AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 16/03910 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KLOQ
J...
C/
Société C.G.I.
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 26 Avril 2016
RG : F 12/04526
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 15 MAI 2019
APPELANTE :
K... J...
[...]
représentée par Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
Société C.G.I. venant aux droits de la société LOGICA France, SASU
[...]
représentée par Me Bertrand MERVILLE de la SCP LA GARANDERIE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alice DELAMARE, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Décembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Evelyne ALLAIS, Conseiller
Annette DUBLED VACHERON, Conseiller
Assistés pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Mai 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Mme J... a été embauchée par la société COMELOG le 1er novembre 1985 par contrat à durée indéterminée en qualité d'ingénieur d'études échelon 1 statut cadre au coefficient 95.
A compter du mois de janvier 1996, son contrat de travail a été transféré à la société AXIME INGENIERIE suite à la liquidation judiciaire de la société COMELOG. Il a ensuite été transféré à la société LOGICA repreneur de la société AXIME INGENIERIE et en dernier lieu, à la société CGI France en 2012 suite à la fusion de cette dernière avec la société LOGICA.
La société CGI France est une entreprise de prestations de services en technologie de l'information qui emploie plus de 10.000 salariés et est présente sur 22 sites en France.
Au cours de sa carrière, Mme J... a bénéficié de plusieurs promotions qui lui ont permis d'atteindre le poste de concepteur fonctionnel coefficient 130 au mois de décembre 2010. A cette occasion son contrat de travail a fait l'objet d'un avenant spécifiant que le changement de coefficient entraînait un changement de modalité d'aménagement du temps de travail, la salariée bénéficiant alors d'une convention de forfait hebdomadaire de 38h30, de jours de repos RTT et d'une prime sur résultat liée à sa contribution personnelle.
Mme J... s'est engagée dans les instances représentatives du personnel. Elle a été élue déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise à compter de l'année 1998. A compter de l'année 2008, elle a occupé des fonctions de représentante syndicale au sein du CHSCT et a été désignée déléguée syndicale CGT en 2009.
Depuis les élections professionnelles de décembre 2014, elle assure les mandats de déléguée syndicale CGT Grand Est, représentante syndicale CGT au comité d'établissement Grand Est, déléguée du personnel suppléante de Lyon et représentante syndicale au CHSCT de Lyon.
Elle est rattachée à la direction régionale Grand Est , à l'agence de LYON.
La convention collective des bureaux d'études techniques est applicable au litige.
Considérant que sa carrière professionnelle ne suivait pas un déroulement comparable à celui des autres salariés non élus et non syndiqués, Mme J... a alerté le directeur d'établissement le 13 juillet 2012 ainsi que l'inspection du travail .
Sans réponse de son employeur, elle a, suivant requête du 27 novembre 2012, saisi le conseil de prud'hommes de LYON aux fins':
- de voir dire qu'elle faisait l'objet d'une discrimination syndicale
- de voir fixer son coefficient à 150 avec effet à la date de notification du jugement à intervenir
- de voir ordonner que soient mises à sa disposition des formations adéquates le cas échéant,
- de voir ordonner à son profit le versement par la société CGI venant aux droits de la société LOGICA d'un salaire brut de 3.717,14 euros à compter de la notification du jugement à intervenir';
- de voir condamner la société CGI à lui verser':
la somme de 50.504, 92 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi
la somme de 1.547,50 euros bruts outre 154,75 euros bruts au titre des congés payés afférents à titre de rappel de prime variable pour les années 2010 à 2012
25.000 euros au titre du préjudice moral subi
600 euros à titre provisionnel au titre de l'intéressement pour l'année 2010
3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
de voir ordonner la capitalisation des intérêts
de voir condamner la société CGI aux dépens, en ce compris, le remboursement du timbre fiscal de 35euros.
Le syndicat CGT CGI est intervenu volontairement à la procédure et a sollicité la condamnation de la société CGI France à lui payer des dommages et intérêts.
Aux termes d'un jugement avant dire droit du 24 avril 2014, le conseil de prud'hommes a confié une mission d'enquête aux conseillers rapporteurs du 26 avril 2016. Par jugement du 26 avril 2016, le conseil de prud'hommes de LYON, en sa formation de départage, a débouté Mme J... de l'intégralité de ses demandes et condamné cette dernière à verser à la société CGI la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Mm J... a interjeté appel de cette décision par acte du 18 mai 2016.
Aux termes des conclusions développées oralement à l'audience, Mme J... demande à la cour:
- d'infirmer le jugement
- de dire qu'elle a été victime de discrimination syndicale';
- de fixer son coefficient à 150 avec effet à la date de notification de l'arrêt à intervenir
- d'ordonner que soient mises à sa disposition des formations adéquates le cas échéant,
- d'ordonner à son profit le versement par la société CGI venant aux droits de la société LOGICA d'un salaire brut de 3.717,14 euros à compter de la notification de l'arrêt à intervenir';
- de condamner la société CGI à lui verser':
la somme de 73.382 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi
la somme de 1.547,50 euros bruts outre 154,75 euros bruts au titre des congés payés afférents à titre de rappel de prime variable pour les années 2010 à 2012
la somme de 25.000 euros au titre du préjudice moral subi
la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
d' ordonner la capitalisation des intérêts
de condamner la société CGI aux dépens, en ce compris le montant du timbre fiscal à 35 euros.
Mme J... fait valoir qu'il existe dans le déroulement de sa carrière, plusieurs éléments laissant supposer qu'elle est victime de discrimination syndicale à savoir':
- une différence de rémunération par rapport aux salariés placés dans une situation comparable à l'embauche
- une absence de prise en compte des fonctions réellement exercées
- la mise à l'écart des formations malgré ses demandes.
Elle fait état de condamnations régulières de son employeur pour discrimination syndicale et soutient que son employeur ne produit aucun élément permettant de justifier objectivement cette discrimination.
Mme J... affirme ne pas avoir bénéficié d'augmentation de salaire significative depuis 2007 et d'augmentation de coefficient depuis 2010. Elle observe que ce n'est qu'après l'engagement de la procédure prud'homale que son salaire a , à nouveau, légèrement augmenté.
Elle fonde son analyse sur la comparaison de sa carrière avec celle de 7 salariés non élus et non syndiqués engagés entre 1984 et 1986 et souligne qu'ils ont tous obtenu en 2010 à 100% un coefficient de 130 et à 85% un coefficient de 150 et plus'; que la différence de salaire qui existe entre eux s'élève à 673,14 euros.
Elle considère que la comparaison proposée par l'employeur n'est pas fiable dès lors qu'il n'apporte aucune précision sur l'ancienneté et le niveau de diplôme des 650 salariés à la situation desquels il se réfère.
Elle fait observer que les bilans sociaux produits par l'employeur permettent d'affirmer que celui-ci dispose de tous les éléments nécessaires pour établir un panel de comparaison utile mais qu'il refuse de communiquer les éléments utiles au débat.
Elle soutient qu'il existe une très nette différence de traitement dans le versement de la part variable pour lequel la direction s'est toujours refusée à être transparente sur les critères d'attribution.
Mme J... précise occuper un poste de concepteur fonctionnel depuis 1998 alors que le coefficient 130 et la qualification de concepteur fonctionnel ne lui ont été effectivement attribués qu'en 2011'; que depuis 2009 elle a pu exercer des fonctions de management dans les missions de responsable de recette, de chef de projet informatique et de chef de projet utilisateur.
Elle souligne que le conseil de prud'hommes a émis une réserve quant à son implication dans la relation client alors que ses entretiens individuels montrent qu'elle met tout en 'uvre pour satisfaire les clients; qu'elle a un bon relationnel et qu'elle est en demande pour avoir des contacts directs avec les représentants du client.
Considérant que la convention collective prime sur la fiche de poste interne CGI, elle rappelle que le coefficient revendiqué ne prévoit qu'un management opérationnel; qu'elle revendique le positionnement au coefficient 150 sur la fonction chef de projet fonctionnel, concepteur senior'; qu'elle occupe des fonctions manageriales à l'égard des analystes/concepteurs; que son employeur ne peut tenir compte des absences liées à ses différents mandats pour considérer qu'ils sont un obstacle à son évolution.
Mme J... soutient que la discrimination dont elle est victime se traduit également par un traitement différencié en termes de formation et précise':
- qu'elle n'a suivi qu'une formation d'anglais en e-learning en 2011
- qu'elle s'est vu refuser sa formation en 2007
- qu'en 2012 elle a insisté dans son entretien individuel sur la nécessité de formation
- qu'elle a pour autant été exclue de la formation programmée en décembre 2012 pour bénéficier en 2013 d'une formation réclamée en 2008';
- qu'elle a suivi en 2017 une formation réclamée en 2015';
- qu'en 2015 elle a demandé la formation «gestion des exigences en développement logiciel» mais n'a pu la suivre qu'en 2017 suite à un refus initial du responsable de formations;
- qu'elle a effectivement renoncé en 2017 à une formation à laquelle elle ne pouvait se rendre puisque son employeur n'envisageait pas de lui aménager son temps de travail pour lui permettre d'effectuer le travail personnel d'une demi-journée par semaine exigé par ce module.
Mme J... fait également valoir que son employeur a été condamné à plusieurs reprises pour discrimination, mais que, malgré ces condamnations, la société LOGICA n'a pris aucune mesure pour faire cesser la discrimination syndicale et que l'accord UES UNILOG conclu le 23 janvier 2007 n'est toujours pas respecté.
Mme J... rappelle que les dossiers d'entretiens annuels montrent qu'elle n'a jamais démérité et qu'il n'existe aucun élément objectif susceptible de justifier son faible niveau de rémunération et la non attribution du coefficient 150.
Mme J... invoque un préjudice financier évalué sur la base de la méthode CLERC qu'elle évalue à 73.382 euros auquel s'ajoute un rappel de salaire variable de 1.547,40 euros outre les congés payés afférents. Elle invoque également un préjudice moral en faisant état de l'impact de cette situation sur sa vie de famille et sociale.
Aux termes des conclusions développées oralement à l'audience, le syndicat CGT CGI , intervenant volontaire à la procédure d'appel, demande à la cour au visa des articles L2131-1 et L2132-3 du code du travail:
- d'infirmer le jugement:
- de déclarer son intervention volontaire recevable
- de condamner la société CGI à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- de condamner la société CGI aux dépens.
Aux termes des conclusions développées oralement à l'audience, la société CGI France demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé le montant de la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à 750 euros et statuant à nouveau, de condamner Mme J... à lui verser la somme de 1.500 euros à ce titre.
La société CGI affirme pour sa part que l'appelante est défaillante dans l'administration de la preuve d'éléments laissant présumer l'existence d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale. Elle déclare avoir porté à la connaissance des conseillers rapporteurs l'ensemble des informations sollicitées.
Elle rappelle les constats opérés par les conseillers rapporteurs et le juge départiteur et observe que l'appelante ne produit aucun élément nouveau à l'exception de ses derniers entretiens individuels d'évaluation.
Elle avance que depuis le début de l'exercice de ses mandats syndicaux, Mme J... a bénéficié d'augmentations de salaires; qu'au cours de sa dernière mandature ( de 2014 à 2018) elle a bénéficié sur les 3 ans où elle a atteint ou dépassé le seuil de 30% d'heures de délégation, de 6% d'augmentation individuelle. Elle fait valoir que la salarié estime en réalité que son avancement est, non pas inexistant, mais insuffisant et considère que la méthode de comparaison utilisée est contestable à plusieurs titres car':
- les 7 salariés désignés dans ses écritures ne sont pas visés dans la pièce 20 sur laquelle elle se fonde
- l'analyse de la pièce 20 montre qu'elle a le deuxième salaire le plus élevé des salariés retenus dans le panel
- rien ne justifie de limiter l'examen de la situation au mois de janvier 2010 et de s'abstraire de comparer les évolutions de carrières depuis l'embauche';
- aucune information n'est produite quant aux diplômes, à la polyvalence ou autres éléments pertinents des salariés auxquels Mme J... se compare.
La société CGI rappelle à titre liminaire que les coefficients 115,120 et 130 représentent 45 à 50% de la population du secteur Grand Est auquel est rattaché Mme J....
Elle indique que, suivant la convention collective, les critères d'attribution du coefficient 150 sont la capacité d'analyse, la prise d'initiatives et l'encadrement d'une équipe'; qu'au sein de l'équipe Project Delivery au sein de laquelle évolue Mme J... il existe une branche fonctionnelle de projet et une branche management de projet, que la fonction chef de projet fonctionnel, concepteur fonctionnel senior se caractérise par la nécessité de coordonner plusieurs activités de même nature'et implique de savoir convaincre, animer, former et communiquer en s'appuyant sur ses qualités d'écoute et de leadership.
Elle fait valoir qu'il résulte des entretiens d'évaluation que Mme J... refuse de prendre des fonctions managériales et donc d'encadrement et que ses dernières missions démontrent qu'elle n'assure pas d'encadrement.
La société CGI soutient par ailleurs que Mme J... fait une interprétation spécifique de la convention collective en soutenant qu'elle évoquerait un management opérationnel et non un management au sens de la gestion des ressources humaines sans étayer cette analyse par un avis d'interprétation de la commission paritaire de branche alors même que les conditions d'octroi du coefficient 150 en fonction des métiers propres à l'entreprise n'ont jamais fait l'objet d'observations.
Elle considère que Mme J... ne satisfait pas aux pré-requis définis par la convention SYNTEC et précisés dans les fiches de poste CGI pour bénéficier de la position 2.3 et du coefficient 150. Elle juge les attestations produites au soutien de la demande peu probantes, en ce que M. W... a quitté l'entreprise en 2008 et n'a pas travaillé pour elle, et en ce que M. G... n'a jamais été chef de projet.
Concernant la formation, la société CGI réplique qu'en 2012, plusieurs dates ont été retenues mais que Mme J... a fait part de son indisponibilité compte-tenu de ses mandats'; que la formatrice a tenté de trouver une solution mais que Mme J... a toujours refusé de participer aux formations sur la tranche horaire 12h 14h.
Elle précise qu'entre 2013 et 2015, la salarié a suivi 8 formations'; qu'en 2017 elle en a suivi 2 autres et qu'elle a renoncé à une troisième qu'elle avait sollicitée'; que le programme des formations fait partie du catalogue et permet aux salariés de savoir si un travail personnel est exigé'; qu'elle ne démontre pas en quoi, son manager qui a accepté qu'elle suive cette formation, l'a empêchée de la suivre effectivement.
Alors qu'il est allégué qu'elle a été fréquemment condamnée pour discrimination syndicale, la société CGI fait valoir que par un arrêt récent la cour d'appel de LYON( aujourd'hui définitif après rejet du pourvoi) a débouté un salarié délégué CGT de toutes ses revendications basées sur une prétendue discrimination syndicale'; que le juge départiteur d'AIX EN PROVENCE a également rendu une décision en sa faveur.
Elle se veut précurseur en matière de dialogue social et indique avoir signé avec les partenaires sociaux deux accords collectifs (l'un au mois de février 2013, l'autre au mois d'avril 2018) tous deux signés par la CGT portant notamment sur l'exercice des mandats des instances représentatives du personnel.
Elle observe enfin qu'au cours de ses entretiens individuels, la salariée a toujours exprimé sa satisfaction quant à ses missions et ses conditions de travail.
SUR CE':
I- Sur l'intervention du syndicat CGT':
Il y a lieu de constater que le syndicat CGT CGI n'a pas interjeté appel du jugement mais qu'il intervient volontairement en cause d'appel . Sa demande doit être déclarée recevable.
II- Sur la discrimination syndicale':
Suivant les dispositions de l'article L 1132-1 dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.
En application des dispositions de l'article L 1134-1 du code du travail, applicables au litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
sur l'évolution de Mme J...:
Mme J... est née [...] . Elle a été embauchée à compter du 1er novembre 1985 à l'échelon 1.
Les pièces produites permettent de constater qu'elle a été augmentée chaque année de 1985 à 1987 avant d'atteindre le 2ème échelon en 1988. Elle a également été très régulièrement augmentée entre 1988 et 1996 date à laquelle elle a obtenu le coefficient 110. Il en a été de même entre 1998 et 2001 date à laquelle elle a atteint le coefficient 115.
Cette dernière période correspond aux premiers mandats syndicaux de Mme J... qui a été désignée comme membre du comité d'entreprise et déléguée du personnel en 1998.
Il apparaît donc que sur cette première période, la carrière de Mme J... s'est déroulée normalement alors même qu'elle exerçait des mandats syndicaux.
Mme J... a vu son salaire augmenter dans les années suivantes et ce jusqu'au 1er juillet 2004, date à laquelle son revenu mensuel brut est passé à 3.044 euros ( plus 4%).
Son salaire est resté le même jusqu'en mai 2011, date à laquelle il a subi une augmentation de 1,34% pour passer à 3.084 euros bruts. Le passage au poste d'analyste(coefficient 120)en juillet 2007 puis au poste de concepteur fonctionnel (coefficient 130 ) au 1er juillet 2010 ne s'est accompagné d'aucune augmentation (avenant du 23 février 2011).
Au cours de son entretien individuel de 2007, la salariée avait sollicité une augmentation et un salaire mensuel brut de 3.200 euros par mois, en évoquant un «'réajustement'» suite à un gel des salaires à LOGICA MG. Elle avait également sollicité le passage au coefficient 130 (obtenu 4 ans plus tard) considérant que ce coefficient correspondait aux fonctions réellement exercées. C'est donc cette stagnation de 2007 à 2011 que Mme J... considère être révélatrice d'une discrimination.
Au plan syndical, et sur la même période, Mme J... a été désignée en 2008 comme membre du CHSCT et en 2009 comme déléguée syndicale CGT.
Mme J... a ensuite bénéficié d'augmentations régulières entre avril 2011 et janvier 2015 son salaire étant passé de 3.084 euros à 3.380,88 euros brut (janvier 2018) alors qu'elle exerçait encore des mandats syndicaux. Elle n'a pas atteint le coefficient 150 auquel elle estime pouvoir prétendre.
Mme J... fonde sa comparaison sur sa pièce 20. Cette pièce vise un panel de salariés bénéficiant des coefficients 120 et 130 sur lequel figurent :
- M. U... né en 67, embauché [...] titulaire d'un DUT, analyste coefficient 120 bénéficiant d'un salaire mensuel de 2758 euros brut.
- M. H..., né [...] , embauché [...] , concepteur fonctionnel coefficient 130 bénéficiant d'un salaire de 2.955 euros
- M. L..., né [...] , embauché [...] , analyste coefficient 120, bénéficiant d'un salaire de 3034,56 euros
- M. Y... né [...] , embauché [...] , concepteur fonctionnel, coefficient 130, bénéficiant d'un salaire de 3092 euros.
Ce panel ne révèle pas d'inégalité de salaire, Mme J... ayant le deuxième salaire le plus élevé.
La comparaison qu'elle opère avec d'autres salariés ( S..., I..., Q..., M..., O..., V...) qui ne figurent pas sur la pièce 20 n'est pas pertinente, dès lors qu'il n'est pas possible de s'assurer que ces derniers étaient dans une situation équivalente et comparable à la sienne.
Enfin les conseillers rapporteurs ont pu constater que le niveau de rémunération de Mme J... s'est toujours situé dans la moyenne de sa catégorie.
L'employeur produit les bilans sociaux depuis l'année 2007 et rien ne permet d'affirmer à la lecture du rapport établi au cours de la première instance qu'il ait intentionnellement dissimulés certains documents.
Les bilans sociaux produits par l'employeur permettent de constater que dans la catégorie des cadres, les coefficents 120 et 130 étaient largement majoritaires.
Il résulte par ailleurs des procès verbaux de négociation sociale de l'unité économique et sociale produits par la société CGI que la question des salaires et du maintien du pouvoir d'achat était au c'ur des débats'; par ailleurs, il apparaît qu'en 2007, Mme J... qui réclamait son passage au coefficient 130 a également sollicité un réajustement de son salaire en faisant état du «'gel des salaires à LogicaCMG'» ce qui témoigne du fait qu'elle n'était pas seule à voir son salaire ne pas augmenter.
Mme J... affirme que cette discrimination résulte également du montant de la part variable de son salaire. Elle souligne qu'elle n'a rien perçu en 2010 et 2011 et qu'en 2012 la somme versée est inférieure au variable moyen du panel.
Les conseillers rapporteurs ont pu constater l'absence de critères objectifs pour le versement de la prime variable. Mme J... indique elle-même que les délégués du personnel se sont émus de l'opacité qui encadre l'attribution de ces primes.
Les conseillers rapporteurs ont cependant pu déterminer au terme de leur enquête que certains salariés étaient encore moins bien rémunérés que Mme J... au titre de la part variable. Ainsi, et dès lors que l'absence de critères objectifs de rémunération s'étend à l'ensemble des salariés, cet élément ne peut caractériser la discrimination syndicale.
Sur le poste réellement occupé:
Mme J... indique qu'en application des dispositions conventionnelles SYNTEC la position 2.3 et le coefficient 150 sont définies comme suit':
«'ingénieurs ou cadres ayant au mois 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier'; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés techniciens, ou ingénieurs travaillant à la même tâche.'»
Elle précise que ces exigences ne se résument pas à la faculté de donner des ordres ou de superviser le travail de collaborateurs mais suppose aussi de savoir accompagner les membres de l'équipe dans leur évolution et de contribuer au management RH de l'entité.
La convention collective SYNTEC indique que le coefficient 150 s'applique aux ingénieurs et cadres «'ayant au mois 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche.'»
Mme J... revendique le positionnement 150 sur la fonction chef de projet fonctionnel.
La fiche produite par l'employeur démontre que cette fonction suppose notamment qu'elle sache définir et organiser les équipes nécessaires à la réalisation de sa mission, suivre/faire évoluer les équipes dont il a la charge, et puisse participer aux activités de management structurelles de son entité (affectation, RH, Comité JUMA), réaliser des évaluations de charge dans le cadre de propositions commerciales, assurer les relations avec les intervenants externes , contribuer aux structures de communications ascendantes et descendantes, animer les comités pour le client.
Il est donc exigé, pour accéder au coefficient 150, des compétences en management.
Mme J... produit deux attestations de collègues, Messieurs G... et W... pour justifier du fait qu'il est possible d'accéder au coefficient 150 sans exercer de fonctions d'encadrement.
Cependant, M. W... n'est plus dans l'entreprise depuis 2008. M. G... évoque deux missions qui n'imposaient pas de compétences commerciales ou d'encadrement ce qui, ainsi qu'à pu le souligner le premier juge, est insuffisant pour caractériser la fonction de chef de projet fonctionnel.
L'examen des bilans annuels permet de constater qu'en 2011, il a été indiqué « c'est la première année où K... intervient autant en amont dans l'assistance avec de l'autonomie. Elle est «'intégrée'» aux utilisateurs. K... est satisfaite de ce type de mission et souhaite poursuivre des missions de type «'utilisateu/métier,'» plus que de type «' informatique'». Un évolution vers une fonction de CP fonctionnel (150 ) est envisagée.(..) «'K... a la capacité d'évoluer vers la fonction souhaitée en développant les aspects «'consulting'» de sa fonction.'»
A l'issue du bilan 2012, il était indiqué que l'évolution vers un coefficent 150 était possible si «mise en situation dans sa prochaine mission. Mais il faut aussi que K... accepte de se fixer des objectifs plus ambitieux( qui vont au-delà de la satisfaction client) pour y parvenir.»
La dernière évaluation à laquelle fait référence Mme J... (2016) indique qu'elle est légitime sur son rôle de concepteur et doit désormais s'affirmer sur des activités orientées business et d'encadrement. La référence qui y est faite à ses mandats syndicaux n'est pas discriminante et ne signifie pas que les absences liées à ses mandats de représentation du personnel sont un obstacle à une évolution, elle souligne au contraire la motivation de la salarié pour poursuivre ses missions en dépit des difficultés à concilier ses mandats et sa mission.
Enfin, le dernier entretien produit par Mme J... témoigne également de sa satisfaction au travail, d'une relation apaisée avec CGI, d'une excellente entente avec son interlocuteur RH, et les appréciations portées sur elle ne trahissent aucune volonté de bloquer sa progression mais bien au contraire un accompagnement de celle-ci.
L'évolution 2016/2017 produite par la société CGI souligne une bonne continuité, une motivation et un investissement constant. Il est spécifié que la salariée a su accompagner l'équipe des concepteurs dans la transformation du contexte; qu'elle apporte sur le projet son expérience et sa méthodologie permettant d'améliorer les process. Mme J... maintient sa demande d'évolution en mettant en avant son expérience. Son manager indique que le niveau d'exigence 150 réclame pour Mme J... le développement des compétences d'encadrement et de business pour embrasser globalement les attendus de sa fonction.
Mme J..., dont les qualités professionnelles ont toujours été soulignées par son employeur et sont indiscutables, n'établit pas, au moyen des éléments ci-dessus, qu'elle dispose de l'ensemble des compétences inhérentes au coefficient auquel elle souhaite accéder, qui exigent des compétences différentes des compétences techniques dans lesquelles elle excelle. Elle ne démontre donc pas le bien fondé de sa demande de repositionnement et le caractère discriminatoire de son maintien au coefficient 130.
sur la formation:
Mme J... indique que la discrimination syndicale se traduit également à son encontre à travers un défaut de formation; qu'en 2007 sa demande de formation a été refusée par la direction ce dont elle justifie par la production de sa demande qui porte la mention de refus pour le motif «formation non prioritaire» étant précisé qu'elle sollicitait une formation de 20 heure de conversation en langue anglaise.
Il résulte cependant de son dossier d'évaluation qu'en 2007 elle a bénéficié d'une formation en anglais télé-langue de 20 heures qu'elle a considéré être une formation de qualité.
De 2008 à 2011 inclus, il apparaît que Mme J... n'a bénéficié d'aucune formation, bien qu'elle en ait émis le souhait dans le cadre de ses entretiens annuels, ce qui l'a amenée à formuler une réclamation à l'issue de l'entretien 2012.
Mme J... soutient avoir été exclue de la formation de 2012. Il résulte de l'échange de courriels produit en pièce 23, qu'elle a été positionnée dans le groupe 5 du jeudi de 15 heures à 16 heures 30.
Elle a indiqué qu'elle était indisponible les mardi et jeudi en raison de ses mandats syndicaux et a demandé à être placée sur le groupe du vendredi.
Cette demande s'est adressée à la formatrice (et non à la société CEGID) qui lui a indiqué qu'elle prenait en compte son problème et la recontacterait aussi vite que possible. Sans nouvelle de la formatrice, Mme J... a pris contact avec Mme P... , directeur de projets qui lui a indiqué qu'elle ne s'occupait plus de la formation R2A depuis longtemps mais que plusieurs collaborateurs étaient en attente d'une nouvelle session et qu'elle ne savait pas quand celle-ci allait démarrer. M. E... directeur de projets lui a répondu qu'elle faisait partie des 3 ou 4 collaborateurs pour lesquels ils n'avaient pas de solution car il était difficile de faire cohabiter 10 groupes en deux jours avec des groupes équilibrés en termes d'attentes de niveaux et de nombre de participants.
Ces contraintes organisationnelles ne peuvent être ignorées et assimilées à une volonté de l'employeur d'écarter Mme J... de la formation en raison de son appartenance syndicale. Elle a d'ailleurs suivi 8 formations entre 2013 et 2015 et ne peut valablement se prévaloir d'annulation de sessions de formation qu'elle a réclamées et qui ont été décalées dans le temps (gestions des exigences en développement logiciel).
Elle ne rapporte par ailleurs pas la preuve que son manager se serait opposé à ce qu'elle suive effectivement la formation Basics SCM pour laquelle ce manager avait donné un avis écrit favorable.
L'existence du défaut de formation invoqué n'est pas établie.
Dès lors, Mme J... ne rapporte pas la preuve d'éléments laissant supposer qu'elle est victime de la discrimination syndicale qu'elle allègue.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions et Mme J... déboutée de ses demandes formées de ce chef.
Par voie de conséquence, le syndicat CGT-CGI sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, sur laquelle le premier juge a omis de statuer.
III- Sur les autres demandes
Mme J... et la CGT CGI seront condamnées in solidum aux dépens d'appel.
La société CGI France sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tendant à voir augmenter le montant de la somme allouée en première instance et condamner Mme J... pour les frais exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement';
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions'
Y AJOUTANT,
DEBOUTE le syndicat CGT CGI de sa demande de dommages et intérêts
REJETTE la demande de la société CGI France fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
CONDAMNE in solidum Mme J... et le syndicat CGT CGI aux dépens d'appel.
Manon FADHLAOUI Joëlle DOAT
Le greffier La Présidente