La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2019 | FRANCE | N°17/00987

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 05 juin 2019, 17/00987


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/00987 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K226





SASU PHONE MARKETING RHONE ALPES



C/

[P]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Février 2017

RG : 15/02948











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 05 JUIN 2019









APPELANTE :



SASU PHONE MARKETING RHONE ALPES



[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Me Emilie ZIELESKIEWICZ de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON,

Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON





INTI...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/00987 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K226

SASU PHONE MARKETING RHONE ALPES

C/

[P]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Février 2017

RG : 15/02948

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 JUIN 2019

APPELANTE :

SASU PHONE MARKETING RHONE ALPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Emilie ZIELESKIEWICZ de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON,

Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

INTIMÉE :

[J] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Février 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Annette DUBLED VACHERON, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Juin 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Le 12 octobre 1998, la société PHONE MARKETING RHONE ALPES a consenti à Madame [J] [P] un premier contrat de travail d'une durée de six mois pour occuper le poste d'assistante informatique avec la qualification d'employée, puis, à compter du 12 avril 1999, un second contrat d'une durée de six mois.

Le 13 octobre 1999, les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée portant sur le même poste, puis, le 1er février 2001, elles ont signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, en vertu duquel Madame [J] [P] a été engagée en qualité de chargée des applications informatiques et des bases de données, classification cadre, position 2.1, coefficient 110.

Par avenant au contrat à durée indéterminée en date du 1er mai 2013 (en réalité 2014), il a été convenu que Madame [J] [P] était nommée responsable opérationnelle senior, niveau VII, coefficient 280 de la classification des cadres contenue à la convention collective des prestations de services du secteur tertiaire de cadre au sein de la société, à compter du 1er mai 2014.

Le 24 février 2015, Madame [P] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail et a été transportée au service des urgences de la clinique [Établissement 1].

L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, par décision de la caisse primaire d'assurance-maladie [Localité 1] en date du 11 mai 2015.

Les arrêts de travail de Madame [P] ont été renouvelés, en dernier lieu le 30 juin 2015 jusqu'au 31 juillet 2015.

Par requête en date du 28 juillet 2015, Madame [J] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES et condamner celle-ci à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et attitude discriminatoire, rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents dommages et intérêts pour non information des droits à repos compensateur, dommages et intérêts pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour licenciement abusif, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité de licenciement.

Deux visites de reprise ont été organisées, le 24 août 2015 et le 10 septembre 2015. A cette dernière date, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'inaptitude confirmée à tous les postes de responsable opérationnel senior. Serait apte à un poste de chef de projet en informatique en retrait de la production du plateau. Inaptitude faisant suite à l'accident du travail du 20 février 2015.'

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES a prononcé le licenciement de Madame [P] pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 28 janvier 2016.

Au dernier état de ses écritures, Madame [P] a demandé au conseil de prud'hommes de dire que son licenciement était nul, à titre principal pour fraude, à titre subsidiaire pour inaptitude du fait de l'employeur, de condamner la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à lui payer, outre les diverses sommes exposées ci-dessus, des dommages et intérêts pour perte de chance et fraude aux dispositions d'ordre public relatives aux élections professionnelles. À titre subsidiaire, elle a demandé que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par jugement en date du 2 février 2017, le conseil de prud'hommes a :

' condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] les sommes suivantes :

1.000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité résultat

1.000 euros pour manquement à l'obligation de prévention

1.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

outre les intérêts au taux légal à compter du jugement

' dit que le licenciement de Madame [P] est nul

' condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] les sommes suivantes :

13.741,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.374,18 euros pour les congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 3 août 2015

55.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement

' dit que la société PHONE MARKETING RHONE ALPES et Madame [P] n'étaient pas liées par une convention de forfait en jours

' condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] au titre des heures supplémentaires la somme de 4.014 euros bruts, outre 401,40 euros pour les congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 3 août 2015

' débouté Madame [P] de sa demande de dommages-intérêts pour non- information au droit à repos compensateur et pour travail dissimulé

' condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] la somme de 2.000 euros pour perte d'une chance

' ordonné à la société PHONE MARKETING RHONE ALPES de délivrer à Madame [P] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés pour tenir compte du jugement

' ordonné l'exécution provisoire des condamnations autres que celles assorties de l'exécution provisoire de plein droit

' dit que les sommes devront être consignées à la caisse des des dépôts et consignations dans l'attente d'une décision de justice définitive

' débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

' condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES a interjeté appel de ce jugement, le 8 février 2017.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2018, elle demande à la cour :

' d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [P] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé et pour non information des droits au titre des repos compensateurs

' de débouter Madame [P] de ses demandes de dommages et intérêts

' à titre subsidiaire, de ramener la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à hauteur de 4.014 euros bruts outre 401,40 euros au titre des congés payés afférents

' de condamner Madame [P] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2018, Madame [J] [P] demande à la cour :

' de condamner la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à lui payer les sommes suivantes :

20.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité résultat

5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention

20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et attitude discriminatoire

17.165,11 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 1.716,51 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents

10.778 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-information du droit au repos compensateur

55.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

30.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte de chance et fraude aux dispositions d'ordre public relatives aux élections professionnelles

13.741,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1.374,18 euros à titre de congés payés afférents

3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

à titre subsidiaire,

' de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES et de condamner cette société à lui payer les sommes suivantes :

55.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

13.741,81 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis

1.314,18 euros à titre de solde de congés payés

en toute hypothèse,

' de condamner la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le pouvoir de liquider ladite astreinte.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs conclusions visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2019.

SUR CE :

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Madame [P] soutient que la convention de forfait invoquée par la société PHONE MARKETING RHONE ALPES, d'une part ne lui est pas opposable puisqu'elle ne figure pas dans l'avenant au contrat de travail du 1er mai 2013 (en réalité 2014), d'autre part n'est pas conforme aux exigences légales et jurisprudentielles.

Certes, l'avenant litigieux, qui a pour objet de modifier les fonctions de Madame [P] et de fixer le montant de son salaire, ne comporte aucune clause relative à la durée du travail.

Toutefois, s'agissant d'un avenant, il est simplement venu modifier le contrat de travail initial auquel il ne s'est pas substitué, en ayant pour effet d'élever la classification de Madame [P] et de modifier son salaire, de sorte que la clause insérée au contrat de travail du 1er février 2001 en ce qui concerne la durée du travail et le caractère forfaitaire de la rémunération était toujours applicable.

Selon la clause du contrat du 1er février 2001, 'conformément à notre accord RTT et en conformité à l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail (SYNTEC), la comptabilisation du temps de travail se fera en jours et correspond à une durée annuelle de travail de 217 jours. La rémunération de Madame [P] est établie sur la base d'un forfait qui est fixé à 12.500 francs bruts par mois'.

Le contrat de travail signé le 1er février 2001 par Madame [P] constitue ainsi la convention individuelle de forfait passée par écrit entre la société et le salarié prévue par la loi.

Toutefois, le contrat se réfère à l'accord de branche qui le gouverne, soit en l'espèce l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Or, les conventions de forfait en jours souscrites en application de cet accord du 22 juin 1999 ont été jugées nulles par la cour de cassation sur le fondement du droit constitutionnel des salariés à la santé et au repos, au motif que les dispositions de celui-ci n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

L'accord étendu ayant modifié les dispositions relatives à la convention de forfait en jours a été pris le 26 juin 2014, alors que le contrat de travail de Madame [P] était toujours en cours.

Mais la société PHONE MARKETING RHONE ALPES ne démontre pas avoir fait régulariser à Madame PHONE MARKETING RHONE ALPES une nouvelle convention de forfait individuelle à la suite de ce nouvel accord, d'autant plus que l'avenant du 1er mai 2014 vise une autre convention collective que la convention SYNTEC.

En outre, la société n'établit pas avoir mis en oeuvre les garanties prévues par l'accord collectif en ce qui concerne le contrôle de l'amplitude, de la répartition et de la charge de travail de ses salariés.

La convention de forfait en jours n'est dès lors pas opposable à Madame [P] et la demande en paiement d'heures supplémentaires formée par cette dernière est recevable.

L'article L. 3171-4 du code du travail énonce en son premier alinéa qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié .

Le deuxième alinéa de cet article précise qu' au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande , le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La preuve des heures de travail effectuées n'incombant spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail accomplies de répondre en fournissant ses propres éléments.

Madame [P] affirme avoir accompli du 1er janvier au 31 décembre 2014 : 63,50 heures supplémentaires en janvier, 69,25 en février, 50,75 en mars, 35,75 en avril, 30,50 en mai, 45,50 en juin, 41 en juillet, 17,50 en août, 70,75 en septembre, 45 en octobre, 73,50 en novembre, 58,75 en décembre (soit 770 heures supplémentaires sur l'année).

Elle a établi un tableau contenant jour par jour ses horaires de début et de fin de travail pour cette période et le nombre d'heures réalisées chaque jour, faisant apparaître qu'elle commençait le matin à 8 heures 30 et terminait le soir à 18 heures, 18 heures 30, 19 heures, 19 heures 30 ou 19 heures 45, ce qui donne des journées de travail d'une durée de 10 ou 11 heures.

Elle produit des courriels envoyés par elle le 3 janvier 2014 à 17 heures 46, le 1er octobre 2014 à 22 heures 35, le 15 octobre 2014 à 21 heures26, le 5 février 2015 à 8heures 53 et le 12 février 2015 à 13 heures 02, et de nombreux courriels envoyés par elle du 4 au 20 novembre 2014 à des heures tardives (20 heures 35, 21 heures11, 21 heures 48, 22 heures, 21 heures 21, 21 heures 37), un courriel du 20 novembre 2014 à 8 heures 06 et deux courriels du 5 novembre 2014 à 12 heures 48 et 12heures 58.

Ces éléments sont suffisamment précis pour étayer la demande de Madame [P] et permettre à l'employeur de répondre en apportant ses propres éléments.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES fait valoir en réponse :

- que l'agenda outlook de Madame [P] montre que sur l'année 2014, les rendez-vous sont pris entre 8 heures et 16 heures ou 16 heures 30 que, sur un an, seuls 11 rendez-vous ont été pris à 18 heures, de sorte que la salariée ne prouve pas qu'elle terminait tous les jours son travail à 19 heures ou 19 heures 30, et qu'aucun rendez-vous n'est pris entre 12 heures 30 et 14 heures

- que, le 2 janvier 2014, Madame [P] indique qu'elle a travaillé de 8 heures 30 à 19 heures, soit 10 heures 30 sans pause, alors que seuls trois rendez-vous sont mentionnés dans son agenda, le dernier à 17 heures, et aucun entre midi et deux heures

- que, le vendredi 3 janvier 2014, Madame [P] indique qu'elle a travaillé de 8 heures 30 à 19 heures, alors que son agenda fait apparaître un seul rendez-vous l'après-midi, à 14 heures

- qu'en novembre 2014, aucun rendez-vous n'est pris entre 12 heures 30 et 14 heures et le dernier rendez-vous est à 16 heures, sur l'ensemble de la période, à l'exception des 17 et 20 novembre 2014

- que les courriels produits concernent 8 jours sur 2014, principalement du 4 au 20 novembre 2014 et sont plus que succincts.

Il résulte de la description des missions de Madame [P] contenue à l'avenant du 1er mai 2014, à savoir la responsabilité de garantir l'exploitation, les résultats, les engagements de qualité de service attendus et la tenue irréprochable de son plateau dans le souci permanent de l'optimisation de sa gestion, que ses fonctions n'étaient pas limitées aux rendez-vous inscrits dans son agenda.

Cependant, dans la mesure où la société PHONE MARKETING RHONE ALPES appliquait un forfait en jours qui n'avait pas été remis en cause en cours d'exécution du contrat de travail, Madame [P] disposait d'une souplesse dans son organisation.

Les nouvelles fonctions de Madame [P] n'ont débuté que le 1er mai 2014 et aucun élément n'est apporté par cette dernière sur son activité antérieure à cette période.

Les courriels produits comportant des horaires d'envoi tardifs sont essentiellement datés de novembre 2014 et ne sont pas significatifs des horaires de travail réellement accomplis.

Enfin, Madame [P] ne décompte aucun temps de pause pour le déjeuner sur toute l'année.

Au vu de ces éléments, et au regard des jours de congés pris par Madame [P] dans le cadre de la convention de forfait jours, le nombre d'heures supplémentaires effectuées par Madame [P] sur l'année 2014 doit être fixé à quatre heures par semaine.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] un rappel de salaire de 4.014 euros à ce titre, outre la somme de 401,40 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents.

Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté, par des motifs qu'il convient d'adopter, les demandes d'indemnité et de dommages et intérêts fondées sur l'existence d'un travail dissimulé et la non information concernant le droit à la contrepartie en repos, étant précisé que le rejet de l'indemnité pour travail dissimulé n'est pas remis en cause devant la cour.

