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21/02/2019 | FRANCE | N°16/03917

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 21 février 2019, 16/03917


N° RG 16/03917

N° Portalis DBVX - V - B7A - KLPA









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 25 avril 2016



4ème chambre



RG : 14/03855

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 21 Février 2019







APPELANT :



M. [W] [C]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 9] (RHONE)

Chez Monsieur et Madame [X] [H]

[Adresse 3]

[Localité 6]



représenté par la SELARL BRUMM & ASSOCIES SPE D'AVOCATS ET D'EXPERTS-COMPTABLES, avocat au barreau de LYON









INTIMEE :



SA B*CAPITAL



siège social :

[Adresse 1]

[Localité 7]



avec établis...

N° RG 16/03917

N° Portalis DBVX - V - B7A - KLPA

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 25 avril 2016

4ème chambre

RG : 14/03855

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 21 Février 2019

APPELANT :

M. [W] [C]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 9] (RHONE)

Chez Monsieur et Madame [X] [H]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par la SELARL BRUMM & ASSOCIES SPE D'AVOCATS ET D'EXPERTS-COMPTABLES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SA B*CAPITAL

siège social :

[Adresse 1]

[Localité 7]

avec établissement :

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Jean-Louis ABAD, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître Ghislaine SAINT DIZIER, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 07 novembre 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 novembre 2018

Date de mise à disposition : 24 janvier 2019, prorogée au 21 février 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier

A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte sous seing privé du 21 août 2007, [W] [C] a ouvert dans les livres de la société de bourse B*CAPITAL un compte sous le n° 18926, par l'intermédiaire duquel il a donné plusieurs ordres avec service de règlement différé (OSRD), avec prorogation des engagements au titre de l'exécution de ces ordres. La convention d'ouverture de compte, en son article 1-6, stipulait des dispositions relatives à l'obligation de couverture exigée du titulaire du compte en garantie de ses opérations sur le SRD.

Le 26 mai 2008, [W] [C] a donné mandat à la société B*CAPITAL de faire transférer sur son compte n° 18926 les titres et espèces déposés sur un compte titre ouvert à son nom à la société SWISS LIFE sous le n° 310888 ainsi que sur un PEA ouvert dans les livres du même établissement. Ce transfert n'est pas intervenu.

Le 10 octobre 2008, la société B*CAPITAL, aux motifs que la couverture des opérations sur le SRD n'était plus assurée par [W] [C] , a vendu 800 titres CAP GEMINI inscrits sur son compte n° 18926, pour un montant de 19 935,20 euros, soit une moins value de 22 620 euros par rapport au cours de l'action au 25 septembre 2008, date à laquelle il avait prorogé son engagement relatif à ces titres.

Aux motifs que la société B*CAPITAL avait procédé à la vente de ces titres alors que sa position n'était pas à découvert, qu'elle ne l'avait pas informé de l'échec du transfert de ses titres et de son PEA, ainsi que l'urgence de régulariser la couverture pour le 10 octobre 2008, et qu'elle lui a appliqué un tarif de courtage qui n'était pas celui convenu, [W] [C] l'a assignée le 9 mai 2011 devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de revendre les titres Cap Gémini à un meilleurs cours, de percevoir les dividendes attachés à ces titres, et au titre de la perte de chance tiré d'un défaut d'optimisation de la gestion de ses positions financières.

Il demandait aussi sa condamnation au paiement d'une somme correspondant à des frais de courtages non dus.

La société B*CAPITAL concluait au débouté des demandes de [W] [C].

Par jugement du 25 avril 2016, le tribunal de grande instance a :

- débouté [W] [C] de toutes ses demandes ;

- l'a condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la société B*CAPITAL la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe le 23 mai 2016, [W] [C] a interjeté appel de cette décision.

Vu ses conclusions du 6 mars 2017, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien et 1147 ancien du code civil, L.533-1, L.533-11 et L.533-15 du code monétaire et financier, L.516-1 et suivants du Règlement de l'Autorité des marchés financiers, de :

' dire l'appel recevable et bien fondé ;

' réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 25 Avril 2016 ;

' déclarer la société B* Capital responsable du préjudice subi par Monsieur [C] pour non respect de ses obligations légales et défaut d'information et de conseil,

' condamner la société B* Capital à verser à Monsieur [C] selon la valeur de l'action Cap Gemini à la date de juillet 2015 :

a) pour la perte de chance de revente les 800 actions Cap Gemini à meilleur cours, la somme de 52.548 euros,

b) pour la perte de chance de revendre les 1415 actions Cap Gemini à meilleur cours, la somme de 97.604 euros,

c) pour la perte de chance de percevoir les dividendes correspondants aux actions cédées, la somme de 24.520 euros arrêtée à juin 2016,

d) pour la perte de chance de plus values potentielles la somme de 75.076 euros,

' outre intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2008, et capitalisation des intérêts par année entière ;

' outre actualisation de ces sommes selon l'évolution de la valeur des actions et des dividendes pour les montants non connus à la date de rédaction des présentes conclusions, qui seront précisés en cours de procédure à la date la plus proche des plaidoiries ;

' condamner la société B* Capital à verser à Monsieur [C] la somme de 330,33 euros pour régularisation des frais de courtage ;

' réformer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [C] à verser à B* Capital la somme de 3 000 euros ;

' condamner la société B* Capital à lui verser 10.000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la société B* Capital aux entiers dépens de première instance et d'appel, et admettre la SELARL Brumm et associés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 1er juin 2017 de la société B*CAPITAL, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 533-1, 533-11, 533-15 du code monétaire et financier, 516-5, 516-10 et 516-12 du Règlement général des autorités des marchés financiers, 1347 du Code civil, de :

- dire et juger non fondé, ni justifié, l'appel de Monsieur [C] contre le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon, le 25 avril 2016,

Confirmant cette décision :

' dire et juger qu'il ne saurait être reproché à la Société B* capital un quelconque défaut de mise en garde, d'information ou de conseil,

' dire et juger que la Société B* capital n'a pas engagé sa responsabilité dans le défaut de transfert des contrats détenus par la Société Swiss Life,

' dire et juger que la demande de Monsieur [C] au titre du remboursement des frais de courtage n'est ni fondée, ni justifiée,

' dire et juger qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les préjudices allégués par Monsieur [C] et le comportement de la Société B* capital,

' en conséquence et en toute hypothèse, débouter Monsieur [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant :

' condamner Monsieur [C] à payer à la Société B* capital la somme de 20 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' condamner Monsieur [C] en tous les dépens distraits au profit de la SCP Baufume Sourbe.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 novembre 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que la cour observe au préalable que les conclusions n° 3 de M. [C] versées à son dossier de plaidoiries n'ont pas été notifiées par RPVA ;

que les dernières conclusions de M. [C] sont donc celles notifiées le 6 mars 2017 ;

Sur la responsabilité de la société B*CAPITAL pour manquement à ses obligations d'information et de conseil :

Attendu que selon la société B*CAPITAL, aucun manquement à l'obligation d'information ne peut lui être reproché, au titre du défaut de couverture, motifs pris de ce que :

- compte tenu des deux virements effectués par [W] [C] les 8 et 9 octobre 2008, le solde de son compte espèce et de son compte titre était insuffisant pour couvrir la position qu'il avait prise sur 2 400 actions Cap Gémini au cours de 34,54 euros ;

- elle devait donc agir conformément aux dispositions des articles 516-10 et 516-5 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

- elle a informé [W] [C] à plusieurs reprises et par différents moyens de la nécessité de reconstituer la couverture, ainsi que cela résulte de l'enregistrements de conversations téléphoniques ;

- elle n'avait pas l'obligation de le mettre en garde, dès lors que les opérations litigieuses ne présentaient pas de risques particuliers et que [W] [C] était un investisseur averti ;

- elle a avisé ce dernier par téléphone les 7, 8, 9 et 10 octobre 2008 de l'insuffisance de la couverture et de la nécessité de la reconstituer, et l'a prévenu à qu'à défaut d'intervention de sa part elle serait contrainte de liquider des positions ;

- conformément à l'article 1-2 de la convention d'ouverture de compte, les enregistrements téléphoniques doivent être retenus comme preuve ;

Attendu que selon [W] [C], la société B*CAPITAL a manqué à son égard à ses obligations d'information et de conseil, motifs pris de ce que :

- le cours de l'action Cap Gemini ayant baissé entre le 25 septembre 2008, date de l'ordre d'achat prorogé et le 10 octobre suivant, cette situation nouvelle nécessitait de l'avertir dans les conditions prévues par les articles 516-10 et 516-12 du règlement de l'Autorité des marchés financiers ;

- devant être classé dans la catégorie des non professionnels des marchés financiers, il attendait de la société B*CAPITAL un conseil, une information ou une mise en garde pour la gestion de ses placements ;

- l'article 1-2 de la convention d'ouverture de compte prévoyait la possibilité de l'enregistrement par téléphone des demandes de transmission d'ordres de bourse, mais non des informations relatives à la couverture ;

- les enregistrements invoqués par la société B*CAPITAL ne peuvent faire foi de la réalité des conversations, il s'agit d'une preuve qu'elle s'est constituée à elle-même, et ils doivent pour cette raison être écartés des débats ;

- la société B*CAPITAL ne l'a pas informé suffisamment à l'avance de la nécessité de reconstituer la couverture, alors que le cours de l'action baissait depuis le 25 septembre 2008 et qu'il pensait que le transfert de son compte Swiss Life, suite à sa procuration du 26 mai 2008, lui assurait une couverture excédentaire ;

- il n'a pas été suffisamment averti de cette baisse qui avait une influence sur le montant de la couverture, et il n'a rien reçu par écrit avant le 10 octobre 2008 ;

- l'insuffisance de couverture au 8 octobre 2008 ne lui ayant pas été signalée dans les formes et délais utiles, la société B*CAPITAL a donc manqué à son devoir d'information et de conseil

Attendu, cependant, que selon l'article 516-5 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF), lorsque le donneur d'ordre avec service de règlement différé n'a pas, dans le délai requis, constitué ou complété la couverture, le prestataire de services d'investissement procède à la liquidation partielle ou totale de ses engagements ou positions ;

que selon l'article 516-10 du même règlement, le prestataire de services d'investissement met en demeure par tous moyens le client de reconstituer sa couverture dans le délai d'un jour de négociation, de telle sorte qu'elle puisse correspondre au minimum réglementaire requis ; que le même article dispose qu'à défaut de reconstitution de la couverture dans le délai requis, le prestataire prend les mesures nécessaires pour que la position du client soit à nouveau couverte ;

que la convention d'ouverture de compte du 21 août 2007 a prévu cette obligation de reconstitution de la couverture, en cas de recours au SRD, puisqu'elle stipule la clause suivante en son article 1.6 : '(...) Durant la période qui sépare deux liquidations, les positions du titulaire doivent être en permanence couvertes selon les règlements énoncés ci-dessus. Le cas échéant, le titulaire devra compléter ou reconstituer sa couverture. À défaut, et après avoir informé et mis en demeure le titulaire de reconstituer sa couverture, la société de bourse pourra remettre la position du titulaire en adéquation avec la couverture existante, et, à cet effet pourra liquider tout ou partie des positions du titulaires aux frais et dépens de celui-ci (...)' ;

que l'article 516-10 du règlement général de l'AMF n'impose aucune forme particulière au prestataire de services d'investissement pour mettre en demeure le titulaire de reconstituer la couverture, en sorte qu'en l'espèce la société B*CAPITAL pouvait, en l'absence de dispositions contractuelles contraires, avertir par téléphone [W] [C] de la nécessité de cette reconstitution ;

que ni les dispositions du règlement général de l'AMF, ni la convention d'ouverture de compte n'impose à la société de Bourse d'informer suffisamment à l'avance le client de la nécessité de reconstituer la couverture ; que l'article 4-9 de la convention d'ouverture de compte, intitulé 'mode de preuve' stipule que toutes les formes d'enregistrement résultant des moyens de communication utilisés entre le titulaire et la société de bourse, et notamment les enregistrements téléphoniques, sont admises, de convention expresse, comme moyens de preuve ;

que l'enregistrement et la conservation des conversations téléphoniques par la société B*CAPITAL est conforme aux dispositions légales, au regard des articles L.533-8 et L.533-10 du code monétaire et financier et 313-50 et 313-51 du règlement générale de l'AMF ;

qu'il en résulte que l'enregistrement des conversations téléphoniques des 7, 8, 9 et 10 octobre 2008 entre [W] [C] et deux représentants de la société B*CAPITAL (cf ses pièces 15 et 20, CD enregistrant ces conversations) constitue un mode de preuve admissible ;

Attendu qu'il ressort de l'enregistrement de la conversation téléphonique du 8 octobre 2008 que la société B*CAPITAL a informé [W] [C] de l'insuffisance de couverture et de la nécessité de la compléter à hauteur de 55 000 euros et que celui-ci lui a répondu avoir ordonné deux virements de 5 000 euros chacun ; qu'il ressort de la conversation téléphonique du 9 octobre que [W] [C] a été informé d'une insuffisance de couverture à cette date d'un montant de 6 600 euros, après réception d'un virement de 5 000 euros ; qu'il ressort enfin de l'enregistrement du 10 octobre 2008, que ce jour la société B*CAPITAL a appelé à quatre reprises [W] [C], en vain, et lui a laissé des messages sur son répondeur, en l'informant d'une insuffisance de couverture à hauteur de 4 000 euros en espèce, après la réception du second virement de 5 000 euros, et de la nécessité d'une liquidation partielle de 800 actions Cap Gémini, à partir de 12 h, à défaut d'un versement de 4 000 euros pour compléter la couverture ; qu'il ressort aussi de ces enregistrements que [W] [C] savait, au moins depuis le 8 octobre 2008, qu'il disposait d'un jour pour procéder à la reconstitution de la couverture ;

Attendu qu'il résulte ainsi de ces éléments que la société B*CAPITAL n'a pas contrevenu aux obligations qui pesaient sur elle en vertu des articles 516-5 et 516-10 du règlement général de L'AMF ;

Attendu, ensuite, que si les opérations sur le SRD peuvent être considérées comme étant spéculatives, il ressort de la convention d'ouverture de compte que [W] [C] s'est présenté à la société B*CAPITAL comme un investisseur habitué, intervenant en bourse, notamment sur le SRD, depuis cinq ans ; qu'il exerçait la profession de directeur financier ; qu'il ne pouvait donc ignorer les risques liés aux ordres avec service de règlement différé, en sorte que la société B*CAPITAL n'avait pas le devoir de l'informer sur ces risques, ou de le mettre en garde ;

Attendu dans ces conditions qu'aucun défaut d'information ou de conseil ne peut être reproché à la société B*CAPITAL, ainsi que le relève à juste titre le premier juge ;

Sur la responsabilité de la société B*CAPITAL pour manquement à ses obligations de mandataire :

1. sur le manquement contractuel :

Attendu que [W] [C] soutient que :

- le transfert de son portefeuille ordinaire et de son PEA détenu par la Swiss Life n'est pas intervenu et il n'en pas été informé ;

- la société B*CAPITAL a donc méconnu son obligation de rendre compte du fait du mandat qu'il lui avait donné ;

- ce transfert était déterminant du montant de la couverture de son compte ouvert dans les livres de la société B*CAPITAL, à l'approche de la date du 10 octobre 2008 ;

- il a interrogé cette dernière le 8 octobre sur la bonne réalisation de ce transfert, mais il a reçu une réponse à ce sujet seulement le 23 octobre ;

- la banque ne démontre pas son allégation selon laquelle elle l'a informé le 24 septembre 2008 de l'absence de transfert, et notamment de son compte portefeuille ordinaire ouvert à la Swiss Life, alors que celui-ci devait participer à la couverture ;

- il n'a pu avoir connaissance d'une telle information par l'intermédiaire du service internet de la société B*CAPITAL, n'ayant jamais reçu l'identifiant et le mot de passe permettant l'accès à ce service ;

Attendu que selon la société B*CAPITAL, elle n'a commis aucune faute, motifs pris de ce que :

- le transfert du PEA n'a pu se faire en raison d'un défaut d'alimentation, et celui du portefeuille de titres a été rendu impossible du fait de son blocage ;

- elle en a informé [W] [C] lors d'un entretien téléphonique le 24 septembre 2008 ;

- il a nécessairement été informé par la Swiss Life du non fonctionnement du compte PEA et du blocage du compte titre ;

- ayant souscrit à l'option internet, il avait la possibilité à tout moment de connaître la composition de son compte titre ;

- ayant eu toujours accès mensuellement à ses relevés de compte, il était en mesure de constater que les contrats souscrits auprès de la société Swiss Life n'avaient pas été transférés sur le compte n° 18926 ;

Attendu, cependant, que la société B*CAPITAL, en sa qualité de mandataire, se devait d'informer [W] [C], en sa qualité de mandant, du déroulement de la mission que celui-ci lui avait confiée le 26 mai 2008 et des difficultés qu'elle rencontrait ; que dans un courrier du 23 octobre 2008, elle informe [W] [C] de la réponse que lui avait faite la société Swiss Life, par courrier du 3 septembre 2008, au sujet du PEA dont le transfert était impossible du fait de son absence d'alimentation ; qu'elle indique aussi dans son courrier du 23 octobre avoir reçu un appel téléphonique de cette société l'informant que le compte titre de [W] [C] était 'bloqué' en raison d'une procédure ; qu'elle prétend que dès la réception de ce courrier du 3 septembre et de cet appel téléphonique, son agence de [Localité 8] a informé [W] [C] de cette situation ;

Attendu, toutefois, qu'en dehors de ses seules affirmations, la société B*CAPITAL n'établit pas avoir rendu compte à l'appelant, avant sa lettre du 23 octobre 2008, des difficultés qu'elle a rencontrées pour effectuer le transfert des deux comptes ; que notamment, elle ne prouve pas l'avoir appelé le 24 septembre 2008 à ce sujet ; qu'elle a donc commis un manquement contractuel, à l'occasion de l'exécution du mandat qui lui avait été confié, susceptible d'engager sa responsabilité ;

2. sur le lien de causalité entre le manquement contractuel imputé à la société B*CAPITAL et les pertes de chance alléguées par [W] [C] :

Attendu que selon la société B*CAPITAL, le lien de causalité fait défaut, [W] [C] étant seul responsable des situations qu'il a créées, en ne constituant pas la couverture suffisante au mois d'octobre 2008 et en n'étant pas en mesure d'ordonner le transfert de ses comptes bloqués par la société Swiss Life ; que la société B*CAPITAL soutient aussi qu'il ne rapporte pas la preuve que les contrats Swiss Life pouvaient être transférés ;

Attendu que [W] [C] prétend que ce lien de causalité est établi, motifs pris de ce que :

- s'il avait été informé de la difficulté liée au transfert du portefeuille Swiss Life, il n'aurait pas pris de position en report acheteur au SRD alors que le marché boursier était à la baisse, et il aurait pu rechercher une autre couverture, ou diminuer fortement ses positions en report acheteur ;

- la cause de son préjudice est liée à l'absence d'information sur le refus de transfert par Swiss Life pour le compte titre ;

- il appartient à la société B*CAPITAL d'établir que ce compte titre était bloqué ;

- il y a une relation de causalité évidente entre le défaut d'information et de conseil imputable à la société B*CAPITAL, et l'absence d'information sur le refus du transfert par la SWISSLIFE

Attendu, cependant, que le préjudice allégué par [W] [C] ne peut être consécutif à un défaut d'information et de conseil, ce manquement n'étant pas en effet établi à l'encontre de la société B*CAPITAL ;

Attendu, ensuite, que le justificatif produit par M. [C] relatif à l'approvisionnement en espèces de son compte PEA est insuffisant à établir ce fait, s'agissant d'un courrier de la société Swiss life banque du 29 août 2007 l'informant du transfert de ses comptes, dont le compte PEA, de la société Fifeuram wargny à la société Swiss life alors qu'il ressort d'un courrier de cette même société du 3 septembre 2008 adressé à la société B*CAPITAL que le compte PEA de [W] [C] n'était pas transférable aux motifs qu'il n'avait jamais reçu de versement en espèces ;

que la probabilité d'un tel transfert ayant donc été inexistante, le manquement commis par la société B*CAPITAL lors de l'exécution du contrat de mandat n'a pu faire naître au profit de [W] [C] un dommage s'analysant en une perte de chance ;

Attendu qu'en second lieu, M. [C] produit un relevé de compte évaluation de portefeuille émanant de la société Swiss life faisant état d'un montant d'actions françaises de 147 556,32 euros au 31 décembre 2017 ;

que la société B*CAPITAL soutient que ce compte titre ne pouvait être transféré en raison de son blocage en raison d'une procédure comme indiqué par la société Swiss life par téléphone et qu'elle en a averti M. [C] ;

que si la société B*CAPITAL a bien commis un manquement contractuel comme retenu ci dessus, il n'en reste pas moins que M. [C] ne produit aux débats aucun élément relatif au blocage du compte titre, ni même ne soutient son caractère fallacieux alors qu'il est le seul à détenir des renseignements à ce sujet ;

que la perte de chance s'analysant en une disparition actuelle et certaine d'un événement favorable, la probabilité pour [W] [C] d'éviter la cession le 10 octobre 2008 de ses titres Cap Gemini, pour le cas où la société B*CAPITAL aurait satisfait à son obligation de rendre compte sans retard, dépendait de la possibilité du transfert de ses titres détenus par la société Swiss Life sur son compte n° 18926 ouvert dans les livres de la société B*CAPITAL, dès lors que selon lui, un tel transfert aurait permis un maintien de la couverture, nonobstant la baisse du cours des titres ; que la preuve de la possibilité d'un tel transfert n'est toutefois pas rapportée ;

Attendu dans ces conditions que faute pour lui d'établir un préjudice direct et certain résultant des pertes de chances alléguées, en relation de causalité avec le manquement contractuel imputable à la société B*CAPITAL, la responsabilité de celle-ci ne peut être engagée, étant observé que l'appelant ne sollicite pas la réparation d'autres préjudices pouvant découler de ce manquement ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il le déboute de ses demandes de dommages-intérêts ;

Sur la demande de [W] [C] en remboursement de la somme de 330,33 euros :

Attendu qu'il soutient que le 26 mai 2008, la société B*CAPITAL lui a proposé un taux privilégié pour les frais, dont 0,4 % au titre des frais de courtage au lieu de 0,65 % ; qu'il a accepté cette offre ; que cependant, le 23 octobre suivant, la société B*CAPITAL est revenu sur cet accord en ajoutant unilatéralement une condition liée au transfert du portefeuille Swiss Life ; que toutefois, leur accord n'était soumis à aucune condition ;

Attendu que la société B*CAPITAL prétend au contraire qu'elle n'a pas appliqué à [W] [C] un tarif préférentiel dans la mesure où il n'a pas exécuté la condition de cet accord, relative à l'apport de nouveaux titre annoncé au mois de mai 2008 pour un montant de 150 000 euros ; qu'en effet, la nouvelle convention s'appliquait seulement dans le cadre d'un volant d'affaires plus important ;

Attendu, cependant, qu'il ressort d'un mail du 23 mai 2008 de Mme [D], ès qualité de gérante dans la société B*CAPITAL, qu'a été proposé à [W] [C] une offre privilégiée de tarif (dont des frais de courtage limités à 0,4 % TTC) du fait qu'il était client et qu'elle souhaitait 'vivement travailler davantage' avec lui ; que par mail du 26 mai suivant, [W] [C] a accepté cette offre ; qu'elle n'était conditionnée à aucune condition, qu'en tous cas, la société B*CAPITAL n'en rapporte pas la preuve ; qu'il s'ensuit qu'elle n'était pas fondée à lui facturer des frais supplémentaire de courtage pour un montant de 330,33 euros ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il le déboute de sa demande en remboursement de cette somme ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il déboute [W] [C] de sa demande tendant à la condamnation de la société B*CAPITAL au paiement de la somme de 330,33 euros ;

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la société B*CAPITAL à lui payer la somme de 330,33 euros ;

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Condamne [W] [C] aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 16/03917
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°16/03917 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;16.03917 ?
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