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06/03/2019 | FRANCE | N°16/05722

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 mars 2019, 16/05722


AFFAIRE PRUD'HOMALE





RAPPORTEUR








R.G : N° RG 16/05722 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KPZE








R...





C/


SA MAJ











APPEL D'UNE DÉCISION DU :


Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON


du 05 Juillet 2016


RG : F 13/03645








COUR D'APPEL DE LYON





CHAMBRE SOCIALE A





ARRÊT DU 06 MARS 2019







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J... R...


né le [...] à LYON (69004)


[...]





comparant en personne, assisté de Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON











INTIMÉE :





SA MAJ, prise en la personne de son représentant légal en exercice


[...]


[...]


...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 16/05722 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KPZE

R...

C/

SA MAJ

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 05 Juillet 2016

RG : F 13/03645

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 MARS 2019

APPELANT :

J... R...

né le [...] à LYON (69004)

[...]

comparant en personne, assisté de Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA MAJ, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[...]

[...]

représentée par Me Pauline BLANDIN, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Décembre 2018

Présidée par Annette DUBLED VACHERON, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED VACHERON, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Mars 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Manon FADHLAOUI, Greffier,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Le 25 février 1992, la société GENERALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES a engagé M. J... R... en qualité d'animateur des ventes, coefficient 250, à compter du 2 mars 1992.

Le 24 juillet 1995, M. R... a été affecté en qualité de chargé d'affaires au centre de GENAS.

Par avenant en date du 9 avril 2003, la société MAJ a inséré une clause de non-concurrence au contrat de travail de M. R....

Par lettre en date du 17 décembre 2007, M. R... a été affecté en qualité de chargé d'affaires coefficient 250 au sein de la société MAJ au centre de [...], avec effet au 1er novembre 2007.

M. J... R... a été placé en arrêt de travail pour maladie le 27 mai 2013 prolongé en dernier lieu jusqu'au 30 novembre 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juin 2013, la société MAJ a informé M. R... que, faute par lui de signer avant le 5 juillet 2013 l'avenant formalisant les nouvelles fonctions de chef de marché, coefficient 5-1, qui lui étaient proposées à effet du 1er juillet 2013, il continuerait à exercer ses fonctions de chargé d'affaires sur le marché HBE.

Par requête en date du 12 juillet 2013, M. J... R... a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Lors de la visite de reprise en date 4 décembre 2013, M. R... a été déclaré apte avec la précision suivante : 'à revoir dans un mois et demi'.

Un entretien a été organisé le 5 décembre 2013 entre M. R..., M. A..., directeur, M. O..., directeur régional Rhône-Alpes et M. G..., directeur commercial régional.

Par lettre recommandée en date du 6 décembre 2013, la société MAJ a mis en demeure Monsieur R... de reprendre son poste de chargé d'affaires.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2013, la société MAJ a mis M. R... en demeure d'exécuter ses fonctions et d'en justifier.

Le 12 décembre 2013, M. R... et son collègue M. U... ont adressé une lettre conjointe à la société MAJ, faisant valoir qu'ils subissaient des faits qu'ils qualifiaient de harcèlement moral depuis la reprise de leur travail, le 5 décembre 2013.

Le 16 décembre 2013, M. R... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 décembre 2013, avec notification de sa mise à pied conservatoire, à la suite duquel, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 janvier 2014, la société MAJ lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 9 février 2015.

Par jugement en date du 5 juillet 2016, le conseil de prud'hommes dans sa formation de départage a :

' débouté M. J... R... de l'intégralité de ses demandes

' dit n'y avoir lieu à allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société MAJ

' condamné M. R... aux dépens.

M. J... R... a interjeté appel de ce jugement, le 22 juillet 2016.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience par son avocat, M. R... demande à la cour :

' d'infirmer le jugement

' de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société MAJ

' à titre subsidiaire, de dire que le licenciement qui lui a été notifié est sans cause réelle et sérieuse

' de condamner la société MAJ à lui verser les sommes suivantes :

60.000 euros à titre de dommages et intérêts

7.344,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

734,43 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis

21.828,94 euros à titre d'indemnité de licenciement

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions contractuelles

2.632,87 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée

263,18 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférents

' de condamner la société MAJ à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il expose qu'en début d'année 2013, compte-tenu d'une baisse significative de son activité, tant au niveau local que national, la société MAJ a entrepris une importante réorganisation de son service commercial et administration commerciale, qu'il lui a été proposé à cette fin un avenant à son contrat de travail modifiant ses fonctions et la structure de sa rémunération, que, dans la mesure où la modification contractuelle ainsi proposée avait pour conséquence d'entraîner une baisse substantielle de sa rémunération variable, il a refusé de procéder à la régularisation de l'avenant et en a informé expressément son employeur.

Il soutient que, dès la fin du premier trimestre 2013, le calcul de la rémunération variable n'était plus effectué' en fonction du chiffre d'affaires réalisé, mais selon trois composantes différentes, et qu'il a constaté , dès le versement de sa prime au mois de mai 2013 une baisse significative du montant de sa rémunération variable sur objectifs

Il fait valoir que, malgré son refus formellement exprimé, la société MAJ a procédé unilatéralement à la modification de la structure de sa rémunération et de ses fonctions, puisqu'elle l'a informé dans une seconde correspondance datée du 26 juin 2013 qu'il exercerait les fonctions de chef de marché à compter du 1er juillet 2013 et qu'elle a donc fait application de l'avenant qu'il avait pourtant refusé à plusieurs reprises.

Il observe qu'en soumettant à la signature de son collaborateur un avenant contractuel, la société MAJ a, de manière incontestable, reconnu que la proposition ainsi formulée entraînait une modification substantielle du contrat de travail, que, lorsque le salarié refuse la modification de son contrat de travail,l' employeur doit, soit renoncer à la modification envisagée, soit engager la procédure de licenciement, que dans ce dernier cas, la relation de travail se poursuit selon les conditions antérieures, que tel n'a pas été le cas, puisqu'il a constaté une baisse significative du montant de sa rémunération variable sur objectifs, que la société MAJ a unilatéralement procédé à une modification de sa rémunération, laquelle constituait un élément essentiel du contrat de travail ne pouvant être modifié sans son accord préalable.

Il explique, que, le 1er juillet 2013 il a demandé le rétablissement des modalités de calcul de rémunération en vigueur avant le 31 décembre 2012, que la société a indiqué que cette modification faisait suite aux nouvelles fonctions prétendument exercées par lui, que cependant ses bulletins de salaire précédents faisaient référence à un emploi de chargé d'affaires, qu'il n'a jamais exercé les fonctions de chef de marché, que la réalité des modifications qui lui ont été imposées est pleinement établie et que la modification unilatérale par la société MAJ de la structure de sa rémunération justifie à elle seule de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.

Il ajoute que ses fonctions ont été modifiées unilatéralement par la société, la fonction de chef de marché étant fondamentalement différente de celle de chargé d'affaires.

Il affirme que le poste de chargé d'affaires sur le secteur Hygiène et Bien-être qui lui a été proposé le 5 décembre 2013 lors de la reprise de son travail était fondamentalement différent des fonctions qu'il exerçait jusqu'alors, que ses fonctions et ses tâches se trouvaient ainsi totalement changées, non seulement parce qu'il n'était plus affecté au secteur des entreprises de propreté, mais encore parce qu'il devait, pour réaliser ses objectifs, faire un travail totalement différent en travaillant sur ce secteur et en visitant de nouveaux clients, que ce poste lui imposait une clientèle totalement différente, sur un secteur géographique différent et beaucoup plus restreint.

Subsidiairement, il conteste les griefs infondés qui lui sont imputés et considère qu'ils ne peuvent en aucun cas justifier le licenciement pour grave prononcée à son encontre.

Il indique qu'à la suite de l'entretien du 5 décembre 2013, son directeur lui a demandé de quitter l'entreprise et de rentrer chez lui, que, lorsqu'il s'est rendu le lundi 9 décembre dans les locaux de [...] en vue de réintégrer son poste habituel, il a de nouveau subi des pressions pour lui faire accepter la modification de ses fonctions et que, mécontente d'avoir essuyé un nouveau refus, la société MAJ lui a interdit formellement de s'absenter des locaux, alors même qu'il s'apprêtait à partir en rendez-vous clientèle, que face à cette interdiction, il n'avait d'autre choix que de rester au sein de l'entreprise dans un bureau où il était contraint de partager le seul poste informatique disponible et en état de fonctionnement (sans s'être toutefois vu communiquer les codes d'accès permettant d'accéder au système d'exploitation) avec un autre salarié, Monsieur U..., et que la société ne lui a pas donné la moindre instruction de travail.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société MAJ demande à la cour :

' de débouter M. R... de son appel

' de confirmer le jugement entrepris

' de condamner M. R... à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle expose qu'elle a procédé au niveau national à la réorganisation de l'ensemble de ses forces commerciales en charge des entreprises de propreté afin d'unifier les stratégies de ses différents établissements, que cette réorganisation nationale concernait en France plus d'une trentaine de chargés d'affaires et chargés de clientèle des entreprises de propreté, auxquels il a été proposé le poste de chef de marché EP (entreprise de propreté), que sur la région Rhône-Alpes, le directeur régional, M. O..., a reçu individuellement février 2013 l'ensemble des commerciaux spécialisés sur le secteur des entreprises de propreté pour leur proposer le nouveau poste de chef de marché EP impliquant les mêmes fonctions que celles de chargé d'affaires EP outre le suivi commercial, que le plan de rémunération de ces chefs de marché EP pour 2013 prévoyait que la rémunération variable, en plus être calculée sur le résultat individuel de chaque chef de marché, ne reposerait plus seulement sur le développement, mais aussi sur le maintien de la facturation des abonnements mensuels de son périmètre propre et prendrait également en compte les résultats de l'équipe commerciale Rhône Alpes et qu'il a été indiqué aux chargés d'affaires qu'à défaut d'accepter le poste de chef de marché EP, ils conserveraient leur qualification de chargés d'affaires et qu'ils resteraient affectés sur le secteur HBE(Hygiène et Bien-être) à l'exclusion des entreprises de propreté qui relèveraient du domaine exclusif des chefs de marché.

Elle indique que, lors de l'entretien de mars 2013, M. R... n'a pas souhaité signer la lettre régularisant le changement de fonction, indiquant qu'il voulait réfléchir, que, pour autant, il a exercé à compter de février 2013 les fonctions de chef de marché sur le secteur des entreprises de propreté qu'il a continué à prospecter, qu'il a été de nouveau reçu en entretien le 17 mai 2013 par le directeur régional Rhône-Alpes et le responsable régional EP, que le lendemain de cet entretien, il a été placé en arrêt maladie et est resté absent jusqu'au 1er décembre 2013, que, selon courriel du 14 juin 2013, il a demandé à son supérieur hiérarchique des précisions sur le calcul de sa rémunération variable versée avec son salaire de mai 2013, que le directeur lui a répondu que la rémunération trimestrielle avait été calculée selon le plan de rémunération 2013 applicable aux chefs de marché, puisque pendant la période considérée, M. R... avait exercé ses fonctions auprès des entreprises de propreté, et le plan de rémunération 2013 prévoyant les modalités de calcul de la nouvelle prime applicable à partir du 1er février 2013 lui a été remis.

Elle ajoute que, M. R... ayant contesté l'application du nouveau barème à son mode de calcul de rémunération variable et demandé le maintien des modalités de calcul de rémunération en vigueur avant le 31 décembre 2012, elle a pris acte du refus de M. R... d'occuper le poste de chef de marché EP, lui a confirmé qu'il continuait à effectuer ses fonctions de chargé d'affaires sur le secteur HBE, lui a indiqué qu'elle rétablissait le mode de rémunération applicable aux chargés d'affaires et lui a versé à ce titre une somme complémentaire de 249 euros sur le bulletin de paie de juillet 2013

Elle soutient que le nouveau système de rémunération mis en place n'engendrait pas de baisse de la rémunération variable, que la rémunération variable dépendait toujours du chiffre d'affaires réalisé par le chef de marché sur son secteur ainsi que, ce qui était nouveau, des résultats de l'ensemble de l'équipe commerciale, que l'adjonction de ce nouveau critère n'emportait pas la modification du contrat de travail et n'était pas de nature à empêcher la poursuite de ce contrat, qu'en tout état de cause, elle n'a pas appliqué à M. R... cette modification unilatérale du calcul de sa rémunération variable, mais que, M. R... ayant continué à démarcher les entreprises de propreté de février à mai 2013 alors qu'il n'avait pas encore régularisé l'avenant, elle a justement calculé sa prime trimestrielle en tenant compte de la nouvelle grille de rémunération applicable aux chefs de marché, de sorte que M R... a perçu en mai 2013 la somme de 550 euros bruts ( en réalité, une prime de 1.000 euros bruts de laquelle ont été déduits 450 euros correspondant à un acompte sur prime), qu'à la suite du refus du salarié de signer l'avenant par courrier du 29 juin 2013, elle a procédé à la régularisation de la prime sur le bulletin de paye de juillet 2013.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas modifié unilatéralement les fonctions de M. R..., que M. R... a toujours été affecté à la gamme de produits HBE, que les fonctions restaient les mêmes, seule la clientèle étant différente et que les postes de chargés d'affaires EP et HBE sont parfaitement similaires.

Elle estime que le licenciement de M. R... est bien fondé, qu'en effet, ce dernier a refusé d'exercer ses fonctions de chargé d'affaires, ce qui constitue une faute rendant impossible la poursuite de son contrat de travail et qu'il n'a jamais répondu aux trois courriers lui demandant de justifier de ses absences du jeudi 5 décembre après-midi et du vendredi 6 décembre 2013, sans donner la moindre justification.

SUR CE :

Sur la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur

Aux termes de l'article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de rapporter la preuve de manquements suffisamment graves par l'employeur à ses obligations contractuelles pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier la rupture à ses torts.

A l'appui de sa demande, M. R... invoque les deux manquements de l'employeur suivants :

- une modification unilatérale de de sa rémunération

- une modification unilatérale de ses fonctions.

Il résulte des différentes correspondances et pièces versées aux débats :

- qu'à la suite du courriel de M. R... en date du 14 juin 2013 aux termes duquel il demande à l'employeur de lui communiquer le détail du calcul de sa prime trimestriellepayée sur son salaire de mai 2013, la société MAJ lui a répondu le 26 juin 2013 en lui rappelant qu'elle lui avait proposé d'occuper le poste de chef de marché et lui avait précisé les nouvelles modalités de calcul de la partie variable de sa rémunération, qu'ayant occupé cette nouvelle fonction , bien qu'il n'ait pas signé l'avenant actant de cette modification, sa prime avait été calculée suivant les nouvelles modalités (trois composantes), ce qui donnait la somme de 1.000 euros dont 450 euros avaient été déduits, correspondant à un acompte sur prime d'objectifs trop perçu versé au cours du dernier trimestre 2012, qu'ainsi 550 euros figuraient sur son bulletin de paie de mai 2013 en tant que prime d'objectifs, qu'elle lui proposait de retourner l'avenant signé avant le 5 juillet 2013, faute de quoi elle serait dans l'obligation de considérer qu'il refusait d'occuper le poste de chef de marché, et qu'il continuerait à exercer ses fonctions de chargé d'affaires sur le marché HBE

-que la société MAJ a adressé à M. R... l'avenant daté du 26 juin 2013 correspondant au changement de fonction à effet au 1er juillet 2013, en vue de sa signature pour le 5 juillet 2013 au plus tard

- que, le 1er juillet 2013, M. R... a signalé à la société MAJ que les modifications de sa rémunération variable n'avaient fait l'objet, contrairement aux dires de la société, d'aucune concertation préalable et qu'à son sens, compte-tenu du marché actuel, elles allaient entraîner une baisse de sa rémunération variable, ce qu'il ne pouvait accepter et qu'il lui demandait de procéder à la régularisation de son bulletin de salaire et de maintenir les modalités de calcul de rémunération en vigueur avant le 31 décembre 2012

- que, le 10 juillet 2013, la société MAJ a pris acte du refus de M. R... d'accepter les modifications proposées, lui a annoncé qu'elle allait lui appliquer les modalités de calcul de sa partie variable telles qu'en vigueur en 2012 et effectuer une régularisation d'un montant de 249 euros sur son salaire de juillet et lui a rappelé qu'il exercerait ses fonctions de chargé d'affaires sur le marché HBE.

Ainsi, il apparaît que la société a considéré que, pendant trois mois, bien qu'il n'ait pas signé d'avenant modificatif, M. R... avait exercé en pratique la nouvelle fonction de chef de marché, ce que ce dernier conteste puisqu'il affirme qu'il a continué à exercer sa fonction de chargé d'affaires 'entreprises de propreté', de sorte qu'il n'y a pas de litige sur cette période.

En tout état de cause, ce n'est que dans son courrier du 1er juillet 2013 qu'il a manifesté expressément son refus de signer l'avenant daté du 26 juin 2013 qui lui avait été envoyé en vue d'une régularisation par ses soins et a demandé que soient maintenues les modalités de calcul de rémunération en vigueur avant le 31 décembre 2012.

Dès lors, compte-tenu du courrier du 10 juillet 2013 ci-dessus, M. R... ne démontre pas que la société MAJ a modifié unilatéralement sans son accord sa rémunération, alors qu'elle a fait droit à sa réclamation et que le nouveau système de rémunération variable ne lui a été appliqué que pendant une période de trois mois, ce qui a donné lieu à un moins perçu de 249 euros, avant d'être rectifié.

A la date de l'introduction de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, M. R... se trouvait en arrêt-maladie et il lui avait été officiellement confirmé que, compte-tenu de son refus d'accepter la modification de ses fonctions, il continuait à exercer sa mission de chargé d'affaires sur le marché HBE dans les conditions de rémunération antérieures au 31 décembre 2012.

M. R... n'est dès lors pas fondé à soutenir que les fonctions de chef de marché lui ont été imposées postérieurement au 1er juillet 2013 et que l'employeur a modifié unilatéralement ses fonctions sans son accord.

M. R... ne démontre pas que son affectation au marché HBE en sa qualité de chargé d'affaires était constitutive d'une modification de son contrat de travail nécessitant son accord.

L'attestation rédigée par M. F..., selon laquelle il a signé un contrat de travail pour un poste de 'chargé d'affaires HBE client direct' qui est un métier différent de celui de 'chargé d'affaires entreprises de propreté' et dont le système de rémunération est basé sur des critères complètement différents de celui soumis aux 'chargés d'affaires entreprises de propreté' (sans que le témoin précise en quoi ces critères sont différents) ne permet pas d'établir que le poste de chargé d'affaires 'Hygiène et Bien-être' était fondamentalement différent de celui de chargé d'affaires 'entreprises de propreté' comme le soutient M. R....

Les fiches de poste de chargé d'affaires EP et de chargé d'affaires HBE montrent en effet que ces deux fonctions comprenaient la même partie majoritaire de prospection, un peu plus élevée pour le chargé d'affaires HBE (80 % au lieu de 70 % ), avec les mêmes activités de mise en place et de suivi et gestion, mais moins de temps consacré à la mise en place pour le chargé d'affaires HBE (5 % au lieu de 20%) et plus de temps consacré au suivi et gestion (10 % au lieu de 5% pour le chargé d'affaires EP.

Au vu de ces éléments, la preuve d'une modification unilatérale de ses fonctions imposée à M. R... par son employeur n'est pas rapportée.

En l'absence de faute commise par l'employeur, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de M. R... tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société MAJ.

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement du 7 janvier 2014, il est reproché à M. R... les faits suivants :

(...) Le 2 décembre 2013, vous vous êtes présenté sur le centre avec M. R..., collaborateur se trouvant dans une situation identique à la vôtre.

Nous vous avons dispensé de travailler du 2 décembre 2013 au 4 décembre 2013 dans l'attente de votre visite médicale de reprise, à l'issue de laquelle vous avez été déclaré apte à la reprise votre poste de chargé d'affaires.

Le 5 décembre 2013, Messieurs O... et G..., directeur commercial régional et moi-même vous avons reçu, ainsi que Monsieur U....

Monsieur G... vous a présenté l'équipe HBE en vous précisant que Monsieur V..., chef régional des ventes, serait votre supérieur hiérarchique, ainsi que votre secteur géographique quasiment identique à votre précédent secteur géographique. Il vous a rappelé que les prestations HBE que vous deviez vendre étaient les mêmes que celles que vous proposiez auparavant aux entreprises de propreté, seul le type de client auquel vous êtes affecté étant modifié. Votre rémunération restait identique et à cet effet, le plan de rémunération variable 2013, base de votre rémunération variable pour le reste de l'exercice vous a été présenté. Vous avez refusé de l'examiner avec Monsieur G... et vous avez indiqué que vous refusez le poste.

Monsieur O... a attiré votre attention sur les conséquences d'un tel refus.

Vous avez été en absence injustifiée ce jour-là et le 6 décembre 2013.

Les 9 et 10 décembre 2013, vous vous êtes présenté sur le centre mais êtes resté toute la journée, avec votre collègue Monsieur U..., sans rien faire malgré mes demandes et bien que nous ayions mis, contrairement à ce que vous avez écrit, à votre disposition, les moyens nécessaires à l'exercice de vos fonctions.

Compte tenu de votre attitude, nous avons été contraints de vous adresser le 10 décembre 2013 un courrier par lequel nous vous mettions en demeure d'exercer vos fonctions et de justifier vos absences des 5 et 6 décembre 2013.

Comme votre collègue, Monsieur U..., vous avez de nouveau été en arrêt maladie du 12 décembre 2013 au 13 décembre 2013.

Le 16 décembre 2013, vous vous êtes à nouveau présenté sur le centre. Monsieur G... a fait un point avec vous pour connaître l'état d'avancement de vos dossiers, votre activité de la semaine et votre planning de la semaine en cours. Vous lui avez indiqué que vous n'aviez visité aucune entreprise, n'aviez appelé aucun prospect et n'aviez pas l'intention de réaliser des démarches commerciales car vous refusiez d'exercer vos fonctions de chargé d'affaires sur le marché HBE.

Votre attitude consistant à refuser d'exécuter vos fonctions nous contraint à vous notifier votre licenciement (...)

M. R... admet qu'il a été absent des locaux de la société le 5 décembre après-midi et le 6 décembre 2013, mais affirme qu'après l'entretien de la matinée et son refus d'accepter le poste de chargé d'affaires HBE, son directeur l'a raccompagné jusqu'à la porte du centre et lui a demandé de quitter les lieux, chose qu'il a faite, de sorte qu'il n'a fait qu'obéir aux injonctions de son employeur.

Toutefois, seule sa propre correspondance du 5 décembre 2013 vient à l'appui d'une telle justification, la société MAJ lui ayant répondu le 6 décembre 2013 qu'il avait seul pris l'initiative de quitter l'entreprise, qu'il était absent depuis, qu'elle le mettait en demeure de reprendre son poste de chargé d'affaires dès réception du présent courrier, et que dès son retour effectif, elle mettrait à sa disposition un véhicule de service pour l'exécution de ses fonctions.

Par courriers en date des 9 décembre 2013 et 10 décembre 2013, la société MAJ a encore demandé à M. R... d'avoir à justifier de ses absences du 5 décembre après-midi et du 6 décembre 2013.

L'attestation de M. Y..., chargé d'étude, datée du 3 février 2017, trois ans après les faits, selon laquelle 'après un certain nombre de mois suite à son arrêt-maladie, il atteste avoir eu un rendez-vous dans son bureau le vendredi 6 décembre 2013 dans la matinée avec M. J... R... afin de faire le point sur la situation de ses sites' n'est pas de nature à justifier l'absence de M. R... à son poste de travail aux dates litigieuses, ni à établir la réalité d'une prestation de travail ces jours-là pour le compte de la société MAJ.

La preuve du grief d'absence injustifiée est en conséquence rapportée.

Par courrier en date du 9 décembre 2013, la société MAJ a écrit à M. R... qu'elle lui transmettait sa grille d'objectifs, son plan de rémunération et les informations sur son secteur, que les outils et moyens pour exécuter ses fonctions lui avaient été remis à l'exception de son ordinateur qui était tombé en panne, qu'en attendant la réception de son nouvel ordinateur, il pouvait utiliser le poste situé dans son bureau à partager avec M. R... et qu'il lui appartenait d'exécuter ses fonctions de chargé d'affaires et de prospecter les entreprises comprises dans son secteur pour leur proposer des prestations HBE.

Par courrier en date du 10 décembre 2013, la société MAJ a mis en demeure M. R... d'exercer ses fonctions et d'en justifier, au motif que 'depuis lundi, vous ne travaillez pas. Vous arrivez le matin, vous vous installez dans votre bureau et restez toute la journée sans rien faire, vous n'avez pas appelé ou visité un seul prospect, vous n'avez effectué aucune démarche pour accomplir votre travail'.

M. R..., dans la lettre commune du 12 décembre 2013, reconnaît que M. U... et lui sont restés toute la journée du 9 décembre 2013 dans le bureau sans rien faire jusqu'à 18 heures, compte-tenu de l'absence d'instructions et de fourniture de travail, que, le 10 décembre 2013, ils sont arrivés et ont salué leur directeur qui leur a redit 'au travail', qu'ils sont donc restés toute une journée dans un bureau dans l'attente d'instructions qui ne sont jamais arrivées. Ils terminent leur lettre en mettant la société MAJ en demeure de leur fournir du travail, faisant valoir que le fait de refuser de signer leurs avenants à contrat de travail ne permet pas à leur employeur de procéder ainsi par des faits qu'ils qualifient de harcèlement moral.

M. R... et M. U... ajoutent dans leur lettre qu'il leur a été demandé de se mettre au travail 'en leur présentant les avenants à contrat de travail concernant le nouveau poste HBE pour lequel ils avaient confirmé leur refus', qu'ils ont dit à O... qu'ils allaient partir en rendez-vous pour voir leurs clients en entreprise propreté et qu'il leur a répondu 'je vous l'interdis'.

Dans la mesure où, comme il a été dit plus haut, le poste de chargé d'affaires sur le marché HBE ne constituait pas une modification de son contrat de travail, M. R..., qui ne démontre pas qu'il n'avait pas reçu d'instructions, ni de moyens pour exercer sa prestation de travail sur ce marché, n'était pas fondé à refuser de travailler.

Dans ces conditions, la preuve de ce que M. R... a refusé d'exécuter ses fonctions de chargé d'affaires sur le marché HBE est rapportée.

Ces fautes, dont la matérialité est établie, étaient d'une gravité telle qu'elles empêchaient toute poursuite de la relation de travail même pendant la durée du préavis.

Il convient de confirmer le jugement qui a dit que le licenciement pour faute grave était justifié et qui a débouté M. R... de toutes ses demandes.

M. R... n'ayant présenté aucun moyen devant la cour à l'appui de sa demande en paiement d'une somme de 5.000 euros pour non-respect des dispositions contractuelles, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté ce chef de demande.

M. R... dont le recours est rejeté sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de le condamner à payer à la société MAJ la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement:

CONFIRME le jugement

CONDAMNE M. J... R... aux dépens d'appel

CONDAMNE M. J... R... à payer à la société MAJ la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier Le Président

Manon FADHLAOUI Joëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/05722
Date de la décision : 06/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-06;16.05722 ?
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