AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 17/00039 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KYUO
[O]
C/
SAS BRESSEREST
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bourg en Bresse
du 09 Décembre 2016
RG : 16/00056
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2018
APPELANTE :
[R] [O]
née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jean Marc BERNARDIN, avocat au barreau de l'AIN
Ayant pour avocat plaidant Me Paul TURCHET, avocat au barreau de l'AIN,
INTIMÉE :
SAS BRESSEREST
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Romain PIOCHEL, avocat au barreau de LYON
Ayant pour avocat plaidant Me Gérard DELDON de la SELARL LARMANDE DELDON CJA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Septembre 2018
Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel SORNAY, président
- Natacha LAVILLE, conseiller
- Sophie NOIR, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Novembre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SAS BRESSEREST exploite à [Localité 1] une cafétéria à l'enseigne '[Établissement 1]' au sein du centre commercial [Établissement 2].
[R] [O] a été embauchée par la SAS BRESSEREST à compter du 7 février 2011 en qualité d'adjointe de direction, responsable 'froid'. Cette cafétéria étant ouverte au public 7 jours sur 7 de 8h30 à 21h30, il était prévu au contrat de travail d'[R] [O] que celle-ci devrait assurer chaque jour soit l'ouverture, soit la fermeture du restaurant.
Cette relation de travail était soumise à la Convention collective nationale des chaînes de cafétérias et assimilés du 28 août 1998.
La durée du travail prévue contractuellement était de 162 h 50 par mois, incluant ainsi 130 heures supplémentaires par an. À partir du mois d'avril 2012, un accord collectif d'entreprise a porté la durée mensuelle du travail à 170 heures, incluant 220 heures supplémentaires par an.
Le 19 janvier 2013, [R] [O] a effectué une déclaration d'accident du travail en suite de difficultés relationnelles qu'elle rencontrait avec [S] [F], employé sourd et muet travaillant dans son équipe, ainsi qu'avec les parents de celui-ci qui l'avait selon elle agressée ce jour-là verbalement sur son lieu de travail. En suite de cet accident du travail, reconnu ultérieurement comme tel par la CPAM, l'intéressée a bénéficié d'un arrêt de travail du 21 au 31 janvier 2013, puis, sur rechute, d'un autre arrêt les 10 et 11 février 2013.
Le 6 février 2013, [R] [O] adressé à son l'employeur un courrier lui notifiant sa démission de son emploi, avec un préavis d'un mois.
Le 9 février 2013, [R] [O] a adressé à [N] [C], directeur régional de la société BRESSEREST , un courriel récapitulant les difficultés par elle rencontrées depuis décembre 2012 avec [S] [F] et ses parents et se plaignant de ce que le directeur du restaurant, [D] [P], ne lui apportait dans cette affaire aucun soutien, préférant fuir ses responsabilités.
Le lendemain 10 février 2013, [R] [O] a notifié par courriel à son employeur sa décision d'exercer son droit de retrait, l'intéressée considérant être confrontée à un danger grave et imminent pour sa vie et/ou sa santé du fait du comportement anormal à son égard de [S] [F] et de ses parents, et de l'absence de toute réaction et de tout soutien de sa direction à ce sujet.
Par courrier RAR du 10 février 2013, la société BRESSEREST a répondu d'une part en contestant la légitimité de ce retrait et l'imputabilité à la direction de l'entreprise des mauvaises relations entre [S] [F] et [R] [O] , et d'autre part en dispensant cette dernière de l'exécution du solde de son préavis venant à terme le 6 mars 2013.
Estimant que sa démission était imputable à son employeur qui n'avait pas su gérer ce conflit et la soutenir, [R] [O] a saisi le 2 juillet 2013 le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse afin d'obtenir de cette juridiction la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de diverses ces indemnités ainsi que d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées.
En dernier lieu, elle demandait au bureau de jugement de cette juridiction de condamner la société BRESSEREST à lui payer les sommes de :
'11'646 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'388 € à titre d'indemnité de licenciement,
'3882 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents,
'8227 € à titre d'heures supplémentaires lui restant dues, outre les congés payés y afférents,
'2000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos compensateur
' 11'646 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
' 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société BRESSEREST s'est opposée à l'ensemble de ces demandes et a reconventionnellement sollicité la condamnation d'[R] [O] à lui payer la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail suite à la mise au point de l'ouverture d'un restaurant avec sa compagne qui a nécessité que son salarié se mobilise pendant son temps de travail. Elle sollicitait en outre l'octroi d'une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse a :
'rejeté la demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse du courrier de démission du 6 février 2013 que le conseil a estimé être 'sans équivoque et basé sur des raisons personnelles sans rapport établi avec la relation de travail',
'rejeté la demande d'[R] [O] en paiement d'heures supplémentaires et par voie de conséquence ses demandes de dommages-intérêts pour repos compensateurs non pris et travail dissimulé,
'rejeté la demande de la société BRESSEREST en dommages-intérêts pour exécution déloyale par [R] [O] de son contrat de travail,
'et débouté en conséquence les 2 parties de la totalité de leurs prétentions, chacune d'elles conservant la charge de ses propres dépens.
[R] [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 3 janvier 2017.
*
Au terme de ses dernières conclusions, [R] [O] demande aujourd'hui à la cour d'appel de :
'infirmer le jugement déféré ;
'requalifier la démission d'[R] [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'condamner la société BRESSEREST à payer à [R] [O] les sommes de :
11'646 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
388 € à titre d'indemnité de licenciement,
3882 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés
8660 €, outre 866 € de congés payés y afférents, au titre des heures supplémentaires accomplies et restées impayées,
3000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos compensateur,
11'646 € à titre de dommages-intérêts par application des dispositions de l'article L 8223'1 du code du travail
2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamner la société BRESSEREST aux entiers dépens.
Pour sa part, la SAS BRESSEREST demande la cour d'appel par ses dernières écritures de :
'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse qui a débouté [R] [O] de la totalité de ses demandes ;
y ajouter
'condamner [R] [O] à verser à la société BRESSEREST sur la base de l'article L1222' 1 du code du travail la somme de 2000 € pour exécution déloyale du contrat de travail, outre la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 27 juin 2018 par le magistrat chargé de la mise en état.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.- Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :
La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article L.3121-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L.3121-22 du même code.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, il est constant que [R] [O] a été payée :
'de son embauche en février 2011 jusqu'à la fin mars 2012 sur la base contractuelle d'un temps de travail mensuel de 162,50 heures correspondant à un horaire de base de 35 heures auxquels il était ajouté 130 heures supplémentaires par an, soit une moyenne de 37,5 heures par semaine, ces heures supplémentaires étant majorées conformément régime légal de 25 % pour les 8 premières et de 50 % pour les suivantes
'à compter du 1er avril 2012, date d'entrée en vigueur d'un nouvel accord d'entreprise sur le temps de travail dont l'applicabilité à [R] [O] n'est pas sérieusement contestable, sur la base d'un temps de travail de 170 heures par mois, soit un horaire de référence annuel de 1827 heures comprenant l'accomplissement de 220 heures supplémentaires majorées de 10 % par an, dans le cadre d'un forfait, le travail s'accomplissant ici dans le cadre de roulements sur 3 semaines, période durant laquelle chaque agent de maîtrise doit accomplir 14 jours et 119,5 heures de travail de travail effectif.
[R] [O] soutient néanmoins avoir accompli beaucoup plus d'heures supplémentaires que celles ainsi réglées et réclame à ce titre d'un rappel de salaire de 8660 € correspondant selon elle à 457,50 heures lui restant encore dues.
