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28/11/2018 | FRANCE | N°16/08036

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 28 novembre 2018, 16/08036


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS









R.G : N° RG 16/08036 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KVGC



X...



C/

SARL COTE JARDIN









décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

Au fond

du 09 novembre 2016



RG : F 15/04198









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRET DU 28 Novembre 2018







APPELANT :



M. Y... X...

le [...] à RIVES DE GIER

[...]



comparant assisté de Me Fabien Z..., avocat au barreau de LYON





INTIMEE :



SARL COTE JARDIN

Lieudit 'Moudon', RN 86

[...]



prise en la personne de son représentant légal en exercice, Serge A..., gérant, assisté de Me Murielle F...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : N° RG 16/08036 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KVGC

X...

C/

SARL COTE JARDIN

décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

Au fond

du 09 novembre 2016

RG : F 15/04198

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRET DU 28 Novembre 2018

APPELANT :

M. Y... X...

né le [...] à RIVES DE GIER

[...]

comparant assisté de Me Fabien Z..., avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL COTE JARDIN

Lieudit 'Moudon', RN 86

[...]

prise en la personne de son représentant légal en exercice, Serge A..., gérant, assisté de Me Murielle F... de la SELARL VANDEVELDE AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Septembre 2018

Présidée par Joëlle B..., président et Evelyne ALLAIS, conseiller, tous deux magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Leïla KASMI, greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle B..., président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED-VACHERON, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 28 Novembre 2018 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle B..., président, et par Carole NOIRARD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Monsieur X... a été engagé par la société COTE JARDIN à compter du 1er février 2001 en contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'ouvrier paysagiste, coefficient 160.

À compter du 3 mars 2007, Monsieur X... a exercé les fonctions de manager, position III, niveau 2.

La convention collective de travail des entreprises du paysage et les accords interprofessionnels en agriculture du 10 octobre 2008 s'appliquent à la relation de travail.

En juillet 2009, la société a envisagé la mise en place d'un dispositif d'annualisation du temps de travail, conformément aux dispositions de l'accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et les entreprises agricoles, pour le mois de septembre 2009, et elle a invité les délégués du personnel à une réunion en vue de les informer et de les consulter à ce sujet.

À l'issue de la réunion du 22 juillet 2009, le délégué du personnel suppléant, en l'absence du titulaire, a donné un avis favorable.

Le 31 juillet 2009, la société COTE JARDIN a informé l'ensemble des salariés de la mise en place d'un dispositif d'annualisation à compter du 7 septembre 2009, puis, par courrier du 6 août 2009, elle a informé individuellement les salariés de la programmation indicative de la durée du travail annualisée.

Des échanges de correspondances ont eu lieu entre la société COTE JARDIN et les salariés.

Par courrier recommandé du 28 mars 2013, Monsieur X... et cinq de ses collègues ont demandé à l'employeur de supprimer l'utilisation des minimum garantis prévus par l'article 6 de la convention collective applicable et ont fait observer à la société qu'ils étaient tenus de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier puis pour ramener le matériel et que ce temps constituait du temps de travail effectif, pouvant déclencher le paiement d'heures supplémentaires. Ils ont ensuite contesté la mise en oeuvre de l'annualisation de leur temps de travail ainsi que l'usage fait par la société COTE JARDIN des GPS installés dans les véhicules mis à leur disposition destinés, selon eux, à contrôler leurs déplacements et horaires de travail.

En réponse, par lettre recommandée avec accusé réception du 24 avril 2013, la société a précisé que s'agissant des temps de trajet et puisque les salariés demandaient de passer désormais par le dépôt avant d'aller sur le chantier, elle acceptait de revenir sur les minimums garantis et de régler le temps de trajet en temps de travail effectif à compter du 3 juin 2013, sous réserve que les salariés signent un avenant contractualisant ce choix. Concernant l'annualisation du temps de travail, elle a indiqué aux salariés qu'ils avaient commis une erreur de fondement textuel puisqu'il ne s'agissait pas d'une réduction anticipée du temps de travail à 35 heures et que seuls l'article 10-4 et l'annexe II de l'accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles modifié, prévoyant une annualisation du temps de travail sans l'obligation d'une adhésion, étaient applicables. En dernier lieu, la société a signalé aux salariés que le système de géolocalisation permettait de localiser les véhicules et non de les surveiller dans l'exercice de leur fonction.

Par courriers recommandés du 24 avril et 24 mai 2013, la société COTE JARDIN a adressé à Monsieur X... un avenant à son contrat de travail, contractualisant l'obligation de venir au siège le matin avant de se rendre sur le chantier et le soir en revenant du chantier, à signer au plus tard le 30 mai 2013, l'informant de ce qu'elle analyserait l'absence de signature comme une confirmation de sa demande et des conditions de travail telles qu'indiquées dans le courrier du 24 avril 2013.

Par courrier recommandé du 29 mai 2013, Monsieur X... et cinq autres salariés de la société COTE JARDIN ont répondu qu'il leur était impossible d'accepter les termes de l'avenant au contrat, à défaut pour l'employeur de cumuler le paiement du temps de trajet, sièg[...] de travail effectif, avec les indemnités conventionnelles de petit déplacement et que le système de modulation mis en place par la société ne leur était pas opposable.

