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06/06/2019 | FRANCE | N°18/06220

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 06 juin 2019, 18/06220


N° RG 18/06220

N° Portalis DBVX - V - B7C - L45B









Décisions :



- du tribunal de grande instance de Lyon (1ère chambre) en date du 27 février 2014



RG : 12/01382







- de la cour d'appel de Lyon (1ère chambre B) en date du 21 février 2017



RG : 14/02031







- de la Cour de cassation (3ème chambre civile) en date du 21 juin 2018



pourvoi n° C 17-17.251

arrêt n° 619 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 06 Juin 2019



statuant sur renvoi après cassation







APPELANT :



M. [G] [I] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par la SELAR...

N° RG 18/06220

N° Portalis DBVX - V - B7C - L45B

Décisions :

- du tribunal de grande instance de Lyon (1ère chambre) en date du 27 février 2014

RG : 12/01382

- de la cour d'appel de Lyon (1ère chambre B) en date du 21 février 2017

RG : 14/02031

- de la Cour de cassation (3ème chambre civile) en date du 21 juin 2018

pourvoi n° C 17-17.251

arrêt n° 619 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 06 Juin 2019

statuant sur renvoi après cassation

APPELANT :

M. [G] [I] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

INTIME :

M. [O] [B]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2](COTE D'IVOIRE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Maître Laurent PRUDON, avocat au barreau de LYON

assisté de la SCP COTTEREAU-MEUNIER-BARDON ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

******

Date de clôture de l'instruction : 07 mars 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 mars 2019

Date de mise à disposition : 06 juin 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier

A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Selon un acte reçu le 28 décembre 2001 par Maître [T], notaire associé de la SCP [A], [T], [J], [G], [R] (la SCP), [G] [Z], en vue de bénéficier d'avantages fiscaux, a acquis, au moyen d'un prêt souscrit auprès de la société Lyonnaise de banque (la banque), plusieurs lots de copropriété (comprenant un plateau à aménager en appartement, une cave et une place de parking) situés dans un château inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques dans lequel devaient être entrepris d'importants travaux de rénovation.

Les lots de copropriété ont été achetés moyennant le prix de 55 186,54 euros. Le solde du prêt consenti à [G] [Z], soit la somme de 186 750 euros, était affecté au financement des travaux de rénovation des lots achetés, y compris la quote-part dans la copropriété des parties communes.

Le contrat de prêt a été conclu pour une durée de 15 ans, à compter du 28 décembre 2001. Après une période de franchise totale de 24 mois, il a été stipulé remboursable en 155 mensualités de 1 473,78 euros, comprenant les intérêts et les cotisations d'assurance, outre une dernière échéance d'un montant de 276 518 euros.

Pour les besoins de l'opération de rénovation, une association syndicale libre, dont les copropriétaires étaient membres, a été créée, l'ASL du Château [Localité 4] (l'ASL), laquelle, en qualité de maître de l'ouvrage, a chargé [O] [B], architecte, par acte du 27 décembre 2011, d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre.

La réalisation des travaux de rénovation a été confiée à la SAS CTMO, venant aux droits de la société Résonance des Ducs de Maillé.

Il avait été prévu que les travaux de rénovation des parties communes du château et des parties privatives durerait 24 mois, pour s'achever au mois de novembre 2004 (compte tenu d'une déclaration réglementaire d'ouverture de chantier effectuée le 20 novembre 2002

Au mois de mai 2007, alors que [G] [Z] avait versé des sommes empruntées affectées à l'opération de rénovation pour faire face à des appels de fonds émis par l'ASL, la société CTMO a été placée en liquidation judiciaire.

Le chantier depuis a été abandonné alors que les travaux de rénovation n'étaient pas achevés.

Par lettre du 18 septembre 2007, [O] [B] a résilié le contrat de maîtrise d'oeuvre.

Le 6 juillet 2009, il a porté plainte contre x auprès du procureur de la République de Montpellier pour faux et usage de faux en écriture et abus de confiance.

