N° RG 18/03192
N° Portalis DBVX - V - B7C - LVSY
Décisions :
- ordonnance de référé du tribunal de commerce de Bergerac en date du 18 août 2014
N° RG : 2014R00014
- de la cour d'appel de Bordeaux (5ème chambre civile) en date du 13 janvier 2016
N° RG : 14/05194
- de la cour d'appel de Lyon (8ème chambre) en date du 15 novembre 2016
N° RG : 16/2779
- de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 11 avril 2018
pourvoi n° A 17-10.832
arrêt n° 342 F-D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 07 Mars 2019
APPELANTE :
SASU APNYL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL L.ROBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau de l'AIN
INTIMEE :
SAS VILGO
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON
assistée de Maître Nicolas MORAND-MONTEIL, avocat au barreau de BERGERAC
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Date de clôture de l'instruction : 15 janvier 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 janvier 2019
Date de mise à disposition : 07 mars 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Aude RACHOU, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Dans le cadre d'un contrat de sous-traitance du 7 janvier 2008, la société Vilgo, qui assemble et commercialise du matériel médicalisé, a confié à la société Apnyl la réalisation de la partie supérieure de cannes anglaises en lui fournissant l'outillage nécessaire.
Après expiration de cette convention d'une durée de 2 années, la société Apnyl a continué à produire pour la société Vilgo les hauts de cannes anglaises.
Reprochant à la société Apnyl, notamment, de ne pas respecter les cadences de livraison, la société Vilgo, par acte d'huissier du 6 août 2014, a fait délivrer à son sous-traitant sommation interpellative de livrer les commandes convenues.
La société Apnyl, dont la direction était en congé, n'a pas répondu à la société Vilgo qui par un nouvel acte d'huissier du 13 août 2014, l'a faite assigner d'heure à heure devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bergerac pour obtenir l'autorisation de pénétrer dans ses locaux afin d'y appréhender les moules de cannes anglaises des familles de produit «style», style «bi-matière», «ellipse» et «profil».
Par ordonnance du 18 août 2014, le juge des référés a fait droit à cette demande, et a condamné la société Apnyl à payer à la société Vilgo une indemnité de 1.500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens comprenant les frais de saisie des moules et de la sommation interpellative du 6 août 2014.
Par la suite, la société Vilgo a réclamé la restitution du banc de tests dont elle est propriétaire à la société Apnyl qui lui a opposé un refus en invoquant l'existence de factures impayées.
A nouveau, la société Vilgo a fait assigner la société Apnyl d'heure à heure devant le même juge des référés du tribunal de commerce de Bergerac afin d'être autorisée à appréhender le banc de tests Vilgo correspondant aux hauts de cannes anglaises des familles de produits «style bi-matière» et «ellipse», ainsi que le moule de bagues, les embouts anti-bruit et les clips de cannes «ellipse».
Par ordonnance du 10 octobre 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu ni à référé ni à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les motifs suivants :
- les parties invoquant des clauses de compétence figurant dans le contrat et dans leurs conditions générales de vente inconciliables, il y a lieu de faire application des articles 42 et 46 du code de procédure civile et de retenir soit l'adresse du siège social du défendeur, soit le lieu d'exécution de la prestation de service, c'est à dire le lieu où se trouve le matériel, objet du litige,
- le juge des référés n'est pas compétent pour vérifier si le droit de rétention exercé par ApnyL est légitime eu égard aux factures émises et aux relations contractuelles des parties.
La société Apnyl a relevé appel de l'ordonnance du 18 août 2014 alors que la société Vilgo a relevé appel de l'ordonnance du 10 octobre 2014 et les deux procédures ont été jointes en cause d'appel devant la cour d'appel de Bordeaux.
Par un arrêt du 13 janvier 2016, la cour d'appel de Bordeaux a dit que seul le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse était territorialement compétent pour statuer sur les demandes présentées par la société Vilgo, a infirmé les ordonnances critiquées et a renvoyé la procédure devant la cour d'appel de Lyon, juridiction d'appel du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.
Par arrêt rendu le 15 novembre 2016, la 8ème chambre de la cour d'appel de Lyon a écarté des débats les pièces 35 à 38 communiquées par la société Vilgo, annulé l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Bergerac le 18 août 2014, confirmé l'ordonnance rendue par ce même juge le 10 octobre suivant et condamné la société Vilgo aux dépens et à payer une indemnité de procédure de 3 000 euros à la société Apnyl.