À l'appui de cette demande, [R] [O] verse aux débats diverses pièces justificatives et notamment :
' ses bulletins de paye pour la période litigieuse (sa pièce 19)
' ses plannings de travail pour la période litigieuse (pièce 17) sur lesquels l'intéressée a noté les horaires de travail qu'elle a accomplis
' un tableau de calcul des heures supplémentaires établi par la salariée (pièce 18),
' les attestations de [W] [N] et [V] [G] (pièces 22 et 23).
Quoi qu'en dise aujourd'hui la société BRESSEREST, ces documents concordent et laissent effectivement présumer la réalisation par [R] [O] des heures supplémentaires qu'elle invoque.
Il appartient donc à la société BRESSEREST de rapporter la preuve contraire et de démontrer le mal fondé de cette demande de rappel de salaire.
En ce sens, la société BRESSEREST expose qu'[R] [O] et [E] [H] son compagnon était tous deux adjoints de direction dans sa cafétéria [Établissement 1] de [Localité 1] chargés pour l'une du 'secteur froid' et pour l'autre du 'secteur chaud', qu'à ce titre ils étaient assujettis à des horaires variables et étaient ainsi tantôt de service d'ouverture (7 h 45'17 h), tantôt de service de fermeture (11h15'22h30 avec une pause de 15 h à 17 h), tantôt de service du milieu ( 10 h à 18 h).
Au soutien de cette affirmation, la société BRESSEREST invoque tout d'abord l'attestation établie par une de ses salariés, [C] [Q], qu'elle présente comme ayant été à l'époque des faits déléguée du personnel et comme étant en conséquence un témoin nécessairement objectif et bien informé.
Cette attestation (pièce 5 de l'employeur) est ainsi rédigée :
« je soussignée Mlle [Q] [C], employé du restaurant [Établissement 1] [Localité 1] depuis 4 ans et demi et déléguée du personnel depuis septembre 2014. Je tiens à préciser que je suis ravie de travailler au sein de cet établissement où règne une atmosphère familiale et qui est géré pour moi par un patron très humain et compréhensif.
En ce qui concerne les responsables, ils tournent avec des horaires qui sont le matin 7 h 45 à 17 h, le milieu 10 h à 18 h et le soir 11 h 15 à 15 h et de 17 h à 22 h 30. Mr [H] et Mme [O], lorsqu'ils étaient de soir, avait donc droit à une pause qui était prise et qui n'a jamais été refusé. De plus, la déléguée du personnel et la suppléante que j'étais à cette époque n'ont jamais eu de retours négatifs de leur part au niveau de ses horaires. Cela semblait donc leur convenir.
Au niveau des salariés, nous avons eu plusieurs reproches visant ses responsables qui s'acharnaient psychologiquement sur eux, notamment en leur faisant des remarques à longueur de journée ou encore en les mettant dans le noir lors des fermetures alors qu'il travaillait encore. Nous avons même entendu des insultes venant de leur part envers leurs propres collègues.
Pour ma part, j'ai vécu, pendant à peu près 6 mois, une période très difficile jusqu'à me posait la question de rester ou non. Ils arrivaient à retourner les situations à leur avantage lorsque j'ai essayé d'en parler à mon patron, jusqu'à limites me traitaient de menteuse sur ce que je pouvais dire.
Je peux vous dire qu'à cette époque je rentrais quasiment tous les soirs en pleurs et arrivais tous les matins avec une boule au ventre en me demandant ce qu'ils allaient faire de nouveau pendant la journée.
Donc pour moi, et je pense pour tous les salariés, le départ de Mr [H] et Mme [O] a été un réel soulagement! »
La cour estime toutefois que ce témoignage est à considérer avec une particulière précaution, en l'état du parti pris manifestement favorable à l'employeur adopté par son auteur, qui, quoi qu'il ait cru opportun de cocher la case contraire sur son formulaire d'attestation, était et est toujours dans un lien de subordination à l'égard de la société BRESSEREST et considère de plus à l'évidence avoir des comptes à régler avec [E] [H] et [R] [O], ainsi que cela résulte directement des termes employés dans cette attestation.
Dans un tel contexte, ce document ne saurait à lui seul suffire à établir les horaires de travail qui étaient réellement à l'époque ceux de ces 2 adjoints de direction.
Or, la cour constate que l'employeur est aujourd'hui dans l'incapacité de produire un quelconque autre justificatif des horaires théoriques de [E] [H] et [R] [O], et encore moins des horaires qu'ils ont réellement effectués à l'époque.
L'examen des plannings produits par l'employeur et repris et complétés de façon manuscrite par la salariée permet de constater qu'au cours de l'année 2011, le recours à un adjoint de service du milieu n'était aucunement systématique comme il a pu l'être ensuite à compter de janvier 2012.
Par contre, il n'est pas sérieux de la part d'[R] [O] de venir contester le recours de l'employeur à un 3e agent (adjoint au directeur ou le directeur lui-même) affecté au service du milieu puisque le planning établi par [R] [O] (sa pièce 5) démontre au contraire la réalité de cette situation, à tout le moins à compter de 2012.
Pour autant, il existait de nombreuses périodes sans personne de service 'de milieu', notamment aux moments où l'un des responsables prenant part au roulement était en congés, en formation, en arrêt maladie ou simplement en repos, si bien qu'à ces périodes là le service d'encadrement du restaurant pour la journée n'était le plus souvent réparti qu'entre 2 responsables, contrairement à ce que soutient la société BRESSEREST.
D'autre part, la présence dans l'établissement d'une personne assumant ainsi les fonctions d'adjoint de direction de service du milieu n'était pas en elle-même, quoi qu'en dise aujourd'hui l'employeur, de nature à contredire la réalité des horaires aujourd'hui allégués par [R] [O] , d'autant qu'il demeure constant que l'adjoint de service d'ouverture et celui de service de fermeture devaient se rencontrer chaque jour à 11 heures pour une réunion de briefing/débriefing.
Dans le même esprit, la cour considère, au vu de l'attestation de [W] [N] (pièce 22 de la salariée) et du planning de l'ensemble des agents du restaurant figurant en pièce 24 de l'appelante, que l'horaire d'embauche du responsable d'ouverture était bien 7 heures du matin et non 7h45 comme le soutiennent tant l'employeur que sa collaboratrice [C] [Q], dès lors que plusieurs salariés devaient nécessairement être présents à compter de 7 heures ne serait-ce que pour réceptionner les commandes, ce qui devait se faire sous le contrôle de l'adjoint d'ouverture.
Ce seul fait, éminemment concret, permet de constater à quel point l'attestation précitée de [C] [Q] est dénuée de toute fiabilité et donc de toute valeur probante. Dans un tel contexte, l'effectivité de la prise par les responsables de service de fermeture de leurs 2 heures de pause entre 15 et 17 heures ne peut être considérée comme acquise, surtout au vu des termes clairs à ce sujet de l'attestation précitée de [W] [N].
Enfin, il n'est pas sérieux de la part de l'employeur de soutenir :
- qu'il n'avait pas connaissance des horaires effectivement ainsi réalisés par ses adjoints de direction, alors que le directeur de l'établissement revendique lui-même avoir été présent dans le restaurant et avoir en de fréquentes occasions participé au roulement ici litigieux, ce qui résulte d'ailleurs effectivement des plannings versés aux débats;
- ou que ces heures supplémentaires ont été accomplies par [R] [O] sans qu'elles lui aient été expressément demandées par la société BRESSEREST , ce qui est indifférent dès lors que l'accomplissement de ces heures supplémentaires par cette salariée n'étaient manifestement que la conséquence nécessaire de l'organisation mise en place par cet employeur pour l'encadrement de son restaurant.
En l'état de ces éléments, la cour constate que la société BRESSEREST ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de sa contestation de l'accomplissement par [R] [O] des heures supplémentaires dont celle-ci sollicite aujourd'hui le paiement et dont les pièces produites aux débats laissent en l'état présumer l'existence.
Par contre, cet employeur est bien fondé à critiquer le montant du salaire de référence et des majorations appliqués par [R] [O] pour déterminer le montant de sa demande de rappel de rémunération.
Au vu des pièces versées aux débats, il y a lieu de rappeler que jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du 1er avril 2012, les heures supplémentaire étaient, conformément au droit commun, majorées de 25 % pour les 8 premières et de 50 % au-delà, et qu'à compter de cette date elles n'ont plus été majorées que de 10 % en exécution de cet accord, dont l'applicabilité à la relation de travail litigieuse n'est pas sérieusement contestable.
Il résulte des stipulations contractuelles que jusqu'au 1er avril 2012, [R] [O] a perçu un salaire global mensuel calculé sur la base de 162,50 heures par mois comprenant 151,67 heures normales et 10,83 heures supplémentaires majorées à 25 % conformément au dispositif légal alors applicable dans l'entreprise.
Il en résulte, au vu des bulletins de paye, que le salaire horaire de l'intéressée s'établissait au montant brut suivant :
en 2011 et jusqu'au 31 mars 2012 : 1850 € / (151.67 + 10. 83 + 2.71) = 11,20 € de l'heure
À compter du 1er avril 2012, l'horaire mensuel contractuellement convenu était de 170 heures et les heures supplémentaires n'étaient plus majorées que de 10 %.
Le salaire horaire d'[R] [O] était donc de :
en 2012 : 1924,19 € / (151.67 + 18.33 + 1.83) = 11,20 € de l'heure
en 2013 :2040 € / (151.67 + 18.33 + 1.83) = 11,87 € de l'heure.
La société BRESSEREST reste donc à ce jour redevable envers [R] [O] des sommes suivantes :
Salaire horaire brut
nombre d'heures supp. impayées majorées à 25 %
nombre d'heures supp. impayées majorées à 50 %
nombre d'heures supp. impayées majorées à 10 %
montant heures supp. impayées majorées à 25 %
montant heures supp. impayées majorées à 50 %
montant heures supp. impayées majorées à 10 %
rappel de salaire restant dû à ce titre
2011
11,20 €
138
275,5
'
1932 €
4628,40€
'
6560,40€
Janvier à mars 2012
11,20 €
28
36
'
392 €
604,80 €
'
996,80 €
Avril à décembre 2012
11,20 €
'
'
145,5
'
'
1792,56€
1792,56 €
Janvier à mars 2013
11,87 €
'
'
39,5
'
'
515,75 €
515,75 €
Total
2324
5233,2
2308,31
9865,51
La cour ne pouvant allouer à la salariée une somme supérieure à celle qu'elle sollicite, la société BRESSEREST sera donc condamnée à payer à [R] [O] la somme réclamée par celle-ci, soit 8660 euros bruts, à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires lui restant dues, outre 866 euros bruts de congés payés y afférents.
Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 6 juillet 2013, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, valant première mise en demeure de les payer dont il soit justifié.
2.'Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de prise de repos compensateurs
Il est incontestable que les nombreuses heures supplémentaires accomplies par [R] [O] lui ouvrait droit à des repos compensateurs qu'il n'a pas pu prendre à l'époque, ce qui lui a causé un préjudice que la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer à la somme de 1200 € au paiement de laquelle la société BRESSEREST sera condamnée à titre de dommages-intérêts.
3.' Sur le travail dissimulé :
L' article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L. 8221-5, 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Aux termes de l' article L.8223-1 du code du travail , le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats et en particulier des horaires et contraintes de planning imposées aux adjoints de direction du restaurant que la société BRESSEREST savait pertinemment qu'[R] [O] pendant la période litigieuse accomplissait de très nombreuses heures supplémentaires qu'elle s'est délibérément abstenue de lui régler et de mentionner sur ses bulletins de salaire.
L'employeur sera donc condamné à payer à [R] [O] l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par le texte précité, qui s'élève à 6 mois de salaire brut.
Le salaire brut d'[R] [O] était depuis janvier 2013 fixé à 1941,70 € par mois outre 100 € par mois de prime d'encadrement, si bien qu'il sera ici fait droit à la demande en paiement de la somme de 11'646 € formulée de ce chef par l'intéressée.
4.' Sur la rupture du contrat de travail :
[R] [O] fait valoir que compte tenu du contexte dans lequel elle a été amenée a adressé à son employeur le 6 février 2013 une lettre de démission, celle-ci revêt un caractère équivoque et doit s'analyser comme constitutive d'une légitime prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est constant que pour être valable, la démission du salarié ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de sa volonté de rompre le contrat de travail.
Dès lors, le salarié qui a été contraint de rompre son contrat en raison d'un manquement de l'employeur à ses obligations ne peut être considéré comme ayant manifesté sa volonté de démissionner, et sa démission doit être requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur.
Dans cette hypothèse, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit ceux, dans le cas contraire, ceux d'une démission.
Il appartient dans ce cadre au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En l'espèce, [R] [O] reproche dans ce cadre à la société BRESSEREST un manquement à son obligation de sécurité issue de l'article L 4121'1 du code du travail, estimant qu'elle a été confrontée à une situation d'agressivité anormale de [S] [F] et de ses parents, s'exerçant en particulier sur son lieu de travail et qu'il aurait dû intervenir pour faire en sorte que cette situation anormale cesse et préserver ainsi sa sécurité et sa santé, ce qu'il s'est totalement abstenu de faire, la laissant seule et désemparée pour faire face à la situation.
Pour s'opposer à la demande de requalification de la démission litigieuse, la société BRESSEREST soutient aujourd'hui que la lettre d'[R] [O] du 6 février 2013 notifié sans aucune équivoque à l'employeur sa volonté claire de démissionner et qu'elle est intervenue à un moment où l'employeur n'avait pas connaissance d'un quelconque différend l'opposant à cette salariée.
La lecture des pièces versées aux débats permet à la cour de retenir comme établis les points suivants :
[S] [F] est un employé sourd et muet travaillant au restaurant dans l'équipe de cuisine sous l'autorité d'[R] [O] . Il résulte des écritures de la société BRESSEREST que son contrat de travail, qui n'a curieusement pas été versé aux débats, stipule que compte tenu des difficultés de communication de ce salarié, celui-ci communique fréquemment par écrit et notamment par courriel mais qu'afin de faciliter les relations, il est demandé à ses parents de compléter l'information écrite par une explication verbale, notamment téléphonique.
Le 14 décembre 2012, [S] [F] a informé par courriel son employeur de ce qu'il ne pourrait travailler le lendemain et son supérieur hiérarchique direct, [R] [O] , a alors demandé, conformément au stipulations précitées du contrat de travail, une confirmation téléphonique émanant des parents de l'intéressé.
[R] [O] expose que la mère de [S] [F] l'a alors appelée au téléphone sur son lieu travail pour lui reprocher avec virulence cette démarche, et qu'elle a néanmoins tenté de lui expliquer qu'elle ne faisait là qu'appliquer les règles édictées par son employeur et que l'absence de son fils serait prise en compte. Madame [F] soutient que [R] [O] lui a raccroché au nez, ce que celle-ci conteste.
S'en est suivi une démarche de [S] [F] et de ses parents auprès de [D] [P], directeur du restaurant, pour se plaindre d'[R] [O], démarche qui a abouti à une rencontre le 7 janvier 2013 entre [D] [P] et [S] [F] en présence d'un salarié délégué du personnel mais sans que [R] [O], alors en congés, ait été conviée à cet entretien.
Au cours de cet entretien, [S] [F] s'est manifestement plaint d'être victime de harcèlement et de discrimination en raison de son handicap, mais le compte rendu manuscrit établi par [D] [P] et versé au dossier de ce salarié n'en fait aucunement état.
[R] [O] fait grief à [D] [P] et à la société BRESSEREST de ne pas avoir tenu informée de l'évolution de ce dossier et notamment des conclusions de cet entretien qu'elle a découvertes par la lecture du compte rendu précité dans le dossier de l'intéressé, défaut d'information que l'employeur ne conteste aucunement dans ses conclusions. Pourtant, le courriel adressé par [S] [F] à la direction du restaurant [Établissement 1] de [Localité 1] le 3 janvier 2013 à 15h29 (pièce 7 de la salariée) était rédigé dans des termes d'une agressivité très marquée à l'encontre d'[R] [O] et était révélateur de la tension majeure existant alors entre ce salarié et sa supérieure hiérarchique directe. Il est évident qu'une telle situation nécessitait à tout le moins des échanges entre [D] [P] et [R] [O] à ce sujet, échanges qui n'ont pas eu lieu.
Le 8 janvier 2013 à 17h20, [R] [O] a adressé à [D] [P] un nouveau courriel se plaignant de ce que le père de [S] [F] était venu au restaurant et l'avait à nouveau agressée verbalement et menacée si elle ne faisait pas des excuses son épouse. Elle exposait avoir contesté les accusations portées contre elle et exposé qu'elle faisait simplement son travail. Elle faisait part à son employeur du caractère inacceptable pour elle de cette agression et de ce qu'elle envisageait de porter plainte à ce sujet. Il n'est pas contesté que ce courriel est resté sans réponse de la direction.
Le 19 janvier 2013, [R] [O] indique avoir été victime d'abord de plusieurs appels anonymes sur le lieu de travail puis d'une nouvelle agression verbale de la part de la mère de [S] [F] dans le cadre d'un nouvel appel vers 17h30, sa correspondante la menaçant de l'attendre dehors sur le parking le soir à sa sortie du travail. [R] [O] a le jour même procédé à une déclaration en main courante à ce sujet au commissariat de police de [Localité 1]. Elle expose également avoir fait immédiatement prévenir par SMS [D] [P], alors en repos, de la survenance de ces événements mais que celui-ci n'a donné aucune suite à cette démarche.
[R] [O] a procédé à une déclaration d'accident du travail en suite de ces faits du 19 janvier 2013. La cour relève que d'une part cette déclaration d'accident du travail n'a pas été versée aux débats mais qu'il il résulte du compte rendu d'enquête de la CPAM que le fait ayant motivé cette déclaration d'accident était le choc psychologique subi par [R] [O] en suite de cette agression verbale imputable aux parents de [S] [F], et que d'autre part le caractère professionnel de cet accident a été reconnu par la CPAM de l'Ain le 15 avril 2013, manifestement sans aucune contestation de la part de l'employeur.
Le lundi 21 janvier, [R] [O] indique qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle a attendu l'arrivée de son restaurant pour l'informer de ce qu'elle allait chez le médecin, rendez-vous en suite duquel elle a bénéficié d'un arrêt de travail consécutif à cet accident du 21 au 31 janvier 2013 pour choc émotionnel et hypertension.
Elle expose dans sa chronologie des faits figurant en sa pièce 12 qu'à son retour d'arrêt maladie le 1er février 2013, [D] [P] était en congé, si bien qu'elle n'a pu avoir d'explication avec lui, tandis que [S] [F] persistait à son égard dans une attitude agressive inacceptable pour elle.
C'est dans ce contexte qu'elle a adressé à la direction de la société BRESSEREST :
- le 6 février 2013 la lettre de démission litigieuse, dans laquelle elle n'explicite effectivement aucun élément particulier motivant cette décision,
- le 9 février 2013 le courriel précité reprenant point par point la chronologie des faits concernant [S] [F] et ses parents, mettant clairement en exergue l'absence de réaction de son employeur face à ses difficultés,
'le 10 février 2013 un courriel destiné à [D] [P], directeur du restaurant [Établissement 1] de [Localité 1], et à [N] [C], directeur régional, leur annonçant sa décision d'exercer son droit de retrait, s'estimant confrontés à un danger grave et imminent pour sa vie et/ou sa santé, se plaignant dans les termes suivants :
'depuis mi décembre 2012, nous sommes face à des événements graves ou la mesure de la situation n'a pas été prise en charge par la direction à la hauteur des faits graves qui se sont produits dans l'entreprise. Nous sommes dans une situation où le harcèlement de la famille [F] prend une dimension institutionnelle. Ma hiérarchie ne s'est pas engagée et n'a pas tout mis en 'uvre, à mon sens, pour faire cesser ces agissements. Les méthodes de gestion, d'organisation et de managements ne sont pas respectés et n'ayant aucune responsabilité dans cette affaire, je me retrouve victime(...).'
par lettre recommandée AR du 12 février 2013, [N] [C], directeur régional de la société BRESSEREST, a répondu à ce courrier en contestant tant la responsabilité de l'entreprise dans la situation ainsi dénoncée que le bien-fondé de cet exercice par la salariée de son droit de retrait et lui a notifié sa décision de la dispenser de l'exécution de son préavis, compte tenu de sa démission précitée du 6 février 2013.
En l'état de l'ensemble de ces éléments, il apparaît évident qu'il existait entre [R] [O] et à tout le moins [D] [P], directeur du restaurant [Établissement 1] de [Localité 1], son supérieur hiérarchique direct, une divergence majeure d'appréciation sur la façon dont celui-ci traitait la difficulté rencontrée par son adjointe avec [S] [F] et sa famille, et que dans ce contexte [D] [P] en était nécessairement informé et conscien, t à tout le moins dès la survenance des faits du 19 janvier 2013, voire même dès le courriel précité du 8 janvier 2013.
C'est donc avec une mauvaise foi caractérisée que la société BRESSEREST vient soutenir aujourd'hui dans ses conclusions qu'il n'y avait là que 'des différends anodins antérieurs à la démission du 6 février 2013" et qu'il n'y avait donc pas avant cette lettre de démission de différend l'opposant à [R] [O] de nature à en motiver la requalification litigieuse.
La cour considère qu'en réalité, la direction de la société BRESSEREST, confrontée depuis décembre 2012 à la remise en cause par un salarié et sa famille de l'autorité de sa responsable du secteur 'froid', a fait le choix de minimiser l'incident, le qualifiant de 'simple malentendu', et non seulement de ne pas associer [R] [O] à son traitement de la situation, mais encore de ne donner aucune suite au courriel du 8 janvier 2013 que cette responsable lui a légitimement adressé pour se plaindre de la persistance de l'agressivité anormale des parents de [S] [F] à son encontre, y compris dans l'enceinte du restaurant.
C'est donc à juste titre que [R] [O] invoque aujourd'hui le caractère équivoque de sa démission compte-tenu de ce contexte particulier et du différend qui l'opposait à son employeur sur la façon de traiter les problèmes posés par ce salarié et sa famille, si bien que cette lettre de démission doit être requalifiée en lettre de prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur.
Pour demander à la cour de dire que cette prise d'acte doit entraîner des conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, [R] [O] reproche à la société BRESSEREST avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat envers elle.
L'article L 4121'1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, dispose en effet que :
'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
En l'état de l'agressivité persistante à l'encontre d'[R] [O] de son subordonné [S] [F] et des agressions verbales réitérées à l'égard de cette jeune femme par les parents de celui-ci, y compris à plusieurs reprises sur le lieu du travail où ils n'avaient rien à faire, il appartenait à la direction de l'entreprise soit de recadrer cette responsable si elle l'estimait en tort'ce qu'elle n'a pas estimé utile de faire', soit dans le cