AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 17/00718 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K2HV
[D] [U]
C/
Mutualité UNION MUTUALISTE ETABLISSEMENTS GRAND LYON UMGEGL
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 05 Janvier 2017
RG : F 15/01679
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 22 MAI 2019
APPELANT :
[F] [D] [U]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Sophie KRETZSCHMAR, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Mutualité UNION MUTUALISTE ETABLISSEMENTS GRAND LYON UMGEGL
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Janvier 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Evelyne ALLAIS, Conseiller
Annette DUBLED VACHERON, Conseiller
Assistés pendant les débats de Claire MONTINHO-VILAS-BOAS,.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 Mai 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
L'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON (UMGEGL) est un réseau privé d'hospitalisation à but non lucratif qui gère plusieurs établissements de santé dont le groupe hospitalier «[Établissement 1]» .
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 janvier 2012, elle a embauché M. [F] [D] [U] en qualité de gynécologue obstétricien. Les parties ont établi parallèlement un contrat d'exercice professionnel le 29 août 2012., reconnaissant à M. [D] [U] la possibilité d'exercer son activité médicale de consultations gynécologiques médicales à titre libéral dans la clinique, sans possibilité d'avoir une activité de chirurgie gynécologique.
Le 2 février 2015, l'UMGEGL a convoqué M. [D] [U] à un entretien préalable au licenciement et lui a notifié une mise à pied conservatoire, avant de lui notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 février 2015.
Elle faisait grief à M. [D] [U] d'avoir commis de graves manquements dans l'accomplissement de son travail au cours d'un accouchement.
Par courrier du 27 février 2015, le DR [D] [U] a contesté les griefs qui lui étaient faits, indiquant qu'au cours de sa garde il avait été absorbé par deux césariennes, la réception de patientes et qu'à 19h 45 la sage-femme n'avait pas fait état d'une situation d'urgence ou mentionné de symptômes, précisant que lors de ses passages en salle d'accouchement au cours de sa garde aucune sage-femme ne l'avait alerté sur la situation de la patiente.
Monsieur [D] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON par requête du 28 avril 2015 aux fins de voir dire que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et de voir condamner l' UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON à lui verser les sommes suivantes:
- 6.415,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de mise à pied
- 641,52 euros au fifre des congés payés afférents
- 52.488,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 5.248,80 euros au titre des congés payés afférents
- 18.687,16 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- 200.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié
- 20.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire
- 857,37 euros à titre de maintien de salaire pendant l'arrêt maladie
- 7.559,44 euros à titre de rappel de salaire pour les gardes déduites
- 755,94 euros au titre des congés payés afférents
- 1.271,77 euros à titre de rappel de congés payés
- 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 5 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de LYON a':
- dit que le licenciement pour faute grave de M. [D] [U] était justifié
- débouté M. [D] [U] de l'intégralité de ses demandes
- débouté l' UMGEGL de ses demandes au titre des articles 700 et 32-1 du code de procédure civile'
-condamné M. [D] [U] aux dépens.
Monsieur [D] [U] a interjeté appel de cette décision par acte du 30 janvier 2017.
Aux termes de ses écritures, M. [D] [U] demande à la cour':
- de réformer le jugement rendu le 5 janvier 2017 et de juger que le licenciement n'est justifié par aucune faute grave et ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse;
- de condamner l'Union Mutualiste de gestion des Établissements du Grand Lyon à lui payer les sommes suivantes:
rappel maintien de salaire maladie: 857,37 euros
rappel de congés payés: 1 271,77euros
rappel de salaire pour gardes déduites: 7.559,44euros
congés payés afférents: 755,94euros
indemnité compensatrice de mise à pied: 6.415,20euros
congés payés afférents:641,52euros
indemnité compensatrice de préavis:52.488,00 euros
congés payés afférents: 5 248,80 euros
indemnité conventionnelle de licenciement: 18.687,96euros
- de juger que ces condamnations porteront intérêt au taux légal au jour de la demande;
- de condamner l'Union Mutualiste de gestion des Établissements du Grand Lyon à lui payer à Monsieur [D] [U] les sommes suivantes en réparation de son préjudice:
Dommages et intérêts pour licenciement injustifié: 20.0000,00euros
Dommages et intérêts pour procédure vexatoire: 20.000,00 euros
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- de condamner le GROUPEMENT HOSPITALIER MUTUALISTE aux dépens .
