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15/05/2019 | FRANCE | N°15/09605

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 15 mai 2019, 15/09605


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 15/09605 - N° Portalis DBVX-V-B67-KBYY





[O]



C/

SAS AKKA INGENIERIE PROCESS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Décembre 2015

RG : F 13/04240







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 15 MAI 2019







APPELANT :



[H] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

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assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS AKKA INGENIERIE PROCESS

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON substitué par Me Alizée DUPIC, avocat au barreau de LYON

BATS EN A...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 15/09605 - N° Portalis DBVX-V-B67-KBYY

[O]

C/

SAS AKKA INGENIERIE PROCESS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Décembre 2015

RG : F 13/04240

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 15 MAI 2019

APPELANT :

[H] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS AKKA INGENIERIE PROCESS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON substitué par Me Alizée DUPIC, avocat au barreau de LYON

BATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2018

Présidée par Evelyne ALLAIS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED VACHERON, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Mai 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 octobre 2010, Monsieur [H] [O] a été embauché par la société AKKA INGENIERIE PROCESS à compter du même jour, en qualité d'ingénieur d'étude, catégorie cadre, position 1.2, coefficient 100.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils.

Le 17 juillet 2013, Monsieur [O] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 juillet 2013.

Le 2 août 2013, il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants:

'Le 19 Mai 2013, vous avez fait parvenir votre demande de congés du 17 au 28 Juin 2013 à votre manager ainsi qu'à votre assistante de gestion, afin de solder vos congés 2012/2013 conformément aux dispositions conventionnelles.

Au regard des contraintes DU projet sur lequel vous avez été affecté, et de l'impossibilité de vous absenter sur cette période, Monsieur [F] [S] vous a refusé cette dernière. Nous vous avons alors octroyé par courriel en date du 24 Mai 2013, une dérogation afin de solder vos congés de l'année précédente au 30 Septembre 2013. Votre présence étant indispensable, vous avez donc reformulé votre demande en conséquence.

Or, le 20 Juin 2013 vous avez envoyé par courriel une demande de RTT pour les 26 et 27 Juin 2013, uniquement à votre assistante d'agence alors même que vos précédentes demandes d'absences étaient adressées en copie à votre manager. Ce comportement démontre une volonté d'outrepasser les directives managériales dont vous aviez clairement connaissance. Au cours de l'entretien, vous nous avez fait remarquer que l'alerte donnée sur la charge du projet fin Juin était à votre initiative. Vous nous avez par ailleurs indiqué que nous vous avons refusé votre demande de congés mais que la prise de RTT sur cette période était selon vous possible.

Nous avons été informés par notre client Renault, de votre absence à votre poste de travail les 26 et 27 juin 2013. II nous a également fait part de son insatisfaction et de son incompréhension compte- tenu des engagements pris.

Nous vous rappelons que selon l'article 5 de notre Règlement Intérieur, « toute absence prévisible ou départ anticipé doit être autorisé au préalable par la Direction ». Or, vous vous êtes absenté sans autorisation de notre part et en ne respectant pas en toute connaissance de cause nos directives, ce qui s'apparente à un acte délibéré d'insubordination.

D'autre part, Monsieur [F] [S] vous a laissé plusieurs messages téléphoniques vous invitant à nous joindre dans les plus brefs délais afin de recueillir vos explications. Sans retour de votre part, il vous a alors expressément demandé par courriel de contacter Monsieur [J] [K] dans la journée du vendredi 28 Juin 2013, consigne que vous n'avez appliquée que le lundi 1er Juillet 2013.

Ce comportement est inacceptable. Il ne correspond ni aux valeurs de notre groupe ni au respect de vos obligations contractuelles, et à ce que nous sommes en droit d'attendre de la part de l'ensemble de nos collaborateurs. Ces faits dégradent notre image et nuisent à notre crédibilité auprès de notre client.

Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que votre rapport d'activité mensuel doit être adressé à votre assistante de gestion avant le 22 de chaque mois. Or, celui du mois de juin 2013 nous a été adressé par courriel en date du 18 Juillet 2013, après quatre relances de votre assistante et deux relances de Monsieur [J] [K]. Nous constatons également que votre rapport d'activité de Juillet 2013 est partiellement rempli.

En outre, vos notes de frais des mois de juin et juillet 2013 ne sont pas conformes à l'ordre de mission établi. En effet, vous avez mentionné les remboursements que vous estimiez dus au prétexte que vous n'aviez pas signé votre ordre de mission, pourtant conforme au barème en vigueur.

Dans une autre mesure, vous vous êtes permis d'utiliser notre logiciel Syges Web pour une demande de congé, démarche qui ne correspond nullement à la procédure habituelle.

La succession des faits rappelés ci-dessus illustre votre absence de volonté de vous soumettre aux directives tant managériales qu'organisationnelles. Or, nous ne pouvons en permanence compenser les contraintes que votre comportement ajoute à la gestion de l'activité. Vos nombreuses justifications au non respect de vos obligations, au cours de l'entretien, démontrent à nouveau votre mauvaise foi. Nous n'avons noté ni prise de conscience ni volonté de modifier votre comportement, facteurs indispensables à la pérennité de notre collaboration.

Ces éléments rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave.'

Monsieur [O] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 9 septembre 2013. Il sollicitait en dernier lieu de voir dire que son licenciement était abusif et de voir condamner la société AKKA INGENIERIE PROCESS à lui payer différentes sommes à titre de frais de déplacement, d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts et d'indemnités. Il réclamait également des documents de travail sous astreinte ainsi que l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement en date du 10 décembre 2015, le conseil de prud'hommes a:

- dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [O] était fondé,

- débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société AKKA INGENIERIE PROCESS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration d'appel en date du 17 décembre 2015, Monsieur [O] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Monsieur [O] demande à la Cour de:

- infirmer l'entier jugement,

- condamner la société AKKA INGENIERIE PROCESS à lui payer les sommes suivantes :

1.008,00 euros au titre de frais de déplacement,

6.071,25 euros au titre d'heures supplémentaires outre 607,12 euros au titre des congés payés afférents,

15.000 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

7.368,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 736, 80 euros au titre des congés payés afférents,

2.456,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société AKKA INGENIERIE PROCESS à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi établis en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, avec réserve à la cour du pouvoir de liquider ladite astreinte,

- 'ordonner l'exécution provisoire du jugement'.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la société AKKA INGENIERIE PROCESS demande à la Cour de:

- confirmer l'entier jugement,

- condamner Monsieur [O] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [O] aux dépens.

A titre subsidiaire, elle demande de voir réduire à plus justes proportions la demande de dommages et intérêts de Monsieur [O] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur l'exécution du contrat de travail:

heures supplémentaires:

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'article L.3121-10 du code du travail dans sa rédaction applicable fixe la durée légale du travail effectif des salariés à 35 heures par semaine civile, soit 151,67 heures par mois.

La durée légale du travail effectif constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail alors applicable, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

L'article L. 3171-4 du code du travail énonce en son premier alinéa qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et en son second alinéa qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La preuve des heures de travail effectuées n'incombant spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail accomplies de répondre en fournissant ses propres éléments.L'article L. 3171-4 du code du travail énonce en son premier alinéa qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et en son second alinéa qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Monsieur [O] fait valoir que dans le cadre d'une mission en RUSSIE du 7 avril 2011 au 31 août 2012, il était soumis aux horaires de travail de l'usine PSA de [Localité 3], lesquels correspondaient à 40 heures de travail par semaine en application du code du travail russe, que de ce fait, il a travaillé 40 heures par semaine alors qu'il était rémunéré sur la base de 151,67 heures par mois, que la durée de travail hebdomadaire dont il fait état résulte de son contrat de détachement temporaire ainsi que des ordres de missions étrangers et de leurs annexes versés aux débats, que l'employeur ne démontre ni qu'il effectuait seulement 35 heures par semaine ni que la majoration de sa rémunération pendant cette mission incluait le paiement d'heures supplémentaires.

