La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2019 | FRANCE | N°17/01794

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 25 janvier 2019, 17/01794


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : N° RG 17/01794 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K4WG





X...



C/

Mutuelle UNION DE GESTION RESEAU DE K... Y...







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Février 2017

RG : F13/05467

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 25 JANVIER 2019





APPELANTE :



Nadia X... épouse Z...

née le [...] à LYON (69

002)

[...]



Représentée par Me Marie-hélène A..., avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... (RESAMUT)

Palais de la Mutualité Place Antoine B...

[...]



Représentée par Me M... C... de l...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 17/01794 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K4WG

X...

C/

Mutuelle UNION DE GESTION RESEAU DE K... Y...

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Février 2017

RG : F13/05467

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 25 JANVIER 2019

APPELANTE :

Nadia X... épouse Z...

née le [...] à LYON (69002)

[...]

Représentée par Me Marie-hélène A..., avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... (RESAMUT)

Palais de la Mutualité Place Antoine B...

[...]

Représentée par Me M... C... de la SCP ELISABETH C... DE MAUROY & M... C... L... ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Christian D... de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substitué par Me E... F..., avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2018

Présidée par Michel G..., Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

- Michel G..., président

- Natacha LAVILLE, conseiller

- Sophie NOIR, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Janvier 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel G..., Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Nadia X... épouse Z... a été recrutée le 12 février 1996 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en remplacement d'un salarié en congé maternité en qualité d'agent hospitalier spécialisé au sein de la clinique Eugène H... à Lyon (dite 'Clinique Trarieux') par l'UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... (RESAMUT), union mutualiste qui exploite des établissements de santé et relève de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif.

Cette relation de travail s'est poursuivie entre 1996 1999 dans le cadre de 78 contrats à durée déterminée, jusqu'à ce que le 27 juillet 1999, la salariée se voie enfin consentir un contrat à durée indéterminée à temps partiel (84,5 heures par mois) en qualité d'agent de service.

Entre août 1999 et février 2000, les parties ont régularisé 5 avenants portant pour des périodes limitées la durée du travail à un temps plein.

Le 30 juin 2000, la durée du travail de la salariée a été ramenée à 75,83 heures par mois en application de l'accord collectif relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.

Le 2 octobre 2000, Nadia X... a signé un avenant la faisant passer à temps plein.

Le 26 janvier 2008, la salariée a été victime d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie au titre de la législation sur les accidents du travail.

L'arrêt de travail de Nadia X... s'est poursuivi jusqu'au 23 novembre 2010, la salariée percevant un complément de salaire versé par l'employeur puis par le régime de prévoyance.

Le 23 novembre 2010, la CPAM a placé en invalidité de 2e catégorie Nadia X..., qui a donc à compter de cette date cesser de fournir à son employeur des arrêts de travail.

Le 13 décembre 2010, Nadia X... a été examiné par le médecin du travail qui a rendu l'avis suivant :

'inapte à tout poste dans l'entreprise. Inaptitude prononcée dès la première visite. Danger immédiat de reprise au poste de travail selon l'article R4624'31"

Le 6 décembre 2013, soit presque 3 ans plus tard, Nadia X... a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par mention au dossier du 5 juillet 2016, le conseil de prud'hommes sous la présidence du juge départiteur a ordonné la réouverture des débats en sollicitant la production de pièces et en organisant une enquête fixée au 6 décembre 2016, afin d'entendre le médecin du travail le Docteur I... et le médecin chef de l'AGEMETRA.

Cette enquête n'a toutefois pas pu avoir lieu faute par les témoins convoqués de s'être rendus à la convocation qui leur avait été adressée. Les documents sollicités ont toutefois été communiqués par les parties.

En dernier lieu, Nadia X... demandait à la formation de départage du conseil de prud'hommes de requalifier ses contrats à durée déterminée en un unique contrat à durée indéterminée et de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail du fait des manquements commis par l'employeur, sollicitant en conséquence la condamnation de l'union RESAMUT à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir :

'106'147,84 euros à titre de rappel de salaire à compter du 13 janvier 2011,

'10'614,78 euros au titre des congés payés y afférents,

'3317,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'331,71 euros au titre des congés payés y afférents,

'15'485,30 euros à titre d'indemnité de licenciement doublée,

'4975,68 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

'39'805,44 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'14'927,0 4 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'union RESAMUT s'est opposée à l'ensemble de ces demandes, concluant à la prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée et en paiement d'un rappel de salaire de ce chef et au mal fondé de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et des demandes indemnitaires subséquentes.

Par jugement du 28 février 2017, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Lyon a :

'déclaré prescrite l'action en requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

'déclaré prescrite l'action en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail du fait du recours à des avenant à temps plein,

'dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de Nadia X... ,

'débouté Nadia X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, débouté l'union RESAMUT de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné Nadia X... aux entiers dépens de l'instance.

Nadia X... a régulièrement interjeté un appel total de cette décision le 9 mars 2017.

*

Par ses dernières conclusions, Nadia X... épouse Z... demande aujourd'hui à la cour d'appel de :

' réformer le jugement de première instance, en déclarant les demandes de parfaitement fondé et justifié ;

en conséquence :

' condamner purement et simplement le RESAMUT à verser à Nadia X... les sommes suivantes :

'106'147,84 euros à titre de rappel de salaire à compter du 13 janvier 2011,

'10'614,78 euros au titre des congés payés y afférents,

'15'485,30 euros à titre d'indemnité de licenciement doublé,

'3317,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'331,71 euros au titre des congés payés y afférents,

'39'805,44 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois),

' 39'805,44 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (24 mois),

'2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner le RESAMUT aux dépens s'il en existe.

Pour sa part, L'UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... (RESAMUT) demande à la cour d'appel par ses dernières conclusions de :

'confirmer purement et simplement la décision des premiers juges ;

'débouter Nadia X... de l'ensemble de ses demandes ;

'la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 24 octobre 2018 par le magistrat chargé de la mise en état.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.'Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément à l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations.

Le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d'une gravité telle qu'elle empêche toute poursuite de l'exécution du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produisant alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La prise d'effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu'à cette date, le salarié est toujours au service de l'employeur. Toutefois, si le contrat a déjà été rompu dans l'intervalle, la résiliation prend effet au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur, ou en cas de licenciement, au jour du licenciement.

Nadia X... rappelle:

'qu'elle a été victime d'un accident du travail le 26 janvier 2008, pris en charge à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône,

'qu'elle a bénéficié d'arrêt maladie consécutif à cet accident du travail jusqu'au 16 novembre 2010, date à laquelle la CPAM a prononcé sa mise en invalidité de 2e catégorie,

'qu'elle a passé le 13 décembre 2010 une visite médicale de reprise auprès du Dr Michèle I..., médecin du travail, qui l'a déclarée, au terme de son examen, définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise, précisant que cette inaptitude était prononcée dès la première visite pour danger immédiat conformément aux dispositions de l'article R 4624'31 du code du travail,

'que depuis cette date, l'union RESAMUT n'a jamais déclenché de procédure de quelque nature qu'elle soit à son égard, se contentant d'établir chaque mois un bulletin de paye avec un salaire égal à zéro, dès lors que la salariée percevait sa pension d'invalidité et un complément de rémunération versé par le régime de prévoyance.

En réponse, la RESAMUT fait valoir que Nadia X... a reçu la notification de son droit à pension d'invalidité le 16 novembre 2010 de la caisse primaire d'assurance-maladie, mais n'en a pas informé son employeur, non plus que d'une éventuelle intention de reprendre ses fonctions, et n'a pas présenté de demande d'organisation d'une visite de reprise.

L'employeur soutient :

'qu'étant ainsi dans l'incertitude de la situation médicale et juridique de l'appelante faute d'avoir été informé de la consolidation de son état, il n'avait pas à procéder à l'organisation d'une visite de reprise,

'que la visite organisée le 13 décembre 2010 ne saurait être qualifiée de visite de reprise puisqu'elle n'a pas été effectuée à la demande de l'employeur, mais soit à celle de Nadia X... , soit sur initiative du médecin du travail,

'que quoi qu'il en soit, la salariée ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a été destinataire à l'époque d'une copie de l'avis d'inaptitude rendu ce jour-là par le médecin du travail,

'et qu'il ne peut dans un tel contexte lui être reproché de ne pas avoir recherché pour la salariée un poste de reclassement, ni de ne pas lui avoir notifié de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour constate toutefois que la salariée produite en pièce 95, la convocation qu'elle a reçue pour le rendez-vous du 13 décembre 2010, établie le 6 décembre 2010 par l'organisme de santé au travail AGEMETRA employant le docteur I... à l'intention de Nadia X... , convocation expressément adressée par cet organisme à

' RESAMUT

clinique mutualiste E H...

Christèle J...

[...]'.

Le simple libellé de cette convocation, adressée à la bonne personne gestionnaire du personnel au sein de l'entreprise, permet de constater qu'elle a bien été, comme il est d'usage, transmise par le service de santé au travail à l'employeur et non pas directement à la salariée comme le soutient aujourd'hui, sans aucune preuve, la RESAMUT .

Il y a donc lieu de considérer qu'ayant reçu cet avis de convocation à transmettre à la salariée, ce qu'elle n'a pas dû manquer de faire puisque Nadia X... a eu l'information et a pu se rendre au rendez-vous le jour dit, il n'y avait d'évidence aucune ambiguïté pour la RESAMUT sur l'objet de cette visite médicale organisée alors que le dernier arrêt de travail de Nadia X... était parvenu à son terme, qu'il n'avait pas été renouvelé et portait la mention manuscrite 'attente invalidité' , une telle visite ne pouvant avoir dans ce contexte d'autre objet qu'une visite de reprise et le contrôle de l'aptitude de la salariée à son poste.

Il importe peu que le médecin du travail ait jugé opportun de mentionner sur ses notes de consultation de la salariée établie le 13 décembre 2010 la mention 'V. Rep' puis manifestement après coup d'y rajouter avant le 'R' la mention 'pré', ce dont l'employeur et les premiers juges se sont emparés à tort pour prétendre qu'il s'agissait donc d'une de pré-reprise au sens de l'article R4624-20 du code du travail.

En effet, une telle visite de pré-reprise n'aurait pas permis au médecin du travail de se prononcer ainsi formellement en une seule visite pour danger immédiat sur l'inaptitude de la salariée à tout poste dans l'entreprise.

Surtout, la lettre même de l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail ce jour-là permet de constater que l'intention de ce praticien était explicitement d'établir un avis d'inaptitude avec danger immédiat dans le cadre, expressément mentionné, d'une visite de reprise.

Dès lors qu'il est établi que la convocation de la salariée à ce rendez-vous médical a bien transité par l'employeur, il n'y a aucune raison de mettre en doute le fait que le médecin du travail a bien adressé à l'employeur cet avis d'inaptitude établi au terme de son examen.

La cour constate que si la RESAMUT produit quelques documents laissant présumer des difficultés de communication avec le médecin du travail, aucun de ceux-ci ne concerne l'organisation des visites médicales ou la transmission à l'employeur des avis d'aptitude ou d'inaptitude de ses salariés.

La cour estime en conséquence que la RESAMUT a bien eu connaissance en son temps de cet avis d'inaptitude, ne l'a pas contesté comme elle avait la possibilité de le faire et comme elle n'aurait pas manqué de le faire si elle avait considéré qu'il ne s'agissait pas là d'une visite de reprise, et qu'elle aurait dû en conséquence :

'd'une part, par application de l'article L 1226'11 du code du travail, reprendre à compter du 13 janvier 2011 le paiement normal du salaire de Nadia X... ,

'et d'autre part et surtout procéder, par application de l'article L 1226'12 du même code, à la recherche d'une solution de reclassement de la salariée compatible avec ses aptitudes résiduelles éventuelles.

Force est de constater que tel n'a pas été le cas, l'employeur ayant laissé la situation en l'état jusqu'à la saisine de la juridiction prud'homale par Nadia X... le 6 décembre 2013, soit 3 ans plus tard.

Bien plus, la cour relève que durant toute cette période, la RESAMUT n'a pas jugé opportun de s'informer des suites données à la procédure d'invalidité qu'elle savait avoir été en cours, ce qui laisse présumer qu'elle avait eu connaissance du classement en invalidité de 2e catégorie de la salariée, et a continué à émettre tous les mois des bulletins de salaire égaux à zéro, laissant le soin à l'organisme de prévoyance de continuer à verser à Nadia X... le complément de salaire auquel elle pouvait prétendre jusqu'à sa déclaration d'inaptitude.

Il apparaît hautement vraisemblable que cette situation n'a pas engendré de préjudice financier pour l'intéressée, celle-ci semblant avoir durant cette période de 3 ans cumulé sa pension d'invalidité de 2e catégorie et les prestations de l'organisme de prévoyance.

Pour autant, la cour estime que le désintérêt total de l'employeur à l'égard de cette salariée durant ces 3 ans est constitutif d'un manquement certain par la RESAMUT à son obligation de veiller à la santé et la sécurité de Nadia X... né de l'article L 4121'1 du code du travail qui dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que:

'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

En effet, il est incontestable que dans le cadre de la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés à l'état de Nadia X... et de l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et améliorer les situations existantes, il appartenait à l'union RESAMUT de se préoccuper de l'évolution de la santé de sa salariée - dont elle affirme aujourd'hui avoir été ainsi sans nouvelle - et de ne pas attendre 3 ans et une saisine du conseil de prud'hommes pour chercher à prendre connaissance des difficultés éventuellement rencontrées par elle, et pour exécuter son obligation de reprise du paiement du salaire et de recherche d'un éventuel reclassement.

Cette inertie prolongée de l'employeur caractérise assurément une violation par celui-ci de l'article L 1222'1 du code du travail, qui lui impose exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la RESAMUT s'est rendue coupable à l'égard de Nadia X... de plusieurs manquements graves à ses obligations nées du contrat de travail: absence de reprise du paiement du salaire après le délai d'un mois, absence de recherche de solution de reclassement, violation de l'obligation de sécurité l'article L 4121'1.

Pour autant, ces manquements contractuels de l'employeur ont duré 3 ans et n'ont manifestement pas empêché la poursuite de la relation de travail pendant tout ce temps, puisque Nadia X... n'a pas jugé nécessaire de saisir le conseil de prud'hommes ou d'adresser à la RESAMUT une quelconque réclamation à ce sujet avant le 6 décembre 2013.

Ainsi, Nadia X... s'avère mal fondée en sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors qu'il n'est pas établi que les fautes contractuelles qu'elle reproche légitimement à son employeur présentaient une gravité suffisante pour empêcher toute poursuite de l'exécution de son contrat de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée tant de sa demande de résiliation judiciaire que de ses demandes subséquentes en paiement d'indemnités de rupture (indemnité spéciale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

2.-Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

En première instance, Nadia X... sollicitait du conseil de prud'hommes :

'la requalification en contrat à durée indéterminée de l'ensemble des 78 contrats de travail à durée déterminée que lui a consentis l'union mutualiste RESAMUT entre le 12 février 1996 et le 27 juillet 1999, date à laquelle elle a bénéficié d'un engagement à durée indéterminée,

'et le paiement d'un rappel de salaire en conséquence, y compris les congés payés y afférents.

Le conseil de prud'hommes dans son jugement a pertinemment fait droit à la fin de non-recevoir pour cause de prescription opposée par l'union RESAMUT à cette double demande, Nadia X... ayant introduit son action judiciaire le 3 décembre 2013, soit bien plus de 2 ans après l'expiration du dernier contrat à durée déterminée ainsi litigieux.

Bien qu'ayant formé un appel total de cette décision, Nadia X... n'a pas expressément repris ses demandes en cause d'appel et en particulier ne sollicite plus ni indemnité de requalification, ni rappel de salaire.

Par contre, Nadia X... sollicite aujourd'hui des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:

' pour manquement à son obligation de sécurité faute d'avoir tiré les conséquences qui s'imposaient de l'avis d'inaptitude prononcée par le médecin du travail le 13 décembre 2010,

'pour ne pas avoir respecté, même après la signature du contrat à durée indéterminée le 27 juillet 1999, la réglementation applicable en matière de temps partiel dans la mesure où les heures complémentaires qu'elle réalisait excéder régulièrement les plafonds autorisés par la loi pour atteindre dans certains cas 35 heures par semaine;

'mais aussi, pour la première fois en cause d'appel, pour l'avoir embauchée par 78 contrats de travail à durée déterminée sur une période de 3 ans du 12 février 1996 au 27 juillet 1999 dans le cadre de conventions irrégulières faute de mentionner le nom du salarié remplacé, ou pour avoir été établi pour pallier l'absence de plusieurs salariés, ou pour avoir été conclu sur une durée totale de 3 ans, donc pour pourvoir durablement un poste d'agent hospitalier spécialisé.

La RESAMUT soulève la prescription de ces demandes de Nadia X... en ce qui concerne la réparation des préjudices qui seraient nés pour elle de l'irrégularité de ses contrats à durée déterminée comme de l'illicéité des avenants au contrat de travail la faisant repasser temporairement à temps plein.

Elle fait à juste titre valoir :

'qu'avant la loi n° 2008'561 du 17 juillet 2008, les créances de nature salariale étaient soumises à une prescription quinquennale alors que les créances indemnitaires se voyaient appliquer une prescription trentenaire ;

'qu'à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de cette loi, les créances salariales se sont prescrites par 5 ans (article L 3245'1 du code du travail), tout comme les créances indemnitaires, par application de l'article 2224 modifié du code civil ;

'que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant dispositions transitoires prévoyait que les dispositions de ladite loi qui réduisait la durée de la prescription s'appliquaient aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il en résulte directement que les demandes de dommages-intérêts présentés par Nadia X... par suite de manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles portant sur la régularité des contrats à durée déterminée conclus entre les parties entre le 12 février 1996 et le 27 juillet 1999 ne sont pas recevables faute d'avoir été présentées en justice avant le 19 juin 2013, date d'expiration du délai de prescription de 5 ans édicté par l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008.

De même, les avenants de passage à temps plein dont se plaint Nadia X... (pièces 80 à 84 de la salariée) ont été conclus entre les parties entre le 16 août 1999 pour le premier et le 29 février 2000 pour le dernier.

Il en résulte que la prescription de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail né de la prétendue irrégularité de ces avenants a commencé à courir [...] pour le dernier d'entre eux, qu'elle était encore [...] lors de l'entrée en vigueur du nouvel article 2224 précité, et qu'elle a été définitivement acquise à l'expiration du délai de 5 ans à compter de cette date, soit le 19 juin 2013.

Ici encore, cette demande indemnitaire présentée par Nadia X... devant le conseil de prud'hommes pour la première fois le 6 décembre 2013 s'avère donc irrecevable, et le jugement déféré sera donc ici confirmé.

*

Pour ce qui concerne la réparation du préjudice allégué par Nadia X..., né d'une exécution déloyale du contrat de travail caractérisée par un manquement délibéré de l'employeur à son obligation de sécurité à son égard, l'union mutualiste RESAMUT n'invoque pas de prescription mais conclut au mal fondé de la demande.

Il résulte toutefois des motifs qui précèdent que cette double faute contractuelle de l'employeur est largement avérée et a directement causé à Nadia X... un préjudice moral que la cour dispose d'éléments suffisants, vu les données du litige, pour évaluer à la somme de 15'000 €.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté ce chef de demande indemnitaire et de condamner la RESAMUT à payer cette somme à Nadia X... à titre de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice spécifique, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

3.- sur les demandes accessoires:

Partie perdante, la RESAMUT supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Nadia X... a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

L'union mutualiste RESAMUT sera donc condamnée à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

'déclaré prescrite l'action en requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

'déclaré prescrite l'action en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail du fait du recours à des avenant à temps plein,

'dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de Nadia X..., et débouté celle-ci de ses demandes indemnitaires consécutives à la résiliation ainsi sollicitée ;

INFIRME ce jugement en toutes ses autres dispositions et, STATUANT à nouveau et y AJOUTANT,

DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail présenté par Nadia X... épouse Z... à l'encontre de son employeur pour non-respect par celui-ci de la législation en matière de contrats de travail à durée déterminée de 1996 à 1999 ;

CONDAMNE l'UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... ( RESAMUT ) à payer à Nadia X... épouse Z... la somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né pour elle de l'exécution déloyale de son contrat de travail par l'employeur dans le cadre d'un manquement à son obligation née de l'article L 4121'1 du code du travail, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE l'UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... ( RESAMUT ) aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE l'UNION DE GESTION RÉSEAU DE K... Y... ( RESAMUT ) à payer à Nadia X... épouse Z... la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel G...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 17/01794
Date de la décision : 25/01/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°17/01794 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-25;17.01794 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award