N° RG 17/05038
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 06 juin 2017
RG : 16/00007
SARL CERFOGLI
C/
[Z]
[Z]
[Z]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRÊT DU 28 Mars 2019
APPELANTE :
SARL CERFOGLI
[Adresse 8]
[Localité 11]
Représentée par Me Muriel LINARES de la SELARL TILSITT AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [O] [T] [K] [Z]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11] ([Localité 11])
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représenté par Me Bernard LAFONTAINE de la SELAS LLC ET ASSOCIES - BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Mélanie ELETTO, avocat au barreau de LYON
M. [D] [T] [A] [Z]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représenté par Me Bernard LAFONTAINE de la SELAS LLC ET ASSOCIES - BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Mélanie ELETTO, avocat au barreau de LYON
Mme [N] [T] [C] [Z] épouse [M]
née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 11]
[Adresse 9]
[Localité 12]
Représenté par Me Bernard LAFONTAINE de la SELAS LLC ET ASSOCIES - BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Mélanie ELETTO, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 05 Octobre 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Février 2019
Date de mise à disposition : 28 Mars 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne-Marie ESPARBÈS, président
- Hélène HOMS, conseiller
- Pierre BARDOUX, conseiller
assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier
A l'audience, Anne-Marie ESPARBÈS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé, la régie Sornin, mandataire de Mme [H] [Z] aux droits de laquelle se trouvent désormais M. [O] [Z], M. [D] [Z] et Mme [N] [Z] (les consorts [Z]), a donné à bail à la société Cerfogli des locaux situés au [Adresse 8] à [Localité 11].
Les lieux loués sont à usage exclusif d'achat et vente au détail de tous produits de vannerie, meubles en rotin et tous meubles de jardin et terrasse en bois et autres matériaux, luminaires, porcelaines, faïences, grès, articles, cadeaux utilitaires et décoratifs.
Le bail a été conclu pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 2005 pour se terminer le 30 juin 2014.
Le loyer a été fixé à la somme annuelle de 11.815,16 € HT et HC payable par trimestre d'avance et révisable par période triennale selon l'indice INSEE du coût de construction, l'indice de référence étant celui du 2ème trimestre 2005 (1276).
Le 30 juin 2014, le loyer s'est élevé à 15.009,70 € (indice 2è trimestre 2015: 1621).
Par courrier du 24 décembre 2014, les consorts [Z] ont donné congé pour le 30 juin 2015 avec offre de renouvellement et fixation d'un loyer déplafonné de 31.000 € au preneur qui a fait connaître son accord de principe sur le renouvellement mais son refus du nouveau loyer.
Par acte d'huissier du 22 janvier 2016, les consorts [Z] ont fait assigner le preneur devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir fixer le loyer à 31.000 €.
Par jugement du 3 mai 2016, une expertise a été confiée à M. [K] [P] qui a déposé son rapport le 2 novembre 2016 en retenant, pour une surface pondérée de 112 m2, l'absence d'évolution favorable pour le commerce des facteurs locaux de commercialité, et, pour répondre à sa mission, une fixation de la valeur locative annuelle de 28.000 € (250 €/m2).
Par jugement du 6 juin 2017 assorti de l'exécution provisoire, le juge a :
dit que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative par exception à la règle du plafonnement,
fixé à 28.000 € le loyer annuel global du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2015, avec intérêts au taux légal sur chaque échéance d'arriéré à compter de I'assignation, soit le 22 janvier 2016, conformément à l'article 1155 du code civil, et capitalisation selon les modalités de l'article 1154 à compter de ce même acte.
La société Cerfogli a interjeté appel par acte du 7 juillet 2017.
Par conclusions déposées du 12 janvier 2018 fondées sur les articles L.145-33, L.145-34, R.145-6 et l'article L.145-40-2 du code de commerce, la société Cerfogli demande à la cour par voie de réformation de :
juger qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement et fixer le loyer du bail renouvelé à la valeur découlant de la stricte application des indices de référence applicables,
subsidiairement, réformer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 250 € le m2 la valeur locative et fixer le loyer renouvelé au 1er juillet 2015 à une valeur locative au m2 pondéré de 160€ HTC/m2/an, soit 17.920 € HTC/an,
en toute hypothèse, condamner solidairement les consorts [Z] à lui payer la somme de 12.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.
Par conclusions déposées le 20 avril 2018, au visa des articles L.145-33, L.145-34 et R.145-6 du code de commerce, 1154 et 1155 du code civil, M. [O] [Z], M. [D] [Z], Mme [N] [Z] demandent à la cour par voie de confirmation de :
débouter la société Cerfogli de l'intégralité de ses demandes,
en tout état de cause, condamner la société Cerfogli à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre entiers dépens incluant les frais d'expertise, avec distraction.
MOTIFS
A titre liminaire, il est noté que la surface pondérée de 112 m2 retenue par l'expert judiciaire n'est plus discutée et que la période de référence pour l'examen des facteurs locaux de commercialité se situe entre le 1er juillet 2005 et le 30 juin 2014.
