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20/11/2018 | FRANCE | N°17/02272

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre a, 20 novembre 2018, 17/02272


N° RG 17/02272 -

N°Portalis DBVX-V-B7B-K5ZQ









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 01 mars 2017



RG : 16/1870

ch n°9





B...



C/



A...





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



2ème chambre A



ARRET DU 20 Novembre 2018







APPELANTE :



Mme B...

[...]



Représentée

par M. FERNANDEZ Avocat Général









INTIME :



M. C... A...

né le [...] à SYBRA (YEMEN)

[...]



Représenté par Me Anne-caroline X..., avocat au barreau de LYON



































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Date de clôture de l'instruction : 06 Septembre 2018



Date des plaidoi...

N° RG 17/02272 -

N°Portalis DBVX-V-B7B-K5ZQ

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 01 mars 2017

RG : 16/1870

ch n°9

B...

C/

A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRET DU 20 Novembre 2018

APPELANTE :

Mme B...

[...]

Représentée par M. FERNANDEZ Avocat Général

INTIME :

M. C... A...

né le [...] à SYBRA (YEMEN)

[...]

Représenté par Me Anne-caroline X..., avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 06 Septembre 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Octobre 2018

Date de mise à disposition : 13 Novembre 2018

Prorogé au : 20 Novembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Marie-Pierre GUIGUE, présidente

- Laurence VALETTE, conseillère

- Hervé LEMOINE, conseiller

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière

A l'audience, Hervé LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Marie-Pierre GUIGUE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrate signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur C... A..., né le [...] à Sibra (Yémen), de nationalité yéménite, et Madame Hinda Y..., de nationalité française, se sont mariés le 10 août 2002 à Lyon (69).

De cette union sont issus deux enfants, Amani, né le [...], et Dhaman, né le [...].

Le 10 septembre 2004, Monsieur C... A... a souscrit une déclaration d'acquisition de nationalité française à raison de ce mariage qui a été enregistrée le 22 août 2005.

Par jugement en date en date du 28 août 2007, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon (69) a prononcé le divorce par consentement mutuel de Monsieur C... A... et de Madame Hinda Y....

Monsieur C... A... s'est remarié le 7 octobre 2008 avec Madame Mina Z..., qu'il avait déjà épousé le 28 mars 1997, de laquelle il avait divorcé le 6 juillet 2002 et avec laquelle il a eu deux enfants, Enas et Iman, nés [...] au Yemen, alors qu'il était marié avec Madame Hinda Y....

Par acte du 11 février 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon (69) a fait assigner Monsieur C... A... devant cette juridiction aux fins d'annulation de l'enregistrement de la déclaration d'acquisition de nationalité française souscrite le 10 septembre 2014 et de constatation de son extranéité.

Par jugement en date du 1er mars 2017, le tribunal de grande instance de Lyon (69) a débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes.

Le ministère public a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 27 mars 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées le 6 décembre 2017, Madame la procureure générale près la cour d'appel de Lyon (69) demande à la cour de :

- constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- déclarer le ministère public recevable en son action,

- infirmer le jugement de première instance,

Et statuant à nouveau,

- annuler l'enregistrement effectué le 22 août 2005 de la déclaration souscrite le 10 septembre 2004 devant le tribunal d'instance de Lyon (69) par Monsieur A... et constater l'extranéité de l'intéressé,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le Ministère public fait valoir :

- que Monsieur C... A... a laissé s'écouler très peu de temps, à peine un mois, entre la dissolution de sa première union avec Madame Mina Z... et son remariage avec Madame Hinda Y...,

- que, pendant cette seconde union, il a eu des enfants avec sa précédente épouse, dont il était divorcé, manquant ainsi à ses devoirs de fidélité, de respect et de communauté de vie affective et matérielle, et remettant en cause la conception monogamique du mariage en droit français,

- que cette absence de communauté de vie est également démontrée par le fait que Monsieur C... A... se trouvait au Yemen en avril 2007 puisqu'il a procédé en personne à la déclaration de naissance de son second enfant issu de ses relations extra-conjugales,

- qu'il s'est remarié avec Madame Mina Z... en octobre 2008 qui a ensuite sollicité la nationalité française,

- que cet enchaînement des faits établit à l'évidence que Monsieur C... A... n'a divorcé de sa première épouse, Madame Mina Z..., que pour acquérir la nationalité française par mariage avec sa seconde épouse, Madame Hinda Y..., de nationalité française, et pour permettre à sa première épouse, avec laquelle il s'est ensuite remarié, ainsi qu'aux enfants qu'il a eus avec cette dernière, d'acquérir ou de se voir attribuer eux-mêmes la nationalité française,

- qu'ainsi, le mensonge et la fraude de Monsieur C... A... sont caractérisées : l'absence de communauté de vie réelle, au moins affective, entre les époux A... et Y... est parfaitement établie,

Madame la procureure générale près la cour d'appel de Lyon (69) ajoute qu'elle ne peut pas produire la déclaration souscrite par Monsieur C... A... en septembre 2004 ni l'attestation de communauté de vie signée par ce dernier et son épouse lors de cette déclaration, ces documents étant archivés à Fontainebleau et ce bâtiment est inaccessible car menaçant ruine.

