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18/12/2018 | FRANCE | N°17/07383

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 18 décembre 2018, 17/07383


AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE



RAPPORTEUR





R.G : N° RG 17/07383 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LJXN





SASU SOTERLY



C/

[W]

Organisme CPAM DU RHÔNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 21 Septembre 2017

RG : 20130116















































COUR D'APPEL DE L

YON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2018









APPELANTE :



SASU SOTERLY

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Alexine GRIFFAULT, avocate au barreau de LYON de la SELAS AGIS, avocats au barreau de LYON





INTIMES :



[C] [W]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1] (69)

[Adres...

AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 17/07383 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LJXN

SASU SOTERLY

C/

[W]

Organisme CPAM DU RHÔNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 21 Septembre 2017

RG : 20130116

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2018

APPELANTE :

SASU SOTERLY

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Alexine GRIFFAULT, avocate au barreau de LYON de la SELAS AGIS, avocats au barreau de LYON

INTIMES :

[C] [W]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1] (69)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Virginie HOCH, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

CPAM DU RHÔNE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par madame [X] [C], munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Novembre 2018

Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Décembre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [C] [W] est entré au service de la Société SOTERLY en qualité d'opérateur amiante, statut ouvrier niveau 1 position 1 coefficient 150, à compter du 10 mars 2008 selon contrat à durée indéterminée en date du 5 mars 2008.

Le 06 juillet 2009, Monsieur [C] [W] a été victime d'un accident du travail alors qu'il procédait à l'évacuation d'une conduite en fibro-ciment. Les circonstances de l'accident telles que décrites sur la déclaration d'accident du travail en date du 07 juillet 2009 sont les suivantes': «'En évacuant une conduite en fibro-ciment, une partie du plancher a cédé sous le poids de la victime, ce qui a provoqué sa chute'».

Des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre de la Société SOTERLY, prise en la personne de son président du conseil d'administration et directeur général Monsieur [I] [X], Monsieur [L] [S], en sa qualité de conducteur de travaux, Monsieur [U] [V], en sa qualité de chef d'équipe et Monsieur [I] [X], en sa qualité de chef d'entreprise

Par jugement en date du 18 mars 2011, le Tribunal correctionnel de LYON a, entre autres dispositions :

Sur l'action publique :

- Renvoyé [F] [U] des fins de la poursuite ;

- Renvoyé [X] [I] des fins de la poursuite ;

- Déclaré [S] [L] coupable des infractions de blessures

involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois, emploi de travailleur à des travaux de démolition sur chantier de bâtiment et travaux publics sans respect des règles de sécurité, emploi de travailleur dont l'activité l'expose à l'inhalation de poussières d'amiantes sans respect des mesures particulières de protection ;

- Déclaré la Société SOTERLY coupable des mêmes infractions.

Sur l'action civile :

- Reçu Monsieur [W] [C] en sa constitution de partie civile au soutien de l'action publique;

- Condamné solidairement [S] [L] et la société SOTERLY à lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de Procédure pénale.

Par ailleurs, cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle.

L'état de santé de Monsieur [W] a été déclaré consolidé le 30 avril 2012 et un taux de rente de 20 % lui a été attribué.

Par jugement du 7 avril 2015 auquel il convient de se référer expressément, le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON a :

- Dit que l'accident dont Monsieur [C] [W] a été victime le 6 Juillet 2009 est dû à la faute inexcusable de son employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction ;

- Ordonné la majoration de la rente servie à Monsieur [B] au taux maximum ;

- Fixé à 5 000,00 € le montant de l'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation - définitive des préjudices;

- Dit que la Caisse Primaire d' Assurance Maladie du Rhône fera 1' avance de la provision allouée ;

Statuant Avant dire droit sur l'indemnisation,

- Ordonné une expertise médicale de Monsieur [C] [W],

- Désigné pour y procéder le Docteur [R] [S] conformément à la mission figurant au jugement précité, à laquelle il convient de se reporter;

- Dit que l'expert déposera son rapport au secrétariat du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale dans les trois mois de sa saisine, et au plus tard le 15 Juillet 2015, et en transmettra une copie à chacune des parties,

- Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie devra faire l'avance des frais de l'expertise médicale sans faculté de recours contre une des parties,

- Condamné la société SOTERLY à payer une somme de 1 500 euros à Monsieur [W] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

L'expert a procédé à l'expertise et a établi son rapport qui a été régulièrement transmis aux parties.

Par jugement du 21 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON a, entre autres dispositions :

- Fixé comme suit l'indemnisation de Monsieur [W] :

assistante tierce personne : 4560 euros

déficit fonctionnel temporaire total 840 euros

déficit fonctionnel temporaire partiel : 5.407,20 euros

souffrances endurées : 25 000 euros

préjudice esthétique : 4000 euros

préjudice d'agrément : 5000 euros

aménagement véhicule : 1500 euros

TOTAL : 41 307,20 euros

- Débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes.

- Dit que la caisse primaire d'assurance-maladie fera l'avance des sommes allouées déduction devant être opérée de la provision déjà versée et en recouvrera le montant auprès de l'employeur ;

- Donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de ce qu'elle a d'ores et déjà procédé au recouvrement de la somme de 70 084,12 euros auprès de la société SOTERLY ;

- Déclaré que la société SOTERLY est redevable de la somme de 89 477,62 euros correspondant à la majoration de rente due au titre de la faute excusable selon le taux de IPP définitivement attribué à l'assuré ;

- Déclare que la société SOTERLY est en conséquence redevable à l'égard de la caisse primaire de la somme de 19 393,50 euros ;

- Débouter la société SOTERLY du surplus de ses demandes. Ordonne d'office exécution provisoire de la présente décision.

- -Condamner la société SOTERLY à payer à Monsieur [W] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 20 octobre 2017, la société SOTERLY a régulièrement interjeté appel de cette décision s'agissant:

- de la somme octroyée à Monsieur [W] au titre du déficit fonctionnel temporaire de 30 % ;

- de la majoration de la rente attribuée à Monsieur [W] sur la base du taux définitivement retenu par le Tribunal du contentieux de l'incapacité.

Selon conclusions régulièrement notifiées qu'elle soutient à l'audience, elle demande à la cour de':

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON en date du 21 septembre 2017 en ce qu'il retient que la majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime, sera récupérée en totalité par la CPAM auprès des MMA ;

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a octroyé la somme de

5407,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 % ;

En conséquence,

- DIRE ET JUGER que seul le taux d'incapacité de 20% est opposable à la Société SOTERLY alors dans ses rapports avec la CPAM ;

- DIRE ET JUGER en conséquence que la CPAM ne pourra obtenir le remboursement des sommes par elles avancées à Monsieur [W] au titre de la majoration de rente que sur la base du taux de 20% initialement retenu ;

- DIRE ET JUGER que la Société SOTERLY est uniquement redevable de la somme de 1.296 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, soit la somme globale de 2.136 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, en lieu et place de 6.247,20 euros.

- CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus ;

- CONDAMNER la CPAM à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon conclusions régulièrement notifiées formant appel incident qu'il soutient à l'audience, Monsieur [W] demande à la cour de':

Infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON le 21 septembre 2017 en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice lié à la perte de son emploi et fixé par ailleurs son indemnisation aux sommes suivantes :

Frais d'assistance tierce personne4.560 euros

Déficit fonctionnel temporaire total840 euros

Déficit fonctionnel temporaire partiel5.407,20 euros

Frais de véhicule adapté1.500 euros

Statuant à nouveau,

Fixer l'indemnisation du préjudice personnel subi par Monsieur [C] [W] aux sommes suivantes :

Frais d'assistance tierce personne22.620 euros

Déficit fonctionnel temporaire total875 euros

Déficit fonctionnel temporaire partiel5.405 euros

Frais de véhicule adapté2.475,10 euros

Perte de l'emploi50.000 euros

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 21 Septembre 2017 en ce qu'il a fixé comme suit l'indemnisation de Monsieur [W] :

Souffrances physiques et morale endurées25.000 euros

Préjudice esthétique4.000 euros

Préjudice d'agrément5.000 euros

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 21 septembre 2017 en ce qu'il alloué à Monsieur [W] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C.,

Condamner la Société SOTERLY à verser à Monsieur [W] la somme de 4.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la Société SOTERLY aux entiers dépens de l'instance.

Selon conclusions régulièrement notifiées qu'elle soutient à l'audience, la Caisse primaire d'assurance maladie sollicite de la cour une rectification du jugement déféré quant à la fixation du Déficit Fonctionnel Temporaire, en adéquation avec la somme totale retenue, et, pour le reste, sollicite la confirmation du jugement entrepris dans son entier dispositif.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement notifiées et soutenues lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

La société SOTERLY et la Caisse primaire d'assurance maladie soutiennent que la décision déférée comporte une erreur de calcul concernant le montant alloué au titre du déficit fonctionnel et sollicite l'infirmation du jugement en conséquence.

Par ailleurs, la société SOTERLY soutient que le taux retenu par le tribunal du contentieux de l'incapacité ne lui est pas opposable.

La Caisse primaire d'assurance maladie soutient être fondée à procéder au recouvrement de la rente sur la base du taux d'incapacité définitivement arrêté par le tribunal du contentieux de l'incapacité.

Monsieur [C] [W] soutient être fondé en sa demande d'indemnisation au titre du préjudice résultant de la perte de son emploi. Il sollicite également la réévaluation des indemnités allouées par les premiers juges au titre des frais d'assistance à tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire total, du déficit fonctionnel temporaire partiel et des frais de véhicule adaptés.

Sur la réparation des préjudices,

Il est acquis que l'accident du travail dont a été victime Monsieur [W] est imputable à la faute inexcusable de son employeur.

En application de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Conformément à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, qui consacre le principe d'une réparation forfaitaire pour les accidents du travail et maladies professionnelles ordinaires ou en cas de faute inexcusable de l'employeur et la faculté pour la victime de demander réparation à l'employeur des dommages non couverts, il convient de distinguer les indemnisations sollicitées par la victime selon que ses préjudices sont ou non indemnisés au titre du livre IV du code de la sécurité sociale.

Sur l'assistance à tierce personne,

Le préjudice résultant de la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne avant consolidation n'est pas couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale. Il est indemnisable lorsqu'il trouve son origine dans la faute inexcusable de l'employeur.

L'expert a reconnu le principe de la nécessité d'une telle assistance sans en fixer la durée.

Monsieur [W] soutient qu'il a dû bénéficier de cette aide pendant les 3 années qui ont suivi cet accident et sollicite l'indemnisation de 1131 jours à hauteur de 20 euros. Il précise que c'est sa femme qui a assumé cette assistance.

Monsieur [W] invoque le fait qu'il a subi quatre interventions chirurgicales et considère que les premiers juges ont confondu l'interdiction d'appui prescrites par les médecins qui l'ont suivi et ses besoins réels pour assurer les actes de la vie courante et les soins d'hygiène.

Toutefois, Monsieur [W] ne produit aucune pièce permettant d'étayer la circonstance qu'il a dû bénéficier pendant 1131 jours de l'assistance d'une tierce personne. De plus, aucune des pièces médicales produites ne prescrivent ou ne mentionnent l'assistance d'une tierce personne à l'exception du rapport du docteur [N] qui n'en fixe pas la durée.

Par ailleurs, Monsieur [W] ne produit aucune pièce permettant de retenir un taux horaire de 20 euros.

Ainsi, c'est par des motifs propres que la cour adopte que les premiers juges lui ont accordé la somme de 4560 euros de ce chef. Le jugement sera confirmé.

Sur le déficit fonctionnel temporaire,

Ce poste de préjudice est destiné à réparer la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique.

En l'espèce, l'expert a retenu un déficit temporaire total de 35 jours et un déficit temporaire partiel de 6 mois à un taux de 30'%. Contrairement à ce que soutient Monsieur [W], dans le cadre de son rapport, l'expert distingue l'incapacité de travail (jusqu'au 31/12/2013) et l'incapacité totale puis partielle de poursuivre ses activités personnelles (respectivement 35 jours et 6 mois). Cette dernière incapacité correspond bien au déficit fonctionnel temporaire.

Il convient d'appliquer un taux journalier de 24 euros comme l'ont retenu les premiers juges.

Ainsi, il convient d'allouer à Monsieur [W] la somme de 840 euros + 1296 euros, soit 2136 euros et, par infirmation, de rectifier l'erreur matérielle de calcul du jugement déféré ayant alloué 4507,20 euros au titre du déficit temporaire partiel.

Sur les frais de véhicule adapté,

L'expert retient la nécessité d'aménager son véhicule.

En appel, Monsieur [C] [W] produit un devis concernant l'aménagement de son véhicule ZAFIRA pour un montant total de 2475 euros.

La Caisse et l'employeur ne concluent pas sur ce point.

La demande de Monsieur [W] apparaît désormais justifiée dans son principe et dans son montant. Dès lors, le jugement sera infirmé de ce chef et il sera alloué à Monsieur [W] la somme de 2475,10 euros.

Sur la perte d'emploi,

Il est de principe que la perte d'emploi est réparée par l'allocation de la rente majorée allouée au regard de la faute inexcusable commise par l'employeur.

De plus, il est de principe que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, Monsieur [W] n'est pas fondé en sa demande de ce chef. Le jugement sera confirmé.

Sur l'opposabilité du taux d'incapacité permanente réévalué par le tribunal du contentieux de l'incapacité à la société SOTERLY,

L'employeur sollicite que la majoration de la rente dans le cadre du recouvrement par la caisse soit limitée au taux d'incapacité permanente initialement attribué à Monsieur [W] soit 20%, sans tenir compte de l'évaluation au taux de 36% retenu suite au recours par l'assuré devant la juridiction du contentieux de l'incapacité.

La caisse invoque les dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale indiquant que l'employeur a l'obligation de rembourser les sommes avancées par la caisse. L'inopposabilité totale ou partielle n'a cours selon elle qu'au titre du contentieux de la tarification. Elle soutient qu'elle est de plein droit subrogée dans les droits du créancier (la victime) et bénéficie donc des mêmes droits qu'elle.

L'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale créé par Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, dite loi de financement de la sécurité sociale, énonce que : quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.

Ce texte concerne l'incidence sur l'action en remboursement des caisses primaires d'assurance maladie en cas de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable d'un non respect par celles-ci de la procédure d'instruction des demandes de prise en charge au titre de la législation professionnelle des accidents et maladies. Il a été pris en vue de mettre fin à une jurisprudence qui estimait que ce non-respect privait les caisses de tout recours à l'encontre de l'employeur.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, aucun débat n'ayant cours sur la nature de l'accident et sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par ailleurs, l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale prévoit en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur que 'la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre', soit le livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accident de travail et maladie professionnelles, indemnités qui incombent à la caisse.

Le dernier alinéa de ce texte précise que : 'La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.'

La Caisse dispose donc en vertu de ce texte d'un recours personnel en remboursement à l'encontre de l'employeur, soit d'un recours récursoire et non subrogatoire, à la différence de celui qu'elle tire de l'article L452-3.

Dans ces conditions, l'employeur est en droit d'opposer tous les moyens de défense tirés de ses relations avec la caisse et ainsi de lui opposer le caractère définitif à son égard du taux d'IPP qu'elle lui avait initialement notifié et l'inopposabilité du taux d'IPP ultérieurement fixé par le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le cadre du recours initié par le salarié.

Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 2013 et sont donc applicables à l'accident de Monsieur [W].

En l'espèce, Monsieur [W] a formé un recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité pour contester le taux d'incapacité de 20% que la caisse lui a attribué, sans que l'employeur ne soit présent à cette instance. Ce tribunal a fixé le taux à 36% par un jugement du 10 juillet 2013.

L'employeur est donc fondé à soutenir que la majoration de la rente dans le cadre du recouvrement par la caisse soit limitée au taux d'incapacité permanente initialement attribué à Monsieur [W] soit 20%, sans tenir compte de l'évaluation au taux de 36% retenu suite au recours par l'assuré devant la juridiction du contentieux de l'incapacité. Il en aurait été autrement si l'employeur avait été mis en cause dans le cadre de ce recours.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile EN allouant à Monsieur [W] une nouvelle somme de 500 euros à la charge de la société SOTERLY.

Par ailleurs, il convient de débouter sur le même fondement la demande formée par la société SOTERLY à l'encontre de la Caisse primaire d'assurance maladie.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

Fixé comme suit l'indemnisation de Monsieur [C] [W] :

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 5.407,20 euros

- aménagement véhicule : 1.500 euros

Donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de ce qu'elle a d'ores et déjà procédé au recouvrement de la somme de 70.084,12 euros auprès de la société SOTERLY ;

Déclaré que la société SOTERLY est redevable de la somme de 89.477,62 euros correspondant à la majoration de rente due au titre de la faute excusable selon le taux de IPP définitivement attribué à l'assuré ;

Déclare que la société SOTERLY est en conséquence redevable à l'égard de la caisse primaire de la somme de 19.393,50 euros ;

STATUANT à nouveau,

FIXE comme suit l'indemnisation de Monsieur [C] [W] :

-déficit fonctionnel temporaire partiel : 1.296 euros,

-aménagement véhicule : 2.475,10 euros,

DIT que seul le taux d'incapacité de 20% est opposable à la Société SOTERLY dans ses rapports avec la CPAM ;

DIT en conséquence que la CPAM ne pourra obtenir le remboursement des sommes par elles avancées à Monsieur [C] [W] au titre de la majoration de rente que sur la base du taux de 20% initialement retenu';

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société SOTERLY à verser à Monsieur [C] [W] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la société SOTERLY de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 17/07383
Date de la décision : 18/12/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°17/07383 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-18;17.07383 ?
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