Au soutien de son appel, la société Cerfogli fait valoir que le bailleur ne peut pas, pour obtenir un déplafonnement, se contenter d'invoquer une évolution de la clientèle et qu'il est nécessaire qu'il existe une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité avec démonstration du lien de causalité et variation de + de 10% de la valeur locative.
Sauf la référence à la variation de + 10% qui ne concerne pas l'espèce relative à un renouvellement et non pas à une révision de loyer, ces rappels sont exacts.
Le preneur indique ensuite, en substance, que le premier juge a omis, contrairement aux appréciations de l'expert judiciaire, de considérer l'incidence favorable pour l'activité concernée, qui n'est pas démontrée, tandis que le chiffre d'affaires n'a cessé de baisser depuis 2013.
Les bailleurs pour leur part, revendiquent une modification notable et positive des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exercée, en se basant sur les appréciations de l'expert M. [L] saisi par eux unilatéralement exposées dans son rapport du 25 novembre 2014, sur le rapport de l'expert M. [R] du 18 décembre 2014 relatif au commerce voisin du [Adresse 6] à l'enseigne Lula Hoop, ainsi que sur partie des appréciations de l'expert judiciaire qui soutiennent leur thèse.
Sans égard pour le chiffre d'affaires, dont la baisse peut répondre à de multiples causes étrangères aux facteurs locaux de commercialité et qui n'est pas opposable aux bailleurs comme ceux-ci le rappellent à juste titre, le jugement doit être infirmé dès lors qu'il a visé des modifications notables de ces facteurs en affirmant mais sans démonstration que ces modifications avaient eu une incidence favorable sur le commerce.
En l'espèce, les explications des parties et leurs productions démontrent que si des modifications notables sont intervenues sur la période de référence, elles n'ont pas eu d'incidence favorable sur le commerce litigieux.
S'il est avéré que la population lyonnaise a augmenté de 4% entre 2006 et 2011, l'expert judiciaire a noté, avec pertinence, que cette progression doit être relativisée car les produits proposés dans le commerce étudié n'intéressent pas une clientèle de masse au contraire de celle attirée par certaines enseignes de la rue de la République, étant rappelé que si le commerce bénéficie certes d'un emplacement favorable proche de la [Adresse 14], ce secteur reste moins attractif que la partie située entre le [Adresse 5] et la [Adresse 15] distante de 50 m du local où les magasins de prêt à porter et de décoration sont plus diffus et les agences bancaires plus présentes.
Les grandes enseignes évoquées situées sur le [Adresse 5] et l'[Adresse 13], notamment l'enseigne Nespresso installée au n°20 en 2012, ou encore celle (visée par l'expert judiciaire) [J] (vente de meubles et décoration) installée en 2013 au n°18, ne sont pas situées dans l'îlot dont dépend le commerce étudié qui est occupé depuis de longues années par trois agences bancaires disposant de larges linéaires, et rien ne démontre que la clientèle «'très à la mode'» de ces grandes enseignes soit amenée à commercer vers le secteur et le type de commerce étudié.
Il en est de même pour les enseignes Darel, IKKS et Maje, situées sur la même avenue aux n° 13, 14 et 18, et qui concernent des commerces de vêtements qui n'attirent pas nécessairement une clientèle vers le commerce du preneur, contrairement à ce qu'indique le rapport [L] à propos d'une clientèle féminine à pouvoir d'achat élevé tout en notant l'absence de rapport entre ces types de commerces.
Seule l'enseigne Lula Hoop pour le commerce «'d'article de décoration bimbeloterie linge de maison produits de bains accessoires de salles de bains'» située au [Adresse 7] est susceptible de générer un afflux de clientèle pour le commerce du preneur pour partie similaire dès lors qu'elle s'est installée en 2013 selon le rapport [R], mais il s'agit d'un seul élément favorable qui ne peut conduire à apprécier une modification des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence favorable pour le commerce du preneur.
S'agissant des places de stationnement, même si le commerce ne vend pas des produits de première nécessité, le parking [Y] a certes été mis à disposition du public en 2008, mais il est situé à 450 m selon l'expert judiciaire, alors qu'il a remplacé des places de stationnement plus proches depuis supprimées berges du Rhône. M. [L] dans son rapport unilatéral note d'ailleurs bien la difficulté du stationnement hors du parking [Y].
Aucun élément donc énoncé par les bailleurs ne permet de considérer une modification notable des facteurs locaux de commercialité susceptible d'avoir une incidence favorable sur le commerce du preneur.
Les bailleurs sont en conséquence déboutés de leur demande en déplafonnement.
Le loyer du bail renouvelé est fixée à la valeur découlant de la stricte application des indices de référence contractuellement applicables.
Les entiers dépens de première instance et d'appel incluant le coût de l'expertise judiciaire sont imputés à la charge des bailleurs qui supportent en outre celle d'une indemnité de procédure au profit du preneur.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Déboute les consorts [Z] de leur demande en déplafonnement et fixe le loyer du bail renouvelé à sa valeur découlant de la stricte application des indices de référence contractuellement applicables,
Y ajoutant,
Condamne les consorts [Z] à verser à la société Cerfogli une indemnité de procédure de 5.000 €,
Condamne les consorts [Z] aux dépens de première instance et d'appel incluant le coût de l'expertise judiciaire.
Le Greffier, Le Président,