AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 17/04313 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LCMF
SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL
C/
[I]
Syndicat CFDT DE LA METALLURGIE DE L'AIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE
du 16 Mai 2017
RG : 15/00188
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 29 MARS 2019
APPELANTE :
SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL
[Adresse 1]
Représentée par Me Jean-bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON
Ayant pour avocat plaidant Me Laurent CLEMENT CUZIN de la SCP CLEMENT-CUZIN LONG LEYRAUD DESCHEEMAKER TIDJANI, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Aurélie LEGEAY, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉS :
[K] [I]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
[Adresse 2]
Syndicat CFDT DE LA METALLURGIE DE L'AIN
[Adresse 3]
Représentés par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 31 Janvier 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel SORNAY, Président
Natacha LAVILLE, Conseiller
Sophie NOIR, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Mars 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
[K] [I] a été embauché par la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à compter du 13 juin 1997.
Au dernier état de la relation contractuelle il occupait le poste d'ingénieur chargé d'essais, position 2, coefficient 135, statut cadre.
La SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Durant cette relation contractuelle, [K] [I] a occupé plusieurs mandats d'élu au comité d'entreprise, de représentant syndical au comité d'entreprise, de membre du CHSCT, de délégué syndical et de suppléant au comité de groupe.
Le 17 juin 2015, [K] [I] et le Syndicat CFDT de la métallurgie de l'Ain ont saisi le conseil des prud'hommes de BOURG EN BRESSE de plusieurs demandes et, en dernier état:
- d'une demande de dommages et intérêts pour violation de l'article L 1321 ' 6 et pour exécution déloyale du contrat de travail
- d'une demande de rappels de primes et des congés payés y afférents
- d'une demande de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession
- de deux demandes distinctes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 16 mai 2017, le conseil des prud'hommes de Bourg en Bresse a :
' condamné la société SCHNEIDER ELECTRIQUE TELECONTROL à payer à Monsieur [K] [I] la somme de 10'288,20 € au titre de rappel sur rémunération variable, outre 1028,82 € au titre des congés payés y afférents et 5000 € à titre de dommages-intérêts
' déclaré l'intervention du Syndicat CFDT DE LA METALLURGIE DE L'AIN recevable
' condamné la société SCHNEIDER ELECTRIQUE TELECONTROL à verser au Syndicat CFDT DE LA METALLURGIE DE L'AIN la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts
' condamné la société SCHNEIDER ELECTRIQUE TELECONTROL à verser à Monsieur [K] [I] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
' débouté Monsieur [K] [I] et le Syndicat CFDT DE LA METALLURGIE DE L'AIN des autres chefs de demande
' débouté la société SCHNEIDER ELECTRIQUE TELECONTROL de sa demande reconventionnelle
' condamné la société SCHNEIDER ELECTRIQUE TELECONTROL aux entiers dépens.
L'employeur a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 12 juin 2017.
Dans ses dernières conclusions, la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL demande à la cour :
' de dire et juger que la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL a parfaitement respecté les dispositions des articles L 1321 ' 6 du code du travail et L 1222 ' 1 du même code
' de réformer le jugement entrepris
' de débouter [K] [I] de ses demandes au titre de rappels de salaires et de dommages-intérêts
' de débouter le Syndicat CFDT de la métallurgie de l'Ain de sa demande de condamnation de la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à lui verser les dommages-intérêts sollicités
' de condamner Monsieur [K] [I] et le Syndicat CFDT de la métallurgie de l'Ain solidairement à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions [K] [I] et le Syndicat CFDT de la métallurgie de l'Ain demandent pour leur part à la cour :
' de déclarer recevable et bien-fondé l'appel incident interjeté par Monsieur [K] [I] à l'encontre du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Bourg en Bresse le 16 mai 2017
' de le confirmer en ce qu'il a dit et jugé que Monsieur [K] [I] était fondé à se prévaloir de l'inopposabilité de ses objectifs et a condamné la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à lui verser la somme de 10'288,20 € à titre de rappel de rémunération variable, outre 1028,82 € à titre de congés payés afférents
' de confirmer le jugement en ce qu'il a relevé que la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL n'avait pas appliqué les dispositions conventionnelles des cadres de la métallurgie concernant la progression automatique de la classification et l'attribution d'une rémunération conventionnelle minimale
Y ajoutant
' de dire et juger que la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL n'a pas respecté les dispositions des articles L 1222 '1 et L2141 ' 5 du code du travail en ne faisant pas bénéficier Monsieur [K] [I] de l'évolution des rémunérations et des minimums applicables à l'entreprise
' de condamner la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à verser à Monsieur [K] [I] la somme de 2980,08 € arrêtés au 31 octobre 2017, outre 298 € de congés payés afférents
' d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur [K] [I] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts pour le Syndicat CFDT de la Métallurgie de l'Ain;
Statuant à nouveau