Le Dr [D] [U] se déclare très affecté par le décès de l'enfant et la situation de la patiente mais conteste fermement les griefs formulés à son encontre.
Il fait observer:
- que la situation procède de retards, de décisions ou d'un manque de communication qui ne lui sont pas imputables. Il indique ainsi :
- que le Dr [A], a pris la décision de déclencher l'accouchement sans indication thérapeutique en ce sens et sans laisser de consignes au sujet de la patiente'; qu'au regard de l'avancement du travail il lui était impossible d'arrêter le déclenchement lorsqu'il a débuté sa garde ;
- que la sage-femme ne lui a pas dit à 18 h 55 que l'enfant se présentait par le front alors que c'est une indication impérative de césarienne'; qu'elle ne l'a pas prévenu à 19 heures en constatant une anomalie du rythme cardiaque ni à 19 heures 30, lorsqu'elle a noté que l'enfant se présentait toujours par le front ;
- que les experts ont retenu une sous-évaluation de la situation par la sage-femme et indiqué qu'une césarienne en urgence entre 19 heures et 19 heures 30 aurait certainement permis à la patiente de garder son utérus;
- que pour ces raisons, il a terminé ce qu'il était en train de faire avant d'aller voir la patiente puisqu'il n'était pas informé de l'urgence.
Il souligne que dès qu'il a été informé de l'anomalie du rythme cardiaque, à 20h 05, il est arrivé en 5 mn et a pris immédiatement la décision de faire une césarienne; que l'anesthésiste n'est arrivé qu'à 20h40 et l'équipe de bloc à 20h45'; que l'anesthésie n'a fait effet qu'à 20h56 retardant la césarienne qui a été réalisée en 2 minutes.
Il s'étonne qu'aucune sanction n'ait été prise à l'égard du Dr [O], anesthésiste, et considère que le deuxième grief n'est pas justifié.
Il souligne également que le pédiatre qui a refusé d'intervenir en prénatal n'a pas été sanctionné alors que les experts ont qualifié son absence de dysfonctionnement grave.
Concernant le troisième grief, il affirme ne pas être resté inactif mais avoir demandé à l'anesthésiste d'appeler le chirurgien de garde pour pratiquer l'intervention avec lui (il précise qu'il ne pouvait appeler lui-même étant occupé à contenir l'hémorragie).
Il explique cette décision par le fait qu'une hystérectomie est une intervention ultime qui suppose avant sa réalisation de recueillir un second avis et de procéder à l'intervention à deux dans la mesure du possible. Il ajoute que la clinique lui avait interdit de pratiquer des interventions chirurgicales à l'exception de césariennes.
Il ajoute que les experts ne formulent aucun reproche sur la manière dont il a procédé pour l'hystérectomie d'hémostase.
Au regard de ces éléments, il soutient que le retard de deux heures est imputable à la sage-femme (1h05) et à l'anesthésiste (40 mn de retard et 15 mn pour pratiquer l'anesthésie) et que ce n'est pas son action mais celle de ces deux praticiens qui est à l'origine du dommage. Il fait observer que les experts ont relevé de graves dysfonctionnement dans le fonctionnement de la clinique: une absence de relève entre les médecins, l'absence de code rouge pour les césariennes d'urgence, une mauvaise mise au point des procédures de transmissions de l'information.
Il note que la direction a organisé une réunion pour revoir les procédures et protocoles.
Il reproche à son employeur de n'avoir organisé aucune enquête interne contradictoire avant de prendre la décision de licenciement et s'étonne de la différence de traitement dont il est l'objet.
Il ajoute que la direction a tout fait pour aggraver sa situation en retardant le versement de son salaire et en le mettant dans l'impossibilité de régler sa situation administrative.
Aux termes de ses conclusions, l'UMGEGL demande à la cour de':
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- de condamner M. [D] [U] à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 32- 1 du code de procédure civile et de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, de dire que les demandes de M. [D] [U] ne sont pas justifiées.
L'UMGEGL expose que le 18 janvier 2015, une patiente s'est présentée pour accoucher'; qu'elle a perdu les eaux le 19 janvier à 18 h 20 et a été transportée au bloc où elle a bénéficié d'une péridurale';
qu'à 18h55 se plaignant de douleurs, elle a été examinée par la sage-femme Mme [P] en présence de la sage-femme de nuit, Mme [I]';
qu'une surveillance a été mise en place l'enfant se présentant par le front';
qu'à 19 heures 30 Mme [I] a constaté plusieurs anomalies du rythme cardiaque de l'enfant et a, en présence de Mme [X], auxiliaire de puériculture, décidé d'appeler le médecin de garde pour qu'il examine la patiente';
que le Dr [D] [U] dont la chambre se situait à l'étage en dessous du bloc, ne s'est présenté qu'à 20h10 et a pratiqué une césarienne sur les conseils de la sage-femme.
Elle ajoute:
- que cette césarienne n'a été pratiquée qu'à 20h55';
- que l'enfant est décédé quelques jours plus tard';
- que la mère souffrait d'une rupture utérine et que face à l'inertie du Dr [D] [U], la sage-femme et le Dr [O], anesthésiste ont fait appel au Dr [A] qui n'était pas de garde pour réaliser une hystérectomie d'hémostase.
Elle reproche au Dr [D] [U]':
- d'avoir pris un temps anormalement long pour se présenter au bloc
- de ne pas avoir agi avec suffisamment de maîtrise pour permettre la réalisation rapide de la césarienne
- de n'avoir réalisé aucun geste thérapeutique pour soigner la patiente à la suite de la rupture de l'utérus dont elle souffrait.
Elle fait observer que les experts ont pu considérer que le délai pris par le médecin pour intervenir est à l'origine du décès de l'enfant et de la rupture utérine. Elle soutient que Mme [I] a avisé le médecin de la situation d'urgence dès son premier appel, comme cela résulte du partogramme, et de l'attestation de Mme [X]'; que les experts ont pu considérer qu'il n'y aurait aucune explication à ce que la sage -femme ne parle pas de la présentation par le front alors que le diagnostic était posé et noté dans le dossier.
Elle avance qu'en tout état de cause, la présence d'un médecin de garde suppose que ce dernier intervienne lorsqu'il est alerté et sollicité et qu'il appartenait au Dr [D] [U] d'interroger la sage-femme pour s'informer de la situation et à défaut se déplacer immédiatement.
Elle ajoute qu'à cette heure-là, le médecin n'avait plus de consultation et qu'il ne justifie pas clairement de ses occupations.
Elle reproche au Dr [D] [U] le fait de ne pas avoir dépêché une aide-soignante pour aller chercher l'anesthésiste en extrême urgence et d'être resté passif face à la nécessité de faire une hystérectomie.
Elle précise que la rupture utérine est une urgence vitale nécessitant une réaction immédiate'; que les personnes présentes ont pu constater qu'il était dépassé par la situation'; que l'appelant ne peut se réfugier derrière le fait que la clinique ne lui autorisait pas de gestes chirurgicaux , qui aurait constitué une entrave à la liberté d'exercer , l'intervention pratiquée entrant dans les missions contractuelles de l'appelant et correspondant à ses qualifications.
L'intimé reproche au Dr [D] [U] de vouloir se décharger de sa responsabilité en invoquant celle des autres alors que les experts ont relevé qu'il avait commis des manquements à tous les stades de l'accouchement' et précise qu'il n'est pas anormal que le partogramme ne porte pas la mention «ARCF» ' puisqu'il est habituel qu'il ne soit pas rempli en temps réel.
Elle fait observer que les attestations par lesquelles l'appelant entend démontrer ses capacités professionnelles sont anciennes ou pour deux d'entre elles, rédigées dans les mêmes termes, donc certainement sous la dictée de l'intéressé; que les médecins du bureau de la CME ne se sont pas opposés à la procédure de licenciement.
Elle ajoute que les fautes du Dr [D] [U] ont eu de graves conséquences puisque la patiente a perdu son enfant et ne pourra pas en avoir d'autre.
Les prétentions et moyens des parties sont plus amplement exposés dans leurs écritures susvisées auxquelles, en application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2018.
SUR CE:
Sur le licenciement
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve
La lettre de licenciement formule à son encontre les reproches suivants concernant les faits du 1.9 janvier 2015:
'Ce jour-là Madame [I] [S], sage-femme du bloc obstétrical vous a contacté à 19h45 sur le téléphone de garde pour vous demander de venir en urgence, précisant qu'il s'agissait d'un accouchement et avec présentation du front accompagné d'anomalies dit rythme cardiaque f'tal.
A 20h05 soit 20 mn plus tard la sage-femme a du vous rappeler en précisant à nouveau qu'elle avait constaté des anomalies du rythme cardiaque f'tal.
Bien que la chambre des gardes ne soit distante du bloc obstétrical que d'une centaine de mètres à peine, vous ne vous y êtes présenté qu'à 20h20 soit 25 mn après le 1er appel de la sage'femme.
Ce délai pour intervenir est totalement inacceptable, en particulier dans une situation d'urgence.
Après avoir examiné la patiente vous avez décidé de pratiquer une césarienne en urgence et avez décidé de faire appel à l'équipe d'astreinte des infirmiers de bloc qui est arrivée sur place à 20h42.
L'enfant est né à 20h58 après avoir effectué l'incision à 20h56, celui-d était en état de mort apparente.
II a été immédiatement transféré dans un autre établissement de niveau 3 mais un arrêt de soins a été décidé par les parents et l'équipe de soins quelques jours plus tard. Après le 1er appel de la sage-femme et la césarienne 2h16 se sont écoulées et 43 minutes entre la prise de décision de pratiquer la césarienne et sa réalisation effective. Votre négligence ne s'est pas limitée à votre retard pour intervenir.
En effet à 20h30 lorsque la sage-femme a installé la parturiente avec l'aide de l'auxiliaire puéricultrice, elle vous a alerté sur sa suspicion de rupture utérine, Après la césarienne la patiente présentait d'importants saignements posant la question d'une éventuelle hystérectomie.
Malgré l'urgence de la situation, vous n 'avez mis en 'uvre aucun geste thérapeutique. Face à cette inaction et en accord avec le Docteur [O], la sage-femme a dû appeler le Docteur [A], gynécologue-obstétricien, afin d'effectuer l'intervention. Il apparaît que vous êtes demeuré passif sans prendre en charge cette intervention, ni prendre la décision d'appeler le Docteur [A] pour intervenir.
Ces faits constituent des manquements graves avec des répercutions dramatiques et nous ne pouvons prendre le risque qu'une telle situation se reproduise.
Les fautes qui vous sont reprochées entraînant l'impossibilité de la poursuite de votre contrat de travail pendant la période de préavis, nous contraignent à prononcer par la présente votre licenciement pour faute grave.'»
Il résulte du compte rendu de la commission de consultation et d'indemnisation des accidents médicaux que :'»la cause du décès de l'enfant [T] [C] est en lien direct et certain avec une asphyxie intra-partum sévère qui a été à l'origine d'une défaillance multi-viscérale et d'une encéphalopathie anoxo-ischémique majeure.'»
«'La cause de cette asphyxie intra-partum est liée à une présentation dystocique associée à une rupture utérine. Le retard dans la décision d'extraction de l'enfant par césarienne(..) a prolongé et aggravé de façon très importante l'asphyxie intra-partum à l'origine du décès de l'enfant.'»
Les experts ont pu considérer que le début de la rupture utérine se situait aux alentours de 19 heures lorsque les anomalies du rythme cardiaque foetal se sont accentuées après la bradycardie et que les douleurs ont réapparu sous un mode aigü non calmées par la péridurale.
Ils indiquent qu'une césarienne pratiquée en urgence vers 19 heures-19 heures 30 aurait certainement permis à Mme [C] de garder son utérus.
C'est au regard de ces constatations médicales sur les causes du décès de l'enfant et de l'obligation de pratiquer une hystérectomie qu'il convient d'analyser les griefs formulés à l'encontre du Dr [D] [U].
Sur le premier grief:
Il est reproché à M. [D] [U], dûment avisé par Mme [I] sage-femme du fait que l'enfant à naître se présentait par le front et avait un ralentissement du rythme cardiaque, d'avoir tardé et vaqué à d'autres occupations, avant de se présenter au bloc suite au deuxième appel de la sage-femme.
Il résulte de l'attestation de Mme [I] qu'avant 19 heures le bébé a fait une bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque f'tal) pendant 10 minutes. A 19 heures le diagnostic a été posé concernant la présentation par le front mais la sage-femme n'a pas avisé le médecin de garde.
Entre 19 heures et 19 heures 30 la sage- femme a observé au chevet de la patiente des altérations du rythme cardiaque f'tal. Elle a fait un autre examen qui lui a montré un front «'appliqué'» à 7cm . Concevant que la tête ne fléchirait plus, et qu'il faudrait faire une césarienne, elle a réinstallé la patiente et appelé le médecin à 19 h45. Les experts ont noté quatre ralentissements du rythme cardiaque entre 19 heures et 19 heures 30, synchrones des contractions.
Les experts notent que Mme [I] aurait dû appeler le gynécologue obstétricien pour une présentation du front tout à fait confirmée qui nécessitait une césarienne et appeler l'anesthésiste car une heure après une péridurale une patiente très algique, difficile à mobiliser comme elle l'a noté, est le signe d'une difficulté.
Les experts ajoutent qu'il y avait une indication formelle de césarienne en urgence dès 19h 45 au maximum et qu'il y avait donc une indication à appeler toute l'équipe obstétricale en urgence: gynécologue obstétricien, anesthésiste, équipe de bloc et pédiatre.
Il convient de rappeler que suivant le rapport de Mmes [Y] et [Z], la sage-femme n'a plus trouvé les bruits du c'ur du bébé à 20h10.
Aux termes de l'article 25 du code de déontologie la sage-femme a une obligation de surveillance de l'accouchement. Elle doit dans ce cadre appeler le médecin suffisamment à temps pour éviter tout incident.
Les préconisations de la haute autorité de santé quant à la qualité et la sécurité des soins dans le secteur naissance rappellent que la coordination entre la sage-femme, l'obstétricien et le médecin anesthésiste via l'existence de modalités d'appel en urgence de l'anesthésiste-réanimateur et des professionnels du bloc opératoire en particulier le protocole d'appel de la césarienne en urgence sont essentiels.
En l'espèce, Mme [I] n'a pas appelé le médecin entre 19 h et 19 h 45 laissant s'écouler le délai utile au cours duquel une intervention aurait permis de prévenir la rupture utérine ainsi que le délai dans lequel la césarienne aurait dû être pratiquée.
Les parties s'affrontent sur le point de savoir si le Dr [D] [U] a été avisé du ralentissement de rythme cardiaque et de présentation par le front à 19h 45 ou 20h05 lors du second appel.
Monsieur [D] [U] a pris copie du partogramme après l'intervention. Il y est indiqué:
«'19h45:Appel Dr [U] par SF. Demande de venir pour examiner la patiente.
20h05: rappel Dr [U] pour lui demander de venir en urgence pour ARCF.
(..) Arrivée du Dr [U] 20h10.
20h15 décision de césarienne.'»
Ce même document produit par l'intimée porte la mention «'19h45:Appel Dr [U] par SF. Demande de venir pour examiner la patiente.+ ARCF'»
Mme [Y], cadre sage-femme, atteste qu'il est demandé aux équipes de remplir de façon instantanée le dossier médical. Elle précise qu'en cas de surcharge de travail ou en cas de situation compliquée, il n'est pas toujours possible de remplir le dossier. L'équipe se concentre alors sur les soins et le dossier est rempli à postériori.
Cette explication est peu pertinente en l'espèce car la sage-femme a eu le temps de noter l'essentiel du déroulement des faits': les heures des appels, les heures d'arrivée des médecins. Elle était donc à même de préciser la mention ARCF sur le dossier sans que cela lui prenne plus de temps.
L'attestation établie par Mme [I] dans un dossier où sa carence a été soulignée par les experts est sujette à caution sur la question des indications fournies au moment de l'appel, dès lors qu'en reconnaissant ne pas avoir avisé le médecin, celle-ci aurait admis avoir commis une faute.
Enfin, Mme [X], auxiliaire de puériculture a établi deux attestations à 5 mois d'intervalle et la dernière 9 mois après les faits, pour affirmer que Mme [I] avait avisé le Dr [D] [U] de l'anomalie du rythme cardiaque et de la présentation de l'enfant par le front, alors que cette dernière information essentielle n'est pas mentionnée dans le résumé du message.
Il n'est donc pas démontré que le Dr [D] [U] ait été immédiatement avisé de l'urgence pourtant caractérisée depuis 19h. Il est en revanche établi qu'une fois avisé de l'anomalie du rythme cardiaque il s'est présenté dans les 5 mn en salle d'accouchement et a rapidement pris la décision d'effectuer une césarienne.
Il est difficilement compréhensible que la direction de la clinique ait reproché au gynécologue obstétricien un retard de 25 mn sans faire le même reproche à l'anesthésiste qui n'a pas répondu au premier appel et s'est présenté avec un retard de 25 minutes.
Il est intéressant de souligner que le directeur a pu indiquer devant la commission qu'il connaissait depuis longtemps le Dr [O], n'avait pas de problème avec lui et considérait que s'il n'était pas venu c'est qu'il n'avait pas été appelé, alors même que cet appel est mentionné dans le dossier médical et que la chambre de garde des anesthésistes se situe à moins de deux minutes de la salle des naissances.
Au regard de ces éléments, il ne peut être reproché au Dr [D] [U] d'avoir tardé et vaqué à ses occupations alors qu'il était dûment avisé d'une urgence.
Sur le deuxième grief':
Il est reproché au Dr [D] [U] de ne pas avoir agi avec suffisamment de maîtrise pour permettre la réalisation rapide de la césarienne
Ce reproche apparaît dénué de fondement alors que':
- la sage-femme n'avait pas immédiatement fait appel à l'ensemble de l'équipe obstétricale
- l'anesthésiste s'est présenté avec retard et n'a pas opté pour une technique permettant au Dr [D] [U] d'inciser immédiatement
Il est possible de constater que personne n'a songé à aller quérir l'anesthésiste qui tardait à se présenter et que donc le fait que le Dr [U] n'y soit pas allé ou n'ait pas enjoint à la sage-femme de s'y rendre ( alors que la patiente nécessitait des soins) ne peut constituer un motif de licenciement pour faute grave.
Il convient par ailleurs de considérer que la mise en place de procédures d'urgence pour les césariennes au sein de la clinique n'est pas établie, l'attestation du Dr [A] étant sur ce point contredite par celle du Dr [U] [M].
Sur le troisième grief:
Il est reproché a Dr [D] [U] de n'avoir mis en place aucun geste thérapeutique malgré l'urgence de la situation contraignant ainsi la sage-femme à appeler, avec l'accord de l'anesthésiste le Dr [A] afin d'effectuer l'hystérectomie. Son employeur lui reproche d'être resté passif à double titre : en ne prenant pas la décision d'appeler son collègue et en ne prenant pas en charge l'intervention.
L'argument selon lequel M. [D] [U] avait interdiction de pratiquer la chirurgie est inopérant cette interdiction concernant son activité libérale au sein de la clinique et non sa pratique salariée lorsqu'il était de garde.
Le Dr [D] [U] indique avoir trouvé une rupture utérine très importante et avoir, en accord avec le Dr [O], fait appel au Dr [A] pour venir pratiquer l'hystérectomie.
L'attestation du Dr [A] ne permet pas de savoir ce qui s'est passé en amont de son appel.
La direction de la clinique ne démontre pas en quoi le fait de vouloir bénéficier d'un second avis avant de pratiquer une opération irréversible sur une femme dont l'enfant allait certainement décéder était fautif, les experts ne formulant aucune observation sur ce point et le délai pris n'ayant eu aucune incidence sur l'issue de l'opération.
L'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON ne rapportant pas la preuve du caractère fautif des faits qu'elle invoque au soutien du licenciement, il s'en suit que, contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes dont le jugement sera infirmé, le licenciement de M. [D] [U] est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes indemnitaires:
sur l'indemnité compensatrice de mise à pied:
Monsieur [D] [U] a été mis à pied du 2 février 2015 jusqu'à son licenciement prononcé le 25 février 2015.
La moyenne des 12 derniers mois de salaires ( 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014) est de 8.712,99euros ( 104.555,92 euros /12).
Il est donc dû 8712,99X22/30 = 6.389,53euros outre 638,95euros au titre des congés payés afférents
sur l'indemnité compensatrice de préavis
Suivant les dispositions de l'article 15.02.2.1 de la convention collective des établissements hospitaliers privés non lucratifs ( FEHAP) le Dr [D] [U] pouvait prétendre au versement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à 6 mois de salaire.
Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis s'élève à la somme de : 8.712,99 x 6= 52.277,94euros à laquelle s'ajoutent les congés payés afférents soit: 5.227,79euros
sur l'indemnité conventionnelle de licenciement:
Le DR [D] [U] avait plus de 2 ans d'ancienneté au moment de son licenciement.
Suivant les dispositions de l'article 15.02.3.2 de la convention collective applicable, l'indemnité de licenciement se calcule sur la base des trois derniers mois de salaires bruts et équivaut à un mois de salaire par année de service:
Le total des trois derniers mois de salaires bruts est de 24.296,22euros soit une moyenne de 8.098,74euros.
La différence avec la réclamation de l'appelant tient à ce que ce dernier a calculé son indemnité de licenciement sur la base de la moyenne de ses trois derniers mois de salaire nets.
La cour ne pouvant aller au-delà de la demande qui lui est présentée, il convient de fixer l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 18.687,96euros ( 6229,32x3)
sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le licenciement pour faute grave dans le cadre d'un accouchement a eu nécessairement des répercussions sur la réputation du Dr [D] [U] qui a subi , comme il en témoigne par les difficultés qu'il a eu ensuite pour pouvoir exercer pleinement son activité libérale, une véritable mise à l'écart.
Le manque d'objectivité avec laquelle la clinique a conduit son enquête, et poursuivi la procédure de licenciement justifie d'allouer au Dr [D] [U], après prise en compte de son ancienneté, une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement.
sur les dommages et intérêts pour procédure vexatoire:
M. [D] [U] ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé ci-avant, cette demande sera rejetée.
sur la demande de rappel de salaire:
Le solde de tout compte permet de constater que la somme de 857,37euros( dont l'appelant sollicite le paiement) a été débitée pour «maladie non payée du 21/02 au 23/02/2014»'
L'intimée objecte que sur cette période M. [D] [U], affilié à la RAM a dû directement percevoir les indemnités de la sécurité sociale.
Il n'est pas justifié que l'employeur avait une obligation de maintien de salaire.
Cette demande sera rejetée.
sur le paiement des gardes:
M.[D] [U] soutient qu'il lui reste dû 9 gardes.
Il apparaît que son temps de travail se décomposait comme suit:
77,40% soit 4 gardes sur le cycle de 4 semaines soit 52 gardes par an
22,60% de temps de gardes lissées, l'appelant s'étant engagé à effectuer 19 gardes.
C'est donc bien un total de 71 gardes que devait réaliser M. [D] [U] sur l'année.
Le 14 octobre 2014, son employeur lui a écrit pour lui indiquer qu'il lui restait à accomplir 10,86 gardes d'ici le mois de décembre 2014. Suite à un échange de courriers et puisqu'il ne souhaitait pas réduire le nombre de gardes dont il était encore redevable en posant des congés annuels, l'UMGEGL lui a envoyé un nouveau planning de gardes à effectuer jusqu'au mois de février 2015.
Monsieur [U] n'ayant pas effectué ces gardes, c'est à juste titre que l'employeur a appliqué la retenue correspondante sur son salaire.
sur le rappel d'indemnité de congés payés:
I - Le congé annuel prévu par l'article L3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;
2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire en repos prévues à l'article L. 3121-11 ;
3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées ci-dessus et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
II-Toutefois, l'indemnité prévue au I ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
2° De la durée du travail effectif de l'établissement.
Monsieur [D] [U] soutient qu'il lui est dû la somme de 1.271,77euros s'établissant comme suit:
- solde des congés 2013/2014 : 3 jours = 1.052,40euros
- congés acquis du 1er juin 2014 au 28 février 2015: 6.990 euros
soit 8.043,30 euros dont il déduit la somme de 6.771,53 euros versée par son employeur.
L'intimée soutient que M. [D] [U] a été rempli de ses droits.
Il résulte des bulletins de salaires produits qu'au 31 mai 2014, M. [D] [U] avait un solde de congés de 3,7 jours .
Il est établi par ailleurs que pour la période du 1er juin 2014 au 28 février 2015 le salaire de référence est de 69.909euros. Il est donc dû à M. [D] [U] la somme de 6.990euros.
Son employeur lui ayant réglé la somme de 6.771,53 euros alors qu'il lui devait la somme de 8.043,30 euros, il convient de condamner celui-ci à lui verser la somme de 1.271,77euros
Sur les autres demandes:
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de L'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile et sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
L'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à M. [D] [U] les frais exposés pour sa défense.
L'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON sera condamnée à lui verser la somme de 3.000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure d'appel au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement :
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par M. [D] [U] au titre du maintien de salaire et d'un rappel de salaire pour les gardes et en ce qu'il a rejeté la demande de L'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés;
DIT que le licenciement de M. [F] [D] [U] est sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE l'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON à verser à M. [F] [D] [U] les sommes suivantes:
-6.389,53euros au titre de l'indemnité compensatrice de mise à pied outre 638,95euros au titre des congés payés afférents
-52.277,94euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 5.227,79euros au titre des congés payés afférents.
-18.687,96euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
-50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-1.271,77euros au titre du rappel d'indemnité de congés payés.
REJETTE la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure vexatoire
CONDAMNE l'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON à verser à Monsieur [F] [D] [U] la somme de 3.000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure d'appel au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.
CONDAMNE l'UNION MUTUALISTE DE GESTION DES ETABLISSEMENTS DU GRAND LYON aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier La Présidente
Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT