La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2018 | FRANCE | N°17/04247

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 13 décembre 2018, 17/04247


N° RG 17/04247









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 29 mai 2017



RG : 2016j01095







Société IMAXIO



C/



SAS INDICIA PRODUCTION





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 13 Décembre 2018







APPELANTE :



Société Anonyme IMAXIO, prise en la personne de ses représentants légau

x domiciliés [...]



Représentée par Me Gaël X... de la SCP BAUFUME ET X..., avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Cédric Y..., avocat au barreau de LYON, substitué par Me Charline Z..., avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS INDIC...

N° RG 17/04247

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 29 mai 2017

RG : 2016j01095

Société IMAXIO

C/

SAS INDICIA PRODUCTION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 13 Décembre 2018

APPELANTE :

Société Anonyme IMAXIO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Gaël X... de la SCP BAUFUME ET X..., avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Cédric Y..., avocat au barreau de LYON, substitué par Me Charline Z..., avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS INDICIA PRODUCTION

[...]

Représentée par Me Romain A... de la SELARL A... & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Patrick B..., avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Isabelle C..., avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 11 Juin 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Novembre 2018

Date de mise à disposition : 13 Décembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne-Marie ESPARBÈS, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Imaxio est une société spécialisée dans la recherche et le développement en biotechnologie qui développe et commercialise des médicaments.

La SAS Indicia production (société Indicia) est spécialisée dans la fabrication de produits chimiques, de dispositifs médicaux, d'excipients pharmaceutiques et de médicaments qu'elle fabrique pour le compte de titulaires d'autorisation de mise sur le marché (AMM).

Le 1er juin 2011, les parties ont conclu un contrat d'une durée de deux ans par lequel la société Indicia s'est engagée à produire et à fournir à la société Imaxio un principe actif nécessaire pour la fabrication du vaccin Spirolept.

Le 17 septembre 2012, la société Indicia a annoncé à la société Imaxio son intention de ne pas renouveler le contrat au-delà du terme convenu soit le 1er juin 2013 ce qui impliquait un arrêt de la production postérieurement au 31 janvier 2013.

Un accord est intervenu entre les parties pour la fabrication de trois lots de principes actifs même si cela induisait un dépassement de la date de fin du contrat et, sous certaines conditions, de la fabrication d'un quatrième lot qui entraînerait une production postérieure au 1er juin 2013.

Suite à une modification de l'article R.'5138-1 du code de la santé publique par ordonnance du 31 décembre 2012, les activités de fabrication, importation et distribution y compris en vue de l'exportation de substances actives ne peuvent être exercées que dans un établissement autorisé par l'agence nationale de la santé (ANSM) et les activités de fabrication, d'importation et distribution y compris en vue de l'exportation d'excipients doivent être déclarées à l'ANSM.

Le 30 août 2013, la société Indicia a déposé une déclaration de fabrication d'excipients.

L'ANSM a procédé à une enquête qui s'est déroulée du 1er au 3 octobre 2013.

Le 20 décembre 2013, la société Indicia a déposé une demande d'autorisation de fabrication de substances actives.

Le 31 janvier 2014, l'ANSM a indiqué à la société Indicia que son établissement n'était pas autorisé pour la fabrication des substances actives dans l'attente de sa mise en conformité concernant la fabrication de la substance active.

Par lettre du 19 mai 2014, l'ANSM a confirmé à la société Imaxio que l'absence d'autorisation ne permettait pas la libération du lot 13113.

Un litige est né entre les parties sur le paiement des factures émises et réclamées par la société Indicia et sur le préjudice invoqué par la société Imaxio et sa prétention indemnitaire.

La société Imaxio a saisi le juge des référés en vue d'organiser une expertise visant à évaluer la responsabilité de la société Indicia et à déterminer son préjudice.

Par ordonnance du 1er avril 2015, le juge des référés a fait droit à la demande et a désigné M. D... en qualité d'expert. Ce dernier a confié à M. E..., en tant que sapiteur, la mission de chiffrage du préjudice subi par la société Imaxio.

L'expert a déposé son rapport le 20 avril 2016.

Par acte d'huissier du 28 juin 2016, la société Imaxio a assigné la société Indicia devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir indemnisation de son préjudice et remboursement d'un double paiement.

La société Indicia s'est opposée à la demande en soutenant que la société Imaxio est responsable de son préjudice. A titre subsidiaire, elle a plaidé un partage de responsabilité. Reconventionnellement, elle a sollicité paiement des factures impayées auquel la société Imaxio s'est opposée.

Par jugement du 29 mai 2017, le tribunal de commerce a':

condamné la société Indicia à payer à la société Imaxio la somme de 120'182'€ au titre des préjudices matériels et immatériels de la société Imaxio,

débouté la société Imaxio du surplus de sa demande de réparation des préjudices matériels et immatériels,

condamné la société Indicia à payer à la société Imaxio la somme de 25'449,15'€ TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du paiement du 25 février 2014,

condamné la société Imaxio à payer à la société Indicia les sommes de':

130'673,23'€ TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 22 août 2014,

23'319,68'€ TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 22 août 2014,

débouté la société Indicia production de sa demande fondée sur la résistance abusive,

condamné la société Indicia à payer à la société Imaxio la somme de 9'408,53'€ au titre de sa participation aux frais d'expertise,

dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties,

rejeté la demande d'exécution provisoire.

Par déclaration reçue le 8 juin 2017, la société Imaxio a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 22 décembre 2017, au visa des articles 1134, 1184 et 1382 du code civil dans leur version applicable, les dispositions du code de la santé publique notamment les articles L.'5138-1 et L.'5138-3, la société Imaxio demande à la cour de :

déclarer recevables et bien fondées ses demandes, fins, moyens et conclusions,

confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Indicia à lui rembourser des sommes indues au titre d'un double règlement pour 25'449,15'€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 février 2014,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il':

l'a déboutée du surplus de sa demande de réparation des préjudices matériels et immatériels,

l'a condamnée à payer à la société Indicia la somme de 130'673,23'€ TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 22 août 2014,

l'a condamnée à payer à la société Indicia la somme de 23'319,68'€ TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 22 août 2014

l'a déboutée de sa demande fondée sur la résistance abusive,

a condamné la société Indicia à lui payer la somme de 9'408,53'€ au titre de sa participation aux frais d'expertise,

en conséquence, à titre principal,

constater la violation de ses obligations contractuelles et réglementaires de sécurité et de résultat par la société Indicia à son préjudice,

constater qu'il n'est pas démontré de faute ou de manquement imputable à son égard qui serait de nature à exonérer partiellement la société Indicia de sa responsabilité contractuelle,

juger que la société Indicia est seule responsable du préjudice qu'elle a subi,

condamner la société Indicia à lui payer la somme de 240'365,65'€ au titre de la réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 février 2014,

subsidiairement,

juger qu'il n'y a pas lieu à un partage de responsabilité pour son préjudice dans le cadre des investissements réalisés antérieurement au 30 août 2013 rendus inutiles suite aux manquements d'Indicia,

condamner la société Indicia à lui payer la somme de 172'969,30'€ au titre de la réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 février 2014,

en tout état de cause,

condamner la société Indicia à lui payer les sommes de':

10'000'€ du fait de sa résistance abusive,

18'817,06'€ au titre des frais d'expertise,

condamner la société Indicia aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser 15'000'€ au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions du 12 février 2018, fondées sur les articles 1134 et suivants du code civil, la société Indicia demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Imaxio à lui verser la somme de 130'673,23'€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 22 août 2014 et celle de 23'319,68'€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 22 août 2014,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé les préjudices de la société Imaxio comme suit :

240.365,65 € HT au titre des préjudices matériels et immatériels,

25.449,15 € TTC au titre du remboursement d'un double règlement fait par Imaxio,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Imaxio de sa demande fondée sur la résistance abusive,

l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

juger que le comportement fautif de la société Imaxio constitue la cause primaire des préjudices dont elle sollicite la réparation,

juger que le comportement fautif de la société Imaxio constitue en l'espèce une cause d'exonération partielle de sa responsabilité,

en conséquence, imputer à la société Imaxio une part prépondérante de responsabilité qui ne saurait être inférieure à 80 %,

fixer les préjudices de la société Imaxio comme suit :

240'365,65'€ HT au titre des préjudices matériels et immatériels,

25'449,15'€ TTC au titre du remboursement d'un double règlement fait par Imaxio,

débouter la société Imaxio de tous autres préjudices allégués au titre des dépens, frais d'expertise ou dommages-intérêts pour résistance abusive,

en tout état de cause,

juger que les sommes auxquelles les sociétés Indicia et Imaxio seront condamnées devront se compenser, conformément aux articles 1347 et suivants du code civil,

condamner la société Imaxio à lui verser une somme de 15'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de son avocat, Me A....

MOTIFS

Sur la demande de la société Imaxio en remboursement de la somme de 25'449,15'€ TTC

La société Indicia ne conteste pas avoir reçu cette somme deux fois, en paiement d'une facture et ne conteste pas la demande.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, ce qui est demandé par les deux parties, en ce qu'il est entré en voie de condamnation avec les intérêts moratoires sollicités.

Sur la demande indemnitaire de la société Imaxio

Au soutien de son appel, la société Imaxio conteste le partage de responsabilité par moitié entre les parties décidé par le tribunal de commerce ; elle sollicite la réparation intégrale de son préjudice tel qu'évalué par l'expert à 240'365,65'€ au motif que la société Indicia a manqué à son obligation de respecter les bonnes pratiques de fabrication pour la production des principes actifs malgré une hausse tarifaire très importante ainsi qu'à son obligation de demander l'autorisation de fabrication nécessaire à compter du 1er juin 2013, ce qu'elle n'a fait que tardivement et sous l'impulsion de l'ANSM ; que ces obligations étant de résultat, elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en prouvant un cas de force majeure ; que dès lors le tribunal de commerce ne pouvait retenir qu'elle avait connaissance de l'absence de déclaration, ce qu'au surplus elle conteste, pour procéder au partage de responsabilité revendiqué par l'intimée sur un fondement propre à la responsabilité délictuelle et inopérant à la matière contractuelle.

La société Indicia ne conteste ni avoir commis une faute en poursuivant la fabrication du principe actif sans détenir l'autorisation nécessaire ni le préjudice invoqué par la société Imaxio mais elle prétend que celle-ci a participé à la réalisation de son dommage car elle a demandé la poursuite de la fabrication en connaissance de l'absence d'autorisation'; elle estime que cette faute est la cause première du dommage et justifie que la société Imaxio supporte 80'% de son préjudice.

Le contrat liant les parties en date du 1er juin 2011 précise que la société Indicia a effectué une déclaration à l'Assaps d'activité de fabrication de matières premières à usage pharmaceutique respectant des bonnes pratiques de fabrication pour la fabrication de lots de principe actif de la spécialité Spirolept, statut indispensable pour lui permettre de réaliser les prestations et stipule que la société Indicia ':

- s'engage à respecter la législation et la réglementation applicable et qu'en cas d'évolution de celle-ci, les deux parties s'engagent à s'en informer mutuellement et que la prise en charge des surcoûts engendrés par cette évolution au niveau du procédé de fabrication serait discutée entre les parties (article 5.1),

- effectue la libération technique et garantit la conformité des produits finis aux spécifications du cahier des charges et la réalisation de la prestation conforme au cahier des charges et aux stipulations contenues dans le contrat ; qu'elle devra indemniser la société Imaxio de toute réclamation en rapport avec la réalisation de la prestation résultant de sa négligence ou de ses actes volontaires ou de tout manquement à ses obligations au contrat ou au cahier des charges (article 9.1),

- la société Indicia déclare et garantit qu'elle sera en possession "des autorisations de toutes les autorisations" nécessaires à la réalisation de la prestation sur le site (article 9.2).

C'est à bon droit que la société Imaxio soutient que ces obligations sont des obligations de résultat dont l'inexécution engage la responsabilité de la société Indicia qui ne peut sans exonérer qu'en rapportant la preuve d'un cas de force majeure.

La société Indicia a obtenu le certificat de conformité aux bonnes pratiques de fabrication des substances actives le 18 décembre 2011 valable jusqu'au 14 septembre 2014.

Après notification, par la société Indicia, le 17 septembre 2013, de sa décision de ne pas renouveler le contrat après son terme du 1er juin 2013, dans le respect du préavis prévu par le contrat, la modification de l'article R.'5138-1 du code de la santé publique par l'ordonnance du 19 décembre 2012, l'obligeait à déclarer son activité de fabrication d'excipients et à demander l'autorisation de fabriquer le principe actif nécessaire au vaccin Spirolept.

L'article 23 de cette ordonnance précise que ces dispositions entrent en vigueur le 1er avril 2013 et que les personnes exerçant régulièrement ces activités à la date de publication de l'ordonnance peuvent les poursuivre jusqu'à l'intervention de la décision de l'ANSM sur leur demande d'autorisation.

La décision fixant la forme et le contenu des demandes d'autorisation et de déclaration précitées date du 21 mars 2013 et a été publiée le 16 avril suivant.

Ainsi que le relève l'expert, c'est à compter de cette date que la société Indicia avait l'obligation de déposer la demande d'autorisation pour l'activité de fabrication de substances actives et la déclaration de fabrication des excipients ; contrairement à ce qu'elle affirme, elle ne disposait pas d'un délai de deux mois, ce qu'elle ne justifie nullement, aucun délai n'étant prévu même pour les entreprises exerçant régulièrement les activités avant cette date.

En conséquence, dès lors qu'au jour de la modification de la réglementation, elle avait accepté de produire des lots postérieurement au 16 avril 2013, elle avait l'obligation d'obtenir l'autorisation nécessaire comme elle s'y était engagée contractuellement.

Or, il est constant qu'elle n'a déposé qu'une déclaration de fabrication d'excipients le 30 août 2013 et elle ne donne aucune explication pertinente sur l'absence de dépôt en même temps d'une demande d'autorisation de fabrication de substances actives. En effet, elle fait valoir qu'elle n'avait pas vocation à produire le principe actif après le 1er juin 2013 alors qu'elle avait accepté, avant la modification de la législation, de produire les derniers lots après le 1er juin 2013.

Suite à la déclaration de fabrication d'excipient, l'ANSM a procédé à une enquête du 1er au 3 octobre 2013 et a délivré à la société Indicia un avertissement le 3 décembre 2013 en notant deux remarques et 38 écarts, dont certains majeurs auxquels il devait être remédié et dont l'écart E1 est relatif à l'activité de fabrication d'une substance active dont la demande d'autorisation de fabrication n'était pas incluse dans le tété-enregistrement du 30 août 2013.

Ainsi que le fait valoir la société Indicia, cet écart n'a pas été qualifié de majeur et le rapport final résumé de l'ANSM du 14 janvier 2014 le note parmi ceux qui ont fait l'objet d'une action corrective satisfaisante.

De fait, la demande d'autorisation a été déposée le 20 décembre 2013 (avant le rapport final) comme le vise la lettre de l'ANSM du 31 janvier 2014 qui, cependant, répondant à cette demande, indique que l'établissement n'est pas autorisé pour la fabrication des substances actives dans l'attente de sa mise en conformité concernant la fabrication de la substance active suite à l'inspection qui s'est déroulée du 1er au 3 octobre 2013.

Il résulte en effet de l'avertissement du 3 décembre 2013 et du rapport final du 14 janvier 2014, que concernant l'activité liée à la fabrication de la substance active, des écarts dont deux majeurs relevés lors de l'inspection n'avaient pas été corrigés lors du rapport final qui mentionne :

- pour l'activité liée à la fabrication de la substance active,

* l'écart E31 (majeur) a été maintenu car le mode opératoire du test de stérilité n'est pas en adéquation avec celui décrit dans le dossier d'AMM,

* l'écart E38 (majeur) a été maintenu car la réalisation des travaux pour lesquels des engagements avaient été pris à l'issue de l'inspection de septembre 2011 ne permet pas de répondre de manière satisfaisante aux exigences pour ce stade de fabrication dans des conditions aseptiques,

* pour les autres écarts E4, E20, E27 et E32, il était attendu la transmission des rapports ou études qui sont précisés,

* le plan d'actions correctives communiqué par la société Indicia suite au rapport préliminaire sera revu lors de la prochaine inspection ; dans le cas où les activités seraient conformes avec la partie II du guide européen des bonnes pratiques de fabrication des médicaments à usage humain et vétérinaire, un certificat de conformité aux bonnes pratiques de fabrication pour la substance active pourrait être établi à cette occasion,

- pour l'activité liée à la fabrication d'excipients, la société Indica est en mesure de les fabriquer au regard du champ de l'inspection en conformité avec la partie II du guide européen des bonnes pratiques de fabrication des médicaments à usage humain et vétérinaire.

Par lettre du 19 mai 2014, ayant pour objet "demande de confirmation de refus du lot Spirolept 13/10", l'ANSM, répondant à un courrier du 28 avril précédent, a confirmé à la société Imaxio que l'absence d'autorisation des activités de fabrication qui impactent les substances actives de ce lot ne lui permettaient pas d'assurer sa libération ; elle a rappelé, qu'au cours des échanges sur ce sujet, elle n'avait jamais reçu de demande officielle de libération du lot en question et que les informations transmises le 31 janvier 2014 par la direction de l'inspection lui semblaient justifier à elles seules l'impossibilité de libérer le lot.

Il résulte de ces éléments, que si, comme le soutient la société Indicia, le retard apporté à la demande d'autorisation en application de la modification de la réglementation n'est pas la cause du refus d'autorisation, c'est l'absence de conformité de l'établissement constatée lors de l'enquête au début du mois d'octobre 2013 et d'actions correctives par la suite qui n'a pas permis d'autoriser l'exercice de l'activité de fabrication de la substance active ce qui a conduit au refus d'autoriser la libération du lot "'Spirolept 13/10", comme le soutient avec justesse la société Imaxio et l'a relevé l'expert.

La société Indicia qui a déclaré et garanti qu'elle aurait toutes les autorisations nécessaires à la réalisation de la prestation a manqué à cette obligation de résultat d'obtenir les autorisations nécessaires pour la fabrication de la substance active.

Si le fait d'un tiers y compris du créancier peut exonérer le débiteur d'une obligation de résultat totalement ou partiellement de sa responsabilité c'est à la condition que cette cause remplisse les conditions de la force majeure. Tel n'est pas le cas de la prétendue connaissance de la société Imaxio de l'absence d'autorisation invoquée par la société Indicia, cette prétendue connaissance n'empêchant pas la société Indicia de remplir ses obligations dont elle était la seule débitrice.

De plus, il résulte du mail du 2 septembre 2013 de M. F... pharmacien responsable de la société Imaxio, produit par la société Indicia au soutien de son allégation, que la société Imaxio était informée, à cette date, de la prochaine inspection à laquelle elle a proposé de participer et qu'elle a rassuré la société Indicia sur une annonce d'arrêt immédiat de la production en expliquant que cette décision ne pouvait être prise par téléphone et nécessitait une décision après inspection pour en conclure qu'il n'y avait pas lieu d'arrêter la production.

Ces éléments démontrent certes, que la société Imaxio ne s'est pas désintéressée des conditions de fabrication du principe actif mais non qu'elle savait que la société Indicia n'avait déposé qu'une déclaration de fabrication d'excipients et que l'établissement ne respectait plus les bonnes pratiques de fabrication des médicaments à usage humain et vétérinaire malgré le certificat qu'elle avait obtenu le 18 décembre 2011.

Par ailleurs, c'est en vain que la société Indicia fait valoir que le pharmacien responsable a pour obligation légale de surveiller les opérations pharmaceutiques de l'entreprise ce qui n'implique pas un contrôle continu du respect par la société Indicia, responsable de la libération technique du lot, de l'ensemble de ses obligations telles que définies par le contrat, le cahier des charges (qui répartit les obligations de chaque partie et met à la charge de la société Imaxio la libération pharmaceutique du lot)) et la réglementation.

La société Indicia doit donc répondre de l'entier préjudice causé par ses manquements à la société Imaxio comme elle s'y est engagée contractuellement.

La demande de la société Imaxio d'un montant de 240'365,65'€ se décompose comme suit:

- coût de fabrication du lot de vaccin 13110 (lot de principe actif 8352) : 179'830,40'€,

- coût de fabrication des lots postérieurs qui n'ont pas été menés à leur terme':'34'045,35'€,

- coûts de personnel : 3'000'€,

- marge brute perdue : 23'490,31'€.

Contrairement à ce que soutient la société Indicia, la cause principale de ce préjudice n'est pas le fait pour la société Imaxio d'avoir commandé la fabrication d'un produit alors qu'elle ne pouvait réglementairement le réaliser.

En effet, d'une part, comme déjà exposé, il n'est pas démontré que la société Imaxio connaissait avant la notification de la décision de refus d'autorisation les manquements de sa contractante ayant conduit à ce refus.

D'autre part, les factures concernant le premier lot ont été émises entre le 18 juin 2013 et le 6 janvier 2014 et les factures concernant les lots suivants le 4 juin et le 26 novembre 2013 soit à des dates antérieures au refus d'autorisation.

Enfin, selon l'ordonnance du 19 décembre 2012, les personnes exerçant régulièrement les activités concernées par l'évolution de la réglementation, à la date de publication de l'ordonnance, pouvaient les poursuivre jusqu'à l'intervention de la décision de l'ANSM sur leur demande d'autorisation ce qui permettait à la société Imaxio de poursuivre les commandes que la société Indicia, malgré les non-conformités relevées, lors de l'inspection, n'a pas refusées sans pour autant mettre en 'uvre les actions correctives nécessaires pour obtenir l'autorisation.

En conséquence, l'entier préjudice invoqué par la société Imaxio résulte des manquements de la société Indicia qui doit le réparer.

La demande de la société Imaxio est donc accueillie. Les intérêts sont dus au taux légal à compter de la décision qui les prononce soit à compter du prononcé du jugement déféré sur la moitié et à compter du prononcé du présent arrêt sur l'autre moitié.

Sur la demande de paiement de factures de la société Indicia

Au soutien de son appel, la société Imaxio reproche aux premiers juges de l'avoir condamnée au paiement des factures réclamées par la société Indicia tout en retenant un partage de responsabilité par moitié alors que l'expert avait précisé que son évaluation du préjudice ne tenait pas compte des factures relatives aux lots faisant partie du litige d'un montant de 110'339,05'€ HT ; qu'elle n'avait pas payé ces factures et qu'elle n'avait pas à les payer si le tribunal affectait 100 % de la responsabilité à la société Indicia ; qu'une répartition au prorata de la part de responsabilité de chaque partie devrait être faite si le tribunal décidait une répartition des responsabilités.

La société Indicia sollicite le paiement de factures non réglées en rapport avec les produits litigieux d'un montant de 130'399,05'€ TTC et sans rapport avec le litige d'un montant de 23'319,68'€ TTC.

La société Indicia étant responsable du préjudice de la société Imaxio, pour les motifs précédemment exposées pour les factures payées, elle aurait dû rembourser les factures en rapport avec les lots litigieux si elles avaient été payées. Elle ne peut donc en obtenir paiement et est déboutée du chef de cette demande.

S'agissant des factures sans rapport avec le litige, la société Imaxio s'oppose à leur paiement en prétendant qu'elles ont un lien avec les lots litigieux.

Ces factures ont été examinées par le sapiteur, qui certes, a commis une erreur dans leur identification dans ses conclusions mais non lors de leur examen (page 8 de son rapport) et il conclut qu'elles n'ont rien à voir avec le litige.

Aucune preuve contraire n'est rapportée par la société Imaxio qui est donc condamnée au paiement de ces factures avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 août 2014.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Imaxio pour résistance abusive de la société Indicia

Le droit de résister à une action en justice ne peut donner lieu à dommages-intérêts que si elle a dégénéré en abus ce qui n'est pas caractérisé en l'espèce.

Sur la demande de compensation de la société Indicia

L'absence de liquidation des intérêts moratoires produits par les créances s'opposent à une compensation prononcée par la cour ce jour.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'action et l'appel de la société Imaxio étant justifiés pour l'essentiel, les frais d'expertise et les dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge de la société Indicia à hauteur des 3/4, le reste étant supporté par la société Imaxio. La société Indicia doit également verser à la société Imaxio une indemnité pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce :

qu'il a condamné la SAS Indicia production à verser à la SA Imaxio la somme de 25'449,15 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2014,

qu'il a condamné la SA Imaxio à payer à la SAS Indicia production la somme de 23'319,68'€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2014,

qu'il a débouté la SA Imaxio de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SAS Indicia production à verser à la SA Imaxio la somme de 240'365,65'€ avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2017 sur la moitié de la somme et à compter du prononcé du présent arrêt sur l'autre moitié,

Déboute la SAS Indicia production de sa demande en paiement de la somme de 130'399,05'€ TTC outre intérêts au taux légal à compter du 22 août 2014,

Rejette la demande de compensation des créances présentée par la société Indicia production,

Condamne la SAS Indicia production à verser à la SA Imaxio une indemnité de 6'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Indicia production à supporter le coût de l'expertise ordonnée en référé et les dépens de première instance et d'appel à concurrence des 3/4, le surplus étant à la charge de la SA Imaxio.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 17/04247
Date de la décision : 13/12/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 3A, arrêt n°17/04247 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-13;17.04247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award