Le 11 juillet 2013, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir condamner la société COTE JARDIN à lui verser différentes sommes à titre :

- de rappel de salaire du temps de trajet non rémunéré ;

- de rappel de salaire au titre du temps de travail non comptabilisé ;

- de rappel de salaire au titre des heures dites de compensation ;

- de rappel de salaire au titre des heures dites de modulation ;

- de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au fractionnement des congés payés et travail dissimulé.

Par courrier du 25 février 2016, Monsieur X... a démissionné de son poste au sein de la société COTE JARDIN en imputant la rupture de son contrat de travail à celle-ci. Il s'est adressé à son employeur en ces termes :

"Je me résous à vous adresser le présent courrier dès lors que je ne saurais supporter plus longtemps les nombreux manquements de la société COTE JARDIN à ses obligations conventionnelles et légales.

Notamment, et ainsi que j'ai l'occasion de le dénoncer avec mes collègues à plusieurs reprises, il ne m'est plus possible de ne pas être réglé de l'intégralité des heures de travail effectif que j'effectue.

De même, votre persistance à faire application d'une annualisation du temps de travail qui m'est pourtant inopposable (...) et qui est surtout illicite dès lors qu'elle ne tient absolument pas compte de la réalité des heures réellement effectuées fait radicalement obstacle à la poursuite de nos relations contractuelles.

En outre, je ne peux plus longtemps souffrir du climat délétère que vous vous employez à entretenir.

L'ensemble de ces griefs me conduisent à vous présenter ma démission.

(...)".

Il a, dans le dernier état de ses écritures, sollicité l'allocation d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 9 novembre 2016, le conseil de prud'hommes a :

- constaté que la société COTE JARDIN a respecté les dispositions légales et conventionnelles dans sa relation avec Monsieur X... ;

- débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

- requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail liant Monsieur X... à la société COTE JARDIN en une démission et l'a condamné à payer les somme suivantes :

- 3.000 euros pour brusque rupture de la démission,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur X... aux dépens de l'instance.

Le 14 novembre 2016, Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement, par deux déclarations d'appel, la première à 11 heures 36, la seconde à 11 heures 53, enregistrées sous les numéros 16/08036 et 16/08042.

Monsieur X... demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- enjoindre à la société COTE JARDIN de rémunérer les temps de trajet siège-chantier et chantier-siège comme du temps de travail effectif ;

À titre principal :

- déclarer inopposable l'accord de branche organisant un système d'annualisation du temps de travail à raison de sa non-conformité aux dispositions légales applicables ;

À titre subsidiaire :

- dire et juger que la mise en place de la modulation du temps de travail au sein de la société COTE JARDIN constitue une modification de son contrat de travail qui ne lui est pas opposable ;

En tout état de cause, dire que la modulation du temps de travail est illicite et ne peut lui être opposable ;

- condamner la société COTE JARDIN à lui payer les sommes suivantes :

Rappel de salaire au titre du temps de trajet non rémunéré :

- 549 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2010 ;

- 54,90 euros à titre de congés payés afférents ;

- 1.025,72 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2011 ;

- 102,572 euros à titre de congés payés afférents ;

- 695,64 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012 ;

- 69,564 euros à titre de congés payés afférents ;

- 1.163,83 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013 ;

- 116,383 euros à titre de congés payés afférents ;

- 1.128,359 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014 ;

- 112,835 euros à titre de congés payés afférents ;

- 320,12 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015 ;

- 32,012 euros à titre de congés payés afférents ;

Rappel de salaire au titre du temps de travail non comptabilisé :

- 53,21 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013 ;

- 5,331 euros à titre de congés payés afférents ;

- 1.661,535 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014 ;

- 166,153 euros à titre de congés payés afférents ;

- 1.250,44 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015 ;

- 125,044 euros à titre de congés payés afférents ;

Rappel de salaire au titre des heures de compensation :

- 366 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2010 ;

- 36,60 euros à titre de congés payés afférents ;

- 161,04 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2011 ;

- 16,104 euros à titre de congés payés afférents ;

- 876,60 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012 ;

- 87,66 euros à titre de congés payés afférents ;

- 910,90 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013 ;

- 91,090 euros à titre de congés payés afférents ;

- 1.175,96 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014 ;

- 117,596 euros à titre de congés payés afférents ;

- 589,845 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015 ;

- 58,984 euros à titre de congés payés afférents ;

Rappel de salaire au titre des heures de modulation :

-905,85 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2010 ;

-90,585 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.665,30 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2011 ;

-166,53 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.605,28 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012 ;

-160,528 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.003,30 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013 ;

-100,33 euros à titre de congés payés afférents ;

-942,63 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014 ;

- 94,263 euros à titre de congés payés afférents;

- 863,302 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015;

- 86,33 euros à titre de congés payés afférents;

- 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions relatives au fractionnement des congés payés;

- 14.046,48 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;

- dire et juger que la démission dont il a pris l'initiative doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- condamner en conséquence la société COTE JARDIN à lui verser les sommes suivantes:

30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

8.583,96 euros à titre d'indemnité de licenciement;

- condamner la société COTE JARDIN à lui remettre des bulletins de salaire établis en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir;

- se réserver le pouvoir de liquider ladite astreinte;

- débouter la société COTE JARDIN de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles;

- condamner la société COTE JARDIN aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant fait tout d'abord valoir que la société COTE JARDIN devait lui rémunérer les temps de trajet siège-chantier et chantier-siège comme du temps de travail effectif. Il souligne ainsi:

- qu'il était contraint, avant de se rendre chaque matin sur les chantiers où il était affecté, d'aller au siège de la société COTE JARDIN pour prendre les directives de son employeur et en fonction de celles-ci, de charger dans le véhicule mis à sa disposition, les outils nécessaires pour la réalisation de ses missions ;

- qu'il était tenu, le soir, de retourner au siège de la société pour restituer le véhicule de l'entreprise, décharger les outils et regagner son domicile.

Il ajoute que la société COTE JARDIN devait maintenir en outre l'indemnisation des frais de panier et de déplacement prévue par l'article 6 de la convention collective applicable au motif que :

- l'indemnisation conventionnelle concernant les petits déplacements se cumule avec la rémunération des temps de trajet considérés comme du temps de travail effectif en ce que l'indemnité n'a pas pour objet de rémunérer le temps de travail du salarié durant les trajets siège-chantier et chantier-siège, mais d'indemniser le salarié de ses frais de panier et de déplacement, l'indemnisation des frais étant alors distincte de la rémunération du temps de travail.

Le salarié affirme que ses relevés de géolocalisation, comme ses relevés d'horaires manuscrits, font apparaître des horaires de travail différents de ceux retenus par la société pour calculer sa rémunération.

Il soutient ensuite à titre principal que l'annualisation du temps de travail de l'accord du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans l'agriculture, lui est inopposable au motif :

- que l'avenant n°9 du 24 janvier 1997 à l'accord national du 23 décembre 1981, invoqué par la société COTE JARDIN, est antérieur à la loi du 20 août 2008 et qu'il convient donc de se référer aux dispositions légales en vigueur au moment de la signature de l'accord pour en apprécier la validité ;

- que cet avenant n'est pas conforme aux dispositions légales en ce qu'il ne mentionne ni les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation, ni le programme indicatif de la répartition de la durée du travail et le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus des changements d'horaire, ni même les modalités de recours au travail temporaire.

À titre subsidiaire, le salarié soutient que l'accord lui est inopposable à défaut pour l'employeur d'avoir recherché l'accord individuel des salariés préalablement à la mise en oeuvre de l'annualisation du temps de travail et qu'il peut en conséquence prétendre au paiement d'heures supplémentaires sur la base de 35 heures hebdomadaires.

S'agissant du dispositif de fractionnement des congés payés mis en place au sein de la société COTE JARDIN, l'appelant fait valoir que l'employeur aurait dû rechercher son accord pour pouvoir fractionner son congé principal et lui accorder un jour de congé supplémentaire par an, sur la période allant de 2009 à 2015, que l'employeur a exécuté le contrat de travail de façon déloyale et qu'en ne procédant pas au paiement de l'intégralité des heures supplémentaires réalisées alors même qu'il n'en ignorait ni l'existence, ni l'ampleur, la société a eu l'intention de dissimuler son travail.

Par ailleurs, Monsieur X... soutient que sa démission doit être requalifiée en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de manquements graves imputables à l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En dernier lieu, Monsieur X... conteste la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par l'employeur.

La société COTE JARDIN demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 9 novembre 2016;

- débouter Monsieur X... en l'ensemble de ses demandes;

Y ajoutant,

À titre subsidiaire, si la Cour considère le temps de trajet en temps de travail effectif :

- condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 8.681,60 euros au titre des indemnités de trajet versées à tort;

En tout état de cause,

- condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société COTE JARDIN soutient que les temps de trajet de Monsieur X... pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constituent pas du temps de travail effectif, en précisant :

- que Monsieur X... n'a pas été contraint de passer au dépôt le matin avant de se rendre sur les chantiers puisqu'il a refusé de signer l'avenant à son contrat de travail qui prévoyait cette obligation ;

- que Monsieur X... bénéficiait d'un véhicule de fonction pour effectuer tout type de trajet, et pouvait se rendre directement sur le chantier;

-qu'en choisissant librement de venir au siège avant de se rendre sur les chantiers, Monsieur X... a perçu, conformément à la convention collective applicable, l'indemnité de petits déplacements ;

- que les indemnités de petits déplacements ne se cumulent pas avec celles du temps de trajet ;

- qu'elle a procédé à la déclaration du dispositif de géolocalisation le 14 août 2007 et que les comptes de compensation sont le reflet de la durée du travail figurant sur les documents produits par M. X....

S'agissant de la régularité de l'accord de modulation du temps de travail, la société COTE JARDIN soutient :

- que seul l'avenant n°9 du 24 janvier 1997 à l'accord national du 23 décembre 1981 a institué l'annualisation du temps de travail ;

- que l'article L.212-8 ancien du code du travail, invoqué par le salarié, qui fixait les conditions de l'annualisation des accords de branche, n'était pas applicable au moment de la signature de cet avenant;

- que l'article L.212-2-1 ancien du code du travail, applicable au 24 janvier 1997, n'imposait pas aux accords de branche de fixer les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation et les modalités de recours au travail temporaire ;

- que l'article 10 de l'avenant n°9 renvoie à l'entreprise la compétence d'établir sa propre programmation et fixe à l'alinéa 7 les conditions de recours au chômage partiel; et que l'article 10-1 fixe le délai de prévenance en cas de changement d'horaires ;

- que le salaire de Monsieur X... est lissé sur 35 heures, de sorte qu'il était déjà rémunéré sur une base de 35 heures et qu'il ne peut pas prétendre à être payé deux fois ;

- que Monsieur X... n'apporte pas la preuve d'une dissimulation d'activité.

La société COTE JARDIN soutient ensuite qu'elle a régularisé, en mars 2016, la somme dûe à Monsieur X... au titre de ses jours supplémentaires pour fractionnement pour la période allant de 2009 à 2015.

Elle considère également que la démission de Monsieur X... le 25 février 2016 ne peut être requalifiée en prise d'acte en l'absence de manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

La société prétend en dernier lieu que l'action en justice initiée par Monsieur X... présente un caractère abusif au motif notamment :

-qu'il soutient qu'il n'a pas été informé de l'annualisation et de ses modalités alors qu'elle a réuni trois fois le personnel dont une réunion avec l'inspection du travail;

-qu'il a sollicité le paiement du temps de trajet en temps de travail effectif, et que lorsqu'elle a accédé à sa demande, il a refusé.

L'employeur ajoute que le comportement de Monsieur X... a porté préjudice à la société depuis plus de six ans, tant au niveau de son organisation que de sa cohésion.

SUR CE :

Il convient de prononcer la jonction des affaires n°16/08036 et n°16/08042, sous le numéro 16/08036.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des temps de trajet :

Aux termes des dispositions de l'article L.3121-1 du code du travail, "la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles".

En application des articles L.713-5 du code rural et L.3121-4 du code du travail, "le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire".

En vertu de l'article 6.2 de l'accord national du 23 décembre 1981concernant la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles et rattaché à la convention collective nationale des entreprises agricoles, "même lorsqu'ils font l'objet d'une rémunération en application de stipulations conventionnelles ou contractuelles ou conformément aux usages, ne sont pas considérés comme travail effectif le temps nécessaire à la restauration et les temps consacrés aux pauses, ainsi qu'aux trajets entre le siège de l'entreprise ou de l'établissement et le lieu de travail lorsque les critères définis à l'alinéa 2 de l'article 6.1 ne sont pas réunis.'

L'article 6 de la convention collective des entreprises du paysage du 10 octobre 2008 étendue le 16 mars 2009 prévoit également pour les ouvriers de chantier exécutant un travail non sédentaire qui ne se rattache pas à un lieu de travail unique et définitif que le temps normal de trajet pour se rendre sur le lieu d'exécution du travail, soit le chantier, n'est pas un temps de travail effectif et que l'indemnisation pour les petits déplacements (moins de 50 km du siège) est fixée à un montant variable en fonction de la distance.

Ainsi, l'article 6 énonce qu' "a) est réputé constituer un temps normal de trajet celui qui éloigne les salariés de moins de 50 Km du siège, de l'agence ou du dépôt.

b)Le salarié qui se rend par ses propres moyens sur le chantier assigné par son employeur perçoit pour ses frais de repas, s'il ne déjeune ni à l'entreprise ni à son domicile, une indemnité de panier, d'un montant égal à la valeur de 2.5 MG en vigueur au 1er janvier de l'année en cours.

C)Le salarié qui se rend sur les chantiers par les moyens de transport mis à sa disposition par l'entreprise au siège ou dans l'un de ses dépôts est indemnisé dans les conditions suivantes :

-dans la limite du temps normal de trajet visé au a) ci-dessus, le salarié est globalement indemnisé de ses frais de panier et de déplacement par le biais d'une indemnité pour petit déplacement fixée en fonction des distances suivantes :

-dans un rayon de 5km du siège ou du dépôt jusqu'au chantier

-dans un rayon de plus de 5 km jusqu'à 20 km

-dans un rayon de plus de 20 km jusqu'à 30 km

-dans un rayon de 30 km jusqu'à 50 km.

(...).

Au-delà du temps normal de trajet visé au a) ci-dessus, le salarié est, en outre, rémunéré pour le trajet restant comme s'il s'agissait d'un temps de travail.

L'appréciation, en durée, du temps normal de trajet de petit déplacement est déterminée par accord collectif d'entreprise ou à défaut par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'ils existent".

(...)".

En revanche, lorsque l'employeur oblige les salariés à se présenter au dépôt avant de partir sur le chantier, le temps de travail effectif doit être décompté à partir de son arrivée au dépôt et le temps de trajet pour se rendre sur le chantier et en revenir, notamment pour charger du matériel, doit être décompté comme du temps de travail effectif. Le document de décompte du temps de travail du salarié doit en conséquence indiquer l'heure d'arrivée au dépôt comme étant l'heure de début de la journée de travail.

En ce cas, l'obligation conventionnelle d'indemniser les trajets réalisés par les salariés se cumule avec l'obligation légale de rémunérer le temps de trajet lorsque ce dernier constitue un temps de travail effectif.

En l'espèce, l'employeur a pris une note de service en date du 24 novembre 2015 rédigée en ces termes : " Nous vous rappelons que lors de votre passage au dépôt après votre journée de travail, vous devez imprimer votre fiche de chantier de la journée et la déposer sur le bureau du conducteur de travaux.

Selon le chantier, les instructions seront données par celui-ci ou le chef d'entreprise pour l'organisation du lendemain. (...)".

Ainsi, il est établi que les salariés avaient bien l'obligation de passer au dépôt le matin pour recevoir les instructions et le soir pour déposer la fiche de chantier de la journée.

Cinq collègues de travail de Monsieur X... ont attesté, dans des témoignages datés de février 2017, qu'ils avaient l'obligation de se rendre au dépôt le matin afin de récupérer le planning de la journée, préparer les pièces nécessaires et y repasser le soir après le chantier pour effectuer un bilan de la journée.

Monsieur C... atteste en ces termes : "lors de la signature de mon premier contrat en CDD le 18/03/13, Monsieur Serge A... m'a demandé de signer une feuille qui proposait deux cas de figure. Soit d'aller au chantier par mes propres moyens, soit d'aller à l'entreprise avec mon véhicule personnel puis d'aller au chantier avec le camion de l'entreprise. Je n'ai pas eu le choix j'ai signé le cas n°2. Cependant lorsque le chantier était proche de chez moi, j'ai demandé l'autorisation de prendre mon véhicule personnel pour aller de l'entreprise au chantier. Je devais dans tous les cas passer par l'entreprise le matin afin de charger le camion pour aider mes collègues à charger le camion avec le matériel. Cette configuration a continué une fois que j'ai signé mon CDI".

Monsieur Eddy D..., salarié de la société COTE JARDIN du 30 janvier 2009 au 15 mars 2013, atteste également que "(...) L'organisation mise en place par Monsieur A... obligeait Monsieur X... Y... à se rendre au dépôt le matin pour amener le matériel, les engins et le personnel sur le chantier et à les ramener le soir au dépôt".

Des clients de la société indiquent que Monsieur X..., conducteur d'un véhicule avec benne amovible, était chargé d'apporter le matériel ainsi que les outils sur les chantiers et de transporter ses collègues.

Par courrier du 10 février 2017, le contrôleur du travail a indiqué à Monsieur E..., l'un des salariés de la société, que lorsque les conducteurs ainsi que les salariés sont obligés de passer par le dépôt avant de se rendre sur le chantier, il convient d'une part de rémunérer leur temps de trajet comme du temps de travail effectif, d'autre part, de leur appliquer le barème d'indemnisation prévu par l'article 6 de la convention collective nationale des entreprises du paysage pour les petits déplacements.

L'employeur, qui invoque le questionnaire qu'il a remis aux salariés leur demandant d'opérer le choix suivant : se rendre directement sur les chantiers ou décider de se rendre au siège, auquel cas ils bénéficieront d'indemnités de petit déplacement, et le fait que les auteurs des attestations ont choisi la deuxième option, ne démontre pas que le salarié avait d'autre choix que celui qui lui était ainsi offert reprenant l'article 6 de la convention collective.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur X... avait bien l'obligation de se rendre au dépôt avant d'aller sur le chantier puis après avoir quitté celui-ci, de sorte qu'il se trouvait à disposition de l'employeur et que le temps de trajet siège-chantier et chantier-siège devait être rémunéré comme du temps de travail effectif.

Or, l'indemnité de trajet prévue par la convention collective nationale des entreprises du paysage, qui a un caractère forfaitaire, est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé.

Ainsi, le salarié est bien fondé à solliciter le maintien du bénéfice des dispositions relatives à l'indemnisation conventionnelle des petits déplacements et le rappel de salaire, conformément aux calculs présentés dans ses conclusions.

Il y a donc lieu de condamner la société COTE JARDIN à payer au salarié les sommes suivantes :

-549 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2010, outre 54,90 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.025,72 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2011, outre 102,57 euros à titre de congés payés afférents ;

-695,64 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012, outre 69,56 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.163,83 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013, outre 116,38 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.128,359 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014, outre 112,83 euros à titre de congés payés afférents ;

-320,12 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015, outre 32,01 euros à titre de congés payés afférents ;

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

La demande subsidiaire en remboursement des indemnités de trajet sera par voie de conséquence rejetée.

Sur la demande de rappel de salaires au titre des temps de travail effectif non comptabilisés :

Les éléments produits aux débats par Monsieur X... ne permettent pas de vérifier le bien-fondé des sommes réclamées à titre de rappel d'heures supplémentaires. Ce chef de demande sera donc rejeté et le jugement déféré, confirmé sur ce point.

Sur l'annualisation du temps de travail :

L'article 20 de la loi du 20 août 2008 modifiant l'ensemble des dispositions relatives à l'organisation du temps de travail sur un cycle supérieur à la semaine, prévoit que "les accords conclus en application des articles L.3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail ou des articles L. 713-8 et L. 713-14 du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur".

L'article L. 3122-9 du code du travail, abrogé au 22 août 2008, énonçait qu' "une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures.

La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur.

La convention ou l'accord précise les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.

La convention ou l'accord doit respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail définies au chapitre Ier".

Ainsi, toutes les clauses de ces accords relatifs au cycle de travail, à la modulation ou aux jours de réduction du temps de travail sur l'année continuent à s'appliquer dans les conditions prévues par ces accords et par la législation antérieure applicable aux accords d'aménagement du temps de travail au moment de leur signature.

L'employeur s'appuie sur les dispositions de l'article L.212-2-1 ancien du code du travail, applicable du 21 décembre 1993 au 1er février 2000, selon lesquelles les conventions et accords définis par le présent article doivent respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail prévues par les articles L. 212-1, deuxième alinéa, et L. 212-7, deuxième et quatrième alinéas, et doivent fixer notamment le programme indicatif de cette répartition et le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus des changements d'horaires, ainsi que les conditions de recours au chômage partiel.

Or, à la date de la signature de l'avenant n°9, soit le 24 janvier 1997, les articles L.212-8 et L.212-8-4 ancien du code du travail étaient également en vigueur et prévoyaient :

-qu'une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que sur un an cette durée n'excède pas en moyenne trente-neuf heures par semaine travaillée.

Ces conventions ou accords entraînent l'application des dispositions de l'article L. 212-8-1. (...),

-que la convention ou l'accord collectif étendu ou la convention et l'accord d'entreprise ou d'établissement mentionné à l'article L.212-8 devait préciser les données économiques et sociales qui justifiaient le recours à la modulation des horaires et comporter obligatoirement des dispositions concernant :

"1° Le droit à la rémunération et au repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période annuelle de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat a été rompu au cours de cette période annuelle ;

2° Les conditions du recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation ;

3° Le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus des changements d'horaire ;

4° Le programme indicatif concernant la mise en oeuvre de la modulation ;

5° Les mesures applicables au personnel d'encadrement.

(...)".

Ainsi, lorsque l'accord de modulation n'est pas conforme aux textes applicables, l'employeur ne peut s'en prévaloir et à défaut d'accord collectif valable, les entreprises n'ont donc accès qu'à un dispositif permettant d'aménager le temps de travail sur une période pluri-hebdomadaire limitée à quatre semaines.

En l'espèce, l'accord national sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles, allégué par la société COTE JARDIN, a été conclu par les partenaires sociaux le 23 décembre 1981 et amendé par l'avenant n°9 du 24 janvier 1997.

L'employeur affirme que l'accord est valable puisque l'article 10 de l'avenant n°9 renvoie à l'entreprise le soin d'établir sa propre programmation de la répartition de la durée du travail, fixe à l'alinéa 7 les conditions de recours au chômage partiel et prévoit un délai de prévenance en cas de changement d'horaires.

Or, en renvoyant à l'entreprise le soin d'établir sa propre programmation de la répartition de la durée du travail, l'avenant ne fixe pas de programme indicatif de la répartition, de sorte qu'il ne respecte pas les prescriptions de l'article L.212-2-1 ancien du code du travail.

En outre, contrairement aux dispositions de l'article L.212-8-4 ancien du code du travail, l'accord collectif applicable à la société COTE JARDIN ne précise pas les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.

Il s'en déduit que l'accord de modulation du temps de travail, résultant de l'avenant n°9 en date du 24 janvier 1997, est privé d'effet et est inopposable à Monsieur X... en raison de sa non-conformité aux dispositions légales applicables.

Monsieur X... est donc fondé à solliciter des rappels de salaire correspondant aux rémunérations qu'il aurait perçues par l'application des dispositions de droit commun.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

En application de l'article L.3121-22 du code du travail, dans sa version application au litige, "les heures accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L.3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50%. Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10%".

Il résulte des pièces versées aux débats que durant les cycles de 32 heures hebdomadaires, les heures non travaillées par Monsieur X... se situant en deçà de la 35ème heure ont été portées sur un compte dit des "heures de compensation" et ont été considérées par la société comme des heures dont le salarié était redevable à son égard. En parallèle, la société a mis en place, durant les cycles de 38 heures hebdomadaires, un compte dit des "heures de modulation" sur lequel figuraient les heures réalisées par le salarié comprises entre 35 heures et 38 heures et qui ne lui ont pas été rémunérées.

En fin de cycle, la société soldait les deux comptes et versait au salarié un reliquat d'heures supplémentaires lorsque le crédit du compte des "heures de modulation" était supérieur à celui du compte des "heures de compensation".

Il résulte des tableaux récapitulatifs hebdomadaires des comptes de compensation versés aux débats, pour les années 2009 à 2015 que Monsieur X... a accompli, certaines semaines, moins de 35 heures, et sur certaines semaines, entre 35 heures et 38 heures.

Etant donné que la société COTE JARDIN avait l'obligation de fournir du travail à Monsieur X... afin de l'occuper 35 heures par semaine conformément aux règles de droit commun, il y a lieu de condamner la société COTE JARDIN à verser à ce dernier, au titre de l'ensemble des heures figurant au compte "heures de compensation" au taux normal, les sommes suivantes :

-366 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2010, outre 36,60 euros à titre de congés payés afférents ;

-161,04 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2011, outre 16,10 euros à titre de congés payés afférents ;

-876,60 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012, outre 87,66 euros à titre de congés payés afférents ;

-910,90 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013, outre 91,09 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.175,96 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014, outre 117,60 euros à titre de congés payés afférents ;

-589,845 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015, outre 58,984 euros à titre de congés payés afférents ;

ainsi qu'au titre de l'ensemble des heures de travail effectuées par lui comprises entre la 35ème et la 38ème heure au taux horaire majoré de 25%, les sommes suivantes :

-905,85 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2010, outre 90,58 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.665,30 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2011, outre 166,53 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.605,28 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012, outre 160,53 euros à titre de congés payés afférents ;

-1.003,30 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2013, outre 100,33 euros à titre de congés payés afférents ;

-942,63 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014, outre 94,26 euros à titre de congés payés afférents ;

-863,302 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015, outre 86,33 euros à titre de congés payés afférents ;

Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte :

Une démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail.

Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient dans ce cadre au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige; le juge est tenu d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

La prise d'acte ne permet au salarié de rompre son contrat de travail qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail n'est pas contraint à l'exécution de son préavis.

Par courrier du 25 février 2016, Monsieur X... a présenté sa démission en reprochant à l'employeur les manquements suivants :

- l'avoir privé d'une partie importante de sa rémunération en s'abstenant fautivement de rémunérer comme du temps de travail effectif les temps de trajet siège-chantier et chantier-siège en dépit de ses courriers,

- lui avoir appliqué une annualisation du temps de travail qui lui est pourtant inopposable et illicite.

Ainsi, sa démission est bien équivoque.

Le non-paiement des temps de trajet siège-chantier et chantier-siège en tant que temps de travail effectif ainsi que l'application par l'entreprise du système de modulation du temps de travail constituaient précisément l'objet du litige entre les parties depuis l'année 2009, tandis que le contentieux élevé devant le conseil de prud'hommes n'avait pas encore été tranché à la date du courrier du 25 février 2016.

Dans ces conditions, il ne peut être soutenu par le salarié qu'il s'agissait de manquements de l'employeur suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à ses torts.

En conséquence, cette prise d'acte doit produire les effets d'une démission et les demandes en paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts formées par M. X... seront rejetées.

La demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour brusque rupture sera également rejetée, la faute commise par M. X... qui avait le droit de démissionner n'étant pas établie.

Sur le fractionnement des congés payés :

Aux termes des dispositions de l'article L.3141-18 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige,

"Lorsque le congé ne dépasse pas douze jours ouvrables, il doit être continu.

Lorsque le congé principal est d'une durée supérieure à douze jours ouvrables et au plus égale à vingt-quatre jours ouvrables, il peut être fractionné par l'employeur avec l'accord du salarié. Dans ce cas, une des fractions est au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire".

En outre, l'article L. 3141-19 du même code dispose que "lorsque le congé est fractionné, la fraction d'au moins douze jours ouvrables continus est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.

Les jours restant dus peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de cette période.

Il est attribué deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours.

Les jours de congé principal dus en plus de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément.

Des dérogations peuvent être apportées aux dispositions du présent article, soit après accord individuel du salarié, soit par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement".

Les congés de fractionnement sont dus même lorsque le salarié a pris lui-même l'initiative de solliciter auprès de son employeur le fractionnement de ses congés payés.

La renonciation des salariés au bénéfice des jours de congés supplémentaires prévus en cas de fractionnement du congé annuel doit être individuelle, expresse et ne peut donc se présumer.

La société COTE JARDIN reconnaît dans ses écritures que les jours supplémentaires pour fractionnement n'ont plus été suivis à compter du mois de janvier 2009 en raison d'un changement par la société du cabinet d'expertise comptable.

L'employeur ne conteste pas avoir imposé chaque année aux salariés le fractionnement de leur congé principal, soit trois semaines de congés prises entre le 1er mai et le 31 octobre.

Il résulte de la pièce n°47 de la société, qu'au mois d'avril 2016, elle a versé à Monsieur X... la somme de 395,33 euros à ce titre pour les années 2009 à 2015 et qu'elle l'a ainsi rempli de ses droits.

De son côté, Monsieur X... n'apporte pas la preuve qu'il aurait subi un préjudice dont le montant serait supérieur à cette somme.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande à ce titre.

Sur l'exécution du contrat de travail :

En application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi".

L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce Monsieur X... se fonde sur les mêmes manquements de l'employeur que ceux qui sont invoqués à l'appui de sa prise d'acte de la rupture et il sollicite l'allocation de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant du non-paiement de son temps de trajet comme un temps effectif de travail et de l'application d'un système de modulation du temps de travail qui lui était inopposable.

Toutefois, il ne caractérise pas l'existence d'un préjudice distinct de celui qui se trouve indemnisé par la condamnation ci-dessus au paiement des rappels de salaires et par l'allocation des intérêts de retard au taux légal, en application de l'article 1153 alinéa 1er ancien du code civil.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de ce chef de demande.

Sur le travail dissimulé :

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est constituée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, le fait que l'employeur n'ait pas procédé au paiement de l'intégralité des heures de travail ne suffit pas à caractériser son intention de dissimuler l'activité de Monsieur X... dans la mesure où il se fondait, même de manière erronée, sur un accord qu'il estimait valable.

La demande d'indemnité pour travail dissimulé sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive:

La société ne démontre pas que Monsieur X..., qui obtient partiellement gain de cause en ses demandes, a agi en justice de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable.

En conséquence, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a mis à sa charge des dommages et intérêts et ce chef de demande sera rejeté.

Sur les documents de travail :

La société COTE JARDIN sera condamnée à remettre à Monsieur X... un bulletin de salaire récapitulatif et rectifié en fonction des condamnations prononcées, dans le délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, qui courra pendant un délai de 6 mois.

Il n'y a pas lieu de réserver à la cour le pouvoir de liquider cette astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société COTE JARDIN sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur X... la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

PRONONCE la jonction des affaires n°16/08036 et n°16/08042, sous le numéro 16/08036;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de rappel de salaire au titre du temps de travail non comptabilisé, de sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes consécutives, ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, pour non-respect des dispositions relatives au fractionnement des congés payés et pour dissimulation d'emploi salarié;

L'INFIRME pour le surplus de ses dispositions

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la société COTE JARDIN à payer à Monsieur X..., à titre de rappel de salaire pour le temps de trajet non rémunéré, les sommes suivantes :

549 euros pour l'année 2010, outre 54,90 euros à titre de congés payés afférents,

1.025,72 euros pour l'année 2011, outre 102,57 euros à titre de congés payés afférents,

695,64 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2012, outre 69,56 euros à titre de congés payés afférents,

1.163,83 euros pour l'année 2013, outre 116,38 euros à titre de congés payés afférents,

1.128,359 euros pour l'année 2014, outre 112,83 euros à titre de congés payés afférents,

320,12 euros pour l'année 2015, outre 32,01 euros à titre de congés payés afférents,

DÉCLARE inopposable à Monsieur X... l'avenant n° 9 du 24 janvier 1997 à l'accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et les entreprises agricoles ;

CONDAMNE en conséquence la société COTE JARDIN à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :

à titre de rappel de salaire pour les heures de compensation,

-366 euros pour l'année 2010, outre 36,60 euros à titre de congés payés afférents,

-161,04 euros pour l'année 2011, outre 16,10 euros à titre de congés payés afférents,

-876,60 euros pour l'année 2012, outre 87,66 euros à titre de congés payés afférents,

-910,90 euros pour l'année 2013, outre 91,09 euros à titre de congés payés afférents,

-1.175,96 euros pour l'année 2014, outre 117,60 euros à titre de congés payés afférents,

-589,845 euros pour l'année 2015, outre 58,984 euros à titre de congés payés afférents,

à titre de rappel de salaire pour les heures de modulation,

-905,85 euros pour l'année 2010, outre 90,58 euros à titre de congés payés afférents,

-1.665,30 euros pour l'année 2011, outre 166,53 euros à titre de congés payés afférents,

-1.605,28 euros pour l'année 2012, outre 160,53 euros à titre de congés payés afférents,

-1.003,30 euros pour l'année 2013, outre 100,33 euros à titre de congés payés afférents,

-942,63 euros pour l'année 2014, outre 94,26 euros à titre de congés payés afférents,

-863,302 euros pour l'année 2015, outre 86,33 euros à titre de congés payés afférents,

CONDAMNE la société COTE JARDIN à remettre à Monsieur X... un bulletin de salaire récapitulatif et rectifié en fonction des condamnations prononcées, dans le délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, qui courra pendant un délai de 6 mois ;

DIT n'y avoir lieu à réserver à la cour d'appel le pouvoir de liquider l'astreinte ;

DEBOUTE la société COTE JARDIN de ses demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive et brusque rupture et de sa demande subsidiaire en remboursement des indemnités de trajet ;

CONDAMNE la société COTE JARDIN à payer à Monsieur X... la somme de 1.500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société COTE JARDIN aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Carole NOIRARDJoëlle B...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/08036
Date de la décision : 28/11/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/08036 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-28;16.08036 ?
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