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07/03/2019 | FRANCE | N°17/02190

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 07 mars 2019, 17/02190


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR









R.G : N° RG 17/02190 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K5S4



[E]



C/

SOCIÉTÉ COOPERATIVE D'INTERET COLLECTIF AGRICOLE REGIONALE POUR L'ELEVAGE ET LA VIANDE









décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

Au fond

du 20 mars 2017



RG : F 16/00085







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 07 Mars 2019





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APPELANT :



M. [L] [E]

né le [Date anniversaire 1] 1965 à IMRIHLEM (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 2]



représenté par Me Stéphane TEYSSIERTEYSSIER de la SELARL STEPHANE TEYSSIER AVOCAT, avocat au barreau de LYON





INTIMEE :



Société c...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : N° RG 17/02190 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K5S4

[E]

C/

SOCIÉTÉ COOPERATIVE D'INTERET COLLECTIF AGRICOLE REGIONALE POUR L'ELEVAGE ET LA VIANDE

décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

Au fond

du 20 mars 2017

RG : F 16/00085

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 07 Mars 2019

APPELANT :

M. [L] [E]

né le [Date anniversaire 1] 1965 à IMRIHLEM (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par Me Stéphane TEYSSIERTEYSSIER de la SELARL STEPHANE TEYSSIER AVOCAT, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Société coopérative d'intérêt collectif agricole régionale pour l'élevage et la viande dite S.I.C.A.R.E.V

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sébastien ARDILLIER de la SCP FROMONTFROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Christine ARANDA, de la SCP FROMONTFROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Décembre 2018

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président et Laurence BERTHIER, conseiller, toutes deux magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré,

assistées pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Rose-Marie PLAKSINE, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 07 Mars 2019 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président, et par Carole NOIRARD, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

La Société Coopérative d'intérêt Collectif Agricole Régionale pour l'Elevage et la Viande (SICAREV) exerce une activité relevant des dispositions de la Convention collective des Sociétés d'intérêt Collectif Agricole (SICA) et Coopératives Bétail et Viandes.

Monsieur [L] [E] a été embauché par la société SICAREV, sous contrat à durée déterminée à compter du 13 juin 2016, en qualité de pareur, après une période de deux semaines de stage dans le cadre d'une P.O.E. (Préparation Opérationnelle à l'Emploi) collective du 23 mai au 3 juin 2016.

Le contrat à durée déterminée pour une durée de 3 mois (13 juin-12 septembre 2016), était assorti d'une période d'essai de '10 jours' du '13 juin au 12 septembre'.

Par email en date du 22 juin 2016 à 19 heures 17 minutes, Monsieur [E] a informé son employeur de sa participation au mouvement national de grève interprofessionnel du 23 juin 2016.

Monsieur [E] s'est vu remettre en main propre contre décharge, le 23 juin 2016 à 9 heures 20 minutes, un courrier de l'employeur mentionnant : 'nous vous confirmons notre échange du mercredi 22 juin à 14h00, au cours duquel nous vous avons fait part de notre intention de rompre votre période d'essai', avec effet au 24 juin 2016 en fin de journée, l'essai n'ayant pas donné satisfaction.

Le 24 juin 2016, Monsieur [E] envoyait un courriel à la société SICAREV afin de contester la rupture discriminatoire de son contrat de travail, motivée selon lui, non par ses capacités professionnelles, mais plutôt par son 'appel à la grève' confirmé par mail.

Monsieur [E] a saisi le conseil de prud'hommes de ROANNE le 19 juillet 2016 pour voir :

- Requalifier la convention de stage et/ou le contrat à durée déterminée du 13 juin 2016 en contrat à durée indéterminée,

- Juger discriminatoire et donc nulle et/ou abusive la rupture de la période d'essai,

- Dire qu'elle s'analyse en un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société SICAREV à payer à Monsieur [E] les sommes suivantes :

* outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes en application de l'article 1153-1 du code civil,

17.592,00 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul,

2.500,00 euros nets de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

20.532,68 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du statut protecteur,

1.466,00 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

147,00 euros au titre des congés payés afférents,

1.466,00 euros d'indemnité de requalification de la convention de stage et/ou du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

2.500,00 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire,

- Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil,

- Condamner la société SICAREV à remettre à Monsieur [L] [E] des documents de rupture et un dernier bulletin de salaire conforme à la décision dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 150,00 euros pour jour de retard,

- Se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger nulle la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ou tout le moins abusive,

- Condamner la société SICAREV à payer à Monsieur [E] les sommes suivantes : outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes en application de l'article 1153-1 du code civil,

17.592,00 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul,

20.532,68 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du statut protecteur,

2.500,00 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire,

- Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil,

- En tout état de cause,

- Condamner la société SICAREV à payer à Monsieur [L] [E] une indemnité de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société SICAREV aux entiers dépens de l'instance,

- Ordonner l'exécution provisoire sur les dispositions du jugement n'en étant pas assorties de plein droit,

- Fixer le salaire de référence à 1.466,00 euros bruts.

Par jugement du 20 mars 2017, le conseil de prud'hommes a :

- Débouté Monsieur [L] [E] de l'intégralité de ses demandes,

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- Condamné Monsieur [L] [E] aux entiers dépens de l'instance.

Monsieur [E] a régulièrement interjeté appel du jugement 24 mars 2017.

Par ses dernières conclusions, il demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de LYON du 20 mars 2017 en toutes ses dispositions,

STATUER A NOUVEAU,

A titre principal,

- Requalifier la convention de stage du 12 mai 2016 et/ou le contrat à durée déterminée du 13 juin 2016 en contrat à durée indéterminée,

- Dire et juger discriminatoire et donc nulle et/ou en violation du statut protecteur du salarié et à tout le moins abusive la rupture d'une prétendue période d'essai,

- Dire et juger que la rupture s'analyse en un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société SICAREV à payer à Monsieur [L] [E] les sommes suivantes :

*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes en application de l'article 1153-1 du code civil

17 592 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul,

2 500 euros nets de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

20 532,68 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du statut protecteur (indemnisation à hauteur des salaires à percevoir jusqu'à la fin de son mandat expirant au 27 août 2017 cass.soc.19 juin 2017, pourvoi n 05-46017),

1 466 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

147 euros au titre des congés payés afférents,

1 466 euros d'indemnité de requalification de la convention de stage et/ou du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

2 500 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire (le préjudice résulte de manière évidente de la nécessité de vérifier l'aptitude du salarié à exercer un métier physique et eu égard aux pressions subies de la part de sa hiérarchie),

- Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil,

- Condamner la société SICAREV à remettre à Monsieur [L] [E] des documents de rupture et un dernier bulletin de salaire conforme à la décision dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 150 euros pour jour de retard,

- Se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger nulle la rupture anticipée du CDD ou tout le moins abusive,

- Condamner la société SICAREV à payer à Monsieur [L] [E] les sommes suivantes :

*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes en application de l'article 1153-1 du code civil

17 592 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul,

20 532,68 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du statut protecteur (indemnisation à hauteur des salaires à percevoir jusqu'à la fin de son mandat expirant au 27 août 2017 cass.soc.19 juin 2017, pourvoi n 05-46017),

2 500 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire (le préjudice résulte de manière évidente de la nécessité de vérifier l'aptitude du salarié à exercer un métier physique et eu égard aux pressions subies de la part de sa hiérarchie),

- Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil,

En tout état de cause,

- Condamner la société SICAREV à payer à Monsieur [L] [E] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société SICAREV aux dépens de l'instance,

- Fixer le salaire de référence à 1466 euros bruts.

Par ses dernières conclusions, la société SICAREV demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2018.

*

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions aux conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification de la convention de stage en contrat à durée indéterminée

Monsieur [E] soutient qu'alors qu'il devait effectuer un stage du 23 mai au 14 juin 2016, il a été affecté en production de manière permanente et n'a d'ailleurs pas été évalué, ni été reçu en entretien individuel comme prévu par sa convention de stage. Ainsi, ce 'prétendu stage' ne visait qu'à masquer une relation de travail salariée devant être requalifiée en contrat à durée indéterminée depuis l'origine.

La société SICAREV invoque la mauvaise foi de Monsieur [E] qui effectuait un stage en son sein dans le cadre d'une préparation opérationnelle à l'emploi collective (POEC) dont l'objet était de lui permettre, en sa qualité de demandeur d'employeur, de bénéficier d'une formation opérationnelle afin de le préparer à occuper un emploi, pour compléter sa formation théorique reçue auprès de l'IFRIA d'Auvergne.

Elle soutient que la demande de Monsieur [E] n'est appuyée sur aucune pièce et qu'elle-même établit, au contraire, qu'il a été encadré par un maître de stage et qu'un suivi a été effectué.

*

L'article L.124-7 du Code de l'éducation précise qu'aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ou faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'organisme d'accueil.

Monsieur [E] dont le stage s'est effectué du 23 mai au 4 juin 2016 (et non au 14 juin comme il l'indique par erreur dans ses écritures), ne produit aucune pièce au soutien de sa demande.

Or, les premiers juges ont exactement relevé que le témoignage de Monsieur [F], responsable d'atelier, attestait d'une prise en charge de Monsieur [E] par plusieurs salariés, pour le former (pièce 6).

En outre, une attestation du directeur de l'IFRIA met en évidence que Monsieur [E] a bénéficié d'un suivi par cet organisme, puisqu'ainsi Madame [H] s'est rendue à une rencontre le 3 juin au sein de l'entreprise pour discuter avec le stagiaire et son tuteur, et ce notamment pour un bilan avec l'intéressé (pièce 16 produite en cause d'appel).

Au vu de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification de la convention de stage en contrat à durée indéterminée.

Sur la demande requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Monsieur [E] soutient que le motif de recours au contrat à durée déterminée était 'improbable' et 'fantaisiste', puisque le début des travaux entrepris dans l'entreprise invoqués par l'employeur, était le 27 juin et qu'il a été embauché le 13 juin et ce jusqu'au 22 juin, avant le démarrage des dits travaux. Il est donc établi selon lui que la société SICAREV a recouru de manière abusive au contrat à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre.

La société SICAREV prétend que le contrat de travail de Monsieur [E] a bien été conclu pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, dans le respect des dispositions de l'article L.1242-2 du code du travail, et ce en raison de travaux d'aménagement du site, en vue de sa modernisation. Elle précise que les travaux ont débuté en mai 2016 et ont eu des répercussions sur l'organisation du travail et notamment ont bouleversé les horaires et retardé l'activité de l'atelier découpe.

L'objet de l'embauche de Monsieur [E] était de résorber le retard pris.

*

Les premiers juges ont exactement rappelé les conditions légales prévues à l'article L.1242-2 du code du travail, du recours au contrat à durée déterminée et notamment l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Tel était précisément l'objet du contrat de Monsieur [E] qui stipulait : 'accroissement temporaire de l'activité lié aux travaux d'aménagement du site'.

Or, les comptes-rendus de réunion de chantier des 31 mai et 7 juin 2016 attestent de travaux d'ampleur au sein de la société (démolitions, route, fondation, charpente, menuiseries, etc) et ce à compter de la semaine 22.

Une note de service du 22 juin 2016 à l'objet 'aménagement du site' prévoit d'ailleurs des modifications d'horaire de l'ensemble du personnel des ateliers découpe.

Il ne peut donc être contesté que des travaux importants ont désorganisé le travail des équipes au sein de la société SICAREV qui est fondée à invoquer des retards de production et la nécessité de les rattraper par le recours à un emploi à durée déterminée.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification de Monsieur [E], le recours au contrat à durée déterminée étant justifié.

Sur la rupture de la période d'essai

Monsieur [E] soutient que son contrat de travail faisait état d'une période d'essai d'un durée de 10 jours mais qu'il stipulait de manière incohérente que celle-ci s'étendrait du 13 juin au 12 septembre 2016 soit durant trois mois. Ainsi, aucune période d'essai ne lui est clairement opposable et la rupture de son contrat de travail requalifié en contrat à durée indéterminée s'analyse en un licenciement injustifié.

Il ajoute qu'à supposer que la période d'essai était valable, elle aurait dû commencer depuis le début de la période de stage, soit le 23 mai.

Par ailleurs, Monsieur [E] soutient que la période d'essai se décompte en jours calendaires de sorte qu'en débutant le 13 juin, elle expirait le 22 juin à minuit, or la lettre de rupture n'a été remise que le 23 juin. Il prétend qu'elle ne pouvait en tout état de cause revêtir la forme d'une annonce verbale (le 22 juin) devant d'autres salariés, comme le retient la Cour de Cassation.

Enfin, Monsieur [E] soutient que la rupture de la période d'essai était abusive et nulle dès lors que :

- Elle a été rompue sans autorisation de l'inspecteur du travail alors que l'employeur n'ignorait pas sa qualité de conseiller salarié,

- Il avait informé son employeur de son intention de participer à une grève contre la loi travail et la rupture de la période d'essai était uniquement liée à cette annonce et non à une prétendue insatisfaction sur la qualité de son travail.

La société SICAREV s'oppose aux demandes répliquant que la date de fin de période d'essai résulte d'une erreur de plume, comme le mentionnait d'ailleurs Monsieur [E] dans ses écritures de première instance et que cette 'coquille' ne peut avoir aucune incidence sur cette clause et ce alors que la jurisprudence retient que la période d'essai doit être fixée dans sa durée et que la mention de la date d'échéance n'est pas une obligation.

Elle ajoute que la durée du stage ne peut être prise en compte dans le calcul de la période d'essai car il relevait de la formation continue du demandeur d'emploi et non d'une formation initiale donnant lieu à évaluation de la part de l'établissement. Ainsi, l'article L.1221-24 du code du travail n'avait pas vocation à s'appliquer.

La société SICAREV fait valoir par ailleurs que si la période d'essai se décompte, suivant la jurisprudence de la Cour de Cassation, en jours calendaires, c'est à la condition qu'aucune disposition conventionnelle ou contractuelle ne prévoit le contraire. Or, le contrat de travail prévoyait expressément un calcul en jours de travail effectif qui portait la fin de la période d'essai au 24 juin à minuit et la convention collective alléguée (article 30) n'était pas applicable car elle ne visait que le contrat à durée indéterminée. En tout état de cause, elle soutient que la période d'essai a été rompue lors d'un entretien le 22 juin 2016 à 14 heures.

Elle prétend que Monsieur [E] n'a jamais informé son employeur de son mandat de conseiller du salarié au cours de la relation de travail mais uniquement dans son courrier de contestation du 24 juin. En réalité, cette attitude du salarié témoigne selon elle, uniquement d'une intention frauduleuse.

Enfin, elle conteste tout caractère discriminatoire de la rupture de la période d'essai invoquant de réelles difficultés rencontrées par le salarié sur son poste de travail. Le fait qu'il ait été embauché en contrat à durée déterminée après son stage ne peut suffire à démontrer qu'il donnait entière satisfaction puisque les conditions de travail du salarié en autonomie sur son poste n'étaient pas celles d'un stagiaire en formation, qui permettent un encadrement très assidu par les responsables de ligne et du tuteur.

*

Aux termes de l'article 1189 du code civil, toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

L'article 1191 du même code précise que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.

Le contrat à durée déterminée conclu entre les parties a prévu une période d'essai 'de 10 jours' tout en précisant : 'du lundi 13 juin 2016 au lundi 12 septembre 2016", soit sur une période correspondant à la durée du contrat lui même ('3 mois du lundi 13 juin 2016 au lundi 12 septembre 2016").

Il est clair en réalité, que cette mention, incohérente, résulte manifestement d'une erreur de plume, purement matérielle, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges.

La durée de la période d'essai fixée à '10 jours' dans le contrat de travail est donc opposable à Monsieur [E].

*

Celui-ci se prévaut ensuite des dispositions de l'article L.1221-24 du code du travail qui prévoit que : 'en cas d'embauche dans l'entreprise dans les trois mois suivant l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage est déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables. Lorsque cette embauche est effectuée dans un emploi en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire, la durée du stage est déduite intégralement de la période d'essai'.

Or, la formation dont a bénéficié Monsieur [E] durant une période de deux semaines dans le cadre d'une Préparation Opérationnelle à l'Emploi Collective, du 23 mai au 3 juin 2016, ne répond pas aux conditions de l'article précité, puisqu'elle ne peut être considérée comme un stage intégré à un 'cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études', eu égard à sa durée très courte et aux termes de la convention de P.O.E, mentionnant une formation professionnelle et non initiale (d'une durée totale de six semaines en l'espèce et non de plusieurs années).

C'est donc à juste titre que le conseil a retenu que la durée du stage n'avait pas à être déduite de la durée de la période d'essai du contrat à durée déterminée.

*

Il est constant par ailleurs qu'une période d'essai se décompte en jours calendaires, sauf dispositions conventionnelle ou contractuelle contraire. Or, les premiers juges ont exactement relevé que le contrat de travail prévoyait un décompte en jours de travail effectif au sein de l'entreprise.

Dès lors, la période d'essai s'achevait le 24 juin à 24 h. L'article 30 de la convention collective SICA bétail et viandes invoqué par Monsieur [E] en cause d'appel ne vise pas les contrats à durée déterminée mais indéterminée.

La période d'essai n'était donc pas achevée lorsque Monsieur [E] a reçu en mains propres la lettre du 23 juin 2016 lui rappelant qu'il y était mi fin, tel qu'indiqué lors de l'entretien du 22 juin à 14 heures.

*

Monsieur [E] soutient par ailleurs qu'il était salarié protégé et que son employeur qui ne l'ignorait pas ne pouvait mettre fin au contrat de travail sans avoir saisi l'inspection du travail.

Toutefois, le bénéfice du statut protecteur lié à un mandat extérieur est subordonné à l'obligation par le salarié d'en avoir informé l'employeur au plus tard lors de l'entretien préalable de licenciement, ou s'il s'agit d'une rupture qui ne nécessite pas cet entretien (comme en l'espèce) au plus tard avant la notification de la rupture.

Faute d'information, le salarié doit prouver que l'employeur en avait connaissance.

En l'espèce, Monsieur [E] ne justifie par aucun pièce avoir informé l'employeur de son statut de conseiller du salarié avant la notification de la rupture de la période d'essai, et en particulier dès le 22 juin, comme il le prétend.

*

Par un email du 22 juin adressé à 19h17, Monsieur [E] a informé son employeur qu'il envisageait de prendre part à un appel à la grève en intersyndicale et qu'il serait donc en grève le jeudi 23 juin à partir de 10 heures. Il précisait qu'il en avait informé les responsables d'atelier le matin même.

Il soutient que cette annonce est à l'origine de la décision de l'employeur de mettre fin à la période d'essai.

Cet élément de fait peut laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Cependant, il ressort de plusieurs attestations produites par la société SICAREV que l'annonce de la rupture de période d'essai a été faite dès le 22 juin à 14 heures lors d'un entretien de Monsieur [E] avec Monsieur [F] et Monsieur [J], responsables d'atelier et qu'à cette occasion Monsieur [E] n'a pas fait état de ses activités syndicales ou de son intention de participer à la grève du 23 juin (pièces 7, 12, 18).

Il n'est justifié par aucune pièce que cette annonce a été faite, devant d'autres salariés de l'entreprise, contrairement à ce que prétend Monsieur [E].

Par ailleurs, plusieurs salariés confirment également les difficultés rencontrées par Monsieur [E] quant à la qualité de son travail (pièces 13 et 14) qui ont pu motiver la rupture du contrat de travail.

Le caractère abusif ou discriminatoire, pour un motif tenant au mandat ou à la participation à un mouvement de grève, de la rupture de la période d'essai n'est donc pas établi.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il débouté Monsieur [E] de ses demandes à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire

Monsieur [E] sollicite l'octroi d'une somme de 2 500 Euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale. Il n'explicite pas plus cette demande sauf à préciser que le préjudice résulte de manière évidente de la nécessité de vérifier l'aptitude du salarié à exercer un métier physique et au regard de pressions subies de la part de la hiérarchie.

La société SICAREV fait valoir à juste titre, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, qu'elle n'était tenue d'organiser une visite médicale d'embauche qu'au plus tard dans le délai maximum de 90 jours, tel qu'applicable aux entreprises agricoles, en vertu des dispositions de l'article R.717-14 du code rural et de la pêche maritime, qui était loin d'être arrivé à échéance lors de la rupture du contrat.

Le grief n'est ainsi pas fondé et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'indemnité procédurale

Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l'indemnité procédurale.

Monsieur [E] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel. Il n'est pas inéquitable au vu des circonstances économiques de la cause de laisser à la société SICAREV la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Laisse à la société SICAREV la charge de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne Monsieur [E] aux dépens d'appel.

Le greffierLe président

[M] [M]NOIRARDElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/02190
Date de la décision : 07/03/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°17/02190 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-07;17.02190 ?
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