Sur les demandes de dommages et intérêts fondées sur le manquement de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à son obligation de sécurité et le harcèlement moral, ainsi que sur la violation de l'obligation de prévention

Madame [P] soutient qu'elle a constaté une détérioration de ses conditions de travail à la faveur de l'arrivée de Monsieur [A], en qualité de directeur de site, en décembre 2013, et que les méthodes de management de ce dernier ajoutées à la charge de travail importante qu'elle connaissait caractérisent à la fois un manquement de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à son obligation de sécurité et l'existence de faits de harcèlement moral, dès lors que cette situation répétitive a eu pour effet de dégrader ses conditions de travail.

Elle affirme qu'elle a attiré en vain l'attention de son employeur à plusieurs reprises sur cette situation.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES conteste ces allégations, affirmant au contraire que Monsieur [A] a toujours accompagné Madame [P] dans sa prise de poste et l'exercice de ses missions, que la salariée a toujours été apte lors des visites effectuées par la médecine du travail et qu'elle-même a toujours été soucieuse de la sécurité au sein de l'entreprise et de la qualité de vie au travail des salariés.

Madame [P] présente à l'appui de sa demande les éléments suivants :

- ses courriers à la société PHONE MARKETING RHONE ALPES des 4 juillet 2015, 25 janvier 2016 et 12 février 2016

- des échanges de courriel avec Monsieur [A], les 1 et 2 octobre 2014, 15 et 16 octobre 2014 et 5 et 12 février 2015

- une attestation de Madame [L], collègue de travail

- une attestation de Madame [V] qui l'a accompagnée en qualité de 'coach professionnel' à la demande de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES, entre le 31 juillet 2014 et le 1er décembre 2014

- des attestations rédigées par une amie, Madame [N], sa mère, Madame [K] [P], son mari, Monsieur [S]

- ses arrêts de travail consécutifs à son malaise du 20 février 2015

- un certificat daté du 17 mars 2015 aux termes duquel le docteur [Q], psychiatre, déclare 'avoir reçu à trois reprises Madame [P] devant l'importance d'une anxiété réactionnelle activée au sein de son entreprise'.

Dans son courrier en date du 4 juillet 2015, Madame [P] fait observer à son employeur que, 'dès que son état de santé le lui a permis, elle a repris directement contact avec la société (Madame [E]) afin de lui expliquer les raisons de son arrêt de travail, que celle-ci lui a lors confirmé qu'elle avait déjà connaissance de l'origine de cette situation puisqu'elle s'était permis de lui rappeler qu'elle lui en avait parlé lors de l'une de ses visites à LYON fin janvier, que, peut-être elle n'avait pas été très claire mais qu'elle avait eu du mal à contenir ses larmes et lui avait quand même dit qu'il se passait des choses pas normales avec le comportement de son supérieur'.

Le 25 janvier 2016, Madame [P] écrit 'outre le fait qu'il m'était déjà particulièrement pénible d'avoir été déclarée inapte compte-tenu des conditions de travail qui ont été les miennes (sans compter que je trouve inacceptable que mon état de santé ait été dégradé du fait de mon travail ), le fait de rester dans l'incertitude concernant mon avenir est très difficile à vivre.'

et, le 12 février 2016, 'je considère que l'inaptitude prononcée par le médecin du travail a pour cause directe et unique les conditions de travail qui ont été les miennes et vous rappelle que si j'ai fait un malaise dans les locaux de l'entreprise, c'est justement du fait desdites conditions de travail. Je déplore que vous n'ayez manifestement pas pris (ou que vous feignez ne pas avoir pris) la mesure de la situation.'

Or, ces courriers sont tous postérieurs à l'arrêt de travail du 20 février 2015 et se réfèrent d'une manière générale aux conditions de travail sans préciser en quoi elles étaient difficiles, tandis que Madame [P] ne justifie pas avoir alerté son employeur, antérieurement à l'accident du 20 février 2015, de l'existence d'une surcharge de travail impossible à supporter ou d'uncomportement managérial inadapté.

Madame [L], manager, atteste qu'elle a travaillé avec Madame [P] depuis 2008 et que, 'suite au changement de direction, elle a constaté qu'on lui demandait de plus en plus de travail , qu'il y a eu beaucoup de départs sans remplacement, qu'elle a dû donc assurer différentes fonctions, et que, lors d'une réunion, elle a assisté et été choquée par la manière dont Monsieur [A] s'est adressé à elle (Madame [P])'.

Cette attestation rédigée en des termes très généraux et vagues n'a pas de valeur probante puisqu'elle ne relate aucun fait précis.

Madame [V], conseil en ressources humaines, atteste notamment qu'elle a constaté que Madame [P] subissait en permanence une grande pression dans son environnement professionnel, qu'elle était interrompue systématiquement et plusieurs fois pendant les séances, ce qui la privait d'un espace de travail serein, nécessaire pour prendre de la hauteur, qu'elle ne parvenait pas à mettre en pratique les méthodes abordées lors de sessions, ni à consacrer du temps aux sujets de réflexion auxquels elle l'invitait entre les sessions, et que la désorganisation de l'entreprise lui imposait de travailler constamment en mode urgence.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES soutient que c'est parce que Madame [P] souffrait d'une incapacité à s'organiser autour de ses priorités et qu'elle travaillait toujours en mode urgence que Monsieur [A] l'avait incitée à suivre un coaching et que, si Madame [P] ne pouvait appliquer les méthodes de Madame [V] et ne pouvait pas consacrer de temps aux sujets de réflexion dans le cadre de son coaching, cette situation était de la seule responsabilité de celle-ci et ne résultait en aucun cas d'un harcèlement moral de la part de Monsieur [A].

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES produit à cet effet la proposition d'accompagnement individuel de Madame [P] du 7 juillet 2014, destinée à l'aider 'à consolider son positionnement de leader et à ancrer ses bonnes pratiques managériales' au moyen de quatre sessions d'accompagnement individuel de quatre heures, à partir du mois d'octobre, 'idéalement sur unepériode de quatre mois' et le courriel de Madame [P] du 13 juin 2014 dans lequel elle écrivait à Monsieur [A] 'dans un premier temps, merci pour cette initiative qui, je pense va pouvoir m'améliorer. Je suis favorable à ce coaching'.

Les courriels entre Madame [V] et Madame [U], responsable emploi-formation, montrent qu'une restitution devait avoir lieu à la fin de la première phase, mais que Madame [V] a indiqué en janvier 2015 'qu'elle n'était pas en situation de pouvoir poursuivre l'accompagnement de façon bénéfique pour [J] comme pour l'entreprise, compte-tenu de la difficulté à effectuer un accompagnement régulier et cohérent (les rendez-vous sont souvent annulés à la dernière minute pour des raisons d'urgence business ou client)'.

Néanmoins Madame [V] ne fait pas spécialement état dans cet échange de courriels de la situation qu'elle a relatée aux termes de son attestation, selon lesquels Madame [P] devait par exemple pallier l'absence d'une personne en RH et prendre en charge les entretiens de recrutement des téléconseillers plusieurs jours d'affilée, remplacer elle-même des collaborateurs absents de son équipe et son quotidien lui laissait peu le loisir de construire son plan d'animation de l'équipe et son plan opérationnel,ce qui lui était reproché par sa hiérarchie qui, dans le même temps, exigeait qu'elle compense ses manques dans ses équipes tout en gérant des clients importants, tout en précisant qu'au cours de l'accompagnement, elle a 'alerté Madame [P] en l'incitant à prendre soin de sa santé tandis qu'elle la voyait travailler sans relâche.'

Au surplus, l'accompagnement ayant été interrompu à mi-parcours (soit au bout de deux séances de quatre heures chacune), l'attestation de Madame [V] qui n'a pas vu travailler Madame [P] pendant très longtemps ne permet pas à elle seule d'établir que Madame [P] était soumise à la pression de sa hiérarchie et devait en permanence effectuer le travail de plusieurs personnes.

Les courriels adressés à Madame [P] par Monsieur [A], le 30 mai 2014, 'je suis très heureux de ta confirmation officielle au poste de responsable opérationnel senior', ceux des 8 septembre, 22 octobre, 30 octobre 2014, dans lesquels Monsieur [A] demande à Madame [P] ses disponibilités pour faire le point, ne révèlent pas de ton inapproprié ni d'exigence disproportionnée.

Monsieur [A], quant à lui, explique dans une attestation qu'il a échangé avec plusieurs reprises avec Madame [V] pour discuter des difficultés que rencontrait Madame [P] à mettre en place les actions, que cette dernière n'avait pas établi de règles avec ses collaborateurs. Il indique que le traitement des urgences fait partie intégrante d'un responsable opérationnel et que Madame [P] n'avait pas la responsabilité de traiter les clients.

L'attestation de Madame [N], amie de Madame [P], selon laquelle le manager de cette dernière lui a adressé des appels ou des SMS répétitifs pendant une période de congé, en mai 2014, et a exigé qu'elle lui transmette toute les heures les données statistiques de la production, celle de Madame [P] qui indique que sa fille était très prise par son travail et que lors d'événements familiaux, ils étaient interrompus régulièrement par des appels de son travail, celle de Monsieur [S] qui affirme qu'ils étaient sans cesse interrompus par des appels, le soir, les week-end, les vacances et que Madame [P] se reconnectait le soir sur son ordinateur, émanent de membres de la famille proche et ne sont ni suffisamment précises, ni suffisamment objectives pour constituer la preuve d'une charge de travail excessive imposée à Madame [P] ou d'un empiétement sur sa vie privée de la part de l'employeur.

Dans son courriel du 1er octobre 2014 à 22 heures 35, Madame [P] explique à Monsieur [A], ' 'comme tu le sais, je passe 10 heures à 12 heures par jour au bureau sans prendre une seule pause, même pas pour manger et je me reconnecte le soir, malgré cela, je suis toujours en mode urgence Je suis tout le temps joignable, tu l'as vu cet été (...) si tu m'as mise à ce poste, si tu me charges autant, c'est que tu connais mon investissement et que tu sais aussi que je vais réussir'.

Monsieur [A] répond le 2 octobre 2014 à 7 heures 58 '(...) Je sais qu'en ce moment, nous avons beaucoup de travail et que les ressources sont en cours de repositionnement; c'est une période de pointe qui va durer encore quelques semaines (...) j'ai confiance en toi et je sais que tu vas y arriver. On se verra ce matin pour faire un point'.

Seul cet échange de courriels est de nature à établir que la charge de travail de Madame [P] (et du service) était importante. Toutefois, il démontre aussi qu'il s'agissait d'une situation temporaire, liée à un surcroît d'activité, ce qui est corroboré par le fait que les courriels tardifs examinés ci-dessus sont essentiellement limités au mois de novembre 2014.

La liste de dates et d'heures d'envoi (ou de réception) de SMS et celle de courriels portant la date modifiée du 29 juillet 2016 n'ont pas de caractère probant.

Par ailleurs, les pièces produites ne montrent pas que Madame [P] subissait des reproches quant à sa manière de travailler ou d'appréhender ses fonctions, mais au contraire qu'elle était soutenue et accompagnée.

Dès lors, Madame [P] n'établit pas l'existence de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement moral commis à son préjudice par l'employeur.

L'obligation de l'employeur de préserver la santé et la sécurité de ses salariés est une obligation de moyens renforcée.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES produit le plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité au travail qu'elle a établi le 16 décembre 2011, prévoyant la mise en place d'une analyse des risques psycho-sociaux, d'actions de formation, d'enquêtes de satisfaction et de mise en place d'entretiens à la demande du salarié, ainsi que les résultats positifs de l'enquête de satisfaction d'octobre 2014.

La déclaration d'accident du travail du 20 février 2015 mentionne un 'malaise suivi d'une crise d'angoisse', le docteur [G] certifie avoir examiné Madame [P] au service des urgences de la clinique [Établissement 1] le 2 février 2015 et, sur le certificat initial du 21 février 2015, il est inscrit 'malaise anxieux vagal'.

Madame [P] verse également aux débats le certificat médical du 17 mars 2015 dont les termes ont été repris ci-dessus et les certificats médicaux de prolongation précisant 'anxio dépression réactionnelle, puis 'burn out et dépression modérée réactionnelle', puis 'burn out'.

Néanmoins, les éléments ci-dessus examinés ne permettent pas d'établir que Madame [P] a subi une charge de travail excessive.

Le lien entre son état de santé et un comportement fautif de l'employeur n'est en conséquence pas établi.

Les demandes en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement et manquement à l'obligation de sécurité et violation de l'obligation de prévention doivent être rejetées, de sorte que le jugement qui les a accueillies sera infirmé.

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] la somme de 1.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, 'le management mis en oeuvre relevant du harcèlement', alors que la salariée n'avait pas fondé sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le harcèlement mais sur l'attitude discriminatoire de l'employeur à son égard.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Madame [P] soutient qu'elle exerçait en fait les fonctions de directrice de production et non celles de responsable opérationnel senior tel que mentionné sur son contrat de travail et ses bulletins de salaire, comme elle le rappelait sans être démentie dans son courrier du 4 juillet 2015, que c'est ce poste qu'elle a décrit dans son courrier du 7 octobre 2015 sans avoir non plus jamais été contredite par la société PHONE MARKETING RHONE ALPES, que les documents internes de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES confirment cette réalité, que l'organigramme joint à l'appel d'offres émis par la société MALAKOFF MEDERIC la mentionne expressément en qualité de chef de projet/coordinatrice, avec, sous sa responsabilité, Monsieur [X] en qualité de responsable opérationnel, de même que les différents organigrammes internes, mais que la société PHONE MARKETING RHONE ALPES n'a jamais cru devoir procéder à la modification qui s'imposait sur ses bulletins de paie, ce qui constitue un manquement de la société à l'obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat.

Elle affirme qu'elle exerçait bien un pouvoir hiérarchique sur les responsables opérationnels, mais que sa rémunération de base était inférieure à celle de son subordonné, puisqu'il résulte du contrat de travail et des bulletins de salaire de Monsieur [X] que le salaire mensuel de base de ce dernier était de 3.300 euros bruts alors que le sien était de 3.150 euros bruts.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES qui fait valoir que Madame [P] n'a jamais occupé le poste de directrice de production, lequel n'existe dans aucune société du groupe, justifie avoir demandé à Madame [P] de ne pas utiliser cette signature (courriels des 9 et 24 septembre 2014).

Elle indique que Madame [P] ne peut s'appuyer sur des projets d'organigrammes qui n'ont pas été déployés.

Elle explique que Monsieur [X] a été embauché le 2 mai 2011en qualité de responsable opérationnel moyennant un salaire brut de 3.000 euros bruts, à une date à laquelle Madame [P] était encore chef de projet, que Monsieur [X] n'a jamais été augmenté et n'a pas bénéficié d'une rémunération mensuelle variable.

Les bulletins de salaire font apparaître qu'en avril 2014, Madame [P] avait un poste de chef de projet et un salaire mensuel de base de 2.680 euros bruts, qu'à compter de mai 2014, son poste est devenu celui de responsable opérationnel senior (conforme à l'intitulé de son avenant du 1er mai 2014) et son salaire mensuel de base s'est élevé à 3.150 euros bruts et qu'à ce salaire s'ajoutait une prime de production ou une prime de performance comprise entre 300 et 350 euros par mois, ce qui portait son salaire à la somme de 3.450 euros bruts par mois environ, sauf en septembre 2014 (270 euros) et à compter de février 2015.

Les bulletins de salaire de Monsieur [X] montrent que du 1er mai 2014 au 31 décembre 2015, il a perçu un salaire mensuel moyen brut de 3.300 euros bruts et aucune prime.

Par ailleurs, en tant que 'responsable opérationnel senior'niveau VII, coefficient 280 de la classification des cadres, Madame [P] avait un niveau inférieur à celui de Monsieur [X] embauché au niveau VII coefficient 300 de la classification des cadres, tandis que Madame [P] ne rapporte pas la preuve de ce que ce salarié était placé sous sa subordination hiérarchique, les termes 'manager' utilisés dans les courriels n'ayant pas de valeur juridique à cet égard.

La différence de traitement invoquée n'est pas caractérisée.

L'exécution déloyale du contrat de travail imputée à l'employeur par Madame [P] n'étant pas établie, la demande de dommages et intérêts formée de ce chef sera rejetée.

Sur le licenciement

Madame [P] expose qu'alors qu'elle avait été élue déléguée du personnel suppléante à deux reprises, elle a eu la surprise d'apprendre à la lecture des conclusions de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES devant le conseil de prud'hommes que de nouvelles élections professionnelles avaient été organisées en juin 2015, alors qu'elle n'avait jamais reçu la moindre information en ce qui concerne ces élections et qu'elle n'avait pas pu se présenter, étant précisé qu'elle se trouvait en arrêt-maladie à cette date.

Elle soutient que c'est à dessein que la société PHONE MARKETING RHONE ALPES ne l'a pas informée de la tenue des élections, la privant ainsi d'un droit constitutionnel et de la possibilité de se présenter de nouveau aux élections professionnelles, qu'il s'agit d'une fraude de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES, laquelle a en outre violé l'article 11 du protocole d'accord pré-électoral.

Elle ajoute que la société PHONE MARKETING RHONE ALPES a attendu l'expiration de la protection conférée par son mandat (le 15 décembre 2015)pour procéder à son licenciement, cinq mois après le second avis d'inaptitude.

Elle demande en conséquence que son licenciement soit déclaré nul en raison de cette manoeuvre frauduleuse.

Il résulte du procès-verbal des élections de la délégation unique du personnel, membres suppléants que Madame [P] a été élue le 25 novembre 2010 pour quatre ans. Son mandat se terminait donc le 25 novembre 2014, de sorte que la période pendant laquelle elle a continué à bénéficier du statut de salariée protégée s'est achevée le 25 mai 2015, soit antérieurement au premier avis d'inaptitude.

Le premier tour des élections de la délégation unique du personnel a eu lieu le 15 juin 2015.

L'article L2324-3 du code du travail applicable à compter du 28 juin 2014 énonce que l'employeur informe le personnel tous les quatre ans par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information de l'organisation des élections.

L'article 11 du protocole d'accord préélectoral prévoit que la société adressera spontanément le matériel de vote par correspondance à tous les salariés en longue maladie (+ de 3 mois à la date du 1er tour).

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES démontre qu'elle a affiché une note d'information pour informer le personnel de l'orgnaisation des élections de la délégation unique du personnel, le 27 avril 2015, que, le même jour, les syndicats ont été invités à négocier le protocole préélectoral et que le syndicat qui avait présenté les candidatures de Madame [M] (titulaire) et de Madame [P] (suppléante) le 15 novembre 2010, a présenté celles de Madame [M] (titulaire) et de Madame [R] (suppléante) en vue des élections professionnelles du 15 juin 2015.

La société PHONE MARKETING RHONE ALPES a ainsi respecté ses obligations en matière d'information, aucune disposition ne prévoyant un système d'information individuel destiné à chaque salarié, de sorte que Madame [P] ne peut lui reprocher de fraude, ni par voie de conséquence de perte d'une chance de se présenter aux élections professionnelles, même si la société ne prouve pas qu'elle a envoyé le matériel électoral à Madame [P], la liste de prénoms et d'adresses produite à cet égard étant insuffisante.

La demande aux fins de nullité du licenciement pour motif de fraude sera rejetée, de même que la demande en paiement de dommages et intérêts aux fins de réparation du préjudice invoqué par Madame [P] consistant à avoir été écartée des élections professionnelles, de la possibilité de voter et de celle d'être élue.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de chance d'être salariée protégée.

Par ailleurs, les procès-verbaux de réunions ordinaires de la délégation unique du personnel des 16 février, 24 mars 2015 et 24 avril 2015 mentionnent que Madame [P] a été convoquée et qu'elle était absente et excusée.

Le délit d'entrave n'est pas constitué.

En tout état de cause, aucune demande de ce chef n'est contenue dans le dispositif des conclusions de sorte que la cour n'a pas à statuer sur ce point.

L'employeur n'ayant pas commis de faits de harcèlement, ni manqué à son obligation de sécurité, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire en nullité du licenciement de Madame [P].

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement ainsi qu'en ce qu'il a condamné la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à payer à Madame [P] une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts, les demandes formées de ce chef par Madame [P] devant être rejetées.

La demande en résiliation judiciaire du contrat qui avait été présentée par Madame [P] avant que son licenciement pour inaptitude ne soit prononcé est désormais formée à titre subsidiaire.

Aucune faute n'ayant été retenue à l'encontre de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES, cette demande sera rejetée.

Compte-tenu de la solution apportée au présent litige, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel et celle de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis àdisposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ses dispositions relatives au rappel d'heures supplémentaires et à l'indemnité de congés payés afférents et en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts fondées sur la non information du droit au repos et sur le travail dissimulé

STATUANT à nouveau,

DEBOUTE Madame [J] [P] de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur le manquement de la société PHONE MARKETING RHONE ALPES à son obligation de sécurité et le harcèlement moral, sur la violation de l'obligation de prévention et au motif d'une exécution déloyale du contrat de travail

DEBOUTE Madame [J] [P] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du licenciement, de ses demandes consécutives au licenciement, de sa demande de dommages et intérêts pour perte d'une chance d'avoir pu se présenter aux élections professionnelles et de sa demande subsidiaireaux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/00987
Date de la décision : 05/06/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/00987 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-05;17.00987 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award