Un des copropriétaires de l'ensemble immobilier composant le château a sollicité et obtenu la désignation judiciaire d'un expert, en la personne de M. [T] [N], qui a rendu son rapport le 30 décembre 2010. L'expert avait notamment pour mission de préciser le coût des travaux réalisés et ceux restant à faire en conformité avec les documents contractuels et les règles de l'art et de fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues.

Le 20 décembre 2011, [G] [Z] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon la société Lyonnaise de banque, Maître [T], la SCP de notaires et [O] [B] en annulation du prêt, avec compensation des intérêts versés et le capital prêté.

Il sollicitait aussi la condamnation solidaire des mêmes à lui payer la somme de 186 750 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal.

Par jugement du 27 février 2014, le tribunal de grande instance l'a débouté de toutes ses demandes et l'a condamné à payer 2 000 euros à la banque ainsi qu'à Maître [T] et la société de notaires, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il l'a aussi condamné à payer aux mêmes ainsi qu'à [O] [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel de ce jugement par [G] [Z], la cour d'appel de Lyon l'a confirmé en ce qu'il a débouté [G] [Z] de son action en responsabilité contre la société Lyonnaise de Banque et [O] [B] et en ce qu'il leur a alloué des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel, infirmant le jugement pour le surplus, a :

- déclaré irrecevables les demandes d'annulation du contrat de réservation et de vente d'immeubles,

- déclaré prescrite la demande en nullité du prêt,

- débouté [G] [Z] de sa demande de déchéance des intérêts au titre du prêt,

- déclaré prescrite la demande de déchéance des intérêts au titre du même prêt,

- condamné in solidum Maître [T], la SCP de notaires à lui payer la somme de 35 927 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens engagés en première instance et en appel à leur encontre,

- débouté [G] [Z] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Lyonnaise de Banque, [O] [B], Maître [T] et la SCP de notaires de leur demande de dommages-intérêts pour procédure et appel abusif,

- condamné [G] [Z] à payer à la société Lyonnaise de Banque et à [O] [B], à chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de [G] [Z] les dépens de procédure de première instance et d'appel engagés à l'encontre de la société Lyonnaise de Banque et de [O] [B].

Sur pourvoi formé par monsieur [Z], la Cour de cassation, par arrêt du 21 juin 2018, a partiellement cassé l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Lyon mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de monsieur [Z] dirigées contre monsieur [B], et a remis en conséquence les parties devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

L'arrêt a été cassé aux motifs que la cour d'appel n'a pas recherché, ainsi qu'il lui était demandé, si le manquement de [O] [B] dans la surveillance du chantier n'avait pas, en amenant [E] [Z], avant la liquidation judiciaire de l'entreprise générale, à libérer les fonds pour des travaux qui n'avaient pas été exécutés ou l'avaient incorrectement, contribué au préjudice dont il demandait réparation.

Vu la déclaration de saisine de [G] [Z] transmise au greffe le 4 septembre 2018 ;

Vu ses conclusions du 6 mars 2019, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour au visa des articles 1134, 1147, 1154, 1382 et 1165 du code civil, de :

' infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon à la date du 27 février 2014 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes dirigées contre monsieur [B],

Statuant à nouveau :

' dire et juger que monsieur [B] était contractuellement tenu par une mission de maîtrise d'oeuvre complète incluant la direction et la surveillance du chantier dans un cadre de responsabilité de plein droit,

' dire et juger qu'il est entièrement responsable de son dommage,

' dire et juger que ses demandes indemnitaires sont recevables y compris pour les intérêts déjà réclamés en première instance contre monsieur [B],

En conséquence :

' condamner monsieur [B] à lui payer la somme de 334.593, 93 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2011, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Lyon, et a minima à compter du 4 janvier 2017, date de notification des dernières conclusions au fond dans le cadre de l'instance d'appel avant cassation, en toute hypothèse avec capitalisation par année entière,

En toute hypothèse :

' débouter monsieur [B] de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

' le condamner à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' le condamner aux dépens d'instance et d'appel distraits au profit de la société d'avocats LAFFLY et associés, sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions du 5 mars 2019 de [O] [B], déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour de :

' déclarer irrecevable comme nouvelle la demande formée au titre des frais de mise en sécurité de l'immeuble, d'études, de recherches et d'expertise réglés sur l'exercice 2008,

' déclarer mal fondé l'appel interjeté par [G] [Z],

' en conséquence l'en débouter,

' déclarer recevable et bien fondée la demande incidente de monsieur [B],

En conséquence :

' condamner [G] [Z] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif outre 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' le condamner aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de maître Laurent Prudon.

Vu l'ordonnance de clôture du 7 mars 2019.

DISCUSSION

Sur la responsabilité de [O] [B] :

[G] [Z], pour conclure à cette responsabilité, fait valoir que :

- [O] [B] avait été investi d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre comprenant la direction générale des travaux, leur surveillance et l'établissement de propositions relatives aux acomptes et soldes présentés par les entreprises ;

- au regard du rapport d'expertise, le nombre de ses comptes rendus de chantier est insuffisant, il n'a pas procédé à des visites inopinées du chantier pour s'assurer de sa bonne réalisation, il n'a pas contrôlé certaines entreprises et il n'a pas vérifié les montants des acomptes et des soldes présentés par les entreprises compte tenu des travaux réellement effectués, alors que certains règlements ne correspondaient à aucun travaux ;

- il a aussi manqué à son obligation de conseil et d'information en masquant durant de nombreux mois la réalité des faits aux investisseurs ;

- il n'a pas alerté l'ASL et les copropriétaires des graves dysfonctionnements qui mettaient le projet de rénovation en péril ;

- il a eu connaissance en particulier au mois de juin 2004 de l'absence de réalité des travaux visés dans 13 situations de travaux soumises par la société SEGMENT, société sous-traitante de la société CTMO mais il n'en a pas informé l'ASL et les investisseurs ;

- le contrat de maîtrise d'oeuvre ayant prévu une responsabilité de plein droit de [O] [B], les fautes éventuellement commises par les autres intervenants ne constituent pas pour lui une cause étrangère ;

- l'exercice correct de sa mission, en particulier la surveillance et le contrôle du chantier, l'établissement de propositions d'acomptes et de soldes rigoureux, auraient permis de débloquer seulement les sommes strictement nécessaires au règlement des travaux réellement accomplis et exempts de malfaçons ;

- [O] [B] a donc commis des fautes qui ont un lien de causalité direct et certain avec son dommage.

Ce dernier prétend qu'il n'est pas responsable du dommage allégué par [G] [Z], motifs pris que :

- celui-ci lui reproche essentiellement d'avoir validé des situations de travaux qui aurait entraîné des paiements à des entreprises qui ne les avaient pas réalisés ;

- cependant, les versements effectués par [G] [Z] sont liés, non à une carence de l'architecte mais à la validation sans son avis préalable de ces situations de travaux par le directeur de l'ASL ;

- [G] [Z] ne démontre pas précisément les situations de travaux qui auraient été validées par [O] [B] pour des travaux non réalisés ;

- les moyens ne lui ont pas été donnés et les travaux exécutés hors de sa maîtrise d'oeuvre ont été validés et payés par le directeur de l'ASL, sans lui demander son avis ;

- quand il a disposé de ces moyens, il a exécuté correctement son contrat, en vérifiant les situations de travaux avant paiement et en réceptionnant les lots principaux charpente, couverture et maçonnerie ;

- il a refusé les marchés, tel celui de la société CHAPOT, entreprise de menuiserie, qui ne respectaient pas les cadres de bordereaux et de CCTP ;

- des situations de travaux ont été réglées à tort en raison d'une gestion déficiente de l'ASL ;

- aucune faute ne peut donc lui être reprochée ;

- les manquements que [G] [Z] lui reproche n'ont pas de lien avec les préjudices dont la réparation était demandée in solidum avec la société Lyonnaise de Banque et le notaire ;

- en outre, le préjudice allégué s'analyse en une perte de chance de ne pas régler les appels de fond émis par L'ASL et il y a lieu pour l'apprécier de tenir compte de l'attitude de [G] [Z] qui n'a jamais cherché à connaître l'état d'avancement des travaux ou l'affectation donnée aux fonds par le directeur de l'ASL.

