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04/07/2019 | FRANCE | N°17/04911

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 04 juillet 2019, 17/04911


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/04911 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LD4C





[V]



C/

SAS PRIMETALS TECHNOLOGIES FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1]

du 22 Juin 2017

RG : F16/00012











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 04 JUILLET 2019













APPELANT :



[V] [V]



né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (42)

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Pierre ROBILLARD de l'AARPI AVOCATS PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



SAS PRIMETALS TECHNOLOGIES FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]



repré...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/04911 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LD4C

[V]

C/

SAS PRIMETALS TECHNOLOGIES FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1]

du 22 Juin 2017

RG : F16/00012

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 04 JUILLET 2019

APPELANT :

[V] [V]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (42)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Pierre ROBILLARD de l'AARPI AVOCATS PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SAS PRIMETALS TECHNOLOGIES FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Hortense GEBEL de la SELARL LUSIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Avril 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juillet 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Siemens VAI Metals technologies France (devenue par la suite Primetals technologies France) est spécialisée dans la fabrication de machines pour l'industrie métallurgique. Suivant contrat à durée indéterminée, la SAS Primetals technologies France a engagé Monsieur [V] [V] en qualité de responsable des achats à compter du 5 mars 2007, avec une rémunération annuelle brute de 60'008 euros dans le cadre d'un forfait annuel en jours et une position IIIB, classification issue de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

À compter du 1er janvier 2010, la société Siemens VAI Metals technologies France a détaché Monsieur [V] [V] en Chine, au sein de la société Siemens Limited China située à Shanghai pour exercer les fonctions de responsable général de la division achats et logistique IIS.

Le 7 mai 2014, Siemens a décidé de fusionner l'unité Business Unit de Monsieur [V] [V] (métals business) avec une partie du groupe Mitsubishi Heavy industry (JV partner). Par courrier du 11 août 2014, la société Siemens limited China Shanghai branch s'est en raison de la charge supplémentaire générée par le transfert projeté, engagée à verser à Monsieur [V] [V] une prime de fidélité d'un montant global de 69'840 euros nets, payable en deux fois (50 % à la clôture de la transaction de transfert vers la joint-venture et 50 % 12 mois après la clôture de la transaction de transfert joint-venture) (pièce 18).

Par courriel du 19 décembre 2014 adressé au directeur général de Siemens VAI métals technologies, Monsieur [V] [V] a refusé le transfert sur le poste proposé par la société Siemens limited China Shanghai branch (pièce 11). Cette dernière a mis un terme au contrat de détachement le 12 janvier 2015 avec effet au 31 janvier suivant. Le 2 février 2015, la SAS Primetals technologies France a informé Monsieur [V] [V] de sa réintégration de plein droit en son sein (pièce 12), et lui a adressé des offres de reclassement et demandé des renseignements pour assurer son rapatriement et celui de sa famille.

Selon courriels des 22 janvier et 11 février 2015 et lettre de son conseil du 9 février 2015, Monsieur [V] [V] a refusé les propositions de la société Primetals technologies France tant de reclassement que de rapatriement.

Lors d'un entretien préalable du 16 mars 2015, Monsieur [V] [V] a informé la SAS Primetals technologies France de sa volonté de ne pas être rapatrié et de son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles. La SAS Primetals technologies France a notifié à Monsieur [V] [V] son licenciement pour cause réelle et sérieuse le 20 mars 2015.

Constatant que la première moitié de la prime de «rétention bonus» ne lui avait pas été versée, Monsieur [V] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Montbrison a l'effet d'obtenir le paiement de la somme de 34'920 euros nets.

Par jugement du 22 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Montbrison:

-s'est déclaré compétent pour juger le litige opposant Monsieur [V] [V] à la SAS Primetals technologies France,

- débouté Monsieur [V] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS Primetals technologies France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [V] [V] aux dépens.

Monsieur [V] [V] a interjeté appel le 4 juillet 2017.

~*~

Par conclusions régulièrement communiquées, les parties ont développé les prétentions suivantes':

Monsieur [V] [V] conclut à la confirmation du jugement sur la compétence du juge français, et à son infirmation pour le surplus afin que la SAS Primetals technologies France soit condamnée à lui payer la somme de 34'920 euros nets au titre du « rétention bonus », outre 1700 euros nets à titre de dommages-intérêts pour retard de paiement et 2500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Primetals technologies France sollicite l'infirmation du jugement :

sur la compétence du juge français, ce au visa des articles 74 du code de procédure civile, L 1411-1, R 1412-1 du code du travail, 14 du Code civil, et d'une clause valable et non équivoque, attribuant expressément compétence à la juridiction étrangère dans le cadre du contrat international,

sur le fond, elle demande sa mise hors de cause car elle n'est aucunement partie à l'engagement pris par la société Siemens limited China et en tout état de cause, car Monsieur [V] [V] ne remplit pas les conditions prévues par l'avenant du 11 août 2014 pour percevoir le premier versement de la prime de fidélité,

elle demande la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION.

