CHPL a proposé un classement en position de cadre B puis C, avec une rémunération de 63'217, 80 euros, soit une baisse de 3 %.

Il résulte en effet de deux courriers de la Générale de santé (pièces 50, 51) que celle-ci lui a proposé une évolution de sa classification à compter du 1er octobre 2011, le faisant passer de la position cadre A à la position cadre B coefficient 441, avec un salaire annuel fixe brut forfaitaire de 63'217,08 euro, outre prime sur objectif de 5000 euros bruts par an selon la réalisation des objectifs.

Or d'une part, il a été retenu ci-dessus que Monsieur F... avait un coefficient de 712, et qu'il avait le statut de cadre dirigeant.

D'autre part, la proposition des 13 et 20 octobre 2011 aurait eu, si elle avait été acceptée, pour résultat de rétrograder Monsieur F... à un statut inférieur et de lui allouer un salaire inférieur à celui qui lui était versé (66'107,30 euros bruts annuels de l'année 2011). Une telle proposition révèle de la part du CHPL un manque de considération certain pour Monsieur F....

Par ailleurs, il convient d'observer que le salaire mensuel fixe de Monsieur F... était de 4906,89 euros lorsqu'il était surveillant de bloc opératoire. Devenu directeur de soins infirmiers en 2009, son salaire n'a pas évolué alors que le statut de cadre dirigeant lui était attribué, supposant d'importantes responsabilités et un temps de travail non limité comme l'est celui des cadres non dirigeants.

La non attribution d'une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités confiées caractérise un manquement contractuel grave de la part du CHPL.

Cette dernière a fait preuve d'un comportement déloyal à l'égard de son salarié et le préjudice subi par Monsieur F... sera indemnisé par une somme de 40'000 euros. Le CHPL doit être condamné à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L 1132'1 du code de travail proscrit toute discrimination fondée sur l'état de santé ou le handicap d'un salarié. Cette interdiction ne s'oppose cependant pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, et par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié.

Le licenciement ne peut en ce cas être prononcé que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de pourvoir au remplacement définitif du salarié.

La lettre de licenciement du 6 août 2012 (pièce 28) est ainsi libellée :

« Vous avez été embauché le 22 septembre 1992 et avez suivi une formation à l'école des cadres avant de prendre la fonction de chef de bloc au terme de votre formation en 1994. Vous avez ensuite occupé la fonction de directeur des services infirmiers (DSI) à compter de juin 2009, étant rappelé qu'il s'agissait d'une création de poste faisant suite à la réorganisation de l'encadrement de notre établissement.

Depuis le 5 janvier 2012, vous êtes en absence pour arrêt maladie. Votre absence perdure aujourd'hui au-delà de la clause de garantie d'emploi de six mois prévus à l'article 83-1 de la convention collective unique FHP, et désorganise fortement l'entreprise en ce que votre absence prolongée entraîne des dysfonctionnements considérables préjudiciables à la bonne marche de l'entreprise, ce qui nécessite que nous procédions à votre remplacement définitif.

En effet, la fonction de DSI est stratégique pour le bon fonctionnement de notre établissement est votre absence à démontrer, s'il en était besoin, son importance.

Plus précisément la raison d'être de votre poste et de concevoir, de faire évoluer, d'organiser et de piloter la mise en 'uvre du projet de soins en vous appuyant sur votre expertise du soin. La non réalisation de ces missions durant votre absence a causé de lourds dysfonctionnements pour notre établissement dans les domaines suivants :

Le poste de DSI est très important dans les missions qui lui sont confiées autour du patient. Votre absence a entraîné les conséquences suivantes :

retard et non pilotage du déploiement du projet de soins pour l'ensemble des services et une difficulté importante de coordination et de gestion de l'activité de soins ;

absence de suivi de l'informatisation du dossier patient et difficultés du suivi des indicateurs et de l'homogénéisation des pratiques.

Votre absence a également créé une forte désorganisation dans l'encadrement des équipes et des responsables des pôles caractérisée par les conséquences suivantes :

non coordination et manque d'accompagnement des responsables de soins (pas de comité de RUS) et manque d'un interlocuteur pour les services supports (pharmacie, hygiène, douleurs) ;

transfert de responsabilité pour l'organisation de la prise en charge de patients, de la pré admission à la sortie, sur les responsables de services qui n'ont pas toujours cette compétence ;

absence d'interlocuteur pour la coordination avec le comité de pilotage Trajectoire ;

difficultés importantes au quotidien pour la directrice des opérations, d'assurer le suivi des contentieux patients ainsi que la coordination avec le médecin expert, les médecins conseils, les avocats et commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux.

L'absence d'un DSI a encore désorganisé la coopération et les contacts avec les médecins dans la mise en 'uvre du projet médical. En effet nous avons notamment pu constater les défaillances suivantes :

difficultés dans l'organisation du bloc opératoire et notamment dans la préparation de l'arrivée des nouveaux praticiens ;

difficultés d'élaboration du projet d'accueil opérationnel d'une nouvelle équipe chirurgicale (4 praticiens), de projections des évolutions organisationnelles nécessaires et de leur intégration au sein des services.

Enfin, l'absence d'un DSI a empêché la réalisation coordonnée et homogène d'un certain nombre d'actions transversales :

difficultés de coordination des effectifs au regard de l'activité ;

retard pris sur le déploiement et l'analyse des postes dans le cadre du projet de la pénibilité au travail ;

difficultés de suivi du pilotage de la démarche qualité et du suivi des plans d'action qualité (cartographie des risques des services de soins, expertise dans la gestion documentaire, révision des protocoles, déploiement des projets), dans un contexte de lancement de la démarche de certification HAS V2010.

Dans l'attente de votre retour, nous avons essayé en vain de pouvoir temporairement à votre remplacement. Il existe en effet plus d'offres d'emploi que de demandes pour ce type de poste ce d'autant que nous ne pouvions donner de date prévisible de fin de mission, vos arrêts de travail étaient prolongés dans un premier temps tous les mois pour être ensuite être prolongés de 2 mois en 2 mois.

En conséquence, nous avons été tenus de confier vos responsabilités et missions à différents salariés de l'établissement tel que les responsables d'unités de soins, les référents, les membres du comité de direction, mais il leur était impossible de remplir de façon pleine et entière vos missions, ce qui a généré les dysfonctionnements rappelés plus haut.

Nous avons également envisagé de procéder temporairement à votre remplacement en interne mais aucun des cadres soignants n'est en capacité de remplir vos missions, sauf à prévoir un accompagnement une formation de longue durée, alors que nous avons besoin des maintenant d'un directeur des soins.

En l'état de ces éléments, nous sommes dans la nécessité de procéder à votre remplacement définitif au plus vite, afin de mettre un terme aux dysfonctionnements liés à votre absence, ce d'autant que de nouvelles échéances arrivent en ce second semestre 2012 dont les enjeux sont vitaux pour le développement de la structure...'»

Le CHPL indique que Monsieur F... occupait un poste clé consistant à encadrer l'équipe des responsables de pôle et les responsables d'unités de soins et les infirmières diplômées d'État chargé de mission, à être l'interface entre les patriciens, les équipes de soins, comité de direction et les autorités de tutelle, à assurer la qualité et la sécurité des soins, à définir la politique de soins, qu'il gérait l'activité d'environ 250 salariés, avec sous sa responsabilité 14 cadres infirmiers et les infirmières diplômées d'État rattachées à chaque service, qu'il devait sur l'année 2012 spécifiquement veiller à la mise en 'uvre d'une nouvelle organisation du service pour accueillir quatre nouveaux chirurgiens au 1er janvier 2013, porter le projet médical de pôle MAP 2015, mettre en conformité les organisations et procédures de certification.

Elle fait valoir que les missions spécifiques n'ayant pu être assurées par Monsieur F..., cela a généré une désorganisation évidente dans l'entreprise, qu'en effet, l'ensemble des missions quotidiennes parmi lesquelles les négociations annuelles obligatoires 2012, qui n'ont pu être gérées sur l'année 2012, ont dû l'être par Monsieur M... directeur des ressources humaines (pièce 28), les réunions Corus destinées à aider les responsables dans leurs fonctions n'ont pas pu se tenir (pièce 29), la formation des salariés, le recrutement, l'intégration de nouveaux collaborateurs, l'évaluation annuelle des salariés, n'a pas été effectuée car les réunions hebdomadaires d'encadrement n'ont pas été maintenues.

Monsieur F... répond que le CHPL a pu prendre des mesures pour pallier ses absences, que les responsables d'unités de soins, les référents, les membres du comité de direction ont géré ses missions, que la condition de perturbation de l'entreprise n'est pas remplie, de même que ne sont pas justifiées les conditions du remplacement définitif, survenu plus de cinq mois après son licenciement (délai beaucoup trop long alors même que le CHPL se prévaut de l'urgence).

