N° RG 15/01320 N° Portalis DBVX - V - B67 - JPDG
Décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 14 février 2013
3ème chambre
RG : 06/09033
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 29 Novembre 2018
APPELANTE :
F... A...
[...]
représentée par la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
assistée de Maître Darius X... de L'Y... E... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
F... G...
[...]
représentée par Maître Eric Z..., avocat au barreau de LYON
assistée de Maître Christian I..., avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
M. F... A...
né le [...] [...]
[...]
SCE de la marque F... A... (SCEMMP)
[...]
représentés par Maître Eric Z..., avocat au barreau de LYON
assistés de Maître Christian I..., avocat au barreau de PARIS
******
Date de clôture de l'instruction : 10 octobre 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 septembre 2018
Date de mise à disposition : 18 octobre 2018, prorogée au 15novembre 2018, puis au 29 novembre 2018, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Aude RACHOU, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier
A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La F... A... est titulaire de la marque 'A...' déposée à l'INPI le 4 décembre 1974 par la société anonyme A..., enregistrée sous le numéro 1 290 999, enregistrement régulièrement renouvelé, pour désigner notamment les pains, biscuits, gâteaux, pâtisseries et confiseries. La F... A... a son siège [...].
La F... G..., qui exerce l'activité de boulangerie, viennoiserie, pâtisserie, confiserie, et qui a pour président G..., a son siège [...].
La F... G... exploite la marque 'F... A...' (déposée le 12 février 1993 et enregistrée à l'INPI le 30 juillet suivant, sous le numéro 93 454 998, enregistrement depuis régulièrement renouvelé), en vertu d'un contrat de licence conclu le 24 novembre 2009 par la société F... A... avec la société CIVILE D'EXPLOITATION DE LA D... F... A... (la SCEMMP), actuellement propriétaire de cette marque, contrat de licence qui a été publié au registre de l'INPI le 19 mai 2010. Le précédent titulaire de cette marque était F... A..., père de G... et fils de Pierre A....
A l'occasion d'un litige qui avait opposé M. Pierre A..., la société anonyme A... (rue du Cherche Midi) à F... A... et à la B..., ayant pour objet d'interdire à ces derniers l'usage de la marque A... (déposée le 2 février 1982 et enregistrée sous le numéro 1 196 178) dans le commerce du pain et de l'activité de boulangerie, ainsi que l'annulation de la marque F... A..., la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 9 décembre 1992, a réglementé l'usage de cette marque comme suit : 'Dit que M. F... A... et la B... ne pourront employer pour un usage commercial le patronyme A... à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial ou enseigne et dans leurs papiers d'affaires et publicités et emballages, qu'en le faisant précéder immédiatement sur la même ligne du prénom MAX dans les mêmes caractères de mêmes dimensions de même couleur et de même tonalité, et en y ajoutant immédiatement en dessous en caractères lisibles l'adresse ou les adresses de leurs établissements'.
La société anonyme A..., aux motifs que l'usage par la société G... de sa dénomination sociale et de son enseigne constituerait une contrefaçon de la marque A..., et qu'elle exploiterait cette marque dans des conditions contraires à la réglementation prévue par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992, l'a assignée le 19 juin 2006 devant le tribunal de grande instance de Lyon, en demandant qu'il lui soit fait interdiction de toute exploitation de la dénomination A..., notamment sous les formes G... ou F... A..., sous astreinte, ainsi que sa condamnation à lui payer 75 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon, outre une demande de publication dans des journaux, de dépose et de destruction d'éléments de devanture des boutiques de la société G....
M. F... A... et la société SCEMMP sont intervenus volontairement à cette instance. La société A... a conclu à l'irrecevabilité de ces interventions.
La société G..., ainsi que les intervenants volontaires, concluaient à l'irrecevabilité des demandes de la société A..., et à défaut à leur mal fondé.