Sur l'exception d'incompétence.

La société Primetals technologies France fait valoir que :

si en vertu de l'article 14 du Code civil, les Français bénéficient d'un privilège de juridiction leur permettant d'être jugés par une juridiction française alors même que le contrat de travail ne présente aucun élément de localisation en France, un contrat international peut faire échec à cette règle lorsque une clause attribue expressément compétence à une juridiction étrangère,

la clause est valable, non équivoque et a été acceptée par Monsieur [V] [V] ; la lettre du 11 août 2014 prévoit que «'l'ensemble des litiges, plaintes, controverses, réclamations et griefs découlant de, ou en relation avec, ou toute question liée à la présente lettre et au paiement d'un versement partiel de votre prime de fidélité doivent être soumis à une juridiction compétente en Chine'»,

l'avenant du 11 août 2014 est intervenu avec l'employeur chinois la société Siemens VAI MT Limited China, Monsieur [V] [V] ne peut sérieusement faire valoir qu'en raison de cet avenant, il aurait entendu renoncer au privilège de juridiction,

le contrat de travail entre Monsieur [V] [V] et la société Siemens VAI MT Limited China prévoit expressément la compétence des juridictions françaises pour tous litiges éventuels qui interviendraient dans le cadre du détachement en Chine, alors que l'avenant du 11 août 2014 circonscrit la compétence des juridictions chinoises et l'application de la loi chinoise en ce qui concerne la prime de fidélité,

la lettre contractuelle prévoyant la prime de fidélité est intervenu postérieurement aux avenants stipulant la compétence des juridictions françaises,

Monsieur [V] [V] se prévaut de l'avenant pour demander le règlement de la prime de fidélité tout en affirmant qu'il n'a pas signé ledit avenant et n'a donc pas consenti à la clause attributive de juridiction.

Monsieur [V] [V] répond dans les termes suivants :

étant de nationalité française, il peut saisir une juridiction française en application de l'article 14 du Code civil,

la clause invoquée par la société Primetals technologies France lui est inopposable car il n'a pas renoncé au privilège de juridiction prévu par l'article 14 ; son contrat de détachement du 14 décembre 2009 a été conclu en France et il peut saisir la juridiction française sur le fondement de l'article R1412-1 du code du travail ; le contrat de détachement du 20 avril 2010 attribue les éventuels litiges aux juridictions françaises (pièce 3) ; les avenants ultérieurs des 31 octobre 2012, 23 septembre 2013 et 1er janvier 2014 (pièces 4 à 7) prolongent la durée de sa délégation, les autres clauses du contrat initial du 14 décembre 2009 demeurant inchangées,

la clause est par ailleurs non valable car l'avenant contenant le « rétention bonus » a été rédigée par l'entité chinoise après conclusion du contrat de détachement en France et sans avoir obtenu le consentement du salarié qui n'a pas signé le document,

le courrier du 11 août 2014 est un document unilatéral, non accepté ni même signé par lui, le changement de compétence juridictionnelle fait l'objet d'une phrase isolée dans un courrier de quatre pages, ce en l'état d'une relation contractuelle de 7 ans pendant lesquels la compétence des juridictions françaises était stipulée.

La clause attributive de juridiction désignant une juridiction étrangère est valable et opposable aux parties lorsque la clause est claire, précise, et acceptée sans équivoque par le salarié, le consentement de ce dernier devant en conséquence être établi.

En l'espèce, l'intimée se prévaut du paragraphe 9 des « conditions supplémentaires pour la prime de fidélité » figurant au courrier du 11 août 2014 adressé à Monsieur [V] [V] par le directeur général métals technologies Siemens Limited China, au nom de la société Siemens limited China Shanghai branch. Ce paragraphe est ainsi libellé « l'ensemble des litiges, plaintes, controverses, réclamations et griefs découlant de, ou en relation avec, ou toute question liée à la présente lettre et au paiement d'un versement partiel de votre prime de fidélité doit être soumis à une juridiction compétente en Chine».

Nonobstant le fait que Monsieur [V] [V] réclame le paiement d'une partie de la prime de fidélité, objet du courrier du 11 août 2014, il ne saurait être considéré en l'absence de signature de sa part du document considéré, avoir consenti à cette disposition.

La clause prévoyant la compétence de la juridiction chinoise n'est pas opposable à Monsieur [V] [V].

En conséquence, il convient de faire application des articles 14 du Code civil d'une part et R1412-1 du code du travail d'autre part.

L'article 14 du Code civil édicte que l'étranger pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

L'article R1412-1 du code du travail édictent que l'employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud'hommes territorialement compétent.

Ce conseil est :1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié. Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi.

En application de ces deux textes, il convient de dire qu'était compétent le conseil des prud'hommes de Montbrison, dans le ressort duquel se trouve le siège de l'intimée.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La société Primetals technologies France sollicite sa mise hors de cause en indiquant qu'elle n'est pas débitrice de l'obligation dont Monsieur [V] [V] sollicite l'exécution. Ce moyen tend au défaut de qualité de la société Primetals technologies France. Le défaut de qualité n'est pas un moyen de fond ainsi que l'énonce l'intimée mais une fin de non-recevoir. Le moyen étant dans le débat, la cour doit en conséquence déterminer si la demande est recevable ou irrecevable.

Monsieur [V] [V] répond sur ce point que l'intimée est bien débitrice de l'obligation de paiement car :

' l'engagement prévoit que le salarié doit être en poste au sein de l'unité commerciale Siemens métal ou de tout autre entité juridique affiliée qui lui est rattachée,

' Siemens France et Siemens China sont co-employeurs, appartenant au même groupe ; elles ne peuvent pas se défausser l'une sur l'autre leur bon vouloir aux fins d'évincer l'appelant,

' l'avenant contractuel précise que le versement peut être effectuée par la société qui sera chargée de la gestion de votre paie à la date d'échéance, en l'occurrence Siemens France.

Le contrat initial conclu le 17 janvier 2007 a été passé entre la société Siemens VAI Metals technologies France et Monsieur [V] [V].

Le 14 décembre 2009, les parties ont convenu d'un avenant aux termes duquel Monsieur [V] [V] a été détaché au sein de Siemens Limited China située à Shanghai pour exercer les fonctions de responsable général de la division achats et logistique IIS. Ledit avenant a expressément stipulé en son article 2, d'une part, la conclusion d'un contrat de travail conformément au droit local entre Monsieur [V] [V] et Siemens Limited China, et d'autre part, la suspension du contrat de travail d'origine entre Monsieur [V] [V] et Siemens VAI Metals technologies France.

Le détachement initialement prévu jusqu'au 31 décembre 2012 a été prolongé jusqu'au 31 mars 2013 puis jusqu'au 30 septembre 2016 (pièce 4 à 10).

Le 11 août 2014, date à laquelle la société Siemens Limited China a écrit à Monsieur [V] [V] afin de l'informer de l'attribution d'une prime de fidélité, ce dernier se trouvait salarié de la société Siemens Limited China. C'est en cette qualité que la société Siemens Limited China s'est engagée à récompenser l'intéressé de la charge supplémentaire et du niveau d'implication et d'engagement allant au-delà de son domaine normal d'activité.

Monsieur [V] [V] se limite à affirmer que les société Siemens France et Siemens China sont co-employeurs et appartiennent au même groupe, sans produire aucun élément permettant d'établir que les engagements de Siemens China s'imposent à Siemens France, ni invoquer les textes qui fonderaient cette situation juridique.

En l'état des documents produits aux débats, il convient de constater que seuls le directeur général et le directeur des ressources humaines de la société Siemens Limited China ont signé le document du 11 août 2014, dont se prévaut Monsieur [V] [V]. Par suite, l'action engagée à l'encontre de la société Primetals technologies France est irrecevable.

Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [V].

~*~

L'équité commande de laisser à la charge de Monsieur [V] [V] les frais exposés par la société Primetals technologies France et non compris dans les dépens. L'appelant doit être condamné à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera également condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le conseil des prud'hommes de Montbrison,

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT À NOUVEAU et y ajoutant,

DÉCLARE l'action de Monsieur [V] [V] engagé à l'encontre de la société Primetals technologies France irrecevable ;

CONDAMNE Monsieur [V] [V] à payer la société Primetals technologies France la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [V] [V] aux entiers dépens.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/04911
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°17/04911 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;17.04911 ?
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