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19/06/2019 | FRANCE | N°17/03090

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 19 juin 2019, 17/03090


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 17/03090 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K7TC





SARL VIVRE ET DOMICILE



C/

[N]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 30 Mars 2017

RG : 14/03810











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 19 JUIN 2019







APPELANTE :



SARL VIVRE ET DOMICILE

[Adresse 1]
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Me Catherine DUDAR de la SELARL CATHERINE DUDAR, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



[Q] [Q] [N]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Me Elsa MAGNIN de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON



DÉBATS EN AUDIENCE PU...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/03090 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K7TC

SARL VIVRE ET DOMICILE

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 30 Mars 2017

RG : 14/03810

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 19 JUIN 2019

APPELANTE :

SARL VIVRE ET DOMICILE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Me Catherine DUDAR de la SELARL CATHERINE DUDAR, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[Q] [Q] [N]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Me Elsa MAGNIN de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Mars 2019

Présidée par Joëlle DOAT, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED VACHERON, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Juin 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat de travail à durée déterminée pour motif de surcharge exceptionnelle d'activité en date du 6 septembre 2011, la société VIVRE ET DOMICILE a embauché Mme [Q] [Q] [N] en qualité de domicilienne niveau 4 pour la période du 7 septembre 2011 au 30 septembre 2011.

Un second contrat de travail à durée déterminée a été consenti à Mme [N] pour la période du 3 octobre 2011 au 31 octobre 2011, suivi d'un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er novembre 2011, étant précisé que la durée mensuelle du contrat était de 151,40 heures.

Madame [N] a été victime d'un accident du travail le 31 mars 2013.

À l'issue de la seconde visite de reprise du 4 juin 2013, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude à la reprise au poste d'auxiliaire de vie de Madame [N].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juin 2013, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement, puis, le 9 juillet 2013, elle a été licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 29 septembre 2014, Mme [Q] [Q] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société VIVRE ET DOMICILE à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la visite médicale d'embauche et à la surveillance médicale des travailleurs de nuit et pour travail dissimulé, à titre de rappel de salaire de juillet 2012 à mars 2013 et des congés payés afférents et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au dernier état de ses écritures, Mme [N] a demandé en outre l'allocation de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives aux durées hebdomadaires maximales.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 18 septembre 2015.

Par jugement en date du 30 mars 2017, le conseil de prud'hommes dans sa formation de départage a :

' dit que le licenciement pour inaptitude de Madame [N] est dénué de cause réelle et sérieuse en l'absence de recherche de reclassement

' condamné la société VIVRE ET DOMICILE à payer à Madame [N] la somme de 11.306 euros, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi

' condamné la société VIVRE ET DOMICILE à payer à Madame [N] les sommes suivantes :

1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et surveillance médicale renforcée

4.570,87 euros outre 457,08 euros à titre de rappel de salaires et des congés payés afférents pour la période du 2 juillet 2012 au 30 mars 2013

11.306 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

1.500 euros pour violation des durées de travail maximales hebdomadaires

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle de droit et fixé à 1.884,37 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire

' condamné la société VIVRE ET DOMICILE à payer à Madame [N] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' condamné la société VIVRE ET DOMICILE aux dépens.

La société VIVRE ET DOMICILE a interjeté appel de ce jugement, le 25 avril 2017.

Elle demande à la cour :

' d'infirmer le jugement

' de débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes

' de la condamner en tous les dépens

' de la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient :

' que la visite médicale d'embauche a été effectuée le 26 février 2013 et que Madame [N] a été déclarée apte au poste d'auxiliaire de vie

' que les heures de nuit passées chez les clients étaient des heures d'astreinte, qu'en effet, les temps de permanence nocturne ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif hors période d'intervention

- qu'en ce qui concerne Monsieur [H], le contrat stipulait que l'aide à domicile avait seulement besoin d'être joignable la nuit, que Mme [N] ne démontre pas ne pas avoir été en mesure de vaquer librement à des occupations personnelles, le fait qu'elle dorme au domicile de M. [H] étant insuffisant à démontrer l'existence d'un temps de travail effectif, ainsi qu'en attestent d'autres domiciliennes travaillant chez ce client, que, compte-tenu de l'autonomie de la personne qu'elle avait sous sa garde, elle intervenait rarement, que ce n'est que le temps d'intervention qui est considéré comme du temps de travail effectif et vient s'ajouter à la rémunération de l'astreinte, que Madame [N] était libre de loger en dehors du domicile de la personne dont elle avait la charge et qu'elle pouvait s'isoler dans une pièce indépendante et vaquer à ses occupations personnelles

- que les demandes de rappel de salaire de Madame [N] sont fondées sur des temps de pause, lesquels ne peuvent être décomptés comme du temps de travail effectif

' que l'élément intentionnel indispensable à la qualification de l'infraction de travail dissimulé n'est pas établi, puisqu'elle a fait application d'un accord d'entreprise signé avec le délégué syndical, plus favorable que la convention collective nationale des entreprises de services

' qu'elle a parfaitement respecté les obligations lui incombant en engageant des recherches de reclassement au sein de l'entreprise, que les postes disponibles n'étaient pas conformes aux restrictions du médecin du travail puisqu'ils nécessitaient tous les deux le port manuel de charges lourdes et des contraintes posturales, que les postes d'employé administratif compatibles avec l'état de santé de Madame [N] étaient déjà pourvus , que seul était disponible un poste d'assistante de coordination mais que Madame [N] ne possédait pas les qualifications, ni les compétences requises pour occuper ce poste et qu'elle ne souhaitait pas se former.

Mme [Q] [Q] [N] demande à la cour :

' de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ainsi qu'en ses dispositions relatives au rappel de salaire, à l'indemnité de congés payés afférents, aux dommages et intérêts pour travail dissimulé, aux dommages et intérêts pour violation des durées de travail maximales hebdomadaires et à l'indemnité de procédure

' d'infirmer le jugement pour le surplus

statuant à nouveau,

' de condamner la société VIVRE ET DOMICILE à lui verser les sommes suivantes :

23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la visite médicale d'embauche et de surveillance médicale renforcée

' de condamner la société VIVRE ET DOMICILE à lui payer la somme de 3000euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' de condamner la société VIVRE ET DOMICILE aux dépens de l'instance.

Elle expose qu'elle travaillait, soit de 14 heures à 20 heures, soit de 20 heures à 8 heures du matin, qu'elle travaillait donc régulièrement la nuit, que durant toute la relation de travail, elle a subi de nombreuses violations des règles relatives à la durée du travail et à la médecine du travail, que, le 31 mars 2013, elle a été victime d'un accident du travail en soulevant la personne dont elle avait la charge et a souffert d'un grave problème aux cervicales.

Elle soutient :

' que, si elle avait rencontré le médecin du travail, celui-ci aurait pu alerter l'employeur sur les dangers liés au portage des personnes handicapées sans lève-personne, qu'en effet, elle était régulièrement contrainte de porter la personne dont elle avait la charge mais ne disposait pas des moyens nécessaires pour le faire en toute sécurité pour sa santé physique

- qu'elle devait veiller sur une personne handicapée la nuit et répondre à ses sollicitations, mais qu'elle a constaté sur ses relevés de temps de travail des mois de février et mars 2013 que les jours où elle travaillait la nuit pendant 12 heures, de 20 heures à 8 heures, elle n'avait été rémunérée qu'à hauteur de 3h30 ou 5h18 de travail

' que la période qualifiée d'astreinte par l'employeur ne correspond pas aux exigences imposées par la loi et la jurisprudence, que l'astreinte impose que le salarié, hors temps d'intervention, doit pouvoir vaquer à ses occupations personnelles pour demeurer à son domicile ou à proximité, dans un endroit qu'il est libre de choisir, qu'on ne peut pas parler de période d'astreinte dès lors que le salarié est contraint de demeurer au domicile de la personne handicapée dont il a la charge, d'autant plus que, contrairement à ce que soutient l'employeur dans ses écritures, il n'y avait chez Monsieur [H] aucune pièce de vie dans laquelle elle pouvait s'isoler et vaquer librement à des occupations personnelles, qu'elle dormait en effet dans le salon, la société VIVRE ET DOMICILE omettant d'indiquer à la cour que Monsieur [H] a déménagé depuis son départ et que dorénavant, les salariés n'ont plus à traverser la chambre de Monsieur [H] pour se rendre aux toilettes ou dans la salle de bains, qu'en tout état de cause, la jurisprudence considère que, lorsque le salarié doit demeurer dans un lieu imposé par l'employeur, mais qui n'est pas son propre domicile, il ne peut être fait application d'un régime d'astreinte, qu'aucune des pièces produites par l'employeur ne vient démontrer qu'elle aurait pu demeurer à son domicile pendant les prétendues périodes d'astreinte, puisque la prestation de service comprend 'une présence 24 heures sur 24,7 jours sur 7, jours fériés compris, à votre domicile' et que la société VIVRE ET DOMICILE ne démontre pas que Monsieur [H] aurait indiqué qu'il souhaitait rester seul la nuit, ce qui était en pratique impossible car il était dans l'incapacité de se déplacer seul et ne pouvait pas s'exprimer oralement, rendant ainsi compliqué un appel en pleine nuit, que la mission de surveillance qui lui était impartie impliquait qu'elle demeure au domicile de la personne sans pouvoir vaquer à ses occupations

' que la société VIVRE ET DOMICILE ne saurait se retrancher derrière l'accord collectif prévoyant un régime d'astreinte, dès lors que celui-ci est parfaitement contraire aux dispositions légales et jurisprudentielles en la matière, que, pendant toute la relation de travail, elle a effectué une moyenne de 60 heures par semaine, tout en étant rémunérée sur la base de 35 heures par semaine, de sorte qu'il est indiscutable que la société VIVRE ET DOMICILE a dissimulé une partie de son activité

- que le registre d'entrée et de sortie du personnel laisse apparaître qu'un poste d'assistante de coordination développement correspondant parfaitement à ses aptitudes physiques a été pourvu à compter du 19 août 2013 en CDD, puis le 16 septembre 2014 en CDI, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, que ce poste aurait dû lui être proposé, que le contrat de professionnalisation montre que l'employeur s'était engagé dans un processus de formation, de sorte qu'il est mal fondé à soutenir qu'elle ne disposait pas de la formation nécessaire pour l'occuper, qu'il est faux de prétendre qu'elle était réfractaire à toute formation ainsi qu'à l'utilisation de l'outil informatique alors même qu'elle rapporte la preuve de ce qu'elle avait été empêchée d'utiliser le logiciel informatique faute d'avoir été destinataire des codes nécessaires à son fonctionnement , qu'elle a engagé après son licenciement un processus de formation lui permettant d'obtenir son diplôme d'aide médico-psychologique et que Madame [F], embauchée sur le poste d'assistante de coordination, n'avait elle non plus aucune expérience, ni aucune formation en matière de gestion des ressources humaines

' qu'elle est restée deux ans et demi au chômage avant de trouver un emploi à durée déterminée dont le terme a été fixé au 28 juin 2018.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2019.

SUR CE :

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Est considéré comme du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur dans l'exercice de ses fonctions et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles

En vertu de l'article L 3121-5 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à disposition permanente immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de ces interventions étant considérée comme un temps de travail effectif.

L'accord d'entreprise sur l'organisation du temps de travail en date du 5 septembre 2012 stipule que le temps de travail effectif se décompte hors pause, temps de repos, temps d' astreintes et temps de trajet domicile-travail, que les prescriptions de la circulaire sur l'agrément des organismes de services à la personne imposent de pouvoir assurer auprès des clients une présence pendant les périodes de nuit, de façon à pouvoir le cas échéant intervenir en cas de besoins ponctuels qu'auraient ces derniers pendant la nuit, que les présences de nuit sont organisées de 20 heures jour J à 8 heures jours J + 1, que, pour autant, cetteprésence de nuit ne peut s'assimiler à du temps de travail effectif en dehors naturellement des temps d'intervention pour satisfaire les besoins ponctuels des clients et en dehors de la période de 20 heures à 21 heures et de 7 heures à 8 heures permettant d'effectuer des tâches comme l'aide à la prise du repas, au déshabillage ou à la toilette.

L'accord précise que, si les astreintes sont effectuées au domicile des clients, la direction veillera à ce que les salariés concernés disposent d'un espace de vie leur permettant de vaquer librement à leurs occupations personnelles (lectures, télévision, sommeil), et que les salariés intervenant la nuit doivent être systématiquement en possession d'un téléphone portable en ordre de marche.

Certes, l'accord prévoit que les astreintes peuvent être effectuées au domicile des clients, ce qui n'est pas conforme à la définition légale et conventionnelle de l'astreinte.

Le contrat de services souscrit avec M. [H] mentionne en effet que la prestation comprend les services réguliers suivants : gamme matinales et nocturnes, hôtellerie domestique et loisirs et culture : 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, jours fériés compris, à votre domicile situé (...).

L'existence d'une clause au contrat entre la société et M. [H], ce dernier étant infirme moteur cérébral, aux termes de laquelle 'à sa demande, notre hôte peut souhaiter vouloir rester seul' ne permet pas de démontrer que Mme [N] était autorisée, dans le cadre de ses fonctions auprès de ce client, à assurer l'astreinte de nuit à son propre domicile après le repas du soir et le coucher de celui-ci, comme le soutient la société VIVRE ET DOMICILE qui fait état d'un 'choix personnel' de Mme [N].

Toutefois, dans la mesure où il est mentionné au contrat qu'un lieu de repos est alloué au salarié dans le domicile de l'hôte, que la société VIVRE ET DOMICILE produit plusieurs attestations de ses salariées, par exemple Mme [V], Mme [K] et Mme [E] , dont il ressort qu'elles avaient la possibilité de regarder la télévision, de circuler librement dans le logement, cuisine, salon et sanitaires une fois que M. [H] était installé pour la nuit et que 'les nuits chez M. [H] étaient des nuits calmes sans lever permettant un excellent sommeil', que l'astreinte était rémunérée conformément aux dispositions de l'accord et les interventions comme un temps de travail effectif, Mme [N] ne peut soutenir qu'elle accomplissait 12 heures de travail effectif sur la période continue de 20 heures à 8 heures, au seul motif qu'elle dormait la nuit dans le salon et qu'elle devait traverser la chambre du client pour se rendre à la salle de bains, même si Mme [O], qui a travaillé chez M. [H], atteste que les conditions de travail chez ce monsieur étaient médiocres et qu'il n'y avait pas de chambre individuelle, seulement un

petit fauteuil dépliant situé dans la cuisine.

En l'espèce, la période nocturne qualifiée d'astreinte est comparable à ce que la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, étendue le 3 avril 2014, définit comme 'présence nocturne obligatoire auprès de publics fragiles et/ou dépendants'.

Mme [N] ne démontrant pas qu'elle n'a pas pu se reposer et/ou vaquer à ses occupations personnelles pendant les nuits passées au domicile de M. [H], le paiement des heures de nuit qu'elle sollicite n'est pas fondé.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société VIVRE ET DOMICILE à payer un rappel de salaire, une indemnité de congés payés afférents, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour violation des durées de travail maximales hebdomadaires, Mme [N] devant être déboutée de ces chefs de demande.

Est considéré comme travail de nuit tout travail entre 21 heures et 6 heures, en application de l'article L3122-29 du code du travail.

Cependant, les horaires de nuit étaient principalement des heures d'astreinte.

Par ailleurs, la société VIVRE ET DOMICILE verse aux débats la fiche de visite du 26 février 2013, qualifiée de visite d'embauche, mentionnant que Mme [N] est apte au poste d'auxiliaire de vie.

Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement qui a condamné à la société VIVRE ET DOMICILE à payer à Mme [N] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la carence fautive de l'employeur, en considération du fait qu'elle avait subi un accident de travail pendant le temps d'une garde à domicile et n'avait pas bénéficié d'une visite médicale préalable à son embauche ni d'une surveillance médicale durant la relation de travail malgré le travail de nuit effectué.

Mme [N] sera déboutée de sa demande de ce chef, la réalité des manquements allégués n'étant pas démontrée.

Sur le licenciement

Le 4 juin 2013, le médecin du travail a émis le deuxième avis suivant : cet avis fait suite à la visite de pré-reprise du 16 mai 2013. Inapte à la reprise au poste d'auxiliaire de vie. Un reclassement professionnel est nécessaire sur un poste sans manutention ni port manuel de charges lourdes, sans transfert de personnes et sans contrainte posturale du rachis cervical penché en avant ou en arrière. Les travaux d'entretien ménager tels que le nettoyage des vitrages et gestes répétitifs penchés en avant avec aspirateur ou balai mécanique sont donc déconseillés.

Le 24 juin 2013, la société VIVRE ET DOMICILE a informé Madame [N] que, compte tenu des contraintes émises par le médecin du travail et de la taille de l'entreprise, elle n'était pas en mesure de pouvoir lui proposer un poste compatible avec son inaptitude actuelle, qu'en effet, les postes qu'elle proposait étaient :

' des postes d'auxiliaire de vie sociale : vous êtes inapte à ce poste

' des postes d'aide-ménagère : ce poste vous est déconseillé

' des postes d'employés administratifs (...) ces postes sont actuellement occupés ou vous ne possédez pas les compétences requises.

Aux termes de la lettre de licenciement du 9 juillet 2013, la société VIVRE ET DOMICILE a indiqué qu'elle était dans l'incapacité de reclasser Madame [N] sur un autre poste dans l'entreprise et que, compte-tenu de son inaptitude, elle n'avait pas trouvé de solution pour aménager son poste de travail.

Le premier juge a estimé qu'un poste d'assistante de coordination développement en charge de la téléphonie, pourvu par le biais d'un CDD moins d'un mois après le licenciement de Madame [N], aurait pu lui être proposé et que la société ne justifiait avoir effectué aucune recherche sérieuse et active en vue de reclasser sa salariée, hormis la fourniture d'un éventaire des postes de l'entreprise, suivie d'aucune proposition de quelque nature que ce soit, reclassement ou formation et que les recherches de reclassement effectuées par l'employeur se révélaient insuffisamment sérieuses pour être considérées comme satisfaisantes.

La société VIVRE ET DOMICILE justifie de ce qu'aucun poste administratif n'était disponible en son sein, à l'exception de celui d'assistante de coordination que revendique Madame [N].

Le contrat de travail à durée indéterminée consenti à Madame [F] à effet du 16 septembre 2014 décrit la fonction d'assistante de coordination ainsi qu'il suit, notamment :

assister les responsables de secteurs, d'agence ou de coordination à planifier les interventions des domiciliennes sur pilogis et anticiper les organisations mensuelles, suivre et contrôler la bonne exécution des contrats de prestation de services en utilisant pilogis, participer au développement par un suivi dynamique de nos prescripteurs, préparer et rédiger les contrats et avenants divers liés à la gestion de nos salariés et à celle de nos clients, suivre les dossiers qui vous sont confiés, réaliser des diagnostics et des propositions de services, réaliser les actions nécessaires la qualité du back office de coordination, suivre des dossiers transversaux qui vous sont confiés et les mener à terme.

Certes, le poste a été pourvu dans le cadre d'un contrat de professionnalisation.

Toutefois, ce contrat a été souscrit en partenariat avec l'université Jean Moulin Lyon 3 au profit d'une personne qui suivait une formation de BTS services et prestations des secteurs sanitaire et social, diplôme qu'elle a obtenu, et qui détenait une expérience en secrétariat, gestion et constitution de dossiers et la maîtrise des logiciels pack office.

Mme [N], titulaire d'un diplôme d'auxiliaire de vie, ne démontre pas qu'elle possédait les compétences en matière d'informatique, de bureautique et de gestion lui permettant d'occuper ce poste, l'employeur établissant de son côté, au moyen de l'évaluation de l'année 2011 datée du 14 mars 2012 de la salariée qu'elle ne prévoyait pas de 'VAE' , se disant trop âgée et qu'elle devait progresser sur les compte-rendus quotidiens 'via pilogis' qu'elle n'effectuait pas.

La société VIVRE ET DOMICILE produit sur ce dernier point l'attestation de son informaticien selon laquelle les habilitations et codes d'accès au logiciel de service à la personne pour [Q] [N] ont été faites le 6 septembre 2011.

L'employeur n'est pas tenu, dans le cadre de son obligation de reclassement, d'assurer une formation à son salarié en vue de l'acquisition d'une nouvelle qualification pour lui permettre d'exercer une fonction différente de celle qu'il exerçait dans l'entreprise.

Il est par ailleurs indiqué au procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 19 juin 2013 que ces derniers confirment qu'il n'y a pas de possibilité de reclassement de Mme [N] au sein de la société VIVRE ET DOMICILE.

Au vu de ces éléments, la société VIVRE ET DOMICILE démontre qu'elle rempli son obligation de recherche de reclassement, de sorte que le licenciement de Mme [N] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Il convient d'infirmer le jugement en ce qui concerne ses dispositions relatives au licenciement et de rejeter la demande en dommages et intérêts formée de ce chef par Mme [N].

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société VIVRE ET DOMICILE aux dépens et à payer à Mme [N] une indemnité de procédure.

Mme [N], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de mettre à sa charge les frais irrépétibles de première instance et d'appel supportés par la société VIVRE ET DOMICILE.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement

STATUANT à nouveau,

DEBOUTE Mme [Q] [N] de ses demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

DIT que le licenciement de Mme [Q] [Q] [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

DEBOUTE Mme [Q] [Q] [N] de sa demande de dommages et intérêts consécutive au licenciement

CONDAMNE Mme [Q] [Q] [N] aux dépens de première instance et d'appel

REJETTE la demande de la société VIVRE ET DOMICILE fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/03090
Date de la décision : 19/06/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/03090 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-19;17.03090 ?
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