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03/07/2019 | FRANCE | N°17/01566

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 03 juillet 2019, 17/01566


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/01566 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K4E7





[T]



C/

SARL ELOSI







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1]

du 02 Février 2017

RG : F 14/01416







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 03 JUILLET 2019





APPELANT :



[C] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Me Jean-marc

FOUILLAND de la SELARL AVOCATS LYONNAIS, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



SARL ELOSI

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON, Me Isabe...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/01566 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K4E7

[T]

C/

SARL ELOSI

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1]

du 02 Février 2017

RG : F 14/01416

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 03 JUILLET 2019

APPELANT :

[C] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Me Jean-marc FOUILLAND de la SELARL AVOCATS LYONNAIS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL ELOSI

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON, Me Isabelle SAFFRE, avocat plaidant au barreau de LILLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mars 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Annette DUBLED VACHERON, Conseiller

Assistés pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juillet 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [C] [T] a été embauché le 1er septembre 2006 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société ELOSI, en qualité d'ingénieur études statut IC, position 2.1, coefficient 105,

Il a été muté de l'agence de LILLE (59) sur la région lyonnaise au début de l'année 2011.

Il a été élu délégué du personnel le 12 avril 2012.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils

Le 20 mars 2014, Monsieur [T] a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Suite à la saisine par la société ELOSI du conseil de prud'hommes de ROUBAIX le 31 mars 2014 et à celle du conseil de prud'hommes de LYON par Monsieur [T] le 8 avril 2014, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de ROUBAIX s'est déclaré territorialement incompétent pour connaître du litige opposant les parties au profit du conseil de prud'hommes de LYON.

Par jugement en date du 2 février 2017, le conseil de prud'hommes de LYON, dans sa formation paritaire, a:

- dit que la prise d'acte de Monsieur [T] devait être analysée comme une démission,

- débouté Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société ELOSI de toutes ses demandes,

- condamné Monsieur [T] aux dépens.

Par déclaration en date du 28 février 2017, Monsieur [T] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions, Monsieur [T] demande à la Cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul,

- condamner la société ELOSI à lui payer les sommes suivantes:

45.300,03 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2011 au 30 mars 2014 outre 4.530 euros au titre des congés payés afférents, en raison de la reclassification de son emploi au niveau 3.2, position 210,

15.000 euros à titre d'indemnité pour non respect du salaire minimal conventionnel,

10.991 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

12.681,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.268,19 euros au titre des congés payés afférents,

50.727,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite,

126.819 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur de délégué du personnel,

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence,

4.078,20 euros à titre d'indemnité pour non respect du suivi médical du salarié,

578,28 euros en remboursement de notes de frais,

5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société ELOSI de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société ELOSI aux dépens.

A titre subsidiaire, dans le cas où il ne serait pas fait droit à sa demande de reclassification au niveau sollicité, il réduit ses demandes en paiement en fonction d'une classification 3.1, coefficient 170 ou d'une classification 2.3, coefficient 150, à l'exception de celles afférentes à la clause de non concurrence et aux notes de frais.

Dans ses conclusions, la société ELOSI demande à la Cour de:

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 8.700 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- débouter Monsieur [T] de sa demande en paiement d'une indemnité de 5.000 euros pour nullité de la clause de non concurrence formée en cause d'appel,

- condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 février 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur la classification conventionnelle:

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Monsieur [T] fait valoir qu'il a ouvert puis manager une agence sur LYON à compter de juillet 2011, qu'il exerçait les fonctions de directeur des opérations au sein de cette agence, encadrait d'autres salariés et participait au comité de direction élargi de la société ELOSI à ce titre, que l'agence de LYON participait de manière significative au chiffre d'affaires de la société ELOSI, même si elle n'avait pas un chiffre d'affaires important compte tenu du mode de facturation des prestations, que son emploi relevait de la position 3.2, coefficient 210, subsidiairement de la position 3.1, coefficient 170 et plus subsidiairement de la position 2.3, coefficient 150 retenue par les premiers juges.

La société ELOSI réplique que Monsieur [T] a fait l'objet d'une simple mutation à l'agence de LYON, que cette agence, créée depuis 2008, était gérée par Monsieur [B] [Z], un des cogérants de la société, que le salarié n'avait pas suffisamment de compétences et d'autonomie pour exercer le poste de directeur de l'agence de LYON, que Monsieur [B] [Z] exerçait seul les fonctions de management à l'égard des salariés de l'agence, même s'il avait délégué exceptionnellement au salarié la réalisation d'un entretien avec deux d'entre eux, que l'agence de LYON n'avait pas de réelle activité au regard de la faible importance de son chiffre d'affaires.

L'annexe II de la convention SYNTEC, relative à la classification des ingénieurs et cadres, définit les positionnements 2.1, 2.3, 3.1 et 3.2 de la manière suivante.

"2.1. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études :'

- âgés de moins de 26 ans, coefficient hiérarchique 105'

- âgés de 26 ans au moins, coefficient hiérarchique 115

2.3. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche, coefficient hiérarchique 150

3.1. Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en 'uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef, coefficient hiérarchique 170,

3.2. Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature, coefficient hiérarchique 210.'

La société ELOSI est une société de service en ingénierie informatique spécialisée dans les métiers de l'étude et du développement informatiques. Elle était cogérée par Messieurs [B] et [P] [Z] pendant l'exécution du contrat.

Monsieur [T] a toujours été rémunéré pour un emploi de niveau 2.1, coefficient 105 alors qu'il pouvait prétendre à un meilleur positionnement au cours de l'exécution de la relation de travail, du fait qu'il est né le [Date naissance 1] 1982 et que le contrat de travail a duré plus de 6 ans.

La lettre de mutation de Monsieur [T] indique que celui-ci sera rattaché aux activités d'ELOSI [Localité 1]. Toutefois, il n'est pas établi que la société ELOSI avait créé une agence sur la région lyonnaise avant la mutation du salarié. Les courriels professionnels de Monsieur [T] de 2012 à 2013 , une attestation de Madame [U] ainsi qu'un courrier de l'employeur en date du 22 janvier 2014 font apparaître qu'en sa qualité d'ingénieur senior Monsieur [T] avait la responsabilité de l'agence Rhône (dénommée également agence de LYON) sise à [Localité 2], qu'il était directeur de projets au sein de cette agence et affectait des stagiaires ou ingénieurs aux projets qu'il développait, qu'enfin, il participait au comité de direction élargi de la société mis en place en 2012. L'employeur prend l'avis de Monsieur [T] dans un courriel de décembre 2012 sur les termes d'un courrier qu'il destine à un salarié rattaché à l'agence de LYON et qui désigne Monsieur [T] comme'manager' de ce salarié. Il reproche aussi à Monsieur [T] de ne pas avoir animé les entretiens annuels professionnels de Messieurs [S] et [A] dans un courrier du 22 janvier 2014. Enfin, le salarié fait part de ses difficultés à accepter une mission qui lui est proposée en février 2013 du fait qu'il doit développer l'agence lyonnaise et accueillir des stagiaires. Néanmoins, Monsieur [S], témoigne qu'en sa qualité d'ingénieur études et développement au sein de la société ELOSI à compter du 2 septembre 2013, il travaillait au contact de Monsieur [T] mais était rattaché hiérarchiquement à Monsieur [Z], lequel pilotait les projets de même que Monsieur [A]. Par ailleurs, Madame [U], ingénieur commercial au sein de l'agence du Rhône ne mentionne pas qu'elle était rattachée hiérarchiquement à Monsieur [T]. Aussi, les seules pièces versées aux débats par le salarié ne montrent pas que Monsieur [T] exerçait un commandement à l'égard des autres ingénieurs rattachés à l'agence de [Localité 1]. Elles révèlent que Monsieur [T] exerçait des fonctions qui impliquaient une certaine autonomie mais pour lesquelles il n'assurait pas une responsabilité complète et permanente, laquelle revenait à Monsieur [Z]. Il convient donc de repositionner l'emploi de Monsieur [T] au niveau 3.1 coefficient 170 et non 2.3, coefficient 150 comme retenu dans les motifs du jugement.

La société ELOSI critique les modalités de calcul du rappel de salaire réclamé par Monsieur [T] pour la période de juillet 2011 au 20 mars 2014 en ce que le calcul considéré ne prend pas en compte la totalité des éléments de brut salarial (avantages en nature, prime de fin d'année, primes de vacances). Néanmoins, elle ne produit aucun calcul de nature à contredire celui du salarié. La société ELOSI sera condamnée à payer à Monsieur [T] la somme de 21.443,32 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 2.144,33 euros au titre des congés payés afférents

Monsieur [T] ne justifiant pas d'un préjudice particulier en sus du préjudice matériel réparé par la condamnation de l'employeur à lui verser un rappel de salaire, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur du salaire minimum conventionnel formée en cause d'appel.

sur les notes de frais:

Monsieur [T], qui fait état de ce que la somme de 578,28 euros lui reste due au titre de ses frais, ne détaille pas les frais considérés. Aussi, il ne justifie pas de sa créance et sera débouté de sa demande en paiement sur ce point.

sur la prise d'acte:

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur, mode unilatéral et autonome de rupture de la relation contractuelle, entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. La prise d'acte produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur sont justifiés et suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, soit à l'inverse ceux d'une démission.

La preuve des faits qui fondent la prise d'acte incombe au salarié.

A l'appui de sa prise d'acte, Monsieur [T] fait valoir qu'il a été victime des manquements de l'employeur suivants:

- un défaut de paiement du salaire minimum conventionnel correspondant à la classification réelle de son emploi,

- un harcèlement moral afin de le contraindre à démissionner,

- une entrave permanente à l'exercice de ses fonctions de délégué du personnel,

- une absence de communication des ordres de mission ainsi qu'un remboursement partiel de ses notes de frais.

1er grief:

La cour ayant repositionné l'emploi de Monsieur [T] au niveau 3.1, coefficient 170 et ayant fait droit à la demande de rappel de salaire du salarié de ce chef, ce grief est avéré.

2ème grief:

Monsieur [T] fait valoir qu'il a été victime d'un véritable harcèlement de la part de son employeur à compter de la fin de l'année 2013 dans le but de le faire démissionner, qu'il a été éloigné sans son accord de l'agence de LYON par le biais d'une mission de 3 mois sur [Localité 3] à compter du 6 janvier 2014 alors qu'il était délégué du personnel, qu'il a été ensuite privé des collaborateurs de cette agence et n'a plus eu accès à une application "mantis" qui lui permettait d'exercer la direction de l'agence de LYON.

La société ELOSI argue de ce qu'elle n'a pas retiré à Monsieur [T] des fonctions de direction de l'agence de LYON du fait qu'il n'en avait pas, que l'application "mantis" était un outil d'organisation des demandes des clients mais non de management des équipes, que le salarié n'avait pas besoin de cet outil pour sa mission sur PARIS, le client de cette mission n'utilisant pas cet outil.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'article L.1154-1 que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de ses allégations, Monsieur [T] produit:

- des échanges de courriels ou de courriers avec son employeur de novembre 2013 à mars 2014,

- des documents de pôle emploi d'avril 2014, une fiche de paie d'une société sise à CLERMONT-FERRAND en date de novembre 2015 ainsi qu'une attestation de Monsieur [J], salarié de ladite société.

Ces éléments n'établissent pas que Messieurs [A] et [S] qui appartenaient à l'agence lyonnaise ont été mutés à LILLE ni que Monsieur [T] a été exclu par l'employeur du comité de direction élargi. En revanche, ils montrent que:

- Monsieur [B] [Z] n'était pas satisfait des projets TYRE HOTEL et PCM confiés à Monsieur [T] d'août à octobre 2013, estimant avoir travaillé à perte par la faute du salarié,

- Monsieur [T] a été envoyé en mission sur PARIS pour une durée de 3 mois à compter du 6 janvier 2014, sans ordre de mission préalable, malgré les réclamations du salarié pour en avoir un,

- Monsieur [T] s'est vu retirer l'accès à une application "mantis" le 8 janvier 2014.

Ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La cour a considéré dans le cadre de l'examen de la classification de l'emploi de Monsieur [T] que celui-ci était responsable de l'agence de LYON mais n'exerçait pas de fonctions de commandement à l'égard des salariés rattachés à cette agence.

Il ressort des explications de la société ELOSI qu'elle a supprimé les droits d'administrateur de Monsieur [T] sur l'application 'mantis' , utilisée pour la gestion des projets de certains clients, du fait que cette application n'était pas utile à Monsieur [T] pendant l'exécution de sa mission sur [Localité 3] au profit du RSI. Monsieur [T], qui ne soutient pas avoir été en charge d'autres projets pendant cette mission et n'avait pas de responsabilité particulière de commandement à l'égard des autres salariés de l'agence, n'avait donc pas besoin de cette application pendant sa mission. La suppression par l'employeur des outils de travail de Monsieur [T] n'est dès lors pas démontrée. L'employeur ne conteste pas avoir procédé à une modification unilatérale des conditions de travail du salarié à compter du 6 avril 2014. Toutefois, cette modification n'est pas constitutive à elle seule d'un harcèlement moral. Ce grief n'est pas établi.

3ème grief:

Monsieur [T] fait valoir que l'employeur n'a pas respecté son obligation de réunion mensuelle des délégués du personnel, n'a jamais mis à la disposition des délégués du personnel un local spécifique ni tenu de registre spécial, ne l'a pas rémunéré pour ses heures de délégation, et a annulé par deux fois deux réunions programmées en janvier et mars 2014 en raison de l'absence de communication des questions écrites des délégués du personnel, ce qu'il ne pouvait pas faire, que les attestations tardives de Monsieur [I], délégué du personnel titulaire avec lui et de Monsieur [D], alors délégué du personnel suppléant, ne sont pas probantes et révèlent l'emprise psychologique de Monsieur [Z] sur l'ensemble des salariés de la société.

La société ELOSI fait valoir qu'elle n'a fait l'objet d'aucune plainte de la part des délégués du personnel quant à l'absence de local de réunion avant la prise d'acte, qu'elle procédait à des réunions régulières des délégués du personnel comme en ont attesté librement Messieurs [I] et [D], que Monsieur [T] n'a jamais saisi l'inspection du travail ni engagé d'action pénale pour délit d'entrave pendant l'exécution du contrat.

L'employeur n'établit pas avoir mis à la disposition des délégués du personnel un local pour accomplir leur mission, ni avoir tenu un registre spécial contenant les demandes des délégués du personnel et les réponses motivées de l'employeur. Par ailleurs, il n'a pas eu de réunion avec les délégués du personnel de janvier à mars 2014, ayant reporté une réunion prévue le 22 janvier 2014 au prétexte qu'il n'avait pas reçu de questions écrites des délégués du personnel , ce qui n'était pas le cas, puis une réunion prévue le 4 mars 2014, suite à l'indisponibilité de Messieurs [T] et [I], délégués du personnel titulaires.

Enfin, les fiches de paie de Monsieur [T] ne font pas apparaître les crédits d'heure de l'intéressé.

Monsieur [T] démontre donc l'entrave à ses fonctions de délégués du personnel, peu important que Messieurs [I] et [D], ce dernier étant délégué du personnel suppléant, témoignent que l'animation des réunions des délégués du personnel et les relations avec la direction se sont toujours déroulées dans un bon climat.

4ème grief:

La société ELOSI n'a pas établi d'ordre de mission conforme aux dispositions des articles 51 et 53 de la convention collective pour la mission de Monsieur [T] à compter du 6 janvier 2014 sur PARIS au profit du RSI. Néanmoins, Monsieur [T] n'a subi aucun préjudice financier de ce chef, la cour l'ayant débouté de sa demande en remboursement de frais impayés.

Monsieur [T] a occupé un nouvel emploi au sein d'une société sise à [Adresse 5] (63) à compter du 14 avril 2014 et non à compter du 4 avril 2014. Par ailleurs, le courriel du 22 novembre 2013 dans lequel le salarié fait part à l'employeur de ce qu'il est en pleine réflexion et souhaite quitter la région lyonnaise est insuffisant pour prouver qu'il a volontairement quitté son emploi.

Le manquement de l'employeur à son obligation de payer le salaire minimal conventionnel ainsi que l'entrave de celui-ci aux fonctions de délégué du personnel du salarié sont avérés. En outre, l'employeur a modifié les conditions de travail d'un salarié protégé sans l'accord exprès de celui-ci, même s'il n'est pas démontré qu'il a commis des agissements de harcèlement moral. Ces manquements sont graves. Or, l'employeur n'a pas donné suite aux courriers du salarié des 2 et 20 janvier 2014 lui réclamant un ordre de mission écrit pour PARIS et n'a manifesté aucune volonté d'évoquer les questions des délégués du personnel posées le 20 janvier 2014, parmi lesquelles figurait celle de la revalorisation des coefficients syntec des collaborateurs de la société, jamais revus malgré les évolutions de carrière. Aussi, les manquements considérés étaient suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur.

La prise d'acte de Monsieur [T], qui était alors salarié protégé, produit donc les effets d'un licenciement nul.

En l'absence de réintégration, le salarié victime d'un licenciement nul a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale aux salaires des six derniers mois. En outre, en application de l'article L.1225-71 du code du travail, il peut prétendre au montant du salaire qu'il aurait dû percevoir pendant la période couverte par la nullité.

Monsieur [T] avait 32 ans ainsi que 7 ans et 6 mois d'ancienneté au moment du licenciement. Il pouvait prétendre à un salaire mensuel brut d'au moins 3.301,40 euros en tenant compte de la classification retenue par la cour et son statut protecteur venait à expiration le 12 octobre 2016. Il a retrouvé un emploi à durée indéterminée à compter du 14 avril 2014 et ne justifie pas de sa situation financière depuis cette date.

Les modalités de calcul des sommes réclamées par Monsieur [T] au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des salaires dus par l'employeur pour la période pendant laquelle le salarié était protégé dans la limite de 30 mois, à titre d'indemnité forfaitaire, ne sont pas critiquées par l'employeur. La société ELOSI sera condamnée à payer à Monsieur [T]:

- les sommes de 8.583,64 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 9.904,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 990,42 euros au titre des congés payés afférents et de 99.042 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur de délégué du personnel;

- la somme de 20.000 euros, correspondant à six mois de salaires à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Par ailleurs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société ELOSI de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.

sur la clause de non concurrence:

Les parties sont d'accord pour reconnaître la nullité de la clause de non concurrence d'une durée de deux ans, sans contrepartie financière. Monsieur [T], qui a retrouvé un emploi au sein d'une société concurrente de l'employeur dès le 14 avril 2014, ne démontre pas avoir subi un préjudice particulier du fait de la clause considérée. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée en cause d'appel pour nullité de cette clause.

sur le défaut de visite médicale:

L'employeur n'établit pas que le salarié a fait l'objet d'un examen périodique par le médecin du travail depuis 2011 conformément aux dispositions de l'article R.4624-16 du code du travail dans sa rédaction applicable.

Néanmoins, Monsieur [T] ne justifie pas avoir subi de préjudice de ce chef. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts sur ce point.

La société ELOSI ,partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [T] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par celui-ci tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale ainsi que de sa demande en remboursement de frais et la société ELOSI de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis;

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT,

DIT que l'emploi de Monsieur [T] doit être repositionné au niveau 3.1, coefficient 170;

CONDAMNE la société ELOSI à payer à Monsieur [T] les sommes suivantes:

21.443,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2011 au 30 mars 2014 outre 2.144,33 euros au titre des congés payés afférents,

8.583,64 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

9.904,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 990,42 euros au titre des congés payés afférents,

20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

99.042 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur de délégué du personnel;

DEBOUTE Monsieur [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour non respect du salaire minimum conventionnel et nullité de la clause de non concurrence;

CONDAMNE la société ELOSI à payer à Monsieur [T] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société ELOSI aux dépens de première instance et d'appel

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/01566
Date de la décision : 03/07/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/01566 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-03;17.01566 ?
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