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04/07/2019 | FRANCE | N°17/00321

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 04 juillet 2019, 17/00321


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 17/00321 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KZJ2





SAS STN GROUPE



C/

[I]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Janvier 2017

RG : F 14/00423



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 04 JUILLET 2019





APPELANTE :



SAS STN GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me R

omain LAFFLY de la SELARL [Personne physico-morale 1], avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE :



[R] [I] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1975 à[Localité 1] (69)

[...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/00321 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KZJ2

SAS STN GROUPE

C/

[I]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Janvier 2017

RG : F 14/00423

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 04 JUILLET 2019

APPELANTE :

SAS STN GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL [Personne physico-morale 1], avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[R] [I] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1975 à[Localité 1] (69)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Isabelle DAVID-ALART de la SELARL [Personne physico-morale 2], avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2019

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa MILLARY, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Rose-Marie PLAKSINE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juillet 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société STN GROUPE, spécialisée dans le nettoyage et l'entretien d'immeubles est devenue en 2012 l'unique actionnaire de la société L'UNION.

Dans le cadre de cette opération, Mme [R] [I] épouse [R], salariée de la société L'UNION depuis le 14 septembre 1992 a , par avenant du 4 avril 2012, poursuivi ses fonctions de chef d'agence, statut cadre niveau CA échelon 3.

La relation de travail était régie par la convention nationale des entreprises de propreté.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle moyenne brute des trois derniers mois s'établissait à la somme de 3500 euros plus rémunération variable pour 151,67 heures.

Par lettre recommandée du 1er octobre 2013, la société STN GROUPE a mise en demeure Mme [R] de se justifier sur les mécontentements des clients, sur leurs termes utilisés et sur les résiliattions de contrats.

Mme [R] a été mise en arrêt maladie du 5 octobre au 5 novembre 2013 puis du 4 novembre 2013 au 27 janvier 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 décembre2013 , la société STN GROUPE a convoqué Mme [R] le 13 décembre 2013 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement .

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 décembre 2013, la société STN GROUPE a notifié à Mme [R] son licenciement, lui reprochant de très nombreux dysfonctionnements très graves dans la gestion et dans l'organisation générale de l'agence dont elle est la directrice.

Le 3 février 2014, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence la société STN GROUPE à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement abusif outre au titre d'un préjudice moral distinct, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, mais également des sommes au titre de la rémunération variable, des heures supplémentaires accomplies et de la contrepartie obligatoire en repos, ordonner la remise sous astreinte des documents de fin de contrat outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 5 janvier 2017, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante:

- Dit que le licenciement de Madame [R] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse dont la gravité n'est pas avérée,

- Dit que la société STN GROUPE ne s'est acquittée que partiellement des commissions dues au titre de l'article 6 du contrat de travail de Madame [R] [R],

- Dit qu'après avoir apprécié l'ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis, il procède souverainement à une évaluation des heures supplémentaires réalisées,

- Dit que Madame [R] n'a pas bénéficié des repos compensateurs,

- Condamne en conséquence la société, STN GROUPE a verser à Madame [R] [R] les sommes suivantes :

- 23.354,80 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 11.130,00 € bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 1.113,00 € bruts à titre de congés payés sur préavis,

- 108.663,93 € bruts à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable,

- 10.866,39 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 24.193,65 € bruts à titre d'heures supplémentaires,

- 2.419,36 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 12.994,04 € bruts au titre de l'indemnité de repos compensateur,

- 1 500,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Ordonne à la société STN GROUPE de remettre à Madame [R] [R] le solde de tout compte, l'attestation pôle emploi, le certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard et par document à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte,

Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- Rappelle qu'aux termes des dispositions de l'article R1454-28 du Code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail- .) Ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R1454-14 du Code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 3.710,00 €,

- Déboute Madame [R] [R] du surplus de ses demandes, Déboute la société STN GROUPE de ses demandes,

- Condamne la société STN GROUPE aux entiers dépens de l'instance.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 12 janvier 2017 par la société STN GROUPE.

Par conclusions régulièrement notifiées et remises au greffe auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société STN GROUPE demande à la cour de:

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [R] reposait sur une cauise réelle et sérieuse et l'a déboutée de ses demandes à titre d'indemnityé pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages et intérpets pour préjudice moral,

* le réformer pour le surplus et

* débouter Mme [R] de ses demandes,

* lui ordonner le remboursement de la somme de 47 754,51 euros perçue au titre de l'exécution provisoire de droit, charges sociales incluses,

* subsidiairement, lui ordonner le remboursement de la somme de 27 612,36 euros,

* en tout état de cause,

* la condamner au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions régulièrement notifiées et remises au greffe, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [R] demande à la cour de:

* confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que le licenciement intervenu ne reposait pas sur une faute grave mais l'infirmer en ce qu'il a dit qu'il était fondé surune cause réelle et sérieuse,