Par jugement du 14 février 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a, avec exécution provisoire :
- déclaré recevables les interventions volontaires de F... A... et la société SCEMMP;
- dit que l'utilisation de la dénomination G... à titre de dénomination sociale par la société G... ne porte pas atteinte aux droits de la société A... sur la marque A... dont elle est titulaire ;
- débouté la société A... de ses demandes à ce titre ;
- dit que la société G... a commis des actes de contrefaçon de la marque A... en utilisant à titre d'enseigne de ses boulangeries à Lyon la marque F... A... de manière non conforme à la réglementation définie par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992 ;
- ordonné à la société G... de cesser de faire un usage de la marque F... A..., non conforme à la réglementation définie par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992, et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard applicable passé un délai de 15 jours suivant la signification du jugement ;
- condamné la société G... à payer à la société A... la somme de 10000euros à titre de dommages-intérêts ;
- autorisé la publication de la décision dans trois journaux, aux frais avancés de la société G..., dans la limite de 3 500 euros ;
- débouté la société A... du surplus de ses demandes d'interdiction ;
- débouté la société G... de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamné la société G... à payer à la société A... la somme de 5000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration transmise au greffe le 12 février 2015, la société A... a interjeté appel de cette décision, appel dirigé seulement contre la société G....
Par ordonnance du 19 janvier 2016, le conseiller de la mise en état, sur la demande de la société A... tendant notamment à ce que soit prononcée l'irrecevabilité de la constitution d'avocat faites par F... A... et la société SCEMMP, et sur la demande de ces derniers et de la société G..., qui concluaient à l'incompétence du conseiller de la mise en état, les a débouté chacun de leurs demandes.
Vu les conclusions du 25 septembre 2017 de la société A..., déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'appel incident formé par F... A... et la société SCEMMP ;
- les déclarer irrecevables et mal fondés en leur demande d'interprétation de l'arrêt du 9décembre 1992 ;
- déclarer la société G... irrecevable et en tous cas mal fondée en toutes ses demandes ;
- déclarer irrecevables F... A... et la société SCEMMP en leur constitution du 17 février 2015 et en leurs conclusions devant la cour d'appel de Lyon ;
- confirmer le jugement en ce qu'il dit que la société G... a commis des actes de contrefaçon de la marque notoire A... par l'usage de la dénomination F... A... non conforme à la réglementation prévue par l'arrêt du 9 décembre 1992 de la cour d'appel de Paris ;
- le réformer pour le surplus ;
- dire que la dénomination G... constitue la contrefaçon de la marque notoire A...
- en conséquence, interdire à la société G... toute exploitation de la dénomination A..., et notamment les formes G... ou F... A..., sous astreinte de 2 500 euros par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir;
- interdire à la société G... d'utiliser la dénomination A... en tant qu'élément de sa dénomination sociale, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- la condamner à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon ;
- ordonner la destruction et la dépose de tous les éléments de la devanture des boutiques de la société G... à Lyon portant atteinte aux droits de la société appelante ;
- ordonner la destruction de tous les supports de marketing et de communication de la même société ;
- dire qu'elle devra justifier de ces destructions à ses frais en présence d'un huissier dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de
2 000 euros par jour de retard ;
- ordonner la publication de l'arrêt dans cinq journaux aux choix de la société A... et aux frais de la société G... ;
- condamner celle-ci à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 21 février 2017 de la société G..., de F... A... et de la société SCEMMP, déposées et notifiées, par lesquelles ils demandent à la cour, au visa des articles L.714-7 et L.713-6 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil, de: - déclarer recevables et bien fondées, tant l'appel incident de la société G..., que celui de F... A... et de la société F... A... ;
- débouter la société A... de toutes ses demandes ;
- confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il dit que l'utilisation de la dénomination G... à titre de dénomination sociale ne porte pas atteinte aux droits de la société A... sur la marque A... ;
- l'infirmer pour le surplus ;
- dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon de la marque A... en utilisant la marque F... A... à titre d'enseigne de ses boulangeries de Lyon ;
- dire que l'usage de la marque F... A... qu'elle en a fait est conforme à la réglementation établie par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 9 décembre 1992 ;
Reconventionnellement, M. F... A... et la SCEMMP demandent à la cour de :
- dire que cette réglementation ne s'applique pas aux licenciés et aux franchisés de la marque F... A..., ni aux sites en lignes ;
- dire que seuls les établissements de vente F... A... et de la B... situés à Paris sont concernés par cette réglementation.
La société G... sollicite enfin la condamnation de la société A... à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre
15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 octobre 2017.
SUR QUOI, LA COUR :
Sur la recevabilité de l'appel incident de F... A... et de la SCEMMP :
Attendu que la société A... prétend que :
- la constitution d'avocat de F... A... et de la SCEMMP s'analyse en une intervention volontaire devant la cour, ce qu'ils ne peuvent faire, dans la mesure où ils ont été parties à l'instance devant le tribunal de grande instance de Lyon ;
- au regard de l'article 548 du code de procédure civile, seul l'intimé peut former un appel incident, or, ils n'ont pas été intimés dans la déclaration d'appel principal, et ils n'ont pas formé d'appel principal dans ce délai ;
- ils n'ont formé aucune prétention pouvant être qualifiée d'appel incident ;
- dans ces conditions, ils sont irrecevables en leur constitution et leur appel incident ;
Attendu que F... A... et de la SCEMMP soutiennent former un appel incident, et que celui-ci est recevable, motifs pris de ce qu'ils ont été parties en première instance, et qu'ils peuvent ainsi former, au regard de l'article 549 du code de procédure civile, un appel incident provoqué, bien que non intimés ;
Attendu, cependant, que F... A... et la SCEMMP n'ont pas été intimés par la société A..., ni même par la société G... ; qu'ils n'ont pas interjeté appel du jugement ; qu'ayant été partie en première instance, ils ne peuvent, au regard de l'article 554 du code de procédure civile, intervenir en cause d'appel ;
Attendu, dans ces conditions, qu'est irrecevable leur appel incident et, par voie de conséquence, leur demande reconventionnelle ;
Sur l'action en contrefaçon de la marque A... par l'usage de la dénomination 'G...' :
Attendu que pour justifier de l'exercice de cette action, la société A... soutient que :
1. La dénomination G... constitue une contrefaçon par imitation de la marque antérieure A..., dont elle reprend l'élément essentiel et distinctif, pour l'identifier dans son activité de production et de commercialisation de produits de boulangerie, cette dénomination ne se distinguant en effet de la marque antérieure notoire A... que par l'ajout du prénom H... ; elle peut ainsi apparaître comme une déclinaison de la marque antérieure, conduisant les consommateurs à penser que les produits commercialisés par la société G... ont la même origine que ceux vendus sous marque A... ;
2. L'adoption de la dénomination G... au détriment de cette marque a été faite par les associés de la société G... en toute connaissance de cause ; cette adoption n'a pas été faite de bonne foi, n'ayant été en effet dictée par aucune considération sérieuse ; en outre, la société G... n'est pas de bonne foi dans la mesure où elle a porté atteinte à la marque A... en utilisant la marque F... A... sans respecter la réglementation à laquelle ce signe est soumis ;
3. si M. G... est titulaire d'un nom patronymique consistant dans la dénomination G..., ce n'est pas le cas de la société G... qui par nature n'a pas de nom patronymique ; elle ne peut donc faire usage à titre de dénomination sociale du nom patronymique de son dirigeant, l'article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle autorisant seulement le titulaire d'un nom patronymique à en faire un usage à des fins commerciales ;
4. La dénomination G... constitue un ensemble dans lequel le nom patronymique A... est nécessairement dominant ; compte tenu de cet élément dominant de la dénomination sociale de la société intimée avec la marque antérieure et de l'identité des produits (produits de boulangerie), pour lesquels les deux dénominations sont exploitées, il existe un risque de confusion au détriment de la marque A... ;
5. La dénomination sociale de la société G..., qui est communiquée au public sous la forme de mentions obligatoires figurant sur tous ses documents commerciaux et comptables (factures, fiches de caisse...) porte atteinte à la fonction d'origine et à la fonction de publicité et de communication de la marque antérieure ; le fait qu'il s'agisse d'une dénomination sociale et non pas d'une marque enregistrée est inopérant du point de vue de la matérialité de l'atteinte à la marque antérieure ;
6. La société G... ne peut donc se prévaloir de l'exception d'usage du nom patronymique prévue par l'article L.713-6 alinéa a) du code de la propriété intellectuelle ;
7. En toute hypothèse, elle est fondée à demander l'interdiction de cette dénomination sociale ;
Pour conclure à la confirmation du jugement en ce qu'il dit que l'utilisation du signe 'G...' comme dénomination sociale ne porte pas atteinte aux droits de la société A... sur la marque A..., la société G... fait valoir que :
1. elle exploite de manière légitime la dénomination sociale 'G...', dès lors que G... est l'actionnaire unique et le président de la société qui porte son nom et qu'une personne physique est libre d'utiliser son nom pour exercer sous la forme sociale une activité commerciale ;
2. cet usage n'est pas déloyal, ayant fait le choix légitime d'un nom qui est celui de son dirigeant, et cet usage étant personnel et réel ;
3. la société A... ne prouve pas le risque de confusion qu'elle allègue ; en effet, elle n'est pas présente à Lyon, et la dénomination sociale critiquée figure seulement sur des documents qui ne sont pas portés à la connaissance du consommateur final; la société G... n'emploie pas le patronyme 'A...' seul, mais toujours avec adjonction du prénom de son dirigeant , ce qui montre son intention d'éviter toute confusion avec la marque de l'appelante ;
4. elle n'a commis aucune faute depuis le prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 14 février 2013 ;
5. la réglementation de la marque max poilâne, telle que décidée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 9 décembre 1992 est transposable au cas d'espèce ;
Attendu que, selon l'article L.713-6, a) du code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est le fait d'un tiers de bonne foi qui emploie son nom patronymique ;
Attendu que cet article vise, parmi les actes d'usage autorisés, ceux à titre de dénomination sociale, en sorte que le bénéfice de l'exception d'homonymie peut aussi profiter à une personne morale ;
Attendu qu'il ressort des statuts de la F... G... signés le 3 janvier 2006 et de son extrait Kbis que G... est l'actionnaire majoritaire et le président de cette société ; que les propres pièces de la société A... (ainsi, ses extraits d'articles journaux pièces 5, 7, 13) établissent que G... exerce réellement au sein de la société G... des fonctions de contrôle et de direction ; que rien ne permet d'affirmer qu'il a agit comme prête nom en vue de permettre à la société G... d'utiliser frauduleusement, comme dénomination sociale, le patronyme 'A...' ; que l'usage du signe 'G...' n'étant pas réglementé, la mauvaise foi de la société G... dans l'utilisation de la dénomination sociale 'G...' ne peut se déduire du non respect d'une réglementation afférente à un autre signe; que la bonne foi de la société G... dans l'emploi du patronyme de son dirigeant étant donc établie, elle est fondée à invoquer l'exception d'homonymie prévue par l'article L.713-6 a) du code de la propriété intellectuelle ; qu'il y a donc lieu de débouter la société A... de sa demande de dommages-intérêts pour contrefaçon par usage de la dénomination sociale 'G...' ;
Attendu, toutefois, que selon le dernier alinéa de l'article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle, si l'utilisation de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne, par un tiers de bonne foi employant son nom patronymique porte atteinte aux droits du titulaire de l'enregistrement d'une marque, celui-ci peut demander qu'elle soit limitée ou interdite ; qu'il n'est pas contesté que les produits fabriqués et commercialisés par la société G... sont identiques ou similaires à ceux qui figurent dans l'acte de dépôt de la marque A... ; que constitue un risque de confusion le fait que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement ; qu'en l'espèce, il résulte d'une comparaison globale et objective que le signe 'G..., comporte deux éléments verbaux, alors que la marque antérieure 'A...' en comporte un seul ; que ces signes ont en commun une dénomination A.../A..., prononcée de manière identique, et qui comporte les mêmes lettres placées dans le même ordre et le même rang, mettant ainsi en évidence des ressemblances visuelles et phonétiques ; que certes, ces deux signes différents par la présence du terme H... dans le signe contesté ; que cependant, la dénomination A.../A... est distinctive au regard des produits et services en cause, et la dénomination A... a un caractère dominant au sein du signe contesté , le terme H... apparaissant comme un prénom se rapportant au nom de la famille A... ;
Attendu, dans ces conditions, qu'il existe un risque de confusion entre ces deux signes, pour un consommateur d'attention moyenne, au détriment de la marque A... ; que le fait que la société G... utilise la marque F... A... comme nom commercial et enseigne, ne fait pas disparaître ce risque de confusion, dès lors que la dénomination sociale doit figurer sur des documents tels que des factures, ou devis, et qu'un consommateur, en sollicitant de tels documents, qui ne sont pas réservés aux fournisseurs de l'entreprise, peut être ainsi conduit à prendre connaissance de la dénomination sociale de la société G... ; que néanmoins, G... est issu d'une famille de boulanger, et il a repris pour la fabrication de son pain un savoir faire qui était celui de son grand père, Pierre A..., dont il porte aussi le nom ; que ces circonstances particulières justifient non pas une interdiction mais une réglementation du signe 'G...' ; que la société A... ne demande pas cette réglementation ; que l'intimée n'a pas le pouvoir de la solliciter ; qu'il y a lieu en conséquence de débouter la société A... de sa demande tendant à interdire à l'intimée toute exploitation de la dénomination 'A...', ainsi que toute utilisation de la dénomination 'A...' en tant qu'élément de sa dénomination sociale;
Sur l'action en contrefaçon de la marque A... par l'usage de la marque 'F... A...' :
Attendu que pour en justifier, la société A... fait valoir que :
1. La société G... a utilisé, et continue de le faire, la dénomination 'F... A...' sans faire référence aux établissements des exploitants de cette dénomination, violant de ce fait la réglementation de l'arrêt du 9 décembre 1992, ce qui est constitutif d'une contrefaçon ;
2. Même après le prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 14 février 2013, elle a poursuivi la violation de cette réglementation en omettant de faire figurer les noms de tous les établissements qu'elle exploite, et notamment celui de son troisième établissement lyonnais, situé [...];
3. La prétendue autorisation donnée par M. F... A... à la société G... d'utilisation du nom 'F... A...' n'ayant pas inscrite, avant le 19 mai 2010, au registre national des marques, la société G..., avant la conclusion du contrat de licence de marque, n'avait aucun droit sur la marque 'F... A...', en sorte qu'elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité pour atteinte à la marque antérieure 'F... A...' aux motifs qu'avant le 19 mai 2010 elle aurait été licenciée de cette marque ;
Attendu que pour conclure au rejet de cette action, la société G... soutient que:
1. la société A..., qui n'est pas propriétaire de la marque 'F... A...', n'a aucun titre pour agir en contrefaçon de cette marque ou pour s'opposer à son utilisation ;
2. F... A..., seul propriétaire de la marque 'F... A...', a autorisé son fils H..., ou la société que celui-ci exploite sous le nom G... F..., à utiliser sa marque ; la SCEMMP, à qui il a fait apport de celle-ci, en a concédé l'exploitation à la société G... en vertu d'un contrat de licence publié le 19 mai 2010 au registre national des marques ; ayant dont le droit d'exploiter cette marque depuis le début de la procédure, elle est bien fondée à se défendre contre l'action en contrefaçon exercée par la société A... ;
3. elle a respecté la réglementation fixée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 9 décembre 1992, puisque le nom A... est précédé du prénom Max, dans les mêmes caractères, mêmes dimensions et même couleur, et les adresses de chacun des [...] figurent immédiatement en dessous des enseignes ;
Attendu, cependant, que l'usage de son patronyme par un homonyme comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne peut constituer une contrefaçon s'il contrevient à une décision judiciaire le réglementant ou l'interdisant ; qu'en l'espèce, il ressort des procès-verbaux établis par Maître C..., huissier de justice, des 30 mars 2006, 27 juin 2007 et 24 juillet 2009, qu'aucune adresse d'établissement n'était inscrite lors de ces constats sur les enseignes ' F... A...' apposées sur la devanture des deux établissements lyonnais de la société G... ( sis [...] ) ; que celle-ci, qui, à ces dates, exploitait la marque 'F... A...', en vertu d'une autorisation donnée par son titulaire, ainsi qu'elle le soutient, était soumise de ce fait à la réglementation de son usage fixée dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992 ; qu'en s'abstenant d'y faire figurer les établissements de la société F... A..., ainsi que les siens, elle a contrevenu à cette réglementation, commis en conséquence une contrefaçon et engagé de ce fait sa responsabilité civile envers la société A..., bénéficiaire de cette réglementation ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il ordonne à la société G..., sous astreinte, de cesser de faire un usage de la marque 'F... A...' de manière non conforme à la réglementation définie par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992 ; que cette mesure étant suffisante pour faire cesser les actes de contrefaçon, il y a lieu de débouter la société A... de ses demandes complémentaires de destruction et de dépose de tous les éléments de devantures des boutiques de la société G..., ainsi que de sa demande de destruction des supports de marketing et de communication ;
Sur l'indemnisation du préjudice subi par la société A... :
Attendu qu'elle soutient que l'exploitation des dénominations 'F... A...' et 'G...', dans des conditions constitutives de contrefaçon, lui ont causé un important préjudice, motifs pris de ce que :
- elle a perdu des ventes, ces clients ayant été trompés sur les produits achetés ;
- ses ventes opérées à Lyon se sont ainsi effondrées durant la période de 2012 à 2017 et elle a perdu durant les cinq dernières années un chiffre d'affaires d'au moins 100 000 euros ;
- cette perte s'explique par la confusion entretenue par la société G... résultant de l'usage de la dénomination sociale G... et par la violation de la réglementation ordonnée par la cour d'appel de Paris ;
- elle aussi subi un préjudice consistant dans la banalisation et la dilution de sa marque ;
Attendu que la société G... prétend que :
- le montant des dommages-intérêts réclamés est exorbitant ;
- la société G... ne subit pas de dommage du fait de l'exploitation du nom G... ou de la marque 'F... A...' , ayant retiré en effet de ses devantures de boutique l'inscription 'G... artisan boulanger', et rendu inactif son site internet ; qu'elle a aussi modifié ses tickets de caisse pour y faire apparaître l'adresse de l'établissement de F... A... ;
Attendu, cependant, que la société G... ne peut soutenir que la société A... n'a pas subi de dommage, alors que les faits de contrefaçon, pour non respect d'une décision judiciaire réglementant l'usage de la marque 'F... A...' , sont avérés ; qu'en outre, elle ne produit aucun élément établissant qu'elle fait désormais un usage de la marque 'F... A...' conforme aux prescriptions de l'arrêt du 9 décembre 1992 ;
Attendu, ensuite, que l'usage par la société G... du signe G... ne peut pas être pris en considération pour l'évaluation du préjudice subi par la société A... ; que si celle-ci produit une attestation de chiffre d'affaires, établie par son responsable administratif et financier, afférente à la période de 2011 à 2017, de laquelle il ressort que durant cette période, elle a subi des diminution de chiffre d'affaires comprises entre - 1 % et - 24 %, elle ne fournit aucun autre élément permettant d'établir avec certitude un lien de causalité entre ces diminutions et les faits de contrefaçon imputables à la société G..., ni d'ailleurs d'éléments permettant de connaître la masse contrefaisante, ainsi que le bénéfice qu'elle a perdu ; que par ailleurs, elle ne démontre pas que l'usage de sa marque contraire aux prescriptions de l'arrêt du 9 décembre 1992 a eu pour effet de la banaliser ;
Attendu, dans ces conditions, qu'eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il évalue à 10 000 euros le préjudice subi par la société A... ;
Sur la demande de dommages-intérêts de la société G... pour procédure abusive :
Attendu qu'il n'apparaît pas que la société A... a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société J... A... de ce ce chef de sa demande ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare irrecevable l'appel incident formé par F... A... et la société CIVILE D'EXPLOITATION DE LA D... 'F... A...' ;
Déclare leur demande reconventionnelle irrecevable ;
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il dit que l'utilisation de la dénomination 'G...' à titre de dénomination sociale par la société G... F... ne porte pas atteinte aux droits de la société A... F... sur la marque 'A...' dont elle est titulaire;
Et statuant à nouveau,
Déboute la société A... de sa demande de dommages-intérêts pour contrefaçon par usage de la dénomination 'G...' ;
Déboute la société A... de sa demande tendant à interdire à la société G... toute exploitation de la dénomination 'A...', ainsi que toute utilisation de la dénomination 'A...' en tant qu'élément de sa dénomination sociale ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT