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13/02/2019 | FRANCE | N°16/08084

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 13 février 2019, 16/08084


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : N° RG 16/08084 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KVJN





[S]



C/

Association SOCIETE D ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R)







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 18 Octobre 2016

RG :





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 13 FEVRIER 2019







APPELANT :



[W] [S]

né le [D

ate naissance 1] 1963 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et Me Christine GATTA, avocat au barreau de VALENCE





INTIMÉE :



Association SOCIETE D EN...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 16/08084 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KVJN

[S]

C/

Association SOCIETE D ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R)

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 18 Octobre 2016

RG :

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 13 FEVRIER 2019

APPELANT :

[W] [S]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et Me Christine GATTA, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

Association SOCIETE D ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Septembre 2018

Présidée par Evelyne ALLAIS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Leïla KASMI, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED VACHERON, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Février 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 16 mars 1992, faisant suite à plusieurs contrats de travail à durée déterminée conclus entre les parties depuis 1987, Monsieur [W] [S] a été embauché du 1er janvier au 10 juillet 1992 par l'association Société d'Enseignement Professionnel du Rhône, dénommée ci-après SEPR, en qualité de professeur-formateur. Par avenant du 22 septembre 2012, ce contrat a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 juillet 2012.

Par courrier remis en main propre le 19 octobre 2012, Monsieur [S] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 octobre 2012, avec mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir.

Monsieur [S] ayant été placé en arrêt de travail à compter du 22 octobre 2012, cet entretien a été reporté d'abord au 5 puis au 6 novembre 2012, date à laquelle le salarié s'est présenté.

Le 13 novembre 2012, il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants:

'Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants.

Le mercredi 17 octobre 2012, à la fin des journées du BP Blanc, vous avez eu un comportement d'une grande agressivité verbale et physique à l'encontre d'une apprentie de BP 2B fleuriste, Mademoiselle [X] [O].Alors que celle-ci balayait le couloir à l'issue des épreuves, vous l'avez interpellée sur un ton particulièrement désagréable. Vous étiez très énervé et vous vous êtes vivement emporté.Vous lui avez tenu alors des propos injurieux en indiquant qu' « elle vous faisait chier... ». Vous l'avez ensuite suivie dans sa classe en hurlant « elle est où l'autre ».Vous l'avez bousculée à plusieurs reprises et, devant le reste de la classe, vous lui avez assené une grosse claque derrière la tête. En sortant de la salle, vous lui avez dit : « Viens, on va s'expliquer dehors ». Le lendemain, Monsieur [K] a reçu Mademoiselle [O], encore terrorisée par les évènements de la veille, qui lui a exprimé toute son angoisse à la perspective de vous croiser à nouveau.

Les explications données au cours de l'entretien préalable n'ont pas permis de modifier l'appréciation de la situation au regard de la gravité des faits qui vous sont reprochés.

De plus, ce comportement n'est malheureusement pas isolé. En effet, en mars 2010, nous vous avions notifié une mise en garde en raison de propos injurieux que vous aviez tenus à l'égard de Mademoiselle [S] [G], apprentie que vous aviez aussi malmenée physiquement. Nous vous rappelons que la violence non maîtrisée dont vous avez fait preuve n'est pas admissible de la part d'un enseignant qui doit, en toute circonstance, rester maître de la situation et avoir un comportement d'exemplarité dans le respect des jeunes apprentis en formation. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.'

Monsieur [S] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 14 mai 2013 aux fins de voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association SEPR à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire, de dommages et intérêts et d'indemnités.

Par jugement rendu le 18 octobre 2016, le conseil de prud'hommes, dans sa formation de départage, a:

-débouté Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes,

-dit n'y avoir lieu à allouer aucune somme à l'association SEPR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Monsieur [S] aux dépens.

Par déclaration en date du 15 novembre 2016, Monsieur [S] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions, Monsieur [S] demande à la Cour de:

- infirmer l'entier jugement,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association SEPR à lui payer les sommes suivantes :

7.793,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 779,39 € au titre des congés payés afférents, 13.855,94 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

65.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.977,09 euros à titre de rappel de salaire suite à la mise à pied conservatoire, outre 197,70 € au titre des congés payés afférents,

2.000 € à titre de dommages et intérêts pour mise à pied abusive et vexatoire,

7.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 4.000 euros pour ses frais irrépétibles en première instance et 3.600 euros pour ses frais irrépétibles en cause d'appel,

Monsieur [S] fait valoir

- que l'incident avec Mademoiselle [O] a eu lieu à l'issue de deux jours d'examen blanc et au moment du nettoyage par les élèves des salles et des couloirs; que les faits qui lui sont reprochés dans le cadre de cet incident reposent sur les déclarations écrites de Mesdemoiselles [O] et [Y], lesquelles sont amies; que ces déclarations, qui ont été laissées au secrétariat suite à l'incident, ne sont pas des attestations en justice et ne sont pas conformes à la réalité; qu'elles ne relatent pas exactement les mêmes faits et diffèrent également des déclarations de Mademoiselle [O] à son père ou lors de sa plainte pénale; qu'aucun autre témoignage n'a été recueilli alors que de nombreux élèves ont assisté à la scène,

- que le 17 octobre 2012, il a demandé à plusieurs élèves dont Mademoiselle [O] de nettoyer les couloirs mais que celle-ci a refusé et est partie en direction de sa classe en marmonnant 'vous me faites chier' ; qu'il n'a pas injurié ni bousculé Mademoiselle [O] mais a rejoint celle-ci dans la classe et lui a donné une petite tape sur le crâne avec la paume de sa main afin que l'élève se retourne et se mette face à lui pour lui dire directement les choses, au lieu de marmonner en proférant des insultes derrière son dos; que contrairement à ce qui a été retenu par le juge départiteur, il a contesté avoir eu des propos déplacés et avoir été violent physiquement lors de l'entretien préalable; que la plainte pénale de Mademoiselle [O] a été classée sans suite et que celle-ci a regretté ses accusations; qu'il a été évincé de l'association, malgré une grève du personnel ainsi que des pétitions de soutien de collègues de travail et d'élèves,

- que Monsieur [K], son supérieur hiérarchique, l'a dissuadé de reparler de l'incident à Mademoiselle [O] et l'a laissé travailler les 18 et 19 octobre 2012, lui faisant croire que les faits considérés n'étaient pas graves; qu'en fait, pendant cette période, Monsieur [K] a entrepris une campagne de dénigrement à son égard afin de mieux l'évincer;

- qu'il n'a pas eu connaissance de la lettre de Mademoiselle [G] en date du 17 janvier 2010 mettant en cause son comportement et n'a pas reçu la mise en garde de l'employeur du 15 mars 2010 suite à cette lettre; que s'il reconnaît avoir dû faire preuve d'autorité à l'égard de cette élève particulièrement indisciplinée à l'occasion d'un cours, il conteste le caractère probant des pièces relatives à l'incident de 2010,

- que l'ambiance au sein de l'association s'est nettement dégradée au fil des années; que les relations de travail se sont considérablement durcies, les enseignants se trouvant seuls face à un public de plus en plus difficile, sans aucun soutien de leur hiérarchie et ayant des rapports tendus avec les responsables administratifs, notamment Monsieur [K]; que l'employeur n'a pas sanctionné des faits beaucoup plus graves opposant Monsieur [K] à un élève en juin 2012; que compte tenu des manquements de l'employeur, la 'tape' qu'il reconnaît n'est constitutive ni d'une faute grave, ni d'une cause réelle et sérieuse de licenciement,

- que la rupture de son contrat a une cause économique, ayant été motivée par la baisse du nombre d'élèves formés par l'association SEPR.

Dans ses conclusions, l'association SEPR demande à la Cour de:

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, dire que le licenciement repose sur une cause sérieuse,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter à la somme de 14.193 € le montant des dommages et intérêts dus au salarié,

- en tout état de cause, condamner Monsieur [S] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais qu'elle a engagés tant en première instance qu'en appel.

L'association SEPR fait valoir:

- que Monsieur [S] a manqué à ses obligations élémentaires en adoptant une attitude violente et menaçante à l'égard de Mademoiselle [O] à l'issue d'une épreuve de préparation aux épreuves du baccalauréat professionnel;

- que le comportement fautif de Monsieur [S] est établi par les pièces versées aux débats, peu important les termes différents employés dans les témoignages pour qualifier les faits; que le classement sans suite de la plainte pénale de Mademoiselle [O] n'est pas de nature à remettre en cause le bien fondé du licenciement;

- que Monsieur [S] a déjà été mis en garde le 15 mars 2010 pour des faits de même nature survenus le 22 janvier 2010 à l'égard de Mademoiselle [G]; que le salarié n'a jamais contesté les termes de cette mise en garde; que Mademoiselle [G] était une élève sérieuse et investie dans son travail, contrairement à ce que Monsieur [S] affirme,

- qu'elle ne fait pas preuve de laxisme en matière disciplinaire; que Monsieur [S] n'a pas signalé à Monsieur [K] l'incident survenu avec Mademoiselle [O]; qu'elle a procédé au remplacement de Monsieur [S] immédiatement après la rupture du contrat; que les difficultés économique invoquées par le salarié sont intervenues postérieurement au licenciement de l'intéressé et dans des domaines différents de l'art floral.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2018.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE :

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L.1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il résulte de la lettre de licenciement que l'association SEPR reproche à Monsieur [S] d'avoir eu le 17 octobre 2012 un comportement violent tant verbalement que physiquement à l'égard de Mademoiselle [X] [O], apprentie fleuriste.

Monsieur [S] était professeur formateur en fleuristerie au centre de formation des apprentis de [Localité 1] géré par l'association SEPR. Mademoiselle [O], âgée de 22 ans au moment des faits, suivait une formation comme apprentie fleuriste dans ce centre.

A l'appui de la faute grave reprochée à Monsieur [S] l'association SEPR produit les pièces suivantes:

- des écrits établis le 17 octobre 2012 par Mesdemoiselles [O] et [Y] quant à l'incident survenu le même jour avec Monsieur [S],

- un procès-verbal de dépôt de plainte de Mademoiselle [O] en date du 23 octobre 2012 à l'encontre de Monsieur [S] pour violences volontaires aggravées,

- deux courriels adressés le 18 octobre 2012 par Monsieur [F] [O], père de Mademoiselle [O], à Monsieur [K] quant à l'agression de sa fille au centre de formation des apprentis,

- une attestation de Monsieur [K], responsable de formation, en date du 27 janvier 2015.

Les faits reprochés à Monsieur [S] dans la lettre de licenciement ont d'abord eu lieu dans le couloir puis dans une salle de classe. Le ton particulièrement désagréable et les propos injurieux de Monsieur [S] à l'égard de Mademoiselle [O] dans le couloir, à savoir 'vous me faites chier', reposent sur les seules déclarations de Mademoiselle [O].

Les violences verbales et physiques de Monsieur [S] dans la salle de classe, décrites par Mademoiselle [O] dans sa plainte pénale de la manière suivante: 'Là il m'a suivi il est entré dans la salle en disant 'elle est où l'autre' et il m'a bousculée et il m'a mis une claque sur l'arrière du crâne. Il m'a aussi proposé de m'expliquer dehors', sont corroborées par la déclaration de Mademoiselle [Y] [Y], également présente dans cette salle. Néanmoins, la déclaration écrite de Mademoiselle [Y] n'est pas confirmée par une attestation de celle-ci.En outre, alors que beaucoup d'élèves ont été témoins de l'incident dans la salle de classe selon les déclarations de Mesdemoiselles [O] et [Y], aucune attestation de ces élèves n'est produite.

Les courriels de Monsieur [O], père de Mademoiselle [O], et l'attestation de Monsieur [K] reprennent les propos de Mademoiselle [O] quant au comportement de Monsieur [S] le 17 octobre 2012 mais n'apportent aucune information supplémentaire quant au déroulement des faits.

Enfin, la plainte pénale de Mademoiselle [O] a été classée sans suite le 14 avril 2014.

Les pièces produites par l'employeur sont donc insuffisantes pour établir les faits de violence verbale et physique que celui-ci impute à son salarié.

Lors de l'entretien préalable du 6 novembre 2012 Monsieur [S] a reconnu s'être montré 'un peu vif' avec Mademoiselle [O] pour lui faire ranger en deux fois des cartons qui encombraient le couloir mais a réfuté catégoriquement avoir prononcé les mots suivants 'tu veux qu'on sorte dans le couloir pour s'expliquer' et avoir eu des gestes violents.

Néanmoins, il a expliqué dans ses écritures avoir donné à Mademoiselle [O] une petite tape sur le crâne avec la paume de sa main afin que l'élève se retourne, dans un contexte d'opposition de celle-ci à son autorité.

L'employeur fait état d'un incident précédant les faits, ayant consisté en des propos malvenus tenus le 22 janvier 2010 par Monsieur [S] sous l'effet de l'énervement à l'égard de Mademoiselle [S] [G], apprentie fleuriste.

Or, le courrier de Mademoiselle [G] en date du 27 janvier 2010, qui dénonce ces propos, n'est pas signé. En outre, l'employeur ne justifie pas de l'envoi effectif à Monsieur [S] d'une lettre de mise en garde du 15 mars 2010 suite au courrier de Mademoiselle [G]. Aussi, l'incident du 22 janvier 2010 n'est pas établi au vu des seuls courriers précités.

Monsieur [S] a été meilleur ouvrier de France en fleuristerie en 2007. Les nombreuses attestations de ses collègues de travail, de ses anciens élèves et de ses élèves à la fin de l'année 2012 le décrivent comme une forte personnalité ayant son franc parler, passionné par son métier et exigeant tant à l'égard de lui-même que ses élèves. Certaines attestations précisent que Monsieur [S] était respectueux de ses élèves et aucune ne mentionne qu'il avait un comportement violent à l'égard de ceux-ci.

Aussi, il n'est pas établi que le comportement vif de Monsieur [S] était disproportionné par rapport à l'attitude de Mademoiselle [O]. De même, si la petite tape reconnue par Monsieur [S] était un comportement inapproprié à l'égard d'une élève apprentie, il n'est pas démontré que ce geste était destiné à lui faire mal ni qu'il a causé un préjudice physique à l'intéressée.

Les faits commis le 17 octobre 2012 par Monsieur [S] à l'égard de Mademoiselle [O] ne sont donc pas constitutifs d'une faute grave ni même d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils sont la conséquence d'éventuels manquements de l'employeur. Surabondamment, il ressort du compte rendu de la réunion du comité d'entreprise du 20 décembre 2013 que l'association SEPR connaissait une baisse d'activité régulière depuis 2009 et des contrats de travail de Mesdames [A] et [M], professeuses-formatrices en fleuristerie que Monsieur [S], qui travaillait à 95 %, n'a été remplacé qu'à hauteur de 50 % à compter de septembre 2013.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de ses demandes en paiement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [S] a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire du 19 octobre au 14 novembre 2012, date d'effet de la rupture du contrat.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, cette mise à pied conservatoire était injustifiée. Les fiches de paie d'octobre et novembre de 2012 font apparaître que la la somme totale de 1.977, 09 euros (873,38 euros +1.103,71 euros) a été prélevée sur le salaire de Monsieur [S] à ce titre L'association SEPR sera condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 1.977,09 euros à titre de rappel de salaire sur la période considérée outre celle de 197,71 euros au titre des congés payés afférents et non celles réclamées par le salarié.

L'association SEPR a plus de 10 salariés. Monsieur [S] avait 49 ans et une ancienneté de 20 ans dans l'association au moment du licenciement. Il percevait à cette date un salaire mensuel brut moyen de 2.597,99 euros.

Les sommes réclamées par Monsieur [S] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis en application d'un accord d'entreprise et de l'indemnité légale de licenciement ne sont pas critiquées par l'employeur. Aussi, l'association SEPR sera condamnée à payer à Monsieur [S] les sommes considérées, soit: 7.793,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 779,39 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que 13.855,94 euros à titre d'indemnité de licenciement.

En application des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable, le montant des dommages et intérêts à allouer à Monsieur [S] ne peut être inférieur à six mois de salaire. Monsieur [S] était toujours demandeur d'emploi en août 2018. Il avait perçu une allocation de retour à l'emploi mensuelle brute de 1.450 euros pendant presque deux ans à cette date, ayant été en arrêt de travail jusqu'au 23 mai 2013 et ayant travaillé pendant d'autres périodes.

Par ailleurs, compte tenu de sa qualité de professeur-formateur, il a subi un préjudice moral et psychologique important, résultant de sa mise à pied conservatoire injustifiée.

Au vu de ces éléments, l'association SEPR sera condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 38.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa mise à pied à titre conservatoire.

Par ailleurs, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois.

L'association SEPR , partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que le licenciement de Monsieur [S] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE l'association SEPR à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes:

1.977,09 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire outre celle de 197,71 euros au titre des congés payés afférents,

2.000 euros en réparation du préjudice non financier résultant de la mise à pied conservatoire,

7.793,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 779,39 euros au titre des congés payés afférents,

13.855,94 euros à titre d'indemnité de licenciement,

38.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

ORDONNE, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l'association SEPR des allocations de chômage versées à Monsieur [S] à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois ;

CONDAMNE l'association SEPR à payer à Monsieur [S] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association SEPR aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président

Manon FADHLAOUI Joëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/08084
Date de la décision : 13/02/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/08084 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-13;16.08084 ?
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