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02/04/2019 | FRANCE | N°18/06516

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 02 avril 2019, 18/06516


N° RG 18/06516 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L5Q2














Décision du


Tribunal de Grande Instance de LYON


Référé


du 14 septembre 2018





RG : 18/01479











S.A.S. SUEZ EAU FRANCE





C/





FEDERATION DEPARTEMENTALE DURHONE


Etablissement Public SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES ROSSANDES


SAS [...] & [...]


Société civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES







>RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE LYON





8ème chambre





ARRET DU 02 AVRIL 2019











APPELANTE :





S.A.S. SUEZ EAU FRANCE


représentée par ses dirigeants légaux


[...]


[...]


[...]





Représentée par la SCP JA...

N° RG 18/06516 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L5Q2

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Référé

du 14 septembre 2018

RG : 18/01479

S.A.S. SUEZ EAU FRANCE

C/

FEDERATION DEPARTEMENTALE DURHONE

Etablissement Public SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES ROSSANDES

SAS [...] & [...]

Société civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 02 AVRIL 2019

APPELANTE :

S.A.S. SUEZ EAU FRANCE

représentée par ses dirigeants légaux

[...]

[...]

[...]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)

Assistée de Me Dominique PEROL, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

FEDERATION DEPARTEMENTALE DU RHONE ET DE LA METROPOLE DE LYON POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE (FDAAPPMA)

représentée par ses dirigeants légaux

[...]

[...]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

Assistée de la SELARL HELIOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Etablissement Public SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES ROSSANDES

représentée par ses dirigeants légaux

[...]

[...]

[...]

Représentée par Me Didier SARDIN, avocat au barreau de LYON (toque 586)

SAS [...] & [...]

représentée par ses dirigeants légaux

[...]

[...]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON (toque 938)

Assistée de la SELARL AXTEN, avocat au barreau de LYON

Société civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

représentée par ses dirigeants légaux

[...]

[...]

Représentée par la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON (toque 215)

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 06 Février 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Février 2019

Date de mise à disposition : 02 Avril 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Agnès CHAUVE, président

- Dominique DEFRASNE, conseiller

- Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Claire MONTINHO-VILAS-BOAS, greffier placé

A l'audience, Catherine ZAGALA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Les communes de [...], [...] et [...] se sont regroupées au sein d'un syndicat intercommunal à vocation unique (syndicat intercommunal des Rossandes) aux fins d'exploitation, d'entretien et, au besoin, d'agrandissement de la station de traitement et d'épuration (STEP) des Rossandes, les communes conservant la pleine propriété des canalisations du réseau d'assainissement.

Par contrat de marché public, le syndicat intercommunal des Rossandes a confié l'exploitation de la STEP des Rossandes à la société Suez Eau France.

La station a pour vocation principale le traitement des rejets domestiques et, à titre résiduel, les rejets industriels déversés dans le réseau par les entreprises établies sur le territoire des communes concernées telle que la société [...] & [...], entreprise agro-alimentaire implantée sur la commune de [...], dont l'activité nécessite l'usage d'eau afin de procéder notamment à la cuisson de ses produits, eaux qui sont ensuite traitées par la STEP des Rossandes.

Les 24 juin et 8 juillet 2018, la Fédération Départementale du Rhône et de la Métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDAAPPMA) a procédé à plusieurs relevés de température et de conductivité en quatre points du cours d'eau « [...] », mettant en évidence une eau particulièrement chargée à la sortie de la STEP des Rossandes.

Par acte du 16 août 2018, la FDAAPPMA a assigné le syndicat intercommunal des Rossandes, la société Suez Eau France et la société [...] & [...] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant des rejets non autorisés par l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif.

À l'initiative de la FDAAPPMA, le procureur de la République de Lyon a parallèlement saisi le juge des libertés et de la détention le 24 août 2018 afin de mettre un terme à la pollution dans les meilleurs délais.

Par arrêté préfectoral du même jour, le syndicat intercommunal des Rossandes a été mis en demeure, jusqu'au rétablissement du fonctionnement normal de la STEP, de notamment mettre en place une autosurveillance renforcée de celle-ci ainsi qu'un suivi renforcé du milieu récepteur, de transmettre les données collectées au service de police de l'eau et de faire cesser la pollution constatée sur [...] par tout moyen adéquat avant le 23 septembre 2018.

Par ordonnance du 5 septembre 2018, le juge des libertés et de la détention faisant droit aux réquisitions du procureur de la République tendant à mettre un terme à la pollution, a ordonné au syndicat intercommunal des Rossandes et à la société Suez Eau France de cesser tout rejet dans le milieu aquatique dépassant les seuils fixés par l'arrêté du 21 juillet 2015 pour une durée de six mois renouvelable, en assortissant sa décision pour la société Suez Eau France d'une astreinte de 1.000 euros par jour de non conformité.

Par arrêt du 9 novembre 2018, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a infirmé la décision du juge des libertés et de la détention.

Par ordonnance rendue le 14 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a :

- reçu l'intervention volontaire de la société MMA, assureur responsabilité civile de la société [...] & [...],

- ordonné à la société Suez Eau France la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « [...]», et ce à compter du premier octobre 2018 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de cette date,

- dit que les demandes de la FDAAPPMA dirigées contre la société [...] & [...] sont devenues sans objets et les a rejetées,

- condamné in solidum le syndicat intercommunal des Rossandes, la SAS Suez Eau France et la société [...] & [...] à payer à la FDAAPPMA la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la FDAAPPMA aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe de la cour, la société Suez Eau France a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société Suez Eau France demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance du 14 septembre 2018,

- rejeter l'exception de procédure soulevée par la FDAAPPMA sur le fondement de l'article 73 du code de procédure civile,

- rejeter tout appel incident de la FDAAPPMA la concernant,

- dire l'action de la FDAAPPMA irrecevable, faute de droit et qualité à agir,

- dire qu'elle n'est ni l'auteur, ni responsable d'aucun trouble manifestement illicite s'agissant d'une situation qu'elle ne fait que subir, sans avoir commis aucun manquement, ni aucune faute,

- dire qu'elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles, sans disposer de la compétence, des pouvoirs juridiques ni des moyens matériels lui permettant de remédier à la pollution subie en amont par la STEP de Saint-Etienne Foy l'Argentière, les demandes dirigées contre elle par la FDAAPPMA relevant de l'obligation impossible, sous réserve de leur recevabilité,

- débouter en conséquence la FDAAPPMA de l'intégralité des demandes dirigées contre elle,

- prononcer sa mise hors de cause,

- condamner la FDAAPPMA à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la FDAAPPMA aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2019, la FDAAPPMA demande à la cour :

In limine litis :

- suspendre la procédure dans l'attente de la communication du dossier d'enquête pénale,

Au fond :

- confirmer l'ordonnance rendue le 14 septembre 2018 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon.

La FDAAPPMA reproduit en outre ses demandes telles que formulées devant le juge des référés, sauf sur le montant de l'astreinte soit :

A titre principal :

- ordonner la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « [...] », sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir,

- ordonner la suspension des apports d'effluents de la société [...] & [...] à la STEP des Rossandes pendant 6 mois, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir,

A titre subsidiaire :

- ordonner la suspension de l'exploitation de la STEP des Rossandes jusqu'à l'établissement de sa capacité à se conformer aux prescriptions du récépissé de déclaration du 27 juin 2008, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir,

En tout état de cause :

- rejeter les conclusions de la société Suez Eau France portant sur le prétendu caractère abusif de la présente procédure,

- condamner la société Suez Eau France et le syndicat intercommunal des Rossandes aux dépens ainsi qu'au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, le syndicat intercommunal des Rossandes demande à la cour :

A titre principal :

- de dire que la FDAAPPMA ne dispose d'aucun droit ni qualité pour agir,

A titre subsidiaire :

- constater qu'il ne dispose d'aucune compétence pour faire cesser les atteintes à l'environnement et que l'autorité responsable du traitement des eaux industrielles est la communauté de communes des monts du lyonnais,

- dire que la demande visant à empêcher le rejet d'effluents que la station d'épuration ne peut traiter, tout comme celle visant à fermer la station, relèvent de l'obligation impossible,

- dire que l'existence de rejets non conformes ne démontre pas un dysfonctionnement fautif de la station d'épuration,

- réformer l'ordonnance déférée,

- débouter la FDAAPPMA de toutes ses demandes dirigée contre lui,

- condamner la FDAAPPMA aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société [...] & [...] demande à la cour de :

- rejeter la demande de sursis à statuer de la FDAAPPMA,

- confirmer l'ordonnance du 14 septembre 2018 en toutes ses dispositions,

- condamner la société Suez Eau France, le syndicat intercommunal des Rossandes et la FDAAPPMA aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, la compagnie MMA sollicite de la cour de voir :

- confirmer l'ordonnance déférée,

- condamner la société Suez Eau France aux dépens ainsi qu'à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de sursis à statuer

Tout moyen tendant à suspendre le cours de la procédure constituant une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile, il doit être soulevé avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir en application de l'article 74 du même code applicable même devant la juridiction des référés.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2019, la FDAAPPMA sollicite la suspension de l'instance dans l'attente de la communication de l'entier dossier d'enquête pénale, en ce qu'il comprend notamment les procès-verbaux de constatation réalisés par l'Agence Française pour la Biodiversité.

Il résulte du texte susvisé que ce moyen qui n'était pas soulevé aux termes des premières conclusions signifiées le 21 novembre 2018 puis le 18 décembre 2018, est irrecevable.

Sur la qualité à agir de la FDAAPPMA

Les associations agréées de protection de l'environnement au sens de l'article L.141-1 du code de l'environnement sont recevables à agir devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à la protection de l'environnement, et devant les juridictions où elles exercent les droits reconnus à la partie et civiles en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles défendent, en ce compris notamment la lutte contre la pollution.

La loi du 16 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a introduit les dispositions de l'article L.142-3-1 du code de l'environnement aux termes duquel plusieurs personnes subissent des préjudices résultant d'un dommage, notamment au titre de la protection de l'eau et de la lutte contre les pollutions, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile, cette action pouvant tendre à la cessation du manquement.

Par ailleurs, les statuts de la FDAAPPMA prévoient expressément que la fédération a notamment pour objet la protection des milieux aquatiques, la mise en valeur et la surveillance du domaine piscicole départemental, qu'elle est par ailleurs chargée de concourir à la police de la pêche en participant à la lutte contre la pollution des eaux.

En dehors de toute habilitation législative, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social.

Aussi, dans la mesure où il n'est pas contesté que la FDAAPPMA est une association agréée au sens de l'article L.141-1 du code de l'environnement, que la faculté de saisir une juridiction civile en matière de lutte contre les pollutions est expressément prévue et que, au surplus, son objet le prévoit, la FDAAPPMA dispose du droit et de la qualité à agir pour faire cesser un trouble manifestement illicite caractérisé par une pollution, étant précisé que l'action en trouble anormal du voisinage n'est pas réservée aux titulaires d'un droit réel.

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et les mesures sollicitées

En application des articles 808 et 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend et que même en présence d'une contestation sérieuse, il peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il en résulte que si la méconnaissance évidente d'une disposition légale ou réglementaire est effectivement de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ce n'est pas une condition de l'intervention du juge des référés et le respect des dispositions légales conventionnelles ou réglementaires n'exclut pas l'existence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage susceptibles de revêtir un caractère manifestement illicite, indépendamment de toute faute de son auteur.

En l'espèce, l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, pour les ouvrages recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2kg/j de DBO5, abrogeant les dispositions de l'arrêté du 22 juin 2007 ayant le même objet, fixe les performances minimales de traitement attendues pour les paramètres de Demande Biochimique en Oxygène à 5 jours (DBO5), de Demande Chimique en Oxygène (DCO) et de Matières En Suspension (MES).

Le dossier de déclaration « Loi sur l'eau » déposé par le syndicat intercommunal des Rossandes dans le cadre de l'agrandissement de la capacité de traitement de la STEP prévoit le respect des dispositions issues des arrêtés préfectoraux en vigueur et prévoit des objectifs à atteindre en matière de traitement des eaux usées selon la classification SEQ-EAU, sans pour autant qu'il s'agisse de valeurs rédhibitoires.

Lors du contrôle de conformité 2017 du système d'assainissement, réalisé par l'inspecteur de l'environnement le 29 mars 2018, il a été constaté une surcharge hydraulique générant des flux polluants dépassant la capacité nominale de traitement de la STEP des Rossandes.

Les résultats d'analyses effectuées par le laboratoire Eurofins pour des prélèvements réalisés du 13 au 16 juillet 2018 rendent compte d'une concentration en DBO5 supérieure aux prescriptions réglementaires.

Les mesures réalisées par la société Suez Eau France entre le 25 juillet et le 7 août 2018 ont mis en évidence un dépassement des seuils réglementaires s'agissant notamment des MES et du DCO.

Par ailleurs, les prélèvements effectués par la FDAAPPMA le 2 octobre 2018 et analysé par le laboratoire Eurofins font état de fortes concentrations en ammonium (NH4) au niveau des rejets de la STEP.

Si ce dernier paramètre n'est pas repris par l'arrêté du 21 juillet 2018, l'article L.432-2 du code de l'environnement prévoit qu'est constitutif d'une infraction le rejet de substances, dans le milieu naturel, contribuant à une mortalité du domaine piscicole, ce dont fait état M. Q... Y..., inspecteur de l'environnement pour l'Agence Française pour la Biodiversié, aux termes d'un courrier électronique du 2 août 2018.

Selon prélèvements effectués par l'inspecteur de l'environnement pour le compte de l'Agence Française de la Biodiversité les 14 et 15 novembre 2018, les paramètres soumis à prescriptions réglementaires (DBO5, DCO et MES) sont conformes à l'arrêté du 21 juillet 2015.

Il résulte de ces éléments que les eaux traitées rejetées par la STEP des Rossandes étaient non-conformes aux prescriptions réglementaires, à tout le moins jusqu'aux résultats d'analyses des 14 et 15 novembre 2018.

La pollution ainsi établie constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser, sans avoir à examiner la question de la compétence en matière de police administrative, et sans qu'un délai supplémentaire puisse être accordé.

Sur la demande dirigée contre la société Suez Eau France

L'arrêté du 21 juillet 2015 prévoit que les systèmes de collecte et les stations de traitement des eaux usées sont exploités et entretenus de manière à minimiser la quantité totale de matière polluante déversée au milieu récepteur, dans toutes les conditions de fonctionnement, de sorte que le moyen tiré de surcharge hydraulique ou d'une pollution en aval n'exonère pas l'exploitant de ses obligations réglementaires, y compris lors des situations inhabituelles.

Le CCTP annexé au contrat de marché public aux termes duquel le syndicat intercommunal des Rossandes a confié l'exploitation de la STEP à la société Suez Eau France prévoit que lorsqu'une brusque dégradation de la qualité de l'eau est relevée, l'exploitant est tenu d'informer le maître d'ouvrage (le syndicat intercommunal des Rossandes) et de « mettre en oeuvre tous les moyens technique et humain dont il dispose pour rétablir le plus rapidement possible un fonctionnement normal des installations, en liaison avec le syndicat intercommunal des Rossandes et le préfet ».

Les relevés indiquant des concentrations litigieuses et non-conformes aux prescriptions réglementaires constitutifs d'un trouble manifestement illicite ont été effectués à la sortie de la STEP des Rossandes et, indépendamment de la démonstration d'une faute qui incomberait à l'exploitant de la station, il revient à ce dernier de prendre toutes les mesures utiles pour veiller au respect des prescriptions réglementaires.

L'arrêté du 21 juillet 2015 prévoit qu'il incombe au maître d'ouvrage, en l'espèce le syndicat intercommunal des Rossandes, de prendre les mesures visant à limiter les pollutions résultant des situations inhabituelles telles que celles résultant de circonstances exceptionnelles en ce compris les catastrophes naturelles, inondations, pannes ou dysfonctionnements non liés à un défaut de conception ou d'entretien, rejets accidentels dans le réseau de substances chimiques ou actes de malveillance.

Aussi, indépendamment de la démonstration d'une faute, il incombait tout autant au syndicat intercommunal des Rossandes de prendre les mesures idoines dans le cas où les rejets seraient non conformes aux seuils réglementaires et constitueraient une pollution et, par voie de conséquence, un trouble manifestement illicite.

Elle a d'ailleurs mis en demeure la société [...] & [...] le 20 août 2018 de prendre des mesures permettant de vérifier l'implication de ses effluents sur le dysfonctionnement de la STEP.

Les mesures prises par le premier juge dont il est demandé la confirmation par la FDAAPPMA, étaient proportionnées au trouble subi et nécessaires pour y mettre fin.

La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle ordonné à la société Suez Eau France la cessation des rejets d'effluents outrepassant les prescriptions fixées par le récépissé de déclaration du 27 juin 2008 de la STEP des Rossandes dans le cours d'eau « [...]», et ce à compter du premier octobre 2018.

L'astreinte, garantissant l'exécution de cette décision, fixée à 100 euros par jour de retard, doit être en outre confirmée.

Sur la demande dirigée contre la société [...] & [...]

Il ressort du dossier de déclaration « Loi sur l'eau » que les entreprises implantées sur les communes dont les eaux usées sont traitées par la STEP des Rossandes bénéficient de conventions de rejets (CR) ou de conventions de rejet simplifiées (CRS) et que leur délivrance est soumise, selon les dispositions de l'article L.1331-10 du code de la santé publique.

La société [...] & [...] ne dispose pas de ce type d'autorisation et se prévaut d'un projet de convention émis par le syndicat intercommunal des Rossandes qui n'aurait jamais été régularisé par la suite et justifie s'acquitter d'une redevance en contrepartie du traitement de ses effluents industriels.

Il ressort du contrôle de conformité 2017 de la STEP des Rossandes, effectué par l'inspecteur de l'environnement, que le système d'assainissement fonctionne en surcharge hydraulique, ce que la société Suez Eau France ne conteste pas.

Suite à la mise en demeure du syndicat intercommunal des Rossandes du 20 août 2018, la société [...] & [...] a cessé le rejet de ses effluents industriels via le réseau d'assainissement et fait depuis procéder à leur évacuation par une entreprise dédiée tel qu'il ressort des bordereaux versés aux débats ainsi que du constat d'huissier du 23 août 2018.

La société [...] & [...] a fait l'objet de contrôles dans le cadre des installations classées protection de l'environnement les 17 juillet et 20 août 2018, il ressort que l'entreprise a pris des mesures pour remédier aux non-conformités précédemment relevées et qu'elle reste à devoir proposer à l'inspection un échéancier des travaux visant à mettre en conformité les rejets aqueux issus de la station de prétraitement de ses effluents.

En l'espèce, et dans la mesure où la société [...] & [...] fait désormais évacuer ses effluents industriels par une société tierce, d'une part, qu'elle a été mise en demeure tant par la DDPP et le syndicat intercommunal des Rossandes de se mettre en conformité avec les législations et réglementations applicables à ses activités, les demandes dirigées à son encontre sont dépourvues d'objet et l'ordonnance de référé rendue le 14 septembre 2018 sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il résulte du sens de la présente décision que la société Suez Eau France doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de la FDAAPPMA et en ce qu'elle a condamné la société [...] & [...] à payer à la FDAAPPMA la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile in solidum avec le syndicat intercommunal des Rossandes et la SAS Suez Eau France. Ces dernières seront seules condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

La société Suez Eau France sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la FDAAPPMA la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les autres parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare la FDAAPPMA irrecevable en sa demande de sursis à statuer,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf sur les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur ce chef :

Condamne in solidum le syndicat intercommunal des Rossandes et la société Suez Eau France aux dépens de première instance,

Condamne in solidum le Syndicat Intercommunal des Rossandes et la société Suez Eau France à payer à la FDAAPPMA la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

Condamne la société Suez Eau France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Suez Eau France à payer à la FDAAPPMA la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les autres parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/06516
Date de la décision : 02/04/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 08, arrêt n°18/06516 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-02;18.06516 ?
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