* l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

* confirmer le jugement entrepris pour le surplsu,

* en conséquence,

* condamner la société STN GROUPE au paiement des sommes suivantes :

- 89 040 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 23.354,80 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 11.130,00 € bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 1.113,00 € bruts à titre de congés payés sur préavis,

- 22 260 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- 108.663,93 € bruts à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable,

- 10.866,39 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 24.193,65 € bruts à titre d'heures supplémentaires,

- 2.419,36 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 12.994,04 € bruts au titre de l'indemnité de repos compensateur,

* ordonner sous astreinte la remise du solde de tout compte,

* débouter la société STN GROUPE de sa demande te,da,t à obtenir le remboursement de la somme de 47 754,51 euros perçue au titre de l'exécution provisoire de droit, charges sociales incluses,

* condamner la société STN GROUPE au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mars 2019.

MOTIVATION.

Dans le cadre de son appel principal, la société STN GROUPE ne remet pas en cause les sommes allouées à Mme [R] au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur ainsi qu'au titre du rappel de salaire pour la rémunération variable et Mme [R] ne forme pas appel incident de ces chefs, de sorte qu'il convient de confirmer la décision déférée sur ces points non discutés à hauteur d'appel.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié; qu'aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que la société STN GROUPE a licencié Mme [R] pour faute grave en invoquant :

* la réalisation de prestations de nettoyage de locaux et de vitres non-conformes au cahier des charges,

* un traitement défaillant des doléances des clients tant sur le terrain ( manque de suivi sur site) que sur le terrain administratif,

* les marges très faibles obtenues sur certians clients,

* une mauvaise organisation de l'agence,

* un mauvais approvisionnement des produits,

* une absence de transparence sur la situation de l'agence,

* une mauvaise gestion du personne,

* un nombre insuffisant d'appels d'offre décrochés.

Mme [R] conteste la réalité de ces griefs.

Il ressort des éléments factuels du dossier que si la société STN GROUPE produit des éléments attestant de difficultés rencontrées au sein de l'agence de [Localité 2] dirigée par Mme [R] relatives à des mécontentements de clients, il lui appartient de démontrer l'absence de suivi par celle-ci des prestations réalisées, l'absence de coordination des équipes, de réponse aux relances ou doléances des clients ou le manque de réactivité enfin l'absence de transparence sur les difficultés rencontrées.

L'audit réalisé par Monsieur [Y] en octobre 2013 qui stigmatise en effet la désorganisation de l'agence de [Localité 2] et une insatisfaction notoire des clients ne permet pas cependant de démontrer en soi que ces difficultés résulteraient des manquements reprochés à Mme [R].

Au contraire, Mme [R] produit aux débats des éléments établissant clairement non seulement que la société STN GROUPE était au courant des difficultés rencontrées mais encore qu'elle a été à l'origine de certaines de ces difficultés.

Mme [R] démontre d'abord qu'au sein de l'agence, avant la rachat par la société STN GROUPE, elle dirigeait la branche administrative, en sa qualité de directrice des ressources et avait sous ses ordres une assistante RH, une assistante comptable et un responsable qualité, tandis que la branche d'exploitation était dirigée par une directrice générale supervisant un responsable achats, un directeur technique, un chargé de clientème et un directeur d'exploitation ( Monsieur [R]) ayant sous ses ordres trois chefs de site.

Après le rachat, il apparaît que Mme [R] est devenue directrice de l'agence et s'est ainsi vue confier la gestion et l'organisation générale de l'agence et la responsabilité de l'ensemble des activités de cette dernière, tout en conservant la gestion du personnel avec l'aide de deux assistantes administratives et que le poste de responsable qualité a été rapidement supprimé ainsi que ceux de responsable achats, de directeur technique et de chargé de clientèle.

Par ailleurs, la société STN GROUPE ne conteste pas qu'elle a absorbé une autre agence du groupe située à VIENNE puis 4 nouvelles entreprises du groupe situées à Vénissieux et ne verse aucun élément permettant de contredire les éléments produits par Mme [R] quant à l'insuffisance des moyens humains, matériels et financiers pour faire face à ces clients, alors qu'en décembre 2012, l'agence qu'elle dirigeait comprenait 920 chantiers sur lesquels travaillaient 730 salariés alors qu'auparavant l'agence sous l'enseigne L'UNION gérait seulement 350 chantiers pour 316 salariés;en outre le périmètre d'intervention était ainsi élargi à 7 départements.

Ainsi, Mme [R] démontre qu'elle a mis en ouevre tous les moyens mis à sa disposition par le siège pour effectuer les prestations de nettoyage de locaux et de vitres conformément au cahier des charges et ce alors :

* qu'il est démontré que les contrats établis par les entreprises absorbées par la société STN GROUPE n'ont pas été transmis et notamment le contrat avec Casino conclu avec la société Sud Est Nettoyage,

* que le nombre de contrats résiliés avancé par la société STN GROUPE provient en grande partie des sociétés absorbées ( 115 sur 126 sites), les 11 sites dépendant à l'origine de L'UNION correspondant à des fins de marchés,

* que le compte bancaire de l'agence n'a jamais été suffisamment approvisionné par le siège, qui a été alerté à de nombreuses reprises par elle et Monsieur [R] ( pièces 7.4, 7.6, 7.8, 7.9 et 7.13 de l'appelante),

* que la société STN ne réglait pas avec régularité les factures de location de matériel et ce malgré des relances qui lui étaient adressées , ce qui a eu pour conséquence des réclamations des sociétés ADRET SERVICES, KILOUTOU, ADA LYON, PAREDES et ROTOWASH et la fin des relations avec la société AJR distribution services,

* que les commandes de matériel étaient effectuées avec diligence mais que l'agence attendait parfois des réponses ou constatait des livraisons insuffisantes: cette pénurie de matériel est attestée par Monsieur [Q] ( pièce 8.8) et Monsieur [O] ( pièce 9.7),

* que la direction était alertée sur les difficultés pour recruter du personnel à raison de réductions des heures et de personnel imposées par la direction ce qui rendait difficile la réalisation de certaines prestations,

* que des réponses étaient apportées par l'agence aux mails de mécontentement de clients sur la qualité des prestations dans la mesure de ses moyens et de la répercussion qui lui était faite de ces mécontentements,

* que concernant les prestations de vitrerie, l'agence ne disposait que de deux laveurs à temps plein,

* que le mécontentement des clients était exacerbé par le système de facturation imposé par le siège, une facture mensuelle étant en effet émise même en cas d'absence de prestation et après validation d'une demande d'avoir, une facture régularisée adressée au client; par ailleurs des augmentations de tarifs étaient imposées par le siège alors que le contrat n'était pas révisable ( pièce 10.2),

* Mme [R] démontre également que les marges très faibles réalisées sur certains chantiers ont été la conséquence du manque de moyens humains et matériels. Ce fait explique également le rejet d'un appel d'offre produit, émanant de l'université [D] [U] au regard de l'absence de planning, d'une description très succinte du système qualité et de l'absence de fiches produits, enfin d'un prix élevé, au surplus, la société STN GROUPE ne vient pas démontrer au-delà de ce courrier le faible taux d'appels d'offres remportés qu'elle allègue

Par ailleurs, la société STN GROUPE ne répond pas concernant l'embauche de chefs de site, alors que Mme [R] affirme, sans être contredite, qu'elle devait gérer à compter de décembre 2012 près de 920 chantiers avec seulement 3 chefs de site : ce point est du reste confirmé par la production de la liste du personnel de l'agence par la société STN GROUPE.

Mme [R] démontre également que l'ensemble de ces difficultés a été porté à la connaissance du siège mais que ni le Président de la société ni le directeur général d'exploitation, qui est son frère, ne sont venus à la réunion sollicitée par Mme [R] ( et son époux) en février 2013. Mme [L] confirme que Mme [R] a de manière répétée alerté Monsieur [X] sur le manque de moyens humains ( pièce 9.5).

Sur la gestion de personnel , la société STN GROUPE reproche par ailleurs à Mme [R]:

* de n'avoir pas su encadrer Monsieur [R], son époux directeur d'exploitation,

* d'avoir autorisé de nombreux salariés à prendre des congés en juillet et août 2013 et les avoir remplcaés par des CDD, entamant la marge brute d'exploitation de l'agence,

* d'avoir fait travailler des salariés sans bulletin de salaire,

* d'avoir payé des salariés qui ne travaillaient pas,

* de n'avoir pas réaffecté des salariés non transférés en annexe 7 suite à des chantiers perdus,

* de n'avoir pas déclenché de procédures de licenciement à l'égard de salairés en absence injustifiée,

* de n'avoir jamais répondu à des doléances de certains salariés .

Sur ces points ayant trait à la gestion du personnel, la société STN GROUPE sur laquelle pèse la charge de la preuve produit sous sa pièce 9 des doléances exprimées par des salariés :

* concernant Mme [A], il apparaît que celle-ci convoquée à entretien préalable par Mme [R] et mise à pied, n'a finalement pas été licenciée mais a reçu un avertissement , cette situation posant uniquement une difficulté concernant la régularisation de la paie,

* concernant Monsieur [P] qui le 28 novembre 2013 indique ne pas avoir de proposition de travail,

* concernant Mme [B] se plaignant d'une erreur sur son salaire de juin concernant une journée décomptée à tort,

* concernant Monsieur [M], se plaignant dans un courrier du 23 octobre 2013 adressé à Monsieur [X] de divers dysfonctionnements dans la gestion de son emploi et de ses congés,

* concernant Mme [S] qui se plaint de l'absence de reprise de son poste après visite du médecin du travail après le 16 septembre 2013,

* concernant Mme [H] qui se plaint de ne pas avoir de matériel sur son lieu d'intervention,

* concernant Mme [G] qui se plaint de ne plus avoir de lieu d'affectation.