Les fonctions confiées à Monsieur F... consistaient à concevoir, faire évoluer, organiser, piloter la mise en 'uvre du projet soins, et notamment à :

' garantir l'organisation de la prise en charge du patient et la qualité des soins, le respect des objectifs économiques et budgétaires, et de la masse salariale budgétée et de l'intérim,

' encadrer l'ensemble des pôles d'activités et services de soins via les responsables respectifs (pôle bloc opératoire, chirurgie, court séjour/ambulatoire, médecine, mère/enfant, réanimation/soins continus et urgences),

' participer à l'organisation et à l'évolution des services en liaison avec les médecins, de garantir l'exécution de la prescription et du cadre réglementaire,

' garantir la réalisation du projet de soins,

' gérer 250 salariés (fiche de poste pièce 8 ).

L'établissement est composé de 328 lits, de 16 salles d'intervention, avec plus de 40'000 patients pris en charge par an dont 27'000 interventions au bloc opératoire.

Sur la perturbation de l'entreprise, le CHPL est fondée à énoncer d'une part, que le rôle de Monsieur F... était central et d'autre part, que ce dernier a été absent du 5 janvier au 23 juillet 2012, soit pendant une durée de plus de 7 mois.

Monsieur DA... H..., directeur administratif et financier, a énoncé les constatations suivantes (pièce 42) :

' le remplacement au quotidien du DSI lors des réunions de régulation des lits, entraînant une surcharge de travail des membres du comité de direction,

' la mise en difficulté des responsables d'unités de soins RUS, en ce qui concerne les questions relatives à la réglementation des soins et à la gestion des patients.

Par ailleurs, Madame Isabelle K..., pharmacien, a constaté (pièce 41) :

' un surcroît de travail pour les membres du CODIR (présence quotidienne à tour de rôle aux réunions de régulation des lits, réponse aux questions des cadres de soins sur l'organisation/ouverture de lits), d'autant plus important en l'absence de l'expertise d'un DSI,

' une difficulté ou impossibilité d'organiser des formations du personnel soignant,

' une difficulté d'avoir une communication efficace, par manque de temps pour organiser des réunions de travail services/pharmacie, les cadres de soins étant eux-mêmes surchargés et ne pouvant être présents aux différents types de réunions,

' la nécessité de pallier à l'absence de Monsieur F... sur des aspects réglementaires des soins, face aux demandes multiples, et une perte de temps pour chacun.

En raison des fonctions à la fois centrales et transversales de Monsieur F..., de la taille de l'établissement de soins et de la difficulté générée pour les membres du comité de direction et les responsables des unités de soins à suppléer à l'absence de l'intéressé, le CHPL se prévaut à bon droit d'une désorganisation de l'entreprise.

L'appelant ne peut reprocher au CHPL d'avoir embauché un directeur de soins infirmiers le 5 janvier 2013, soit cinq mois après la rupture du contrat de travail, alors que le recrutement nécessite un haut niveau de qualification. Il convient de relever au demeurant que Madame Laurence S... a été recrutée non en contrat à durée déterminée mais en contrat à durée indéterminée, avec un salaire conséquent de 54'000 euros bruts annuels par an, outre une prime d'objectif d'un maximum de 5400 euros et la prise en charge d'un aller-retour par semaine domicile travail (celle-ci étant domiciliée à Montélimar, à une distance importante de Saint-Étienne).

L'ensemble de ces éléments permet d'établir que l'absence prolongée de Monsieur F... a constitué un motif réel et sérieux de rupture, la perturbation de l'entreprise ayant nécessité le remplacement définitif du salarié. En conséquence, la demande de dommages et intérêts de Monsieur F... doit être rejetée.

~*~

L'appel de Monsieur DA... F... est partiellement fondé. La demande de dommages-intérêts de la société Hôpital privé de la Loire doit en conséquence être rejetée.

L'équité commande de condamner la société Hôpital privé de la Loire à payer à Monsieur DA... F... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont 1000 euros au stade de la première instance et 1000 euros en cause d'appel. Le jugement sera infirmé sur le rejet à ce titre prononcé par les premiers juges.

La société Hôpital privé de la Loire sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur DA... F... au titre du défaut de visite médicale et d'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

STATUANT À NOUVEAU ces seuls points,

CONDAMNE la société Hôpital privé de la Loire à payer à Monsieur DA... F... les sommes de':

- 5000 euros au titre du défaut de visite médicale,

- 40'000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

REJETTE la demande de dommages-intérêts de la société Hôpital privé de la Loire';

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente

Elsa SANCHEZ Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 18/01377
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°18/01377 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;18.01377 ?
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