Dans ses écritures notifiées le 29 août 2017, Monsieur C... A... demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 1er mars 2017 en ce qu'il a constaté la recevabilité de l'action intentée par le Ministère public,

- constater que la fraude alléguée n'est pas démontrée par l'appelante,

En conséquence,

- déclarer irrecevable l'action intentée par le ministère public,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 1er mars 2017,

En conséquence,

- débouter Madame la procureure générale de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner l'Etat aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître X..., avocat, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il réplique :

- qu'en l'absence de démonstration d'une fraude, l'action du ministère public est irrecevable puisque prescrite,

- que, si l'action du Ministère public est jugée recevable, il justifie par la production de multiples pièces d'une communauté de vie affective et matérielle effective avec Madame Hinda Y... à la date de la déclaration de nationalité et rappelle que l'existence d'une relation adultérine pendant le mariage n'est pas exclusive d'une communauté de vie avec son épouse française, d'autant que celle-ci était informée de l'existence de son enfant né [...] au Yemen,

- qu'il justifie en conséquence remplir l'ensemble des conditions fixées par l'article 21-2 du code civil, de sorte que l'enregistrement de sa déclaration acquisitive de nationalité française ne saurait être annulée.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture a été prononcée le 6 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu qu'il convient de constater que le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré le 21 avril 2017;

Sur la recevabilité de l'action du ministère public aux fins de contestation de l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 10 septembre 2004 par Monsieur C... A... :

Attendu qu'aux termes de l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi N°2003-1119 du 26 novembre 2003, applicable à la présente espèce, 'l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité [...]' ; que l'article 26-4 de ce même code énonce en son troisième alinéa que l'enregistrement de la déclaration concernée 'peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude' ; que le délai imparti par l'article 26-4 précité court à compter de la date à laquelle le ministère public territorialement compétent à été mis en mesure de découvrir la fraude alléguée;

Attendu qu'en l'espèce, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon (69) a été destinataire le 5 février 2016 d'un envoi de pièces de la Chancellerie aux fins de contestation de l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française faite par Monsieur C... A... et de constater son extranéité ; que c'est à compter de cette date que le ministère public a été mise en mesure de connaître l'existence d'une éventuelle fraude; que, dès lors, l'action intentée le 11 février 2016 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon (69) est recevable puisqu'introduite dans le délai de deux ans de l'article 26-4 précité ;

Sur le bien fondé de l'action du ministère public aux fins de contestation de l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 10 septembre 2004 par Monsieur C... A... :

Attendu qu'il a été rappelé ci-avant qu'un étranger épousant un ressortissant français peut acquérir la nationalité française par déclaration souscrite deux ans après le mariage et à condition qu'une communauté de vie tant matérielle qu'affective n'ait pas cessé entre les époux ; qu'il est constant que la communauté de vie ne se résume pas au seul devoir de cohabitation mais comporte aussi un élément intentionnel consistant en la volonté de vivre en union ; que cette union doit présenter des garanties de stabilité et d'effectivité ;

Attendu que l'instance ayant été engagée plus de deux ans après l'enregistrement de la déclaration, il incombe au ministère public de démontrer l'absence de communauté de vie entre les époux A... / Y... au jour de la déclaration, à savoir le 10 septembre 2014;

Attendu que le ministère public soutient que Monsieur C... A... n'a jamais eu de réelle intention matrimoniale ni de réelle communauté de vie affective et matérielle avec Madame Hinda Y..., qu'il n'a épousée que pour pouvoir obtenir la nationalité française et la transmettre à Madame Mina Z..., sa précédente épouse, avec laquelle il a eu deux enfants pendant son union avec Madame Hinda Y... et avec laquelle il s'est remarié une fois son divorce avec sa seconde épouse prononcé ;

Mais attendu que l'existence d'une relation extra-conjugale, même avec son ex-épouse restée au Yemen et même avec la conception de deux enfants adultérins, ne constitue pas en soi une preuve de l'absence de communauté de vie entre Monsieur C... A... et son épouse ; que Monsieur C... A... produit non seulement l'attestation de Madame Hinda Y..., son épouse de 2002 à 2007, qui certifie qu'ils ont réellement vécu ensemble pendant leur mariage et qu'elle n'ignorait ni la relation de son époux avec sa précédente épouse, ni la survenance d'un enfant en 2004, mais également quatre témoignages de proches qui attestent de la réalité de la vie commune de Monsieur C... A... et de son épouse, ainsi que des photographies du couple et de leurs enfants à l'occasion de divers événements familiaux ; que Monsieur C... A... produit également des copies du bail du logement familial, de relevés de compte joint, de factures de consommation de gaz ou d'électricité, d'attestations d'assurance ou de déclarations annuelles de revenus qui établissent qu'ils ont partagé matériellement une vie commune, qu'ils avaient un compte bancaire commun, qu'ils partageaient les charges de la vie quotidienne et qu'ils déclaraient ensemble leurs revenus respectifs ; que, de la même façon, Monsieur C... A... justifie d'une communauté de vie affective puisque, postérieurement à la naissance de son premier enfant adultérin en mars 2004, Madame Hinda Y... et lui ont continué à vivre ensemble, ont eu une première fille en octobre 2005, après avoir entrepris des démarches aux fins de fécondation par insémination artificielle, puis un fils en janvier 2007 ; que, dès lors, tous ces éléments établissent l'attachement de Monsieur C... A... à son épouse et à ses enfants, la volonté des époux de vivre en couple et, en résumé, la communauté de vie affective et matérielle de Monsieur C... A... et de Madame Hinda Y... au moment de la souscription de la déclaration de nationalité française mais également dans les années qui ont suivi ; que, dès lors, le jugement entrepris, qui a débouté le ministère public de son action, sera confirmé ;

Attendu que, compte tenu de l'issue du litige, les dépens d'appel resteront à la charge de l'Etat, comme d'ailleurs ceux de première instance, la décision critiquée étant confirmée sur ce point ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er mars 2017 par le tribunal de grande instance de Lyon (69),

LAISSE les dépens d'appel à la charge de l'Etat,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Pierre GUIGUE, présidente, et par Mme Sophie PENEAUD, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre a
Numéro d'arrêt : 17/02272
Date de la décision : 20/11/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 2A, arrêt n°17/02272 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-20;17.02272 ?
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