Ces différents courriers n'apparaissent cependant pas suffisants pour démontrer les défaillances de Mme [R] dans la gestion du personnel, alors qu'au surplus, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas su encadrer Monsieur [R].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société STN GROUPE ne démontre pas que les faits imputés à Mme [R] sont établis; ils ne sauraient dès lors caractériser la faute grave Par ailleurs, ils ne sauraient justifier par une cause réelle et sérieuse le licenciement, de sorte que le jugement déféré sera réformé de ce chef.

Sur les indemnités de rupture

Le conseil des prud'hommes n'ayant pas retenu la faute grave, la salariée a pu prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle légale de licenciement , aucune des parties ne remettant en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de Mme [R] , lesquelles ne sont pas remis en cause par la décision de la cour estimant que le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société STN GROUPE à payer à Mme [R] les sommes de 23.354,80 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement et 11.130,00 € bruts à titre d'indemnité de préavis outre 1.113,00 € bruts à titre de congés payés sur préavis.

Il convient dès lors de rejeter la demande de la société STN GROUPE tendant au remboursement par Mme [R] de la somme de 47 754,51 euros perçue au titre de l'exécution provisoire de droit, charges sociales incluses.

Sur les dommages et intérêts

En application des articles L 1235-3 et L 1235-5 du code du travail, Mme [R] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [R] âgée de 38 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de 20 années, de ce qu'elle n'a pu retrouver un nouvel emploi, de ce qu'elle a été en arrêt maladie jusqu'en mars 2016, la cour estime que le préjudice financier et moral résultant pour cette dernière de la rupture doit être indemnisé par la somme de 89 040 euros, étant précisé que les sommes allouées subiront le cas échéant les prélèvements et cotisations sociales.

Par ailleurs, sur la demande au titre du préjudice moral distinct, Mme [R] soutient que la société STN GROUPE a manqué à ses engagements contractuels en le faisant intervenir bien au-delà du département du Rhône en contradiction de l'article 3 de son contrat de travail mais également en le privant volontairement des moyens humains, matériels et financiers suffisants pour remplir correctement ses fonctions et en motivant ainsi le licenciement à son encontre. Il considère donc que le licenciement a eu un caractère particulièrement vexatoire notamment à raison de la création par sa famille de la société L'UNION rachetée par la société STN GROUPE et dans laquelle elle a travaillé plus de 20 ans.

Néanmoins, le préjudice moral a été pris en compte dans l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [R] ne vient pas justifier d'une indemnisation distincte de celle déjà allouée au titre de la rupture, le caractère particulièrement vexatoire des circonstances du licenciement n'apparaissant pas démontré .

Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société STN GROUPE.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Mme [R] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [R] [I] épouse [R] n'était pas fondé sur un faute grave et a condamné la société STN GROUPE au paiement des sommes suivantes :

- 23.354,80 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 11.130,00 € bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 1.113,00 € bruts à titre de congés payés sur préavis,

- 108.663,93 € bruts à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable,

- 10.866,39 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 24.193,65 € bruts à titre d'heures supplémentaires,

- 2.419,36 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 12.994,04 € bruts au titre de l'indemnité de repos compensateur,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société STN GROUPE au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,

LE REFORME en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [R] [I] épouse [R] était justifié par une cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau de ce chef,

DIT que le licenciement de Mme [R] [I] épouse [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

CONDAMNE la société STN GROUPE à payer à Mme [R] [I] épouse [R] la somme de 89 040 euros à titre de dommages et intérêts,

DIT que les sommes allouées subiront le cas échéant les prélèvements et cotisations sociales,

Y ajoutant,

DEBOUTE la société STN GROUPE de sa demande de remboursement de la somme de

47 754,51 euros perçue au titre de l'exécution provisoire de droit, charges sociales incluses.

DEBOUTE Mme [R] [I] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct,

ORDONNE à la société STN GROUPE de remettre à Mme [R] [I] épouse [R] un Solde de tout compte conforme au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

DIT n'ay voir lieu à astreinte,

ORDONNE d'office à la société STN GROUPE le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [R] [I] épouse [R] dans la limite de 3 mois d'indemnisation, sous déduction de la contribution prévue à l'article L 1233-69 du code du travail,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société STN GROUPE à payer Mme [R] [I] épouse [R] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

LA DEBOUTE de sa demande de ce chef,

CONDAMNE la société STN GROUPE aux dépens d'appel.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/00321
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°17/00321 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;17.00321 ?
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