****

Sur ce :

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Il appartient donc à [G] [Z] de démontrer que [O] [B] a commis des manquements dans l'exécution du contrat que celui-ci a conclu le 27 décembre 2001 avec l'ASL.

En dehors de l'hypothèse de dommages ne relevant pas de la garantie décennale ou biennale, l'architecte à qui a été confiée une mission de maîtrise d'oeuvre complète peut voir sa responsabilité engagée en cas de fautes prouvées.

En l'espèce, il ressort du contrat d'architecte du 27 décembre 2001 qu'il a été confié à [O] [B] une mission complète normalisée de maîtrise d'oeuvre et qu'à ce titre, il devait notamment assurer la direction générale de l'exécution par les entreprises de l'opération de rénovation en contrôlant, d'une part la conformité des documents d'exécution d'entreprises aux documents contractuels qu'il avait établis en sa qualité d'architecte et d'autre part la conformité des ouvrages avec les stipulations du marchés ainsi que l'avancement des travaux.

Il était aussi chargé, au regard du contrat, de vérifier les situations de travaux et d'établir des propositions d'acomptes.

Son obligation de surveillance du chantier était aussi rappelée.

Au regard du rapport de l'expert judiciaire, M. [T] [N], l'ASL a conclu en décembre 2001 un marché de travaux avec une entreprise générale, la société RESONANCE FONTENAY, pour un montant de 4 068 559 euros HT.

Cette société a été ultérieurement absorbée par la société CONTINENTAL TMO (la CTMO).

Le marché de travaux confié à la société RESONANCE FONTENAY a été sous-traité à la société SEGMENT.

Des entreprises sous-traitantes sont intervenues sur le chantier, dont la société PRESTIGE, pour la réalisation du lot maçonnerie, plâtrerie, peinture, carrelages, sols souples et la société CHAPOT pour la réalisation du lot menuiseries extérieures.

Il ressort du rapport de l'expert qu'entre décembre 2001 et septembre 2007 l'ASL a versé pour le règlement des entreprises au total une somme de 1 910 365, 53 euros H.T, dont 627 814,67 euros H.T à la société PRESTIGE et 337 909,73 euros H.T à la société CHAPOT.

L'expert judiciaire a constaté, au cours de ses opérations d'expertise, que les lots démolition, maçonnerie, charpente, couverture et façade ont été réalisés et que les autres lots étaient en cours ou non encore commencés.

Il a constaté la présence de nombreuses non façons et aussi de malfaçons en moindre nombre et il a estimé à 2 022 562,60 euros TTC le budget global pour finir toutes les parties communes et reprendre les malfaçons.

Au sujet de l'intervention de [O] [B], l'expert judiciaire considère d'abord que le nombre de ses comptes rendus de chantiers afférents à la période du 13 décembre 2001 au 19 octobre 2005 a été insuffisant eu égard à l'importance de l'opération, de ses enjeux et des difficultés rencontrées.

Il précise toutefois que le litige porte principalement sur des non façons d'entreprises qui ont été réglées sans l'accord de l'architecte et dans une moindre proportion sur des malfaçons.

Il considère que la vraie difficulté réside dans la désignation d'entreprises incompétentes qui ont facturés des travaux non réalisés mais réglés par le directeur de l'ASL sans avis du maître d'oeuvre.

Il ajoute néanmoins que [O] [B] aurait dû intervenir vigoureusement auprès du président de l'ASL, voire dénoncer son contrat de maîtrise d'oeuvre plus tôt et que la faiblesse de ses alertes, voire la dénonciation de son contrat ont fait perdurer une situation intenable.

Son rapport fait aussi ressortir que les situations de travaux des sociétés PRESTIGE et CHAPOT n'ont pas été soumises à l' avis de l'architecte avant leur paiement, alors que ces entreprises sont responsables de la plus grande part des non façons et malfaçons et que leurs noms ont figurés sur les comptes rendus de chantier.

Il résulte de ces éléments que [O] [B] n'a pas exécuté correctement ses obligations de direction et de surveillance des travaux qui lui incombait dans le cadre de sa mission complète de maîtrise d'oeuvre.