Sur pourvoi formé par la société Vilgo, la Cour de cassation a, par arrêt du 11 avril 2018, constaté la déchéance du pourvoi en tant qu'il est formé contre l'arrêt du 13 janvier 2016 et cassé et annulé, sauf en ce qu'il a écarté des débats les pièces 35 à 38 communiquées par la société Vilgo, l'arrêt rendu le 15 novembre 2016 par la cour de Lyon, renvoyant l'affaire et les parties devant cette même cour autrement composée.
Selon déclaration du 25 avril 2018, la société Apnyl a saisi la cour d'appel de Lyon en tant que cour de renvoi, limitant sa saisine aux dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 15 novembre 2016 concernant le recours formé contre l'ordonnance de référé du 18 août 2014.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 octobre 2018 par la société Apnyl qui conclut à l'annulation de l'ordonnance du 18 août 2014 pour violation manifeste des dispositions des articles 14, 16, 486 et 811 du code de procédure civile et demande à la cour, statuant à nouveau, d'infirmer l'ordonnance déférée en constatant que le critère de l'urgence est inexistant et qu'il n'y a aucun trouble commercial à faire cesser ou subsidiairement, constater qu'il y a lieu de statuer au visa de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, l'ordonnance ayant entièrement été exécutée, sollicitant l'octroi d'une indemnité de procédure de 8 000 euros,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 17 août 2018 par la société Vilgo qui conclut à la confirmation de l'ordonnance du 18 août 2014 et à l'infirmation de l'ordonnance du 10 octobre 2014, demandant à la cour d'autoriser l'huissier à pénétrer dans les locaux de la société Apnyl, assisté si nécessaire par un serrurier ou des forces de l'ordre, pour y appréhender le banc de tests Vilgo des hauts de cannes anglaises des familles de produits 'style bi-matière' et 'ellipse' ainsi que le moule des accessoires des cannes, avec constat dressé de l'état du banc et du moule à remettre, sollicitant l'octroi d'une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 15 janvier 2019.
À l'audience de plaidoiries du 23 janvier 2019, la cour, soulevant le fait que la saisine de la cour de renvoi est limitée à la demande de la société Apnyl au titre de la seule ordonnance de référé du 18 août 2014 sans qu'elle soit saisie de la cassation de l'arrêt du 15 novembre 2016 relatif aux dispositions de l'ordonnance rendue le 10 octobre 2014, a soulevé d'office l'irrecevabilité en découlant et invité les parties à déposer une note en délibéré sur ce point avant le 7 février 2019 pour la société Vilgo et une réponse pour le 14 février suivant pour la société Apnyl.
Aucune note en délibéré n'a été déposée par les parties dans les délais impartis.
MOTIFS ET DÉCISION
En l'absence de saisine par la société Vilgo de la cour de renvoi désignée par la Cour de cassation, la seule saisine de la cour d'appel de Lyon faite à l'initiative de la société Apnyl, consiste dans les demandes présentées par cette dernière concernant l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Bergerac le 18 août 2014 ; toute demande de la société Vilgo au titre de l'ordonnance rendue par ce même juge le 10 octobre 2014 doit dès lors être déclarée irrecevable.
La société Apnyl soutient que le fait de ne pouvoir préparer sa défense et d'être condamnée sans débat contradictoire constitue en lui-même et à lui seul un grief permettant d'annuler l'ordonnance du 18 août 2014 ; elle ajoute qu'aucune urgence à faire cesser dans le cadre d'un référé d'heure à heure, un trouble commercial qui n'a jamais été démontré justifie de surcroît l'infirmation de cette décision.
La société Vilgo soutient quant à elle qu'il appartenait à la cour de Lyon de se prononcer sur ses demandes après avoir annulé l'ordonnance de référé du 18 août 2014 ; qu'à ce titre, l'urgence à ce qu'elle récupère ses moules ou le banc de tests le plus rapidement possible est suffisamment démontrée, aucune contestation sérieuse liée à l'existence de factures impayées ne pouvant s'opposer aux restitutions réclamées dans la mesure où d'une part le matériel de fabrication des hauts de cannes a été restitué sur décision de justice, et non en application des conditions générales et où d'autre part le droit de rétention allégué est abusif puisque portant sur un matériel de première nécessité.
Sur ce :
Il ressort de la sommation interpellative délivrée le 6 août 2014 à M. [M], salarié de la société Apnyl, responsable de maintenance, que ce dernier a déclaré à l'huissier que la direction de l'entreprise était en congé et qu'il n'avait pas qualité pour lui répondre.
L'ordonnance délivrée le 13 août 2014 par le président du tribunal de commerce de Bergerac autorisant l'assignation en référé de la société Apnyl pour l'audience du lendemain ainsi que l'assignation ont été délivrées à la société Apnyl le 13 août à 17 h 25, l'acte de signification faute d'avoir pu être remis au représentant de la société fermée pour cause de congés ou à une personne habilitée, ayant été déposé à l'étude de l'huissier.
La société Apnyl n'a pas comparu à l'audience et le juge des référés a rendu sa décision en sachant parfaitement que la défenderesse n'avait pu avoir connaissance de la procédure engagée à son encontre, en violation manifeste du principe de la contradiction de l'article 16 du code de procédure civile.
L'annulation de l'ordonnance doit être prononcée et il appartenait à la cour d'appel de Lyon, compétente aux termes de l'arrêt définitif de la cour d'appel de Bordeaux, de statuer sur les demandes présentées.
Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le premier juge a justement relevé en l'espèce que la société Apnyl n'avait pas livré à sa cocontractante Vilgo, à compter du mois de juillet 2014, les quantités de hauts de cannes anglaises telles que prévues au contrat des parties ; qu'indépendamment de la détermination de l'origine des désordres allégués sur les pièces livrées antérieurement, vice de fabrication ou désordres de vétusté affectant l'outillage, il est établi que le défaut de livraison par la société Apnyl à la société Vilgo des quantités convenues cause un préjudice commercial incontestable à la société Vilgo.
Il en résulte que le premier juge a justement fait droit à la demande de restitution à la société Vilgo de l'outillage qu'elle revendiquait, le préavis de restitution de 3 mois prévu aux conditions générales acceptées par les parties en 2012 en cas de résiliation des relations contractuelles ne pouvant trouver application en cas de dommage imminent.
Il ressort cependant des explications concordantes des parties sur ce point, que l'ordonnance rendue le 18 août 2014 a été exécutée s'agissant de la restitution par la société Apnyl des moules dont l'appréhension était réclamée et cette dernière qui conclut à la réformation de la décision, ne réclame pas pour autant la restitution des moules remis au titre de l'exécution de l'ordonnance.
Il n'y a dès lors plus aucun trouble commercial à faire cesser un dommage imminent et l'évolution du litige commande donc que soit réformée la décision critiquée.
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à la société Vilgo d'une indemnité supplémentaire de 1 500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit et juge que la saisine de la cour d'appel de Lyon désignée en tant que cour de renvoi par la Cour de cassation, faite à la seule initiative de la société Apnyl, est limitée aux dispositions de l'arrêt de cassation rendu le 11 avril 2018 contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 15 novembre 2016 concernant seulement l'ordonnance de référé du 18 août 2014,
Déclare en conséquence irrecevables les demandes de la société Vilgo tendant à la réformation de l'ordonnance de référé rendue le 10 octobre 2014,
Confirme l'ordonnance rendue le 18 août 2014 en ce qu'elle a dit qu'il y avait lieu de faire cesser le trouble commercial subi par la société Vilgo et autoriser un huissier à pénétrer dans les locaux de la société Apnyl pour y appréhender les moules nécessaires à la fabrication des cannes anglaises, si nécessaire assistée d'un serrurier et des forces de l'ordre, et dresser un procès-verbal d'inventaire et de constat contradictoire de l'état des moules remis et en ce qu'elle a débouté la société Vilgo de sa demande visant à être autorisée à confier les moules à une entreprise tierce et en ce qu'elle a condamné la société Vilgo à payer une indemnité de procédure de 1 500 euros à la société Vilgo,
Vu l'évolution du litige,
Constate qu'il n'existe plus aucun trouble commercial subi par la société Vilgo et réformant l'ordonnance, rejette en conséquence la demande en restitution de l'outillage présentée par cette dernière,
Condamne la société Apnyl à payer à la société Vilgo une indemnité de 1 500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Apnyl aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de saisie des moules et de la sommation interpellative du 6 août 2014 et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT