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29/11/2018 | FRANCE | N°18/01469

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 29 novembre 2018, 18/01469


N° RG 18/01469









Décision du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE

Au fond

du 23 avril 2015



RG : 13/01290







SCI SALON DE PROVENCE



C/



SARL DISTRILEADER PROVENCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 29 Novembre 2018



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTE :


r>SCI SALON DE PROVENCE

[...]



Représentée par Me Jérôme X... de la SCP D.J. VERNE - L.G. Y... - J. X... - Y. TETREAU, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Marie-Laurence Z..., avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



SARL DISTRILEADER PRO...

N° RG 18/01469

Décision du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE

Au fond

du 23 avril 2015

RG : 13/01290

SCI SALON DE PROVENCE

C/

SARL DISTRILEADER PROVENCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 29 Novembre 2018

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

SCI SALON DE PROVENCE

[...]

Représentée par Me Jérôme X... de la SCP D.J. VERNE - L.G. Y... - J. X... - Y. TETREAU, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Marie-Laurence Z..., avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SARL DISTRILEADER PROVENCE

[...]

Représentée par Me Romain A... de la SELARL A... & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Gilles E..., avocat au barreau de PARIS, substitué par Me B... C..., avocat au barreau de PARIS

******

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Octobre 2018

Date de mise à disposition : 29 Novembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne-Marie ESPARBÈS, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Anne-Marie ESPARBÈS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 1er juillet 2000, la SCI Groupe Casino a donné à bail commercial à la société Distribution Casino France un local commercial situé à Salon de Provence d'une superficie de 10.760 m², pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2000, moyennant :

un loyer de base correspondant à la valeur locative de 894.328 F annuels TTC,

et un loyer variable additionnel de 1,5 % du chiffre d'affaires (CA) HT défini dans le paragraphe «'conditions particulières'» correspondant éventuellement à la différence entre un pourcentage appliqué au CA HT réalisé par le preneur et le loyer de base pendant la période considérée.

Ce bail a prévu que le preneur rembourserait sa quote-part d'impôt foncier ainsi que les différentes taxes actuelles et futures afférentes aux locaux loués.

Un avenant au bail, dont il était dit qu'il stipulait un loyer annuel de 894.328 F (136.339,42'€ HTVA), a été conclu le 15 juin 2001. Il est ainsi libellé :

«'La société Distribution Casino France étant une filiale du groupe Casino, et dans le cadre des relations intra-groupe, il est convenu ce qui suit :

Pour le cas où la société Distribution Casino France céderait son fonds de commerce à la société Leader Price ou à toute autre filiale de celle-ci :

le loyer minimum garanti annuel serait porté à la somme de : 750.000 F HTVA (114.336,76 €) à la date d'entrée en jouissance du fonds de commerce, ce loyer minimum garanti étant entendu impôt foncier inclus,

en ce qui concerne l'application du loyer variable fixé à 1,5% HT du CA HT, il est convenu que le calcul se fera par différence entre le loyer minimum garanti déduction faite de l'impôt foncier et le pourcentage appliqué au chiffre d'affaires,

aucune autre modification n'est apportée au bail du 1er juillet 2000, ni aux avenants subséquents ».

Par acte du 18 décembre 2001, la société preneuse Distribution Casino France a cédé son fonds de commerce à la société Distrileader Provence, filiale de la société Leader Price membre du groupe Casino à l'époque, conduisant à l'application effective des dispositions de l'avenant du 15 juin 2001, à savoir loyer minimum garanti fixé à la somme de 114.336,76 € impôt foncier inclus.

Par acte authentique du 4 septembre 2003, la SCI bailleresse Groupe Casino a cédé l'ensemble immobilier, au sein duquel le fonds était exploité, à la SCI Salon de Provence.

Le 27 juin 2008, la SCI Salon de Provence a donné congé à la société Distrileader Provence pour le 31 décembre 2008 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 300.000 € HT, puis l'a assignée le 22 septembre 2009 sur mémoire du 29 juin 2009 sollicitant un montant de 423.000 €.

Par jugement du 11 mars 2013, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a fixé le montant du loyer de renouvellement à compter du 1er janvier 2009 à la somme annuelle de 278.308 € HT et hors charges (HC), telle que retenue par l'expert judiciaire M. D... dans son rapport du 18 janvier 2012.

Sur appel de la bailleresse, la cour d'appel, par arrêt du 28 juillet 2014, l'a fixé à la somme annuelle de 266.803 €.

Précédemment, par acte du 14 décembre 2012, la SCI Salon de Provence avait fait délivrer à la preneuse un commandement visant la clause résolutoire en paiement de la taxe foncière 2012 pour un principal de 123.858,51 €.

En réponse, en février 2013, la société Distrileader Provence a assigné la bailleresse en répétition de la somme indue de 533.347,49 € correspondant à la quote-part de la taxe foncière au titre des 5 années 2008 à 2012 versée en sus du loyer.

Par jugement du 23 avril 2015 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a :

vu le bail modifié par avenant du 15 juin 2001,

dit que la société Distrileader Provence n'est pas tenue de rembourser à la SCI Salon de Provence le montant de la taxe foncière,

en conséquence, vu l'article 1376 du code civil, condamné la SCI Salon de Provence à payer à la société Distrileader Provence la somme de 533.347,79 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute autre demande,

et condamné la SCI Salon de Provence aux dépens avec distraction.

Sur appel de la bailleresse et par arrêt infirmatif du 8 septembre 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, statuant à nouveau, :

condamné la SCI Salon de Provence à verser à la société Distrileader Provence la somme de 84.920,29 € [96.986,37 € visés dans les motifs] au titre du remboursement de la taxe foncière indûment payée en 2008 (année précédant le renouvellement),

débouté la société Distrileader Provence du surplus de ses demandes (pour la période ultérieure).

La société Distrileader Provence a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 21 décembre 2017, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt en toutes ses dispositions.

Sur le premier moyen, analysé au regard des articles L.145-8 du code de commerce et 1134 ancien du code civil,la Cour de cassation a motivé ainsi : « pour rejeter la demande au titre des années 2009 à 2012, l'arrêt retient que le bail renouvelé, qui constitue un nouveau bail, a pris effet à compter du 1er janvier 2009 aux clauses et conditions du bail antérieur, ainsi que le précise l'arrêt du 28 juillet 2014, à l'exception du loyer minimum garanti fixé, par cette décision, à une somme correspondant à la valeur locative conformément aux clauses du bail et que l'avenant, qui fixait le montant du loyer garanti, taxe foncière inclus, à une autre somme, ne trouve dès lors plus à s'appliquer;

qu'en statuant ainsi, alors que l'avenant avait modifié les obligations des parties en fixant le loyer minimum garanti en y incluant l'impôt foncier, de sorte que le preneur n'avait pas à en assumer la charge en sus du loyer, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par refus d'application.'»

Sur le second moyen, examiné au vu de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour de cassation a relevé la contradiction existant dans l'arrêt d'appel, au titre de la taxe foncière 2008, pour laquelle la bailleresse était condamnée à répétition, entre la somme de 96.986,37 € visée dans les motifs et celle de 84.920,29 € visée dans le dispositif.

Par déclaration du 28 février 2018, la SCI Salon de Provence a saisi la présente cour de renvoi.

Par conclusions du 13 juillet 2018, fondées sur les articles 1131, 1134, 1156,1161 et 1382 du code civil, la SCI Salon de Provence demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal de grande Instance d'Aix-en-Provence du 23 avril 2015 et statuant à nouveau,

juger que la cause des stipulations de l'avenant du 15 juin 2001 résidait dans l'existence de relations intra-groupe entre bailleur et locataire et que cette cause ayant disparu, les dispositions de l'avenant du 15 juin 2001 devenues caduques lui sont inopposables,

subsidiairement, juger qu'il résulte des termes clairs et précis de l'avenant du 15 juin 2001, qu'il tendait exclusivement à réduire le montant des sommes dues par le preneur au titre du « minimum garanti », sans supprimer l'obligation pour le preneur de régler l'impôt foncier et donner acte à la société locataire, de son accord sur ce point,

surabondamment, juger que l'avenant du 15 juin 2001 doit s'interpréter comme maintenant l'impôt foncier à la charge du preneur, selon la commune intention des parties découlant d'un paiement sans réserves par un preneur particulièrement averti pendant onze ans, et de sa revendication de la charge de l'impôt foncier comme facteur de minoration de la valeur locative dans le cadre de la procédure de fixation du loyer de renouvellement au 1er janvier 2009,

juger qu'en ce qui concerne l'année 2008, le loyer réglé par le preneur, après facturation du complément de loyer variable, a tenu compte de l'impôt foncier réglé par le preneur et que n'ayant réglé au titre du complément de loyer variable, que la somme de 6.936,37 €, il n'y a eu aucun trop versé au titre de l'impôt foncier, qui devrait être restitué,

juger que le nouveau loyer minimum garanti ayant été fixé hors impôt foncier à la somme annuelle de 266.803 € par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 juillet 2014 à compter du 1er janvier 2009, ce nouveau loyer minimum garanti, revêtu de l'autorité de la chose jugée, se substitue au loyer minimum garanti de 114.336,76 € « impôt foncier inclus » prévu par l'avenant du 15 juin 2001,

en conséquence, débouter la société Distrileader Provence de l'ensemble de ses demandes, et infirmer le jugement de première instance, en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 533.347,79 € à la société Distrileader Provence, avec intérêts au taux légal à titre de remboursement de l'impôt foncier prétendument indu pour les années 2008 à 2012,

en conséquence, débouter également la société Distrileader Provence de son appel incident tendant à sa condamnation au paiement d'une somme de 390.421,68 € au titre des années 2013 à 2017,

en chaque hypothèse, juger que la société Distrileader Provence, en soutenant sciemment des positions opposées dans les procédures opposant les parties, a non seulement manqué à l'obligation de bonne foi et de loyauté exigées par l'article 1134 du code civil ' dans sa rédaction applicable à la présente instance - et la règle de l'estoppel, mais qu'en outre en introduisant la présente procédure, elle a commis un abus de droit, caractérisé par l'intention de tenter de faire pression sur la bailleresse pour qu'elle accepte un loyer de renouvellement minoré,

condamner en conséquence la société Distrileader Provence à lui payer la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts,

condamner par ailleurs la même à lui régler la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction.

Par conclusions du 22 mai 2018, fondées sur les articles L 145-8 et suivants du code de commerce, les articles 1376, 1134 anciens du code civil, 455, 122, 480, 482 et 559 du code de procédure civile, la SARL Distrileader Provence demande à la cour de :

la juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,

rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la SCI Salon de Provence qui ne seraient pas compatibles avec celles qu'elle présente,

sur l'absence de caducité de l'avenant :

juger que la SCI Salon de Provence n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait quitté le groupe Casino à compter de 2007,

juger qu'aucune stipulation expresse de l'avenant de 2001 n'élève le « maintien du preneur et du bailleur dans le même groupe de sociétés » au rang de condition suspensive, et qu'aucune clause ne précise qu'au cas où le bailleur viendrait à quitter le groupe de sociétés auquel le preneur fait partie, l'avenant serait frappé de caducité,

juger que l'avenant de 2001 est causé puisqu'il ne modifie pas le fait que des loyers sont versés au bailleur et qu'un local est laissé à la jouissance du preneur,

juger que le bailleur acte lui-même que la cause de son engagement n'a pas disparu puisqu'il reconnaît que le fonds de commerce a été cédé par la société Distribution Casino France à la société Distrileader France filiale de Leader Price, dans des conditions rendant applicables les dispositions de l'avenant,

débouter la SCI Salon de Provence de sa demande tendant au constat de la caducité de l'avenant et confirmer le jugement déféré,

sur la lecture de l'avenant :

juger qu'il ne modifie pas la clause « charges » du bail conclu le 1er juillet 2000, de sorte que la SCI Salon de Provence ne peut insinuer qu'il emporte transfert de la charge de l'impôt foncier du preneur au bailleur,

juger que l'avenant de 2001 modifie la matérialisation de la charge «'impôt foncier'» puisqu'il organise, à compter du 4 décembre 2001, un paiement par le preneur à bail commercial de la quote-part d'impôt foncier correspondant au local loué, au moyen du prélèvement du loyer minimum garanti fixé à une somme forfaitaire de 114.336,76 € à compter du 4 décembre 2001, et facturé trimestriellement par le bailleur,

juger que le quantum du « loyer minimum garanti » a été fixé à une somme forfaitaire de 266.803 € à compter du 1er janvier 2009 par décision du juge des loyers commerciaux d'appel du 28 juillet 2014,

constater qu'elle a réglé le forfait du « loyer minimum garanti » de 2008 à ce jour,

juger que la modification opérée par l'effet de l'avenant est neutre pour le bailleur en termes de charge de l'impôt foncier, l'avenant ayant uniquement pour effet de convenir d'une diminution du prix du loyer binaire,

en conséquence, infirmer le jugement susvisé pour avoir dit que l'avenant « transfère la charge du paiement de la taxe foncière »,

confirmer le jugement susvisé en ce qu'il a dit que l'avenant « réduit le montant du loyer minimum garanti (') abaisse le seuil de déclenchement du loyer variable » et « modifie les règles de calcul du loyer variable qui sera effectué par différence entre un pourcentage appliqué au chiffre d'affaire et le loyer minimum garanti déduction faite de l'impôt foncier », et s'agissant de la partie variable du loyer, que cet avenant « a seulement pour objet de modifier les règles de calcul du loyer variable sans indiquer expressément qu'au cas où celui-ci serait dû, le preneur serait en plus tenu de payer l'impôt foncier »,

sur l'impossible abrogation de l'avenant par le juge des loyers commerciaux d'appel':

juger que l'avenant de 2001, qui n'est ni frappé de nullité, ni frappé de caducité, fait partie intégrante du corpus contractuel du bail venu à expiration et que, puisqu'aucune convention contraire ne s'y oppose, le renouvellement du bail venu à expiration s'opère aux clauses et conditions dudit corpus contractuel,

sur le bien fondé des demandes en restitution de l'indu :

juger qu'elle n'est pas débitrice, en sus du règlement du loyer minimum garanti fixé à une somme forfaitaire, d'un règlement au titre de la quote-part d'impôt foncier correspondant aux locaux, ce deuxième règlement de la charge « impôt foncier'» ayant fait l'objet d'une facturation par la SCI Salon Provence en méconnaissance des dispositions claires et précises de l'avenant de 2001,

juger qu'elle a payé la somme de 923.769,47 € alors qu'une telle dette vis-à-vis de la SCI Salon de Provence n'existait pas et qu'il n'existe en l'espèce aucune justification à la conservation, même partielle, du paiement de cette somme indue par la bailleresse,

en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que « le bail modifié par avenant du 15 juin 2001 a été renouvelé à compter du 1er janvier 2009 dans les mêmes termes et conditions pour une durée de neuf années sans qu'il soit possible de dire comme le fait le bailleur que seul le bail initial du 1er juillet 2000 serait applicable. Il résulte de ce qui précède qu'elle n'avait pas à payer l'impôt foncier et qu'elle est donc en droit d'en demander le remboursement au titre des années 2008 à 2012 pour un total de 533.347,79 € »,

l'accueillir en ses demandes d'actualisation du quantum de restitution de l'indu aux fins de prise en compte des années 2013 à 2017,

statuant à nouveau, condamner la SCI Salon de Provence à lui verser la somme en principal de 923.769,47 € au titre de la quote-part d'impôt foncier des années 2008 à 2017 indûment perçue une deuxième fois, assortie des intérêts légaux,

juger que la somme en principal de 923.769,47 € se compose d'un montant de 533.347,79 € au titre des années 2008 à 2012 et d'une somme de 390.421,68'€ au titre des années 2013 à 2017,

juger que les intérêts légaux sur la restitution de l'indu au titre des années 2008 à 2012 courront à compter du 21 février 2013, date de l'assignation à comparaître en restitution de l'indu qu'elle a délivrée à la SCI Salon de Provence, et que ceux au titre des années 2013 à 2017 courront à compter de la signification des présentes conclusions,

sur la demande d'indemnisation pour abus de procédure :

juger que la SCI Salon de Provence n'apporte pas la preuve de l'existence d'une faute dans le cadre de l'exercice de son droit d'agir en répétition, ni celle d'un préjudice subi,

en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Salon de Provence de sa demande indemnitaire pour un soit disant abus de procédure,

infirmer le jugement pour avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à condamnationde la SCI Salon de Provence au paiement de sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

statuant à nouveau, condamner la SCI Salon de Provence à lui payer la somme de 8.000 € de ce chef, en sus des dépens de première instance,

débouter la SCI Salon de Provence de ses demandes de sa condamnation au paiement de frais irrépétibles et dépens d'appel,

condamner la SCI Salon de Provence à lui verser la somme de 20.000 € de frais irrépétibles d'appel, en sus des dépens d'appel, et plus précisément des dépens de l'appel diligenté avant comme des dépens du présent appel intervenant après cassation, dont distraction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préalable, il est noté :

en premier lieu, qu'aucun moyen d'irrecevabilité n'est soulevé par la SCI Salon de Provence à l'encontre des demandes formées par la société Distrileader Provence,

en deuxième lieu, que les dispositions anciennes du code civil s'appliquent au litige,

en troisième lieu, que la cour n'est pas tenue de statuer sur des moyens, tels que soutenus par la société Distrileader Provence tendant à confirmer ou infirmer des motifs du jugement déféré, dès lors que l'arrêt doit plutôt confirmer ou infirmer des dispositions de ce jugement contenues donc à son dispositif,

en quatrième lieu, que la cour n'est pas tenue de répondre à l'argumentation détaillée des parties dès lors qu'il est répondu aux moyens opérants utiles à la résolution du litige.

Sur la caducité de l'avenant

Elle est sollicitée à titre principal par la SCI Salon de Provence qui soutient que la cause des stipulations de l'avenant du 15 juin 2001 résidait dans l'existence de relations intra-groupe entre bailleur et locataire, que cette cause a disparu et qu'elle a perdu tout lien (lien indirect seulement), avec le groupe Casino depuis 2007 soit antérieurement à la période litigieuse.

La SCI Salon de Provence plaide au contraire l'absence de caducité de l'avenant, à bon droit.

En effet, aucune stipulation expresse de l'avenant de 2001, qui n'énonce aucun cas de caducité, n'élève le maintien du preneur et du bailleur dans le même groupe de sociétés au rang de condition, par exemple condition suspensive comme l'évoque la preneuse. Le fait que l'avenant a été conclu intra-groupe n'était qu'une circonstance ayant amené les parties à l'époque à le souscrire.

L'avenant a effectivement reçu application entre les parties par le fait de la cession opérée le 18 décembre 2001 par le preneur initial la société Distribution Casino France au profit de la société Distrileader Provence, filiale de la société Leader Price, telle que prévue dans l'avenant, qui par ailleurs, ne manque pas de cause puisqu'il ne modifie pas le fait que des loyers sont versés au bailleur et qu'un local est laissé à la jouissance du preneur.

Il est indifférent pour l'application de l'avenant que la bailleresse initiale ait cédé l'ensemble immobilier au sein duquel le fonds était exploité à la date du 4 septembre 2003, à la SCI Salon de Provence, qui ne dit d'ailleurs pas avoir ignoré une telle situation juridique.

Sans autre égard pour la dénomination des associés successifs de la bailleresse ou encore pour la qualification par cette dernière d'un avantage dit excessif que l'avenant aurait conféré seulement dans le cadre de relations intra-groupe persistantes, ainsi que pour la discussion de la société Distrileader Provence relative à l'imprévision qui est inopérante, la SCI Salon de Provence est déboutée de sa demande de caducité de l'avenant.

Sur la charge de l'impôt foncier imputée au preneur

Le bail du 1er juillet 2000, dans une clause essentielle et déterminante du consentement réciproque des deux parties, a expressément imputé au preneur la charge notamment de l'impôt foncier, et l'avenant du 15 juin 2001, qui a expressément stipulé le fait qu' «'aucune modification n'est apportée au bail du 1er juillet 2000'» n'a pas contredit cette clause du bail.

L'avenant, qui a réduit les obligations du preneur, faisant partie du groupe Leader Price, en terme de prix, puisque le loyer a été minoré de 136.339,42 € HT à 114.336,76 € HT, a prévu en outre une modalité particulière du paiement de l'impôt foncier, puisqu'il a alors stipulé que cette taxe serait incluse, signifiant intégrée, dans le loyer minimum garanti acquitté par le preneur.

Cette clause «ce loyer minimum garanti étant entendu impôt foncier inclus'» est parfaitement claire, dénuée de toute ambiguïté et ne nécessite aucune interprétation, de sorte qu'aucun grief de dénaturation ne peut être avancé par la SCI Salon de Provence.

Par là-même, le preneur, en application de l'avenant, est fondé à soutenir qu'il n'a pas à payer l'impôt foncier au bailleur en sus du loyer de base, que ce soit pour la période antérieure au renouvellement du bail mais aussi pour la période postérieure.

Lors du renouvellement du bail au 1er janvier 2009, un nouveau bail s'est conclu entre les parties, mais aux conditions antérieures sauf nouveau prix à savoir le loyer minimum garanti (loyer de base) qui a été fixé par le juge des loyers commerciaux.

Sur ce point, l'arrêt irrévocable de la cour d'Aix en Provence du 28 juillet 2014, pourvu d'une autorité de chose jugée que n'atteint pas le présent arrêt, a fixé le loyer minimum garanti à la somme annuelle de 266.803 € HT et HC, sans pouvoir déroger, ce qui n'était pas dans son pouvoir, à la clause de l'avenant qui l'entendait impôt foncier inclus.

La SCI Salon de Provence est ainsi mal fondée, notamment au visa d'une absence de novation de la clause contractuelle, à voir juger que le nouveau loyer a été fixé «'hors impôt foncier'», ce qui ne résulte, et ne pouvait résulter, d'aucune disposition de l'arrêt. Cet arrêt a certes évoqué la charge au preneur notamment de l'impôt foncier, que la preneuse rappelait à juste titre dans son mémoire puisqu'il s'agit d'une donnée constante et non discutée, mais cette considération, qui vise la charge de la taxe, n'a pas décidé d'une autre modalité de son paiement, stipulée par intégration dans le loyer minimum garanti par l'avenant toujours opposable aux deux parties.

Au surplus, la SCI Salon de Provence ne peut tirer une interprétation de l'économie de l'avenant, visant pour le calcul du loyer variable une déduction faite de l'impôt foncier, ce qui est sans lien avec l'intégration de l'impôt foncier dans le loyer minimum garanti, siège du litige. Ses tableaux comparatifs sont ainsi inopérants.

De même, le remboursement par la preneuse à la bailleresse, durant 11 ans comme l'indique celle-ci, des impôts fonciers en sus des paiements acquittés au titre du loyer minimum garanti, n'éteint pas le droit du locataire à une répétition dès lors que les paiements sont indus et qu'aucune prescription ne peut lui être opposée. La consistance des moyens notamment humains d'information et d'analyse à disposition de la société preneuse, filiale d'un grand groupe, sont indifférents, alors que la SCI Salon de Provence ne démontre aucune renonciation non équivoque de la part de cette dernière à l'application de l'avenant, y compris au cours de la procédure menée devant les juridictions aixoises en fixation du loyer de renouvellement.

Sur la répétition des indus au titre des années 2008 à 2012

La société Distrileader Provence invoque une erreur à l'origine de son remboursement de l'impôt foncier, opéré au profit de la bailleresse sur réception des factures de quote-part d'impôt foncier que celle-ci lui a adressées, et ce, pour éviter la mise en jeu de la clause résolutoire.

Une telle erreur, dont la preneuse a pris conscience en janvier 2013, légitime sa demande de restitution, dès lors que la SCI Salon de Provence ne conteste pas les paiements de la part de la preneuse, qu'il a été précédemment jugé qu'ils ne sont pas exigibles en application de l'avenant en sus des versements au titre des loyers de base, donc que la SCI Salon de Provence ne dispose d'aucune créance à ce titre, sans compter que celle-ci ne justifie d'aucune cause qui lui permettrait de conserver ces sommes.

Sur le montant des indus, au titre des années 2008 à 2012, ils se chiffrent à la somme justement visée par le jugement déféré, soit un total de 533.347,79 €, toujours sollicité par la société Distrileader Provence et que ne conteste pas la SCI Salon de Provence aux termes de ses écritures.

S'agissant de l'année 2008, antérieure au renouvellement du 1er janvier 2009, de sorte que le loyer de base exigible du preneur était celui visé à l'avenant (et non celui qui sera fixé ultérieurement par le juge des loyers commerciaux), la bailleresse ne peut pas soutenir l'absence d'un trop versé en disant qu'une somme de 6.936,37 € a été seulement versée au titre du complément de loyer variable, alors que le loyer variable, comme dit précédemment, n'a pas d'incidence sur le loyer minimum garanti ni sur la modalité de paiement de l'impôt foncier.

Quant aux intérêts moratoires dus sur la somme de 533.347,79 €, que la SCI Salon de Provence ne discute pas, la société Distrileader Provence les sollicite à compter du 21 février 2013, date de l'assignation à comparaître en restitution de l'indu qu'elle a délivrée à la SCI Salon de Provence, ce qui est bien fondé dès lors que sa bonne foi est admise.

Le jugement qui avait fixé la date de sa signification comme point de départ des intérêts, est infirmé sur ce point.

Sur l'actualisation au titre des années 2013 à 2017

Appliquant le même principe d'intégration de l'impôt foncier dans le loyer minimum garanti pour les années postérieures à celles visées dans son assignation introductive d'instance, la société Distrileader Provence sollicite le remboursement d'un indu de 390.421,68 € au titre des années 2013 à 2017, et ce, à bon droit.

Eu égard aux justificatifs qu'elle communique, la SCI Salon de Provence n'articule dans ses écritures aucun moyen ni sur le principe de cette demande à l'évidence complémentaire, ni sur son montant.

L'indu est donc aussi retenu pour la période 2013 ' 2017.

Il est ajouté au jugement de ce chef, tant sur le principal que sur les intérêts moratoires qui sont dus à compter de la demande formée par la société Distrileader Provence, de bonne foi, dans ses écritures du 22 mai 2018, comme elle y prétend.

Sur la condamnation de la bailleresse

Il résulte des dispositions précédentes que la SCI Salon de Provence est condamnée à rembourser à la société Distrileader Provence la somme de :

533.347,79 € au titre des années 2008 à 2012 avec intérêts moratoires au taux légal à compter du 21 février 2013,

390.421,68 € au titre des années 2013 à 2017 avec intérêts moratoires au taux légal à compter du 22 mai 2018,

soit un total de 923.769,47 € en principal outre intérêts.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la SCI Salon de Provence est infondée dans sa demande de dommages-intérêts. Le jugement déféré est confirmé sur ce point relativement à la demande de 50.000 € présentée devant le tribunal, et il est ajouté au jugement pour la somme de 100.000 € sollicités devant la présente cour de renvoi.

Le jugement est aussi confirmé concernant l'absence de prévision d'une indemnité de procédure au profit de l'une des parties pour la cause de première instance. En revanche et du même chef, il est alloué pour la présente cause d'appel sur renvoi, une indemnité au profit de la société Distrileader Provence à charge de la SCI Salon de Provence.

Enfin, cette dernière a la charge de tous les dépens relatifs à la cause de première instance, à la cause d'appel devant la cour d'Aix-en-Provence ainsi que devant la présente cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, sur renvoi de cassation,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a, au visa du bail du 1er juillet 2000 modifié par l'avenant du 15 juin 2001 :

dit que la société Distrileader Provence n'est pas tenue de rembourser à la SCI Salon de Provence le montant de la taxe foncière,

en conséquence, vu l'article 1376 du code civil, condamné la SCI Salon de Provence à payer à la société Distrileader Provence la somme de 533.347,79 € au titre des années 2008 à 2012,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la SCI Salon de Provence de sa demande en dommages-intérêts,

et condamné la SCI Salon de Provence aux dépens de première instance,

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SCI Salon de Provence à verser à la société Distrileader Provence les intérêts moratoires au taux légal sur la somme de 533.347,79 € à compter de l'assignation du 21 février 2013,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Salon de Provence à verser à la société Distrileader Provence, au titre des indus pour la période de 2013 à 2017, la somme de 390.421,68 € en principal outre intérêts moratoires au taux légal à compter du 22 mai 2018,

Rappelle que le total des condamnations de la SCI Salon de Provence est donc de 923.769,47 € en principal outre intérêts moratoires,

Déboute la SCI Salon de Provence de sa demande de caducité de l'avenant,

Déboute la SCI Salon de Provence de sa demande de dommages-intérêts,

Condamne la SCI Salon de Provence à verser à la société Distrileader Provence une indemnité de procédure de 15.000 € pour la présente cause d'appel statuant sur renvoi,

Impute à la SCI Salon de Provence la charge de tous les dépens relatifs à la cause d'appel devant la cour d'Aix-en-Provence ainsi que ceux relatifs à la présente cause d'appel sur renvoi avec distraction au profit du conseil de la société Distrileader Provence.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 18/01469
Date de la décision : 29/11/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 3A, arrêt n°18/01469 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-29;18.01469 ?
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