En particulier, il aurait dû s'interroger sur le fait que les situations de travaux relatives aux lots maçonnerie, plâtrerie, peinture, carrelages, sols souples et au lot menuiseries extérieures ne lui étaient pas présentées avant paiement, alors que le nom des entreprises à qui ils ont été confiés figurait sur ses propres comptes rendus de chantier et qu'eu égard à l'importance des ces lots dans la réalisation des travaux de rénovation du château il lui appartenait dans le cadre de sa mission complète de maîtrise d'oeuvre d'interroger le directeur ou le président de l'ASL sur les paiements effectués au profit de ces entreprises.

Par ailleurs, le fait que les travaux de rénovation étaient en grande partie inachevés lors de la mise en liquidation judiciaire de la CTMO plus de deux ans après la date d'achèvement initialement fixée, alors que les copropriétaires, dont [G] [Z], avaient versé la totalité ou la quasi totalité des fonds affectés à la rénovation de leur lots, démontre que [O] [B] ne s'est pas assuré avec suffisamment de diligence de l'exécution des travaux conformément aux documents contractuels et à l'enveloppe financière initialement fixée.

Le fait d'avoir attendu la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise générale, alors que les dysfonctionnements relevés par l'expert étaient bien antérieurs, est aussi constitutif d'un manquement contractuel car en n'alertant pas les copropriétaires dès les premières anomalies il a contribué à l'accroissement de leurs pertes.

Ces manquements contractuels imputables à [O] [B] ont un lien de causalité direct et certain avec le dommage allégué par [G] [Z], dès lors qu'ils ont conduit celui-ci à libérer des fonds avant la liquidation judiciaire de l'entreprise générale pour payer des travaux non exécutés ou mal réalisés.

Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer [O] [B] responsable du dommage subi par [E] [Z].

Ce dommage ne peut s'analyser en une perte de chance, en l'absence d'aléa dans sa réalisation, car il est certain que si [G] [Z] avait été informé à temps de l'affectation des fonds versés au paiement de travaux qui n'étaient pas réalisés ou mal exécutés, il ne les aurait pas libérés jusqu'à leur épuisement.

Sur l'évaluation du dommage de [G] [Z] :

a) sur la recevabilité de ses demandes tendant à la condamnation en cause d'appel de [O] [B] au paiement d'une indemnité de 152 765,93 euros et de 31 005 euros :

La somme de 152 765,93 euros correspond selon [G] [Z] à la part des intérêts du prêt afférents au financement des travaux de rénovation.

Celle de 31 005 euros correspond aux frais de mise en sécurité de l'immeuble, d'études, de recherches et d'expertise réglés sur l'exercice 2008.

[G] [Z] soutient avoir déjà demandé devant le premier juge le paiement des intérêts.

En ce qui concerne sa demande au titre des frais de mise en sécurité de l'immeuble, il considère, en invoquant les dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile qu'elle est le complément des prétentions exposées en première instance et qu'elle fait partie intégrante de la réparation de son entier préjudice.

Pour conclure à l'irrecevabilité de ces demandes, [O] [B] prétend que ces demandes sont nouvelles.

Cependant, il ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions sa demande tendant à faire déclarer irrecevable la prétention de [E] [Z] au remboursement des intérêts du prêt. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce chef de sa demande, la cour ne devant en effet, au regard de l'article 954 du code de procédure civile, statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

En revanche, il est vrai que [G] [Z] n'a pas demandé au premier juge la condamnation de [O] [B] au paiement de la somme de 31 005 euros.

Cependant cette demande est le complément de la demande d'indemnisation qu'il a formée devant le premier juge, dans la mesure où elle correspond à un appel de fond nécessaire à la mise en sécurité du château suite au défaut de réalisation des travaux de rénovation.

Elle est donc recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile.

b) sur la demande en paiement d'une indemnité de 186 750 euros :

Selon [G] [Z], cette somme correspond au montant des sommes qu'il a réglées pour les travaux de rénovation en pure perte.

Il fait valoir que suite aux travaux de destruction de son lot, sa valeur patrimoniale est nulle, sans aucun rendement locatif.

[O] [B] prétend que des travaux ayant été réalisés sur l'ensemble immobilier litigieux, faire droit aux demandes de [G] [Z] aurait pour effet de lui faire bénéficier d'un enrichissement sans cause.

Cependant, ce dernier démontre, en produisant notamment un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 15 novembre 2018, que ses lots sont dans un état d'abandon, avec un état de délabrement complet de la partie privative de celui comprenant un plateau à aménager en appartement.

Il établit aussi que les lots d'autres copropriétaires, dans un état analogue au sien, ont été vendu moyennant le prix symbolique de 1 euro.

Ces éléments établissent donc que les dommages-intérêts réclamés par [G] [Z] en réparation de son dommage ne peuvent avoir pour effet d'enrichir son patrimoine, sans cause légitime, au détriment de celui de [O] [B].

La somme de 186 750 euros correspond au capital que [G] [Z] a emprunté pour la rénovation de ses lots.

Cette somme a été versée en pure perte dès lors que cette rénovation n'a pas eu lieu conformément avec ce qui avait été prévu, en raison notamment des manquements contractuels imputables à [O] [B].

Il y a lieu en conséquence de condamner celui-ci, pour compenser cette perte, à lui payer la somme de 186 750 euros à titre de dommages-intérêts.

c) sur la demande en paiement d'une indemnité de 152 765,93 euros :

[G] [Z] a fait le choix de financer les travaux de rénovation de ses lots en recourant à un emprunt sans justifier y avoir été contraint.

Il établit avoir remboursé celui-ci dans sa totalité, intérêts conventionnels compris.

Cependant, le fait qu'il ait payé des intérêts à la banque en contrepartie du prêt qu'elle lui a consenti pour le financement de ces travaux n'a qu'un lien indirect avec les manquements contractuels imputés à [O] [B].

Dans ces conditions, il y a lieu de le débouter de ce chef de sa demande.

d) sur la demande en paiement d'une indemnité de 31 005 euros :

[E] [Z] justifie avoir versé cette somme à la demande de L'ASL.

Ce versement nécessité par la mise en sécurité du chantier après la mise en liquidation judiciaire de la société CTMO a un lien de causalité direct et certain avec les manquements imputables à [O] [B].

En conséquence, il ya lieu de condamner celui-ci à payer à [E] [Z], à titre de dommages-intérêts, la somme de 31 005 euros.

e) sur le point de départ des intérêts moratoires produits par les dommages-intérêts :

Il y a lieu de le fixer au 20 décembre 2011 date de l'assignation de [O] [B] devant le tribunal de grande instance de Lyon, à titre de dommages-intérêts supplémentaires.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par [O] [B] pour appel abusif :

L'appel de [G] [Z] étant partiellement fondée, il n'est pas abusif.

[O] [B] sera en conséquence débouté de ce chef de sa demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant sur renvoi après cassation, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de [O] [B] tendant à faire déclarer irrecevable la demande de [G] [Z] tendant au remboursement des intérêts du prêt ;

Déclare [E] [Z] recevable en sa demande tendant à la condamnation de [O] [B] au paiement de la somme de 31 005 euros ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 27 février 2014 en ce qu'il déboute [G] [Z] de sa demande relative à la condamnation de [O] [B] au paiement d'une somme de 186 750 euros et en ce qu'il le condamne à payer à celui-ci la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

Déclare [O] [B] responsable du dommage causé à [G] [Z] ;

Le condamne à lui payer la somme de 217 755 euros à titre de dommages-intérêts avec les intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2011 ;

Déboute [G] [Z] du surplus de sa demande de dommages-intérêts ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les conditions prévues par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Y ajoutant,

Déboute [O] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de [O] [B] et le condamne à payer à [G] [Z] la somme de 4 000 euros ;

Condamne [O] [B] aux dépens engagés par [E] [Z] à l'égard de [O] [B] en première instance et en appel, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé ;

Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/06220
Date de la décision : 06/06/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°18/06220 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-06;18.06220 ?
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