' de condamner la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à verser à Monsieur [K] [I] la somme de 25'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice subi du fait du non respect par la société des dispositions des articles L 1222 ' 1 et L2262' 4 du code du travail
' de condamner la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à verser au Syndicat CFDT de la Métallurgie de l'Ain la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession
' de condamner la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à verser à Monsieur [K] [I] et au Syndicat CFDT de la Métallurgie de l'Ain la somme de 2000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
' de débouter la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL de l'ensemble de ses demandes
' de la condamner aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 13 décembre 2018.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.- Sur la demande de rappel de rémunération variable et de congés payés y afférents :
Selon les dispositions de l'article L 1321 ' 6 du code du travail :
«Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.
Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des
étrangers'.
En application de ces dispositions, les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable rédigés en langue étrangère sont inopposables aux salariés.
Les parties n'ont pas jugé utile de produire aux débats le contrat de travail de [K] [I] mais il n'est pas contesté que la rémunération de ce dernier comportait une partie fixe et une partie variable, cette dernière, dénommée STIP (Short Term Incentive Plan), dépendant d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur.
Au soutien de sa demande de rappel de la rémunération variable et des congés payés y afférents portant sur les années 2011, 2012, 2013 et 2014, [K] [I] fait valoir que les documents nécessaires à la détermination de la part variable de sa rémunération, et notamment les entretiens annuels d'évaluation et les documents de fixation d'objectifs, étaient rédigés en langue anglaise et plus précisément :
' que le document de présentation générale de la partie variable de la rémunération était rédigé en anglais
' que la problématique liée à l'usage au sein de l'entreprise de documents rédigés en langue anglaise et notamment les entretiens de revue de carrière a été évoquée lors des réunions du comité d'entreprise
' que plusieurs salariés attestent de l'absence de maîtrise de cette langue et de leurs difficultés lors des entretiens de carrière ou des entretiens de performance traduits en anglais ainsi que du risque d'incompréhension ou d'approximation
' qu'il a pour sa part régulièrement interpellé sa hiérarchie sur l'utilisation générale de l'anglais concernant le calcul de ses objectifs 2012 ou dans les documents administratifs RH
' que pour autant, il a été régulièrement contraint d'utiliser la langue anglaise en l'absence de traduction faite par l'entreprise
' qu'en 2014, une partie de ses objectifs lui a été remise en langue anglaise.
De son côté, la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL ne conteste pas que la langue anglaise est régulièrement utilisée comme langue de travail au sein de l'entreprise en raison de la dimension internationale des projets confiés aux salariés mais elle soutient :
' que l'article L 1321 ' 6 alinéa 3 du code du travail prévoit une exception à l'usage du français lorsque les documents sont reçus de l'étranger ou lorsque le caractère international de l'entreprise implique l'utilisation d'une langue commune
' que le document de présentation générale de la partie variable de la rémunération est disponible sur l'intranet de la société en langue française également
' que [K] [I] comprenait parfaitement l'anglais et utilisait l'outil de traduction Google traduction pour communiquer avec son responsable hiérarchique indien basé en Inde
' que les responsables hiérarchiques et les responsables des ressources humaines peuvent toujours proposer aux salariés une traduction des documents et que des traducteurs français sont disponibles pour tous les salariés au sein de la société SET
' que le niveau d'anglais de [K] [I] lui permettait de communiquer sans difficultés dans cette langue, à l'oral et à l'écrit
' que [K] [I] ne justifie pas s'être plaint de ne pas comprendre les objectifs qui lui étaient fixés en raison de l'utilisation de la langue anglaise
' que la grande majorité des documents de fixation des objectifs des années 2012, 2013 et 2014 ont été rédigés en français sauf pour l'année 2013 durant laquelle son supérieur hiérarchique résidant en Inde et de nationalité indienne lui a initialement transmis des objectifs rédigés en anglais avant des les lui réadresser en français à sa demande
' que les entretiens annuels d'évaluation de [K] [I] des années 2011, 2013 et 2014 se sont tenus et ont été rédigés en français
' que les deux courriels d'échanges avec son supérieur hiérarchique indien démontrent que [K] [I] comprenait manifestement la langue anglaise et utilisait également l'outil de traduction 'google traduction' pour communiquer avec son supérieur indien au cours de l'année 2013
' que le référentiel d'évaluation des salariés et l'échelle de compétences sont accessibles en français et en anglais à partir du portail interne de l'entreprise
' que des réunions mensuelles et bi annuelles sont organisées avec l'ensemble des salariés pour communiquer sur la situation économique de l'entreprise et les sujets liés aux résultats et aux objectifs commerciaux déterminant la part variable de la rémunération
' que [K] [I] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de l'utilisation très ponctuelle de la langue anglaise dans la fixation de ses objectifs.
Il résulte du document intitulé 'Politique France de rémunération variable: STIP et Sales STIP' produit en pièce 12 par l'appelante, dont [K] [I] ne conteste par qu'il était également disponible en version française sur l'intranet de la société SET que:
- 'la politique France de rémunération variable est un programme annuel visant à rétribuer les salariés éligibles sur la base de la performance du Groupe, de la Business Unit ou du département dans lequel ils évoluent, ainsi que sur la base de leurs performances individuelles,
- le montant du STIP est égal au salaire de base annuel x un taux de bonus cible x le pourcentage total d'atteinte par le salarié du bonus cible.
Ce document récapitule ainsi le processus général d'élaboration du STIP:
'ETAPE 1: Les objectifs de performance sont fixés pour l'année - les managers rencontrent les employés éligibles pour identifier et définir avec eux les objectifs de l'année.
ETAPE 2: Entretien de mi-année et mise à jour - Il est recommandé qu'un entretien de mi-année soit effectué pour aider les managers et les employés à comprendre où ils en sont en termes d'atteinte des objectifs et pour évoquer également le besoin éventuel d'amendements. Les managers et les employés sont encouragés à faire un état des lieux général sur la performance de l'entreprise et la performance individuelle.
ETAPE 3: Entretien de performance annuel - Le département Finance compile les résultats des indicateurs des composantes Groupe et Locale et calcule ainsi le % d'atteinte de l'objectif. Les managers rencontrent ensuite les employés éligibles pour définir le niveau d'atteinte des objectifs individuels. Tous les résultats sont enfin fournis aux ressources humaines pour déterminer les paiements.
ETAPE 4: Paiement du bonus - En fonction des résultats de fin d'année, les pourcentages de paiement des bonus seront calculés et donneront lieu au paiement des bonus en conséquence.'
Les courriels échangés par [K] [I] avec [J] [U] du service RH en date du 24 mai 2012 (pièce 2) et avec [C] [S] le 16 avril 2013 (pièce 3) ainsi que le procès verbal de réunion du comité d'entreprise du 21 mai 2013 (pièce 22 de l'intimé) et les feuilles de notification du STIP des années 2012, 2013 et 2014 (pièces 3, 12 et 14 de l'intimé) établissent en outre que:
- si tous les objectifs fixés au salarié ne servent pas à déterminer le STIP, ils sont néanmoins tous fixés (pour l'année suivante) et évalués (pour l'année précédente) lors de l'entretien annuel de performance individuelle qui se tient au début de chaque année,
- les objectifs individuels servant de base à la détermination du STIP et les pourcentages affectés à chacun d'entre eux sont communiqués avant le 31 mai de chaque année au salarié,
- ces objectifs ne sont pas formalisés par écrit et sont communiqués au salarié par oral uniquement, au cours d'un entretien avec son manager,
- le STIP de [K] [I] dépendant pour 20% de l'atteinte de ses objectifs individuels et pour 80% de la performance de l'entreprise,
- le mode de calcul du STIP attribué à chaque salarié lui est notifié au cours du premier trimestre de l'année suivante sous la forme d'un tableau détaillant le pourcentage d'atteinte de chaque objectif et le taux global d'atteinte de tous les objectifs (pièces 3, 12 et 14 de l'intimé).
Enfin, il résulte des documents de notification du STIP - et cela n'est pas discuté - que le taux de bonus cible s'élève à 6 % du salaire de base annuel pour un taux d'atteinte des objectifs de 100 % et à 12 % au maximum pour un taux d'atteinte des objectifs de 200 %.
Même si les conclusions de [K] [I] font à plusieurs reprises état de l'utilisation de la langue anglaise dans les documents de travail, ce dernier n'en tire cependant aucune conséquence, notamment en termes d'atteinte de ses objectifs individuels.
En revanche, il ressort de ces mêmes conclusions que le seul moyen articulé au soutien de la demande d'inopposabilité des objectifs déterminant le montant de la rémunération variable est celui de la fixation et de l'évaluation des dits objectifs en langue anglaise.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, la fixation des objectifs éligibles au STIP était uniquement orale et les pièces 3, 12 et 14 visées par [K] [I] pour démontrer que cette fixation était partiellement en langue anglaise sont les documents de notification du calcul du STIP lui-même ainsi qu'il ressort clairement des termes du courriel de [K] [I] à [C] [S] en date du 16 avril 2013 (pièce 3).
En outre, il résulte des échanges de courriels versés aux débats qu'hormis en 2013, les supérieurs hiérarchiques de [K] [I] étaient tous français et que les échanges se faisaient en français, ce dont la cour déduit, à défaut de tout élément contraire, que les objectifs STIP étaient également notifiés au salarié en langue française.
Par ailleurs, il résulte du courriel de [J] [U] précité (pièce 2 de l'intimé) que ces objectifs STIP étaient communiqués dans un premier temps à [K] [I] lors de l'entretien annuel de performance et lui étaient définitivement fixés ultérieurement et en toute hypothèse avant le 31 mai de chaque année.
Pour rapporter la preuve de ce que ses entretiens d'évaluation étaient systématiquement menés et rédigés en langue anglaise, [K] [I] verse aux débats des attestations d'autres salariés faisant part des difficultés liées à l'usage de la langue anglaise dans l'entreprise mais qui sont uniquement relatives à leurs situations personnelles.
Il produit également en pièces 3, 6 et 7 les courriels échangés en anglais, au mois d'avril 2013, avec son supérieur hiérarchique de nationalité indienne basé en Inde, au sujet de la fixation de ses objectifs de l'année 2013, accompagnés de la première version des dits objectifs également rédigés en langue anglaise.
Cependant, s'agissant d'un document reçu de l'étranger, émanant d'un ressortissant indien, ce document n'avait pas à être rédigé en langue française et ce par application du troisième alinéa de l'article L 1321 ' 6 du code du travail qui établit une exception à l'usage du français.
En toute hypothèse, la version française du document de fixation des objectifs 2013 a bien été transmise à [K] [I], sur sa demande, le 8 août 2013 (pièce 8 de l'intimé).
En conséquence, [K] [I] ne rapporte pas la preuve que les objectifs nécessaires à la détermination de sa rémunération variable lui ont été communiqués en langue anglaise.
Au contraire, la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL justifie par la production des entretiens annuels d'évaluation des années 2012, 2013 et 2014 (pièces 4, 5 et 6) que les objectifs de [K] [I] et leur évaluation étaient bien rédigés en langue française.
Au soutien de l'inopposabilité de ses objectifs, [K] [I] fait également valoir que ces derniers lui étaient communiqués très tardivement, ce dont il rapporte la preuve en ce qui concerne l'année 2013 par la production des courriels de son supérieur hiérarchique de l'époque (pièces 8 à 11) qui démontrent que ses objectifs n'étaient encore pas complètement arrêtés le 29 novembre 2013, ce alors que les objectifs STIP étaient censés lui être communiqués avant le 31 mai de chaque année.
Cependant, [K] [I] sollicite, en conséquence de l'inopposabilité des objectifs des années 2011 à 2014, le versement du bonus cible maximum de 12%, lequel correspond à un taux d'atteinte des objectifs de 200%.
Or, l'inopposabilité des objectifs servant à la détermination du montant de la rémunération variable a pour conséquence le paiement de l'intégralité du montant de cette rémunération variable, soit en l'espèce à l'équivalent du bonus cible de 6% correspondant 100% d'atteinte de ses objectifs et pas au-delà et la cour observe à cet égard que [K] [I] avait lui-même considéré dans un courriel du 22 avril 2013 que le non- respect des dispositions de l'article L1321-6 du code du travail conduisait 'à considérer que les objectifs sont atteints à 100%, même si ceux-ci ne seront pas réalisés'.
Contrairement à ce qu'allègue l'appelante, il n'y a pas lieu de raisonner en termes de moyenne de rémunération variable mais de tenir compte du montant de la rémunération variable versé au salarié chaque année.
En l'espèce, les documents de notification des STIP des années 2012, 2013 et 2014, seuls versés aux débats par [K] [I], démontrent que ce dernier a toujours perçu un montant de rémunération variable supérieur à un pourcentage d'atteinte du bonus cible de 6%, sauf au titre de l'année 2013 où son taux d'atteinte des objectifs s'est élevé à 85,20 % et son pourcentage total d'atteinte du bonus cible à 5,11%.
Pour cette année 2013, [K] [I] réclame un rappel de salaire de 5675,07 € sur la base d'un bonus cible de 12%, soit 2837,53 € rapportés à un bonus cible de 6%.
Dès lors que ce dernier a perçu la somme de 2416,63 € au titre de la rémunération variable de cette année 2013, il lui reste dû la somme de 420,90 € et celle de 42,09 € au titre des congés payés y afférents.
La SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL sera donc condamnée au paiement de ces deux seules sommes, lesquelles seront assorties d'intérêts légaux à compter du 19 juin 2015, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, valant première mise en demeure de payer dont il soit justifié.
2.- Sur la demande de rappel de salaires et de congés payés y afférents au titre du salaire minimum conventionnel du coefficient 135:
Au soutien de cette demande nouvelle en cause d'appel, [K] [I] fait valoir que le montant de sa rémunération annuelle brute de 51957,04 € (salaire de base + bonus) depuis son passage à la classification 135 position 2 à compter du 1er avril 2017 est nettement inférieur au salaire minimum du coefficient 135 applicable dans l'entreprise (54 152,45 €).
Il fonde sa demande sur un tableau extrait du document de l'entreprise relatif à la négociation annuelle obligatoire de l'année 2016 dont la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL fait à juste titre valoir qu'il est à visée purement informative, ne comporte aucun engagement de sa part en termes de salaire minimum et constitue uniquement un instantané des rémunérations minimales, moyennes et maximales de l'entreprise (salaire de base + bonus cible) par coefficient de classification.
En conséquence, la demande de rappel de salaire sur la base d'une prétendue violation du salaire minimum applicable dans l'entreprise s'avère infondée.
3.- Sur la demande de dommages et intérêts présentée par [K] [I]:
Il résulte du dispositif des conclusions de [K] [I] que cette demande est fondée sur le manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.
Pour caractériser la violation de cette obligation de loyauté, le salarié invoque 'les différents manquements commis par la société SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL dans le cadre du contrat de travail (...)' .
Il se déduit des moyens développés antérieurement dans ses conclusions et de la nature des préjudices dont [K] [I] sollicite ici réparation (la privation d'une partie de sa rémunération notamment), que les manquements reprochés à l'employeur sont les suivants :
' le défaut de paiement de la rémunération variable sur la base d'une atteinte des objectifs de 200 %
' l'absence de versement du salaire minimum conventionnel durant les années 2008 et 2009
' un niveau de rémunération moindre des ingénieurs et cadres classés au niveau 130 par rapport à ceux classés aux niveaux inférieurs durant les années 2014 et 2015
' une rémunération inférieure au salaire minimum payé aux salariés classés au coefficient 135 dans l'entreprise depuis le 1er avril 2017
' une absence d'augmentation individuelle de son salaire au cours des années 2016 et 2017 liée à ses mandats de représentants du personnel.
Il a été jugé plus haut que la demande de rappel de salaires au titre de la rémunération variable est largement infondée - sauf à hauteur de 420,90 € pour l'année 2013 - et il en va de même de la demande de rappel de salaire depuis le 1er avril 2017 fondée sur le non-respect des rémunérations minimales appliquées dans l'entreprise aux salariés classés au niveau 135.
Concernant l'absence de versement du salaire minimum conventionnel durant les années 2008 et 2009, [K] [I] fait valoir que la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL ne l'a pas rémunéré au salaire minimum conventionnel durant deux ans par suite d'un retard de reclassification automatique au coefficient 120 qui aurait du intervenir le 1er mai 2008 et ne l'a été qu'en 2010.
Cependant, il n'est pas contesté que l'employeur a régularisé la situation en 2010 et [K] [I] ne justifie ni du préjudice moral, ni du préjudice financier qu'il prétend avoir ainsi subi.
[K] [I] fait ensuite valoir que, même si son salaire annuel de base de l'année 2014 (47 789,40 €), hors bonus, se situait dans la moyenne haute des rémunérations des salariés classés au coefficient 130, ce salaire s'avérait nettement inférieur aux rémunérations de salariés classés à un niveau inférieur à savoir aux coefficients 108, 144, 120 et 125.
Pour établir le bien-fondé de sa demande, [K] [I] se fonde sur le tableau extrait du document relatif à la négociation annuelle obligatoire de l'année 2016 (pièce 23-3) et sur un schéma élaboré par ses soins qu'il produit en pièce 23 à partir de données générales et non individualisées dont l'origine n'est par ailleurs pas précisée dans les conclusions et qui ne présente donc aucune force probatoire comme le relève justement la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL.
Enfin, [K] [I] suggère qu'il n'a bénéficié d'aucune augmentation individuelle de salaire au titre des années 2015 et 2016 en raison de sa qualité de représentant du personnel.
Il fait également valoir que ce n'est que sur intervention de l'inspection du travail que sa situation salariale a été 'révisée' mais seulement à compter du 1er avril 2018 et pas pour les années antérieures.
Cependant, le courrier de l'inspection du travail en date du 18 décembre 2017 (pièce 32) n'évoque aucunement l'article L2141-5 du code du travail comme le prétend [K] [I] - mais l'article L2141-5-1 - et ne fait pas non plus état d'une quelconque discrimination de l'intimé en raison de ses mandats de représentant du personnel.
De plus, aucun élément ne vient établir que l'augmentation salariale du 24 octobre 2018 est en lien avec l'intervention de l'inspection du travail qui aurait ainsi mis fin à la discrimination syndicale pratiquée par l'employeur à son égard.
Enfin, ce simple courrier de l'inspection du travail ne dispense pas le salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en lien avec ses mandats de représentant du personnel, ce que [K] [I] s'abstient de faire.
Il résulte de tout ce qui précède qu'un seul manquement à ses obligations est finalement établi à l'encontre de l'employeur, lequel se traduit par la condamnation de la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL au paiement d'un rappel de salaires au titre de la rémunération variable de l'année 2013 à hauteur de 420,90 €, outre 42,09 € de congés payés.
Au regard des conséquences financières limitées de ce manquement, la cour constate que ne sont pas démontrés les préjudices allégués par [K] [I] en termes financier (perte de pouvoir d'achat, montant des droits à la retraite), de préjudice moral et de dégradation de son état de santé, ces derniers n'étant de surcroît aucunement établis.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
4.- Sur la demande de dommages et intérêts présentés par le Syndicat CFDT de la métallurgie de l'Ain:
Aucune atteinte à l'intérêt collectif de la profession n'étant établie, la demande de dommages et intérêts présentée par le Syndicat CFDT de la métallurgie de l'Ain sera rejetée.
5.- Sur les demandes accessoires:
Partie perdante, la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
[K] [I] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à lui payer la somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité complémentaire de 1000 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à payer à [K] [I] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à payer à [K] [I] les sommes de 420,90 € à titre de rappel de rémunération variable de l'année 2013 et 42,09 € au titre des congés payés y afférents, avec intérêts légaux à compter du 19 juin 2015;
REJETTE la demande de rappel de salaires à hauteur de 2980,08 €, outre 298 € au titre des congés payés y afférents présentées par [K] [I] en cause d'appel;
REJETTE les demandes de dommages et intérêts présentées par [K] [I] et par le Syndicat CFDT de la Métallurgie de l'Ain;
CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL aux entiers dépens de l'appel ;
CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC TELECONTROL à payer à [K] [I] la somme complémentaire de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais et honoraires exposés en cause d'appel;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY