La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2018 | FRANCE | N°17/05879

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 04 décembre 2018, 17/05879


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : N° RG 17/05879 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LGD5





X...



C/

Société SNF FLOERGER

Société COMPAGNIE ZURICH INSURANCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-ETIENNE

du 28 Juillet 2017

RG : 20160052











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 0

4 DECEMBRE 2018

















APPELANT :



Cyril X...

né le [...] à SAINT ETIENNE (42022)

[...]



comparant en personne, assisté de Me Y..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Nawal Z..., avocat au barreau de PARIS





...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : N° RG 17/05879 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LGD5

X...

C/

Société SNF FLOERGER

Société COMPAGNIE ZURICH INSURANCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-ETIENNE

du 28 Juillet 2017

RG : 20160052

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2018

APPELANT :

Cyril X...

né le [...] à SAINT ETIENNE (42022)

[...]

comparant en personne, assisté de Me Y..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Nawal Z..., avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Société SNF FLOERGER

[...]

représentée par Me Stéphane A... de la SELARL CDF, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Société COMPAGNIE ZURICH INSURANCE

[...]

représentée par Me Jean-Marie B... de la SELARL JURISQUES, avocat au barreau de LYON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE

[...]

Représentée par Madame Isabelle N..., munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Octobre 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth O..., Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Thomas CASSUTO, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Décembre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth O..., Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 23 novembre 2009, Monsieur Cyril X... a été victime d'un accident alors qu'il se trouvait sur son lieu de travail, l'entreprise SNF FLOERGER située à ANDREZIEUX-BOUTHEON.

A cette date, Monsieur X..., en sa qualité de polymériseur, a été affecté à une tâche de fabrication de produit liquide et précisément, à la préparation d'un mélange en vue de fabriquer un produit dénommé 1030M, nécessitant du persulfate d'ammonium.

Il a, pour ce faire, et sur instruction de son superviseur, Monsieur C..., utilisé le contenu d'un fut bleu situé sur une palette sur laquelle se trouvait apposée une pancarte mentionnant "persulfate d'ammonium".

Alors qu'il déversait le contenu du fût dans la cuve de mélange, une explosion s'est produite et a propulsé Monsieur X... en arrière.

Consécutivement à cette explosion, Monsieur X... a été admis à l'hôpital Saint-Joseph Saint-Luc dans lequel il a été constaté les lésions suivantes':

«'- Brûlure chimique sur 10'% de la surface corporelle. Les lésions concernent':

- Des brûlures superficielles du visage, essentiellement le front,

- Au niveau du membre supérieur gauche,

- brûlure de l'avant-bras,

- la main gauche, (brûlure circulaire)

- brûlure au niveau du poignet droit,

Le patient présente aussi des lésions tronculaires du plexus brachial droit (CS-C6-C7) et une fracture de la styloïde droite pour laquelle il a eu un traitement orthopédique par résine ».

Une procédure pénale a été initiée par le parquet de SAINT-ETIENNE à l'issue de laquelle, la SNF FLOERGER a été citée par-devant le Tribunal Correctionnel de SAINT-ETIENNE pour avoir notamment :

" à ANDREVEUX BOUTHEON, le 23 novembre 2009, par une violation manifestement délibérée à une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce, n'avoir pas pris de mesures adaptées et efficaces telles

- la sensibilisation suffisante du personnel si bien que dès lors qu'un audit en date du 3.10.2009 des personnes concernées par cet accident (Messieurs D..., E... et F...) ne soulignaient par le risque d'explosion et d'incendie dans les scénarios d'accident majeur aux liquides;

2 - La réduction des risques à la source en adoptant une démarche seulement empirique face au risque connu "de réaction violent de type déflagrante" en cas de mélange de persulfate d'ammonium et d'hypophosphite de sodium;

3 - Le remplacement de ce qui est dangereux par ce qui ne l'est pas ou moins telle l'utilisation de l'hypophosphite liquide plutôt que pulvérente ;

Afin d'empêcher conformément aux prescriptions des fiches de données de sécurité établies en 2003,2005 et 2006 par les fournisseurs en application de l'article 84411-73 du Code du travail et l'institut national de recherche et de sécurité (INRS) tout mélange, y compris accidentel, de persulfate d'ammonium, comburant puissant au fort pouvoir oxydant et d'hypophosphite de sodium, réducteur connu pour son incompatibilité avec les oxydants puissants et les matières comburantes, ainsi que des évènements précédemment survenus dans l'entreprise l'avaient confirmé, involontairement causé une incapacité de travail supérieure â trois mois de Monsieur X... (120 jours).

Par jugement du 16 octobre 2012, le Tribunal Correctionnel de SAINT-ETIENNE a':

Sur l'action publique :

Relaxé la SAS SNF FLOERGER des fins de la poursuite ;

Relaxé René G... des fins de la poursuite ;

Sur l'action civile :

Déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de monsieur X... et de ses proches.

Le Ministère Public a interjeté appel de ce jugement,

Monsieur X... et Madame H..., ont, en leur nom personnel et en leur qualité de représentant légaux de leurs enfants mineurs, interjeté appel des dispositions civiles de ce jugement.

Par arrêt du 16 mai 2014, la Cour d'appel de LYON a :

Confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé des fins de la poursuite la SAS SNF prise en la personne de son représentant légal, M, G... René, et en ce qu'il a débouté les consorts X... de leurs demandes sauf à préciser que leur constitution

Débouté les parties civiles de leur demande visant à ce qu'il soit statué sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale et de leur demande visant l'application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Le 4 décembre 2013, Monsieur X... a saisi la Caisse primaire d'assurance maladie de la LOIRE en vue de la reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur.

Monsieur X... a été déclaré consolidé à la date du 20 juillet 2014 avec attribution d'une incapacité permanente de 65'%. L'employeur s'est désisté de sa contestation du taux portée devant le tribunal du contentieux de l'incapacité.

Dans l'intervalle, une expertise amiable et contradictoire a été organisée aux fins d'évaluer le préjudice corporel de Monsieur X....

Dans ce cadre, le Professeur Daniel I... a été désigné et a déposé son rapport d'expertise en date du 14 octobre 2014.

La société SNF a finalement indiqué à la Caisse ne pas entendre reconnaître sa faute inexcusable dans le cadre de l'accident dont a été victime Monsieur X....

C'est dans ces conditions que Monsieur X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir :

Reconnaître la faute inexcusable commise par son employeur ;

Condamner son employeur à réparer son entier préjudice dans les termes de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale

Et, en l'état,

ordonner des opérations d'expertise médicale,

allouer une indemnité provisionnelle, à valoir sur son préjudice corporel

Par jugement du 28 juillet 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la LOIRE a débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 août 2017.

Selon conclusions régulièrement notifiées, il demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant de nouveau de :

- DIRE ET JUGER que la SNF FLOERGER a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont a été victime Monsieur X... ;

- FIXER la rente à son maximum ;

- CONDAMNER la société SNF FLOERGER à réparer l'entier préjudice subi par Monsieur X... ;

- HOMOLOGUER le rapport d'expertise amiable et contradictoire établi par le Professeur I... ;

- FIXER l'évaluation indemnitaire du préjudice de Monsieur X... à la somme de 347.865 euros

- ALLOUER à Monsieur X... à la somme de 347.865 euros en réparation de son préjudice corporel ;

- DIRE que la CPAM de la LOIRE fera l'avance des fonds, à charge pour elle d'en recouvrer le remboursement auprès de la société SNF FLOERGER ;

- DIRE opposable l'arrêt à venir à la compagnie Zurich Insurance ;

- CONDAMNER la société SNF FLOERGER à payer Monsieur X... la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société SNF FLOERGER aux entiers dépens en ce compris les frais de signification et d'exécution forcée de l'arrêt à venir.

Selon conclusions régulièrement notifiées, la société SNF demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale de Saint-Etienne,

En conséquence :

- débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la faute inexcusable de l'entreprise était prononcée,

- ordonner une expertise judiciaire, ou, si le rapport produit par Monsieur X... est retenu pour l'évaluation des préjudices, ordonner une réouverture des débats,

en tout état de cause, le montant des dommages intérêts sera réduit compte tenu du préjudice subi à :

- assistance par tierce personne 38 100 euros,

- déficit fonctionnel temporaire 13 720 euros

- souffrances physiques et morales : 25 000 euros.

- préjudice esthétique temporaire : 7 000 euros.

- préjudice esthétique définitif : 6 000 euros.

- préjudice d'agrément : 10 000 euros

- le préjudice sexuel : 20 000 euros

- débouter Monsieur X... du surplus de ses demandes.

Selon conclusions régulièrement notifiées, la société ZURICH INSURANCE demande à la cour de':

À titre principal,

- Dire et juger que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident en date du 23 novembre 2009,

- Confirmer la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale de SAINT-ETIENNE,

- Débouter ainsi purement et simplement Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- Déboutant toute partie de toute demande contraire :

- Dire et juger qu'il ne relève pas de la compétence du TASS (ni de la juridiction d'Appel afférente) de juger de l'action en garantie ou de l'action directe contre la compagnie ZURICH en sa qualité d'assureur de la Société SNF FLOERGER, mais uniquement de déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la Compagnie ZURICH,

A titre très subsidiaire :

- Donner acte à la société ZURICH INSURANCE de ce que ses garanties contractuelles opposables à toutes parties prévoient :

Une limite de garantie en matière de faute inexcusable de 5.000.000 euros par sinistre et par année d'assurance ;

Une franchise à la charge de l'assurée à hauteur de 75 000 euros par victime ;

A titre infiniment subsidiaire :

Si par impossible la COUR devait estimer réunis les éléments constitutifs d'une faute inexcusable de la société SNF FLOERGER,

- Ordonner une expertise judiciaire de Monsieur X..., laquelle sera aux frais avancés de la CPAM de la LOIRE,

- Dire et juger, conformément à la jurisprudence de la Cour de la Cassation, que l'expert judiciaire devra apprécier exclusivement les préjudices limitativement énumérés par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale outre les préjudices non compris dans le livre IV de ce même code (la mission d'expertise devant être ordonnée aux frais avancés de la CPAM de la LOIRE).

Selon conclusions régulièrement notifiées, la Caisse primaire d'assurance maladie indique que s'agissant de la fixation du quantum des préjudices, elle n'entend pas formuler d'observations et demande à la Cour de dire et juger qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes (majoration de rente, préjudices et frais d'expertise) dont elle est amenée à faire l'avance, directement auprès de l'employeur, déduction faite de la provision de 30 000 euros.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Monsieur X... soutient que la société SNF a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont il a été victime. A cet égard, il conteste les décisions pénales rendues et considère que l'explosion est intervenue à la suite d'un risque connu d'un mélange de produits chimiques en présence d'eau.

S'agissant des préjudices, il soutient que l'expertise amiable réalisée est contradictoire permettant ainsi de fixer les préjudices et le montant de leur indemnisation.

La société SNF et la compagnie ZURICH INSURANCE soutiennent qu'il ne peut être reproché à la première une faute inexcusable à l'origine de l'accident dès lors que l'explosion dont a été victime Monsieur X... est la conséquence d'une réaction inconnue au moment des faits et imprévisible. Elles soutiennent également que la SNF avait mis en 'uvre des mesures de formation, de prévention des risques et de protection des salariés.

Subsidiairement, la compagnie ZURICH INSURANCE reconnaît le principe de sa garantie à l'égard de la société SNF dans les limites du plafond contractuel.

Subsidiairement, la société SNF et la compagnie ZURICH INSURANCE soutiennent que le rapport d'expertise amiable invoqué par Monsieur X... n'est pas contradictoire et qu'il ne saurait leur être opposé pour fonder les demandes indemnitaires et qu'en conséquence il y a lieu d'ordonner une expertise judiciaire.

En tout état de cause, elle demande le cantonnement des demandes indemnitaires formulées par Monsieur X....

Sur la faute inexcusable,

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires à l'en préserver.

La victime d'un accident de travail peut se prévaloir de cette obligation de sécurité mise à la charge de l'employeur, sans que le manquement revête nécessairement un caractère de gravité exceptionnelle.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il appartient à la victime de rapporter la preuve de la faute inexcusable et en particulier de démontrer que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger le salarié du risque qui s'est réalisé.

La conscience du danger qui caractérise la faute inexcusable ne vise pas une connaissance effective de la situation créée, mais la conscience que l'employeur devait ou aurait dû avoir de ce danger, notamment à partir d'un faisceau d'éléments de fait.

Par ailleurs, en vertu de l'article 4-1 du code de procédure pénale, l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage [...] en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie.

De plus, l'article 470-1 du code de procédure pénale dispose que le tribunal saisi, à l'initiative du ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite.

En l'espèce, il est constant que par arrêt du 16 mai 2014, la 7ème chambre correctionnelle de la cour de céans a renvoyé des fins de la poursuite la société SNF et débouté les parties civiles de leur demande visant à ce qu'il soit statué sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale et de leur demande visant à l'application de l'article 475-1 du même code.

Il résulte de cette décision que':

- la société SNF a pris en compte le risque induit par l'utilisation concomitante d'un agent chimique oxydant et d'un agent chimique réducteur en organisant le stockage, le transport des produits du stockage à l'atelier de fabrication et la gestion du reliquat des produits utilisés dans des conditions de sécurité effective,

- les salariés étaient parfaitement informés de la dangerosité des produits qu'ils manipulaient et des consignes afférentes à leur manipulation, et notamment du mélange de l'hypophosphite de sodium et du persuflate d'ammonium,

- la société SNF a modifié à plusieurs reprises les produits utilisés afin de réduire les risques d'explosion et d'incompatibilité,

- le risque d'explosion du seul mélange de l'hypophosphite de sodium et du persuflate d'ammonium n'était pas connue avant les accidents du 23 novembre 2009 ainsi qu'en atteste au-delà de la littérature scientifique l'inspection du travail, l'iNERIS, l'expert J..., l'inspecteur des installations classées, de sorte qu'il ne peut être demandé à l'entreprise d'organiser des mesures de sécurité supplémentaire alors qu'elle ne connaissait pas ce risque d'explosivité de ces deux produits mis en contact,

- les salariés suivent une formation tous les trois ans portant sur la problématique des produits incompatibles dangereux, y compris le mélange hypophosphite de sodium + persuflate d'ammonium + eau + énergie, sur les pratiques permettant d'éviter un mélange de produits, formation actualisée donnant lieu pour chaque salarié un questionnaire à choix multiple (QCM) lui permettant d'être habilité à son poste de travail,

- tous les salariés entendus dans le cadre de l'enquête pénale ont précisé avoir suivi une formation et connaître la dangerosité extrême des produits qu'ils manipulent,

- la société SNF a mis en place en outre au niveau interne des procédés de contrôler d'audit sur ses obligations en matière de sécurité en plus de procédure liée au caractère SEVESO de l'entreprise.

La cour en a déduit que «'les salariés étaient parfaitement sensibilisés aux risques inhérents à leur poste de travail, régulièrement formé sur ses risques et que l'entreprise avait pris toutes les mesures permettant de répondre à ses obligations de sécurité en disposant d'un personnel formé sensibilisé aux risques'» et que «'s'agissant des accidents survenus le 23 novembre 2009, les salariés connaissaient parfaitement les procédures en cas de mélange des produits'; que Monsieur M..., après s'être rendu compte de son erreur de manipulation, a averti Monsieur K..., puis Monsieur F..., lequel n'a pas respecté la procédure prévue, à savoir l'information immédiate de son supérieur hiérarchique et la rédaction d'un rapport d'incident'» et qu'ainsi «'des consignes claires et précises étaient connues de tous les salariés travaillant sur des produits dangereux et que le non-respect des consignes de la part de Messieurs F... et E... est de leur responsabilité mais ne peut être imputé à la SAS SNF'».

Sur la connaissance du risque,

Monsieur X... entend remettre en cause les motifs de cette décision repris par le tribunal des affaires de sécurité sociale en invoquant le rapport de Monsieur Ivan L... requis le 24 novembre 2009 par les militaires de la gendarmerie en charge de l'enquête pénale ayant déposé son rapport le 28 décembre 2009 aux termes duquel il conclut':

«'La première explosion est la conséquence d'un processus de mélange par erreur de deux produits incompatibles, connu de l'entreprise, mais dont la gestion n'a pas permis de les séparer efficacement.

La réutilisation d'une partie du produit souillé en présence d'eau et d'une agitation mécanique engendrait une première explosion.

Ce phénomène a été connu de manière empirique par l'entreprise à l'occasion d'un accident précédent. Accident reproduit à petite échelle au sein de l'entreprise ce qui a permis d'en tirer les leçons et de dispenser une formation personnelle.

La seconde explosion est la conséquence d'un mélange de ces mêmes produits. Ce déclenchement résulte probablement d'autres facteurs inconnus de l'entreprise SNF celle-ci n'ayant pas fait d'études plus poussées sur la réactivité et la sensibilité de ces produits. Ces facteurs peuvent être entre autres la granulométrie, le frottement, l'électricité statique'».

Toutefois, il convient de relever que dans le cadre de ce même rapport, Monsieur L..., docteur en pharmacie industrielle requit en qualité d'expert, indique (page 15 de son rapport) «'contrairement à la croyance enseignée au sein de l'entreprise, il semble que le mélange de cet oxydant et de ce réducteur n'est pas dangereux uniquement lorsqu'il est en mélange avec de l'eau et une agitation mécanique. Les fiches de données de sécurité indiquent d'ailleurs':

-le persuflate d'ammonium est un comburant puissant qui peut agir violemment avec les réducteurs et des matières combustibles provoquant incendie explosion.

-Il réagit également violemment avec les métaux tels que le fer'

-les persuflates ne sont pas des produits inflammables mais du fait de leur caractère très oxydant, ils peuvent sous certaines conditions engendrer des incendies explosion'».

Ainsi, l'expert évoque à l'issue de travaux menés de manière non contradictoire mais l'hypothèse («'il semble'») d'une dangerosité accrue.

Or, il est manifeste que l'expert n'a pu prendre connaissance':

- des déclarations des différents témoins sur les circonstances de l'accident,

- des conclusions du rapport du CHSCT du 17 décembre 2009 (pièce intimée n° 6) qui met en évidence d'une part le non-respect des procédures de sécurité par Monsieur M... en cas de mauvaise manipulation et d'autre part qui ne remet pas en cause les procédures de sécurité en vigueur au sein de l'entreprise en particulier la note de service 11-06 (pièce intimée n° 2) relative au traitement a donné en cas de mélange accidentel d'hypophosphite de sodium et de persuflate d'ammonium et qui relève «'malgré les affichages, information et formation, il y a eu erreur de manipulation'» et en particulier un non-respect de la note de service de 2006.

- du rapport de la DIRECCT de la Loire du 22 août 2011 (pièce intimée n° 12) confirmant l'affirmation de Monsieur G..., dirigeants d'entreprise selon lequel «'la réactivité du mélange des deux produits dans la configuration de l'accident du 23 novembre 2009 n'était pas connue'»,

- le rapport de l'institut INERIS du 4 octobre 2010 (pièce intimée n° 13) qui met en évidence que suite à l'accident du 23 novembre «'la société SNF a mis en évidence que le mélange à sec peut se transformer en un explosif latent, sans nécessaire rapport d'eau mais toujours avec une amorce (apport énergie) qui peut être une simple agitation après un certain temps de vieillissement'» et qui confirme que l'instabilité du mélange à sec n'était pas documentée avant novembre 2009.

Par ailleurs, la fiche de sécurité relative au persulfate d'ammonium selon révision du 14 mars 2011 (pièce intimée n° 10) mentionne au paragraphe «'prévention des incendies et des explosions': aucune mesure très particulière n'est requise'» et au paragraphe «'possibilités de réactions dangereuses': aucune réaction dangereuse connue'».

De surcroît, la note de la Direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement de Rhône-Alpes du 24 février 2011 (pièce intimée n° 15) relève que les audits Système de Gestion de la Sécurité (SGS) n'ont pas révélé de manquement notable à la connaissance de ce Système, notamment l'audit du 9 octobre 2009. Cette note observe que «'la procédure GS-0130 et la note de service NS-11-06 dont SNF reconnaît le non-respect le jour de l'accident, et dont elle indique la bonne application aurait pu éviter l'accident semble cependant connue est régulièrement appliquée'».

Enfin, le rapport de Monsieur J..., sollicité à titre privé par Monsieur G..., (pièce intimée n° 14) conclut «'le risque d'explosion suit un mélange accidentel n'était pas prévisible au regard des données littéraires'».

Le rapport de Monsieur L..., qui apparaît nécessairement comme une première analyse des circonstances de l'accident, et comme tel incomplet, n'est pas de nature à remettre en cause les éléments recueillis postérieurement.

La seule affirmation de Monsieur X... selon lequel l'explosion serait intervenue du fait que le mélange de l'hypophosphite de sodium et du persuflate d'ammonium aurait été versé dans de l'eau sous agitation mécanique n'est pas étayée.

Il en résulte que la société SNF démontre que le risque d'explosion dans les circonstances précises de l'accident n'était pas connu antérieurement au 23 novembre 2009.

S'agissant des mesures correctives,

L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs'; ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés';

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L4121-2 du code du travail dispose également que l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1' Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il est également de principe que l'employeur qui justifie avoir pris les mesures prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail n'a pas méconnu l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Monsieur X... soutient que la société SNF n'a pas pris des mesures de prévention et de formation propres à garantir sa sécurité et à prévenir l'accident.

Toutefois, la société SNF démontre qu'elle a':

-mis en place un groupe de travail (pièce intimé n°21) pluridisciplinaire incluant des membres du comité d'hygiène de sécurité des conditions de travail, avec mission, selon un rythme annuel, d'évaluer et de mettre à jour les risques, les différents documents d'identification, de contrôler la pertinence de l'évaluation des risques et contribuer à définir les actions correctives correspondantes et d'assurer l'information et la communication de l'évaluation des risques professionnels';

- confié au service prévention sécurité (pièce intimée n°21 précitée) la mission d'intégrer les plans d'action issus des analyses d'accidents et d'incidents (GS 130 et GS 135), des audits de sécurité et de prévention.

- pris en compte l'évaluation spécifique du risque chimique mise en 'uvre dans l'entreprise (pièce intimée n° 22) conformément aux documents DT 80 élaborés par l'union des industries chimiques, aux fiches de données de sécurité figurant dans le classeur de sécurité à disposition des salariés qui précisent l'incompatibilité des produits en présence d'eau, aux fiches de données de sécurité complètes accessibles sur le réseau informatique, à l'utilisation et au stockage d'une petite quantité en atelier, au respect des règles d'incompatibilité pour le stockage en atelier, aux poubelles jaunes spécifiques pour les déchets « comburants »,

- régulièrement informé et associé le CHSCT à la démarche d'évaluation des risques et des mises à jour d'évaluation des risques chimiques'; ainsi, la société SNF démontre également avoir mis en place des procédures de sécurité et des mesures de formation et de prévention des risques,

- mis en place une procédure de gestion des produits chimiques (annexe à la pièce intimée n° 25) incluant le stockage, la manipulation et la gestion des erreurs de manipulation à laquelle la note de service précitée contribue,

Elle justifie également avoir mis en place à destination de tous les salariés de l'entreprise une formation et un contrôle des connaissances de ses salariés (pièces intimées n° 32, 33 et 34) relatifs à la dangerosité des produits, les bonnes pratiques destinées à prévenir les erreurs de manipulation. Ces actions ont été complétées par l'organisation d'audits internes de sécurité (pièce intimée n° 35).

Il doit être observé que l'accident dont a été victime Monsieur X... résulte non seulement de la survenance d'un risque inconnu en novembre 2009 mais également de plusieurs manquements individuels contrevenant aux procédures internes de sécurité de l'entreprise auxquelles les salariés ont été régulièrement formés, notamment Monsieur M... et Monsieur F....

L'audition de Monsieur X... devant les enquêteurs le 5 mars 2010 (pièce appelant n° 41) démontre qu'il avait lui-même connaissance du protocole applicable en cas d'erreur de manipulation.

Ainsi, la société SNF démontre qu'elle avait mis en place des mesures de prévention actives et de formation destinées à prévenir les risques d'erreur de manipulation et défini des procédures connues de ses salariés concernant la conduite à adopter en cas d'erreur de manipulation.

La juridiction pénale a constaté que la survenance de l'accident n'était pas l'accident dont a été victime n'avait pas pour origine la violation manifestement délibérée à une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement imputable à la société SNF ou à l'un de ses représentants légaux, en l'espèce, n'avoir pas pris de mesures adaptées et efficaces telles que':

- la sensibilisation suffisante du personnel si bien que dès lors qu'un audit en date du 3.10.2009 des personnes concernées par cet accident (Messieurs D..., E... et F...) ne soulignaient par le risque d'explosion et d'incendie dans les scénarios d'accident majeur aux liquides;

- La réduction des risques à la source en adoptant une démarche seulement empirique face au risque connu "de réaction violent de type déflagrante" en cas de mélange de persulfate d'ammonium et d'hypophosphite de sodium;

- Le remplacement de ce qui est dangereux par ce qui ne l'est pas ou moins telle l'utilisation de l'hypophosphite liquide plutôt que pulvérente.

Monsieur X... argue que la société SNF aurait pu s'assurer d'une meilleure évaluation des risques afin de prendre des mesures préventives. Toutefois, en l'espèce, l'accident apparaît être la conséquence d'une erreur de manipulation qui ne met pas en cause le stockage en amont des produits et la séparation des produits.

Monsieur X... argue également que les procédures de sécurité étaient ineffectives et insuffisantes. Toutefois, compte tenu du caractère non documenté du risque, il ne démontre pas ce caractère insuffisant.

Monsieur X... fait enfin valoir que le rapport de l'inspection du travail du 24 mars 2011 (pièce appelant n° 12) critique l'insuffisance des procédures applicables en cas de mélange accidentel. Toutefois, il convient de relever que ce rapport pointe les responsabilités de Messieurs E... et F... du fait du non-respect de leur part des consignes de sécurité. Surtout, ce rapport relève que l'entreprise a, depuis 2006, réalisé d'importants investissements afin de mettre en place un mode de production conforme à l'article L.4321-2 du code du travail afin d'éviter le risque et a modifié son système de fabrication afin que l'hypophosphite de sodium soit intégré de manière séparée.

Enfin, le rapport d'enquête du CHST du 17 décembre 2009 (pièce intimée n° 6) ne met pas en évidence de manquement en matière de formation et de prévention des risques.

Dès lors, Monsieur Cyril X... ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable imputable à l'employeur à l'origine de l'accident dont il a été victime le 23 novembre 2009. Le jugement sera confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par Monsieur X... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

DEBOUTE Monsieur Cyril X... de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth O...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 17/05879
Date de la décision : 04/12/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°17/05879 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-04;17.05879 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award