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22/02/2019 | FRANCE | N°18/01915

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 22 février 2019, 18/01915


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : N° RG 18/01915 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSVL





[Y]



C/

Association SUD OUEST EMPLOI







SAISINE SUR RENVOI CASSATION :



Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 07 Mai 2015

RG : 13/01703



Cour d'appel de Lyon

Chambre sociale A

arrêt du 28 Septembre 2016

RG : 15/04235



Cour de Cassation

Arrêt en date du 24 Janvier 2018

Arrêt N° 93 F-D

COUR

D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 22 FEVRIER 2019





APPELANTE :



[F] [M] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Comparante en personne, assistée de Me Th...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : N° RG 18/01915 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSVL

[Y]

C/

Association SUD OUEST EMPLOI

SAISINE SUR RENVOI CASSATION :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 07 Mai 2015

RG : 13/01703

Cour d'appel de Lyon

Chambre sociale A

arrêt du 28 Septembre 2016

RG : 15/04235

Cour de Cassation

Arrêt en date du 24 Janvier 2018

Arrêt N° 93 F-D

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 FEVRIER 2019

APPELANTE :

[F] [M] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Comparante en personne, assistée de Me Thierry PERON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Hannah CORROYER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association SUD OUEST EMPLOI

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas MAGUET de la SCP MAGUET-RICOTTI & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Décembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Natacha LAVILLE, Conseiller

Sophie NOIR, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Février 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[F] [M] épouse [Y] a été engagée par l'association COMITÉ DE BASSIN D'EMPLOI LYON SUD en qualité de chargée de mission de ressources humaines par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 7 septembre 2008.

Suite à la dissolution de l'association COMITÉ DE BASSIN D'EMPLOI LYON SUD, le contrat de travail a été transféré à l'association SUD EMPLOI EST à compter du 1er octobre 2011.

En dernier lieu, [F] [M] a perçu un salaire de base de 1 311.72 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 janvier 2013, l'association SUD EMPLOI EST a convoqué [F] [M] le 11 février 2013 à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave et a notifié à la salariée sa mise à pied conservatoire immédiate.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2013, l'association SUD EMPLOI EST a notifié à [F] [M] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Madame,

Je fais suite à l'entretien préalable du 11 février 2013 au cours duquel vous vous êtes présentée assistée de Madame [R] conseiller du salarié.

Au cours de cet entretien, je vous ai exposé les motifs qui m'ont conduit à engager cette procédure de licenciement.

Vos explications ne m'ayant pas permis de modifier mon appréciation de ces faits, je suis conduit à vous notifier votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants

Vous êtes engagée au sein de notre Association, en qualité de Chargé de mission depuis le 1" octobre 2011, avec reprise de votre ancienneté depuis le 7 décembre 2007, compte tenu du transfert de votre contrat de travail.

Depuis votre entrée dans l'Association, vous n'avez eu de cesse de conflictualiser votre relation contractuelle par de multiples courriers RAR, prenant le prétexte de revenir constamment sur vos conditions de reprises, alors même que l'Association vous a présenté toutes les explications.

Vous avez ainsi mis en avant des statuts inexistants tels qu'une notion de cadre autonome réclamant un forfait jours.

Vous avez utilisé des termes excessifs et dénoncé des faits purement mensongers: 'volonté délibéré de harcèlement, volonté de harcèlement et de nuisances, pressions, mises à l'écart, décisions unilatérales violant vos droits dégradant vos conditions de travail et atteignant gravement votre santé, peur au ventre, remise en cause de votre personne ci de votre contrat, fautes graves de l'employeur...'.

Il est à ce titre plus qu'étrange que vous n'ayez pas tiré les conséquences de ce que votre imagination vous amène à dénoncer.

Vous intervenez directement auprès de donneur d'ordre en présentant votre situation contractuelle et le différend que vous entretenez avec la Direction, en omettant délibérément d'en informer la Direction.

Ainsi, vous avez délibérément entretenu une situation conflictuelle, d'une déloyauté manifeste, par des écrits accusateurs et. vindicatifs, et un comportement empêchant l'exécution normale de vos obligations contractuelles.

je suis donc contrainte de vous notifier votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.

(...)'.

Le 19 avril 2013, [F] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'association SUD EMPLOI EST:

- à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire avec les congés payés afférents, un rappel de salaire afférent au 13ème mois avec les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre de l'article L 3123-15 du code du travail avec les congés payés afférents et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- à lui remettre les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Par jugement rendu le 7 mai 2015, le conseil de prud'hommes:

- a dit que les faits reprochés à [F] [M] ne constituent pas une faute grave et que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- a condamné l'association SUD EMPLOI EST à payer à [F] [M] épouse [Y] les sommes suivantes:

* 3 761.94 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 376.19 € au titre des congés payés afférents,

* 1 529.05 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 910.56 € à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et 91.05 € au titre des congés payés afférents,

* 819.90 € à titre de rappel de salaire en vertu de l'article L 3123-15 du code du travail outre 81.99 € au titre des congés payés afférents,

* 273.30 € à titre de régularisation du 13ème mois,

* 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné l'association SUD EMPLOI EST à remettre à [F] [M] épouse [Y] les documents de fin de contrat modifiés,

- a débouté l'association SUD EMPLOI EST de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a condamné l'association SUD EMPLOI EST aux dépens.

Sur l'appel interjeté par [F] [M] épouse [Y], la cour d'appel de LYON chambre sociale A par arrêt rendu le 28 septembre 2016:

- a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association SUD EMPLOI EST à payer à [F] [M] épouse [Y] les sommes de 819.90 € à titre de rappel de salaire en vertu de l'article L 3123-15 du code du travail outre 81.99 € au titre des congés payés afférents, et celle de 273.30 € à titre de régularisation du 13ème mois, et en ce qu'il a ordonné à l'employeur de remettre à [F] [Y] les documents de fin de contrat modifiés,

- a infirmé le jugement pour le surplus puis statuant à nouveau a dit que le licenciement repose sur une faute grave et a débouté [F] [M] épouse [Y] de ses demandes à ce titre,

- a dit en ajoutant au jugement n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Statuant sur le pourvoi de [F] [M] épouse [Y] par arrêt du 24 janvier 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel sauf en ce qu'il a condamné l'association SUD EMPLOI EST à payer à [F] [M] épouse [Y] les sommes de 819.90 € à titre de rappel de salaire en vertu de l'article L 3123-15 du code du travail outre 81.99 € au titre des congés payés afférents et celle de 273.30 € à titre de régularisation du 13ème mois, et ordonné la remise par l'employeur à [F] [M] épouse [Y] des documents de fin de contrat modifiés, a remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

La cassation a été encourue en ce que la cour d'appel a dit que les faits reprochés constituent une faute grave sans toutefois constaté que ni les lettres adressées par [F] [M] épouse [Y] à l'employeur ni son intervention directe auprès d'un donneur d'ordre comportaient des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Cette cour, désignée comme cour de renvoi, a été saisie par [F] [M] épouse [Y] dans le délai prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 20 décembre 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, [F] [M] épouse [Y] demande à la cour:

- de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner l'association SUD EMPLOI EST au paiement des sommes suivantes:

* 8 452.87 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 845.29 € au titre des congés payés afférents,

* 3 639.43 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 16 905.75€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 910.56 € à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et 91.06 € au titre des congés payés afférents,

* 5 287.97 € à titre de rappel de salaire de base et 528.80 € au titre des congés payés afférents,

* 2 589.98 € à titre de rappel de salaire en vertu de l'article 3123-15 du code du travail pour des primes suite à la régularisation du coefficient et 259 € au titre des congés payés afférents,

* 497.74 € à titre de rappel de salaire pour des heures complémentaires accomplies en juillet 2012 et février 2013 et 49.77 € au titre des congés payés afférents,

* 787.08 € à titre de régularisation du 13ème mois et 78.71 € au titre des congés payés afférents,

* 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'association SUD EMPLOI EST à lui remettre les bulletins de salaire d'octobre 2012 à février 2013, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour de la notification de la décision à intervenir, 'le conseil' se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 20 décembre 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l'association SUD EMPLOI EST demande à la cour de débouter [F] [M] épouse [Y] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

1- sur le rappel de salaire au titre de l'article L 3123-15 du code du travail, le rappel de salaire à titre de régularisation de 13ème mois et la remise des documents de fin de contrat

[F] [Y] présente devant la cour d'appel de renvoi des demandes de rappel de salaire au titre de l'article L 3123-15 du code du travail, de rappel de salaire à titre de régularisation de 13ème mois et de remise des documents de fin de contrat.

Il convient de constater que par arrêt du 24 janvier 2018, la cour de cassation a confirmé l'arrêt du 24 janvier 2018 de la cour d'appel de LYON en ce qu'il a:

- condamné l'association SUD EMPLOI EST à payer à [F] [M] épouse [Y] les sommes suivantes:

* 819.90 € à titre de rappel de salaire en vertu de l'article L 3123-15 du code du travail outre 81.99 € au titre des congés payés afférents,

* 273.30 € à titre de régularisation du 13ème mois,

- ordonné la remise par l'employeur à [F] [M] épouse [Y] des documents de fin de contrat modifiés.

Il s'ensuit que ces dispositions sont à ce jour passées en force de chose jugée.

En conséquence, les demandes de [F] [M] épouse [Y] de rappel de salaire au titre de l'article L 3123-15 du code du travail, de rappel de salaire à titre de régularisation de 13ème mois et de remise des documents de fin de contrat sont irrecevables.

La cour en déboutera donc [F] [M] épouse [Y] intégralement.

2 - sur les heures complémentaires

Il ressort de la combinaison des articles 633 et 638 du code de procédure civile et R 1452-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause que devant la juridiction de renvoi, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit, à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation; que la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles applicables devant la juridiction dont la décision a été cassée; qu'ainsi, en matière prud'homale, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel.

Les heures complémentaires correspondent au travail effectué par le salarié à temps partiel au-delà de la durée du travail fixée dans son contrat de travail.

Les heures complémentaires accomplies au-delà du dixième de la durée du temps de travail ouvrent droit à une majoration de 25% en vertu de l'article L 3123-19 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, [F] [M] épouse [Y] sollicite pour la première fois en cause d'appel le paiement de la somme de 497.74 € à titre de rappel de salaire pour des heures complémentaires accomplies entre juillet 2012 et février 2013 et celle de 49.77 € au titre des congés payés afférents.

Ces demandes nouvelles sont recevables.

A l'appui, [F] [M] épouse [Y] produit des tableaux en pièce n°14.

La cour constate après analyse de ces tableaux que seules sont indiquées les heures complémentaires accomplies mensuellement et que [F] [M] épouse [Y] n'a pas mentionné le nombre d'heures complémentaires accomplies durant chaque semaine de chacun des mois durant la période de juillet 2012 à février 2013.

Il s'ensuit que les éléments fournis par [F] [M] épouse [Y] ne sont ni clairs ni précis; qu'ils ne sont donc pas de nature à étayer ses prétentions ni à laisser supposer qu'il a bien accompli les heures complémentaires qu'elle allègue.

Ajoutant au jugement rendu le 7 mai 2015 par le conseil de prud'hommes de LYON, la cour déboute [F] [M] épouse [Y] de sa demande de ce chef.

3 - sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié; qu'aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression dont il ne peut abuser en tenant des propos diffamatoires, injurieux ou excessifs.

Le licenciement d'un salarié est donc justifié lorsque ses propos comportent des éléments injurieux, diffamatoires ou excessifs.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que l'association SUD EMPLOI EST reproche à [F] [M] épouse [Y] d'une part d'avoir adressé à son employeur des courriers contenant des termes excessifs et d'autre part d'avoir présenté à un donneur d'ordre sa situation de salariée comme difficile au sein de l'association SUD EMPLOI EST sans en voir informé cette dernière.

S'agissant du premier grief reposant sur les courriers transmis à l'employeur, [F] [M] épouse [Y] qui admet le caractère conflictuel de ses relations avec l'employeur, le conteste en faisant valoir que ce conflit est en réalité imputable à l'attitude de l'association SUD EMPLOI EST en ce que cet employeur a modifié unilatéralement la durée du travail de la salariée en le faisant passer de 70% à 60% en novembre 2012 et qui l'a rétrogradée dans sa classification; que la salariée n'a fait que demander dans les courriers en cause l'application des dispositions légales et conventionnelles à son employeur et n'a donc commis aucun abus dans l'exercice de sa liberté d'expression dans les courriers qu'elle a transmis à l'association SUD EMPLOI EST.

Il ressort des pièces du dossier que:

- le contrat de travail de [F] [M] épouse [Y] initialement conclu avec l'association Comité de bassin d'emploi Lyon sud a été transféré à l'association SUD EMPLOI EST à compter du 1er octobre 2011 après la dissolution de l'association Comité de bassin d'emploi Lyon sud;

- les relations entre [F] [M] épouse [Y] et l'association SUD EMPLOI EST ont été immédiatement conflictuelles dès lors que [F] [M] épouse [Y] a par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2011 commencé à contester sa rémunération auprès de son nouvel employeur en sollicitant diverses régularisations;

- le conflit n'a cessé de s'exacerber dès lors qu'outre le courrier du 4 novembre 2011, la salariée a adressé à son employeur huit autres correspondances sous forme de courriers recommandés ou de courriels établies jusqu'au 4 janvier 2013.

Il convient de relever, après lecture des correspondances ainsi adressées, les phrases suivantes:

- courrier du 4 novembre 2011: « s'agissant d'heures de travail demandées implicitement par l'employeur, effectivement réalisées, et qui vont de surcroît certainement donner lieu à paiement par le client, le refus de me rémunérer constitue à mon sens une faute grave de votre part. La gestion de la situation au sein de Sud-Ouest Emploi continue d'être consternante, sauf à y voir une volonté délibérée de harcèlement à mon encontre »;

- courrier du 19 novembre 2011: « mon courrier du 4 novembre est resté sans réponse de votre part... Je ne comprends pas vos agissements sauf à maintenir à mon égard une volonté de harcèlement et de nuisances dans la réalisation de la mission... »;

- courriel du 11 décembre 2012: 'j'ai trouvé une enveloppe sur mon bureau ce lundi matin, il s'agissait de ma fiche de paye d'octobre... et je souhaiterais avoir le détail de calcul de mon 13ème mois';

- courrier du 16 décembre 2012: 'Depuis des mois les relations entre Sud-Ouest Emploi et moi-même se sont dégradées au point d'en arriver comme vous le soulignez à rompre tout dialogue, je vous le confirme, et cet état de fait n'est que le résultat de vos agissements à mon égard depuis le premier jour de mon arrivée à Sud-Ouest Emploi (...) Il apparaît clairement que Sud-Ouest Emploi a failli à tous ses devoirs et à aucun moment n'a agi en employeur responsable : tant dans l'étude sérieuse du dossier de transfert que dans la reprise et la gestion de mon contrat de travail. Depuis mon arrivée à Sud-Ouest Emploi, tout a été mis en oeuvre par vos soins pour dégrader nos relations de travail et de confiance, pour me mettre devant le fait accompli, pour ne pas respecter nos liens contractuels, pour rompre toute communication et nuire à la bonne réalisation de la mission (...) ces pressions, mises à l'écart, décisions unilatérales violant mes droits dégradent mes conditions de travail et atteignent gravement à ma santé et c'est aujourd'hui la peur au ventre que je prends mon travail chaque jour, m'attendant à trouver de nouvelles notes de service, lettres, remise en cause de ma personne et de mon contrat (...)Dans quelle mesure, Sud-Ouest Emploi, association d'insertion portant une mission de service public peut-elle avoir de telles pratiques envers ses salariés, pratique si éloignées du rôle social qu'elle est censée jouer '';

- courrier du 4 janvier 2013: 'Vous persistez à arguer que mon temps de travail est de 60 % (...) Je maintiens ma position : mon temps de travail est de 70 % d'un équivalent temps plein (...) De plus, ce sont les agissements du Sud-Ouest Emploi envers la CCRC, d'une particulière mauvaise foi qui me privent des heures effectuées sur la région de [Localité 7] (...) Le fait de ne pas me payer mon salaire contractuel depuis plusieurs mois constituent une faute grave de l'employeur'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que [F] [M] épouse [Y] a ainsi tenu des propos excessifs dans les correspondances qu'elle a adressées à son employeur entre le 4 novembre 2011 et le 4 janvier 2013.

Il y a donc lieu de dire que [F] [M] épouse [Y] a en ces occasions abusé de la liberté d'expression dont elle jouit au sein de l'association SUD EMPLOI EST et en dehors de celle-ci.

L'employeur justifie donc des faits reposant sur des propos excessifs.

La cour dit que ces faits constituent à eux seuls une violation par [F] [M] épouse [Y] des obligations découlant de son contrat de travail et qui rendent impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En conséquence, la cour dira, en infirmant le jugement déféré, que le licenciement pour faute grave notifié à [F] [M] épouse [Y] est justifié et déboutera [F] [M] épouse [Y] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 - sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de l'association SUD EMPLOI EST les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à [F] [M] épouse [Y] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.

L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

DEBOUTE [F] [M] épouse [Y] de ses demandes de rappel de salaire au titre de l'article L 3123-15 du code du travail, de rappel de salaire à titre de régularisation de 13ème mois, de rappel de salaire pour des heures complémentaires et de remise des documents de fin de contrat,

INFIRME le jugement rendu le 7 mai 2015 par le conseil de prud'hommes de LYON en ce qu'il a:

- dit que les faits reprochés à [F] [M] épouse [Y] ne constituent pas une faute grave et que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association SUD EMPLOI EST à payer à [F] [M] épouse [Y] les sommes suivantes:

* 3 761.94 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 376.19 € au titre des congés payés afférents,

* 1 529.05 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 910.56 € à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et 91.05 € au titre des congés payés afférents,

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,

DIT que le licenciement notifié à [F] [M] épouse [Y] repose sur une faute grave,

DEBOUTE [F] [M] épouse [Y] de l'intégralité de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 18/01915
Date de la décision : 22/02/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°18/01915 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-22;18.01915 ?
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