La société AKKA INGENIERIE PROCESS rétorque que Monsieur [O] ne produit pas d'éléments suffisants à l'appui de la demande en paiement d'heures supplémentaires, que le salarié a été rémunéré pour cette mission sur la base d'un horaire mensuel de 151,67 heures, que si le salarié était soumis à la législation russe en matière de durée du travail, cette législation ne lui imposait pas de travailler 40 heures par semaine, que le contrat de travail produit par le salarié n'est pas représentatif de la relation de travail liant les parties, qu'elle compensait le travail accompli par les salariés de l'équipe de Monsieur [O] en dehors des heures normales de travail par une durée équivalente en repos, que le salaire de l'intéressé a été majoré pour la mission considérée, que compte tenu de ces éléments, elle n'est pas redevable des sommes réclamées par le salarié au titre des heures supplémentaires.

Les parties sont d'accord pour reconnaître que Monsieur [O] a effectué une mission auprès de la société PSA de [Localité 3] du 7 avril 2011 au 31 août 2012.

L'article 4 de l'avenant au contrat de travail du 18 mars 2011 afférent à cette mission stipule notamment que 'compte tenu du lieu d'exercice de l'activité professionnelle du salarié en Russie, il sera soumis aux seules dispositions législatives de ce même pays en matière de règlementation sur la durée du travail (notamment repos hebdomadaire et horaires de travail)'. Cette formulation est reprise dans les ordres de mission à l'étranger du salarié des 21 mars et 26 décembre 2011 versés aux débats par l'employeur.

A l'appui de sa demande d'heures supplémentaires, Monsieur [O] produit:

- un extrait du code du travail de la fédération de russie, dont il ressort que les heures normales de travail ne peuvent excéder 40 heures par semaine (article 91), que les heures accomplies au delà de cette durée sont considérées comme des heures supplémentaires (article 99), et que les heures de travail peuvent être réduite à 35 heures au maximum dans certains cas (article 92),

- un contrat de travail en date du 5 avril 2011 conclu entre la société PCMA RUS auprès de laquelle était détaché Monsieur [O] et une tierce personne, dont il ressort que celle-ci effectuait 40 heures de travail par semaine au sein de la société précitée, dans le créneau horaire suivant: 9h à 17 h40,

- un décompte des heures supplémentaires effectuées par Monsieur [O] pendant sa mission à [Localité 3] pour les années 2011 et 2012, soit 5 heures supplémentaires par semaine travaillée.

Monsieur [O], qui était à temps plein et ne démontre pas qu'il bénéficiait d'horaires de travail réduits en application de l'article 92, devait donc effectuer 40 heures de travail et non seulement 35 heures, comme le soutient l'employeur. Aussi, les éléments produits sont suffisamment précis pour étayer la demande d'heures supplémentaires du salarié.

L'échange de courriels du 27 avril 2012 quant à l'organisation MAN du 27 avril au 15 mai 2012 n'établit pas que Monsieur [O] bénéficiait de contrepartie en repos pour les heures effectuées au-delà de 35 heures. Par ailleurs, l'échange de courriels de mai et juin 2013 quant à des demandes de congés et de RTT de Monsieur [O] n'est pas afférent à la contrepartie en repos considérée. Enfin, il n'est pas démontré que la rémunération de Monsieur [O] pendant sa mission en RUSSIE incluait le paiement d'heures supplémentaires.

Les décomptes produits par Monsieur [O], non contredits par l'employeur, établissent donc qu'il a accompli 300 heures supplémentaires au cours de sa mission, à hauteur de 5 heures supplémentaires par semaine travaillée.

La société AKKA INGENIERIE PROCESS sera condamnée à payer à Monsieur [O] la somme de 6.071,25 euros à titre de rappel de salaire de ce chef outre celle de 607,12 euros au titre des congés payés afférents, en tenant compte d'un taux horaire de 16,19 euros non critiqué par l'employeur. Le jugement sera infirmé sur ce point.

travail dissimulé:

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

L'article L. 8223-1 du même code dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La Cour a considéré que la société AKKA INGENIERIE PROCESS était redevable d'heures supplémentaires à l'égard de Monsieur [O].

Néanmoins, la société AKKA INGENIERIE PROCESS soutient qu'elle n'a pas commis le délit de travail dissimulé en l'absence d'intention de se soustraire à la déclaration de la totalité des heures effectuées par le salarié.

Monsieur [O] lui oppose qu'elle ne pouvait ignorer qu'il était soumis à la durée légale du travail du pays où il se trouvait, soit 40 heures de travail, et qu'elle a sciemment omis de lui régler les heures supplémentaires effectuées de ce fait.

L'article 4 de l'avenant au contrat de travail du 18 mars 2011 ne permettait pas à l'employeur d'ignorer que le salarié était tenu de respecter la durée légale du travail en vigueur en RUSSIE, soit 40 heures. Aussi, l'employeur a sciemment omis de déclarer les heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours de sa mission, en ne le rémunérant que pour 35 heures par semaine.

La société AKKA INGENIERIE PROCESS sera condamnée à payer à Monsieur [O] la somme de 14.000 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé en application de l'article précité, en tenant compte d'un salaire mensuel moyen brut de 2.333,33 euros pour le salarié au moment de la mission considérée.

frais de déplacement:

Monsieur [O] fait valoir que le système de franchise kilométrique le privant de l'indemnisation des frais de déplacement effectués de 0 à 15 kilomètres pour se rendre en mission auprès de différents clients avec son véhicule personnel est illégal, que l'employeur a d'ailleurs supprimé cette franchise à compter du 1er février 2013, admettant implicitement le caractère illicite de cette mesure, qu'en tout état de cause, l'employeur est tenu de lui régler l'intégralité des frais de déplacement considérés en application de l'article 60 de la convention SYNTEC, dès lors que ceux-ci ont été effectués avec son véhicule personnel, que la somme réclamée correspond au remboursement de la franchise pour 10 trajets effectués par semaine sur 21 semaines.

La société AKKA INGENIERIE PROCESS fait valoir qu'elle était bien fondée à déduire des frais de déplacements le coût des trajets effectués entre le domicile et le lieu de travail habituel du salarié, ce coût n'étant pas à sa charge, qu'à titre subsidiaire, le barême de remboursement de frais dont elle se prévaut a été appliqué conformément aux conditions fixées par les articles 50 et 51 de la convention SYNTEC et que le salarié avait donné son consentement aux modalités de prise en charge de ces frais, qu'au surplus, le salarié ne justifie par aucune pièce des frais dont il réclame le remboursement.

A l'appui de sa demande, Monsieur [O] produit:

- une note du 12 janvier 2009 sur les règles d'indemnisation des frais professionnels faisant apparaître qu'en cas de petit déplacement (soit un déplacement compris entre 10 kilomètres et moins de 90 kilomètres), une franchise de 15 kilomètres par trajet est appliquée,

- une note modificative des barêmes de remboursement en date du 1er octobre 2013, aux termes de laquelle une telle franchise ne s'applique plus pour les petits déplacements,

- des procès-verbaux de réunion des délégués du personnel en date des 30 juillet et 28 octobre 2013 faisant état de difficultés quant au remboursement des frais du salarié.

Néanmoins, Monsieur [O] ne justifie par aucune pièce des déplacements pour lesquelles la franchise considérée lui aurait été appliquée. Aussi, il sera débouté de sa demande en paiement de ce chef et le jugement confirmé sur ce point.

sur la rupture du contrat de travail:

quant au bien fondé du licenciement:

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il résulte de la lettre de licenciement que la société AKKA INGENIERIE PROCESS reproche à Monsieur [O] plusieurs manquements constitutifs d'un comportement d'insubordination, à savoir la prise de deux jours de RTT les 26 et 27 juin 2013 sans autorisation préalable, un défaut de réponse à ses appels téléphoniques et à un courriel du 28 juin 2013 jusqu'au 1er juillet 2013, un retard dans la transmission du rapport d'activité du mois de juin 2013, une absence de conformité de notes de frais à un ordre de mission, l'utilisation d'un logiciel non adapté pour une demande de congés en date du 23 juillet 2013.

Il convient d'examiner successivement ces griefs:

prise de RTT sans autorisation préalable:

L'employeur soutient le caractère fautif du comportement de Monsieur [O] , au motif que celui-ci a pris deux jours de RTT en juin 2013 malgré l'interdiction orale de son supérieur hiérarchique, que la présence du salarié était indispensable sur le site de Renault fin juin 2013 et que les congés payés de l'intéressé, initialement prévus à cette période, avaient été reportés pour cette raison du 1er au 12 juillet 2013.

Monsieur [O] fait valoir qu'il n'a eu connaissance que très tardivement de l'acceptation du report de ses congés au mois de juillet 2013, report qu'il avait lui-même sollicité compte tenu des impératifs de sa mission, que de ce fait, il a été contraint de prendre deux jours de RTT pour répondre à des engagements déjà pris, qu'il informait l'employeur habituellement de ses dates de congés payés ou de RTT et n'avait pas besoin d'autorisation préalable écrite de celui-ci pour les prendre et qu'il a fait de même pour les RTT litigieuses.

Monsieur [O], qui était en mission à l'Usine Renault de [Localité 4] (76) du 18 février au 30 juin 2013, n'a pas sollicité l'autorisation préalable de Monsieur [S], son supérieur hiérarchique, avant de prendre deux jours de RTT (réduction du temps de travail) les 26 et 27 juin 2013, ayant seulement transmis à Madame [M], assistante de gestion, sa demande de jours de RTT.

Les échanges de courriels intervenus en mai 2013 entre l'employeur et Monsieur [O] font apparaître que:

- le salarié n'a été informé que le 24 mai 2013 de ce qu'il pouvait reporter 10 jours de congés payés, prévus initialement du 17 au 28 juin 2013, compte tenu des contraintes de sa mission,

- Monsieur [O] était à l'initiative de cette demande de report, l'ayant évoqué avec Monsieur [S] dès le 5 mars 2013.

Si Monsieur [O] a omis d'informer Monsieur [S] de la prise de jours de RTT les 26 et 27 juin 2013, l'employeur n'établit pas avoir interdit au salarié de poser les jours considérés avant la fin du mois de juin 2013. Par ailleurs, l'employeur ne démontre pas que le salarié n'a pas respecté une procédure particulière quant à la prise des jours considérés, au regard de l'usage dont l'intéressé fait état. Enfin, il ne prouve pas que les jours de RTT litigieux ont occasionné une quelconque gêne à son client, la société Renault. Le caractère fautif de la prise des jours de RTT de Monsieur [O] n'est pas établi.

défaut de réponse aux appels téléphoniques et à un courriel du 28 juin 2013:

Par courriel du 28 juin 2013 à 13h46, Monsieur [S] a fait part à Monsieur [O] de ce qu'il essayait de le joindre depuis plusieurs jours suite à son absence en raison de la prise de congés payés non validés et a exigé qu'il joigne téléphoniquement un tiers.

L'employeur, qui ne pouvait ignorer que le salarié était en RTT les 26 et 27 juin 2013 compte tenu du message adressé par celui-ci à Madame [M], ne soutient pas que Monsieur [O] était absent de son lieu de mission le vendredi 28 juin 2013. Or, il ne démontre pas qu'il n'a pas pu joindre le salarié ce jour-là, en raison d'un comportement fautif de l'intéressé. Ce grief n'est pas établi.

retard dans la transmission du rapport d'activité du mois de juin 2013:

L'employeur reproche à Monsieur [O] de n'avoir transmis que le 18 juillet 2013 un rapport d'activité pour le mois de juin 2013, alors que ce rapport devait être transmis au plus tard le 22 juin 2013 et que le salarié avait fait l'objet de six relances.

Un échange de courriels du 18 juillet 2013 entre l'employeur et Monsieur [O] montre que celui-ci n'a adressé qu'à cette date le rapport litigieux. Néanmoins, l'employeur ne justifie ni de la date butoir ni des relances dont il fait état. En outre, le salarié était en congé du 1er au 12 juillet 2013. Aussi, ce grief n'est pas établi, à défaut de démonstration par l'employeur d'un défaut de respect volontaire de ses directives.

absence de conformité de notes de frais à un ordre de mission et utilisation d'un logiciel inadéquat pour une demande de congés en date du 23 juillet 2013.

Ces deux derniers griefs résultent d'un courriel adressé le 23 juillet 2013 par Monsieur [O] à Madame [M], soit postérieurement à la réception par celui-ci de la convocation à l'entretien préalable.

Les échanges de courriels d'avril et juin 2013 entre Monsieur [S] et le salarié révèlent que celui-ci était encore dans l'attente le 6 juin 2013 de son ordre de mission pour l'intervention qu'il effectuait depuis février 2013 au profit de la société Renault à [Localité 4]. Or, l'employeur ne produit aucun ordre de mission signé par le salarié, de telle sorte qu'il n'établit pas l'absence de concordance des notes de frais du salarié pour les mois de juin et juillet 2013 avec un ordre de mission liant les parties. Enfin, l'employeur ne démontre pas la faute commise par le salarié dans le cadre de l'utilisation logiciel Syges Web. Il convient d'observer qu'au contraire, dans le courriel du 23 juillet 2013, celui-ci s'assurait auprès de l'assistante de gestion que sa demande de congés pour mi-août 2013, faite par l'intermédiaire de ce logiciel, avait bien été prise en compte.

Les griefs reprochés à Monsieur [O] n'étant pas avérés, le licenciement de celui-ci ne repose ni sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

quant aux demandes en paiement:

Monsieur [O] avait 30 ans et une ancienneté de 2 ans et 9 mois dans l'entreprise au moment du licenciement. Il percevait à cette date un salaire mensuel brut moyen de 2.456, 00 euros. Les sommes sollicitées par Monsieur [O] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ne font l'objet d'aucune critique de la part de l'employeur. Aussi, la société AKKA INGENIERIE PROCESS sera condamnée à payer à Monsieur [O] les sommes réclamées par celui-ci de ces chefs, soit 7.368,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 736, 80 euros au titre des congés payés afférents, 2.456,00 euros à titre d'indemnité de licenciement.

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, le salarié qui a une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, ce qui est le cas de la société AKKA INGENIERIE PROCESS, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur [O] a bénéficié de l'allocation de retour à l'emploi à hauteur de la somme mensuelle brute de 1.395,30 euros jusqu'en décembre 2014 et ne justifie pas de sa situation financière depuis cette dernière date. Compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture, la société AKKA INGENIERIE PROCESS sera condamnée à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, en application de l'article L.1235-4 du code du travail il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 4 mois.

sur les documents de travail :

Il convient d'ordonner la remise des documents de travail réclamés par Monsieur [O] dans le délai maximum de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, laquelle astreinte courra pendant une durée maximale de 6 mois. Il n'y a pas lieu toutefois de réserver à la Cour la liquidation de l'astreinte.

La société AKKA INGENIERIE PROCESS, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [O] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par le salarié tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de sa demande en remboursement de frais de déplacement;

L'INFIRME pour le surplus;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que le licenciement de Monsieur [O] est sans cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société AKKA INGENIERIE PROCESS à payer à Monsieur [O] les sommes suivantes:

6.071,25 euros à titre d'heures supplémentaires outre 607,12 euros au titre des congés payés afférents,

14.000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

7.368,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 736, 80 euros au titre des congés payés afférents,

2.456,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;

ORDONNE, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société AKKA INGENIERIE PROCESS des allocations de chômage versées à Monsieur [O] à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 4 mois;

CONDAMNE la société AKKA INGENIERIE PROCESS à remettre à Monsieur [O], dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en fonction des condamnations prononcées, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé ce délai, qui courra pendant une durée de six mois;

DIT n'y avoir lieu de réserver à la cour la liquidation de l'astreinte;

CONDAMNE la société AKKA INGENIERIE PROCESS à payer à Monsieur [O] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société AKKA INGENIERIE PROCESS aux dépens de première instance et d'appel

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 15/09605
Date de la décision : 15/05/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°15/09605 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-15;15.09605 ?
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