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27/11/2018 | FRANCE | N°17/03858

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre b, 27 novembre 2018, 17/03858


N° RG 17/03858



















décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

ch 9 cab 9 F

du 26 avril 2017



RG :14/10615

ch n°9



E...



C/



X...







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



2ème Chambre B



ARRET DU 27 Novembre 2018







APPELANTE :



Mme E...

[...]



représenté

e par Mr Joaquim FERNANDEZ, avocat général











INTIME :



M. Y... X...

né le [...] à AMBAGARATTOUR (INDE)

[...]





représenté par Me Marie-Noëlle Z..., avocat au barreau de LYON

















******







































Date de clôture de l'instruction : 22 Mai 2018



Dat...

N° RG 17/03858

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

ch 9 cab 9 F

du 26 avril 2017

RG :14/10615

ch n°9

E...

C/

X...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème Chambre B

ARRET DU 27 Novembre 2018

APPELANTE :

Mme E...

[...]

représentée par Mr Joaquim FERNANDEZ, avocat général

INTIME :

M. Y... X...

né le [...] à AMBAGARATTOUR (INDE)

[...]

représenté par Me Marie-Noëlle Z..., avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 22 Mai 2018

Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil: 11 Octobre 2018

Date de mise à disposition : 27 Novembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré:

- Catherine PAFFENHOFF, président

- Véronique GANDOLIERE, conseiller

- Hervé LEMOINE, conseiller

assistée pendant les débats de Marine DELPHIN-POULAT, greffier

A l'audience, Véronique GANDOLIERE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine PAFFENHOFF, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par une décision du 26 juin 2003, le greffier en chef du tribunal d'instance du 8ème arrondissement de Paris a refusé la délivrance d'un certificat de nationalité française à M. Y... X..., se disant né le [...] à Ambagarattour (Inde), au motif que la filiation paternelle de M. X..., père de l'intéressé, n'est pas établie.

M. X... a formé un recours gracieux auprès des services de la Chancellerie, qui, le 19 février 2014, a confirmé le refus aux motifsque n'est pas démontré la qualité d'origine des établissements français de l'Inde de son père, M. X..., alors que des incohérences des pièces ne permettent pas d'établir que monsieur X... est bien le fils de C..., né le [...] à Karikal.

Par acte en date du 25 juillet 2014 M. X... a assigné monsieur le procureur de la république de Lyon, aux fins de voir :

-annuler la décision de refus de délivrer un certificat de nationalité française qui lui a été opposée;

-dire et juger qu'il est français sur le fondement de l'article 18 du code civil,

-à titre subsidiaire dire et juger qu'il est français en application de l'article 21-13 du code civil;

-statuer ce que de droit sur les dépens.

Par jugement en date du 26 avril 2017 le tribunal de grande instance de Lyon a :

-constaté que le récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré;

- dit que Y... X..., né le [...] à Ambagarattour en Inde, de l'union de monsieur X... et de madame A... est français;

-ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

-rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

-laissé à la charge de l'État français les dépens, qui seront distraits au profit de maître Marie-Noëlle Z... et recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Le procureur de la République a interjeté appel total de cette décision par déclaration reçue au greffe le 23 mai 2017.

Les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été satisfaites et récépissé en a été délivré le 13 juin 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 février 2018, la procureure générale sollicite de la cour, de :

- constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- infirmer le jugement de première instance,

- dire que M. X... n'est pas de nationalité française,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir :

que la condition de principe pour la recevabilité en France des actes publics établis à l'étranger est qu'ils soient correctement légalisés ;

que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de grande instance de Lyon dans la présente affaire, le simple visa par des autorités étrangères locales sur un acte étranger ne peut en aucun cas suffire à suppléer la légalisation de la signature de l'auteur de cet acte par une autorité consulaire qui doit être soit le consul de France en poste dans le pays étranger, soit le consul étranger en poste en France;

que cependant, la France et l'Inde sont toutes les deux parties à la convention de la Haye du 5 octobre 1961 sur l'apostille ;

qu'au regard de cette convention, la France a dispensé l'Inde de légaliser les actes publics produits sur son territoire et a choisi d'exiger que les actes publics indiens soient apostillés dans les formes fixées par la dite convention, pour être opposables en France ;

que M. X... ne justifie pas d'un état civil certain, l'apostille apposée sur l'acte de naissance indien, n'étant pas conforme aux exigences de la Convention de la Haye précitée ce qui rend cette pièce non opposable en France ;

que notamment le formulaire d'apostille mentionne un nom pour le signataire de l'acte de naissance indien qui n'est pas le même que celui figurant sur ce dernier document ;

que la qualité de signataire de l'acte public soumis à l'apostille n'est pas précisée ;

que l'état civil de monsieur Y... X... est entaché d'incertitude alors que nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française à quelque titre et sur quelque fondement que ce soit s'il ne justifie d'un état civil certain ;

- que s'agissant de la filiation de M. X..., la cour constatera que celle-ci n'est pas légalement établie au regard des pièces produites par l'intéressé en première instance ;

que M Y... X... ne prouve pas l'existence d'un mariage entre X... et A... avant sa naissance puisque les pièces versées ne sont pas opposables en France car soit non apostillées soit à apostillées de façon incorrecte ;

que la preuve d'une filiation paternelle naturelle n'est pas davantage rapportée, en l'absence d'une reconnaissance de paternité ;

que pour établir le lien de filiation entre son père et son grand-père prétendu, M. X... produit deux actes, dont il est constaté qu'ils contiennent une divergence concernant l'identité des parents désignés de M. X... ;

qu' il ne rapporte donc pas la preuve de la filiation légitime de M. X... à l'égard de M. B... ou Ramayapoulle ;

que la filiation naturelle de son père déclarée à l'égard de son grand-père prétendu n'est pas davantage établie,

que les témoignages versées aux débats apparaissent être de complaisance et le certificat produit ne saurait prouver à lui seul qu'il y a identité de personne entre le père visé dans l'acte de naissance de M. X..., dénommé M. B... ou Ramayapoulle, et le sieur C... ;

que force est donc de retenir que M. X... ne justifie pas de l'état civil de M. B... dont le seul nom figure dans l'acte de naissance de M. X...,

que M. X... échoue à simplement justifier de l'identité de son grand-père paternel et de son arrière grand-père paternel prétendus au moyen d'actes de l'état civil ou de décisions de justice opposables en France,

que la nationalité française de X... avant l'indépendance n'étant pas établie, la question de la conservation de cette nationalité après cet événement n'a donc pas lieu de se poser.

Selon des dernières écritures notifiées le 19 février 2018, M. Y... X... demande à la cour, au visa des articles 18 et 21-13 du code civil, de :

- débouter la procureure générale de son appel,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon,

- dire et juger que M. X... est français en vertu de l'article 18 du code civil,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. X... est français en vertu de l'article 21-13 du code civil,

- laisser les dépens à la charge de l'état français.

Au soutien de ses prétentions, il répond notamment :

qu'il produit plusieurs documents probants pour justifier de son état civil ;

que la convention de la Haye du 5 octobre 1961 sur l'apostille n'exige pas que le signataire de l'apostille doive être la même personne qui a établi l'acte d'état civil ;

que contrairement à ce qu'indique la procureure générale, il n'y aucune divergence propre à jeter la suspicion sur l'acte de naissance et le livret de famille français ;

qu'aucune des données extérieures ou aucun des éléments tirés des actes eux-mêmes ne révèle une quelconque irrégularité, falsification ou des faits ne correspondant pas à la réalité, conformément à l'article 47 du code civil ;

qu'il n'est pas non plus démontré que les actes étrangers n'ont pas été rédigés dans les formes usitées en Inde ;

que l'état civil de monsieur Y... X... est donc établi et certain ;

-que tous les actes d'état civil indiquent que, son père, M. X... est né le [...] à Oubayavedandapuram, Talouk de Nannilame, de Ramayapoulle et Rajamani ;

que l'état civil de M. X... est donc certain et établi,

que l'acte de naissance, apostillé et accompagné de la traduction indique que le père de M. Y... X... est M. X... ;

qu' il établit donc son lien de filiation avec son père ;

que sur le lien de filiation entre le père et le grand père, dans tous les actes d'état civil de M. X..., il est indiqué le nom de son père ;

que ces documents ont été établis par les autorités indiennes selon les règles et usages prévalant en Inde anglaise ;

que la traduction du tamoul au français est phonétique et varie en fonction des interprètes ;

que le certificat d'identité de C... certifie que ce dernier a plusieurs noms à savoir Ramalingamepoulle et Ramayapoulle ;

qu' il établit donc l'état civil de son grand-père ;

que s'agissant du lien de filiation entre le grand père et l'arrière grand père, le lien de filiation entre C... et son père Sieur D... est établi ;

que le certificat d'identité atteste que Sellame ou D... est la même personne; que l'état civil de Sellame est donc établi ;

que la naissance de l'arrière grand-père Sellame, dans un établissement français de l'Inde démontre sa nationalité française ;

que le père de l'intimé, né en Inde anglaise, est français comme étant né en dehors des établissements français ;

que l'acte de naissance de M. X... a été dressé selon les formes usitées en Inde et a été transcrit sur le registre d'état civil français le 29 novembre 1986 ;

qu'aucune vérification utile n'a jamais été entreprise pour l'administration pour contester les données des actes civils transmis alors même que bon nombre de ces actes civils ont été communiqués lors de la demande de certificat de nationalité française des autres membres de la famille de M. X..., à savoir son père et ses trois soeurs ;

que le concluant, à l'instar de ses trois s'urs titulaires d'un certificat de nationalité française, est français conformément à l'article 18 du code civil ;

-que le concluant produit de nombreuses pièces indiquant une possession d'état de français depuis plus de dix années ;

que depuis 2007, il a résidé de façon continue en France et travaille depuis 2008 en tant qu'agent d'entretien de la ville de Lyon ;

que sa possession d'état est sans équivoque, tant du point de vue du requérant que de l'administration française.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture a été prononcée le 22 mai 2018.

MOTIFS ET DECISION

Attendu qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne doit statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des dernières conclusions des parties ;

Attendu que l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits, même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel ;

Attendu que l'intégralité de la décision est contestée.

Sur les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile

Attendu qu'il convient de constater que le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré dans le cadre de la procédure d'appel.

Sur le fond

Attendu que l'article 18 du code civil dispose qu'est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ;

Attendu qu'aux termes de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivrée conformément aux articles 31 et suivants ;

Attendu que l' article 47 du dit code précise que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

*Sur l'état civil de monsieur Y... X...

Attendu que pour justifier de son état civil monsieur Y... X... produit la copie délivrée le 14 septembre 2015 de son acte de naissance apostillé et traduit, dressé à Tirnoular (Inde) le 7 novembre 1986, mentionnant qu'il est né le [...] à Ambagarattour (Inde) de UTHIRAPATHYet de PONNOU CANNOU ;

Attendu qu'aux termes de l'article 5 de la convention de la Haye du 5 octobre 1961, supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, l'apostille atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, que l'apostille du 29 octobre 2015 mentionne comme nom de la personne, qui a signé le certificat de naissance susvisé ' L.MOHAMED MANSOOR', alors que le nom du signataire apposé sur le document produit par monsieur Y... X... est 'R.ARUNASALAM', que de même la qualité du signataire de l'acte public n'est pas précisé, que dès lors l'acte de naissance produit par monsieur Y... X... qui comporte une apostille ne répondant pas aux exigences de la convention de la Haye, ne peut pas se voir conférer une valeur probante opposable en France, que monsieur Y... X... qui ne justifie pas d'un état civil certain, ne peut pas se voir conférer la nationalité française, que le jugement déféré doit être infirmé ;

*Sur la possession d'état

Attendu qu'aux termes de l'article 21-13 du code civil peut réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de français, pendant les 10 années précédant leur déclaration,

Que les article 26 et 26-3 précisent que la déclaration de nationalité est reçue par le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance ou par le consul, que la décision de refus d'enregistrement peut être contestée devant le tribunal de grande instance durant un délai de six mois;

Attendu que l'acquisition de la nationalité française par possession d'état est subordonnée à la souscription préalable d'une déclaration dans les conditions susvisées, que dès lors la cour ne peut que constater que la demande de monsieur Y... X... est en l'état irrecevable comme n'ayant pas respecté la procédure prévue aux articles susvisés.

Sur les frais et dépens

Attendu qu'il convient de laisser à la charge chaque partie la charge des dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après débats publics, après en avoir délibéré, statuant contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que monsieur Y... X... n'est pas de nationalité française ;

Déclare irrecevable sa demande d'acquisition de la nationalité française par possession d'état ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais de dépens par elles engagés en première instance et en appel,

Rejette toutes autres demandes.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Catherine PAFFENHOFF, présidente et par Priscillia CANU , greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 17/03858
Date de la décision : 27/11/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 2B, arrêt n°17/03858 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-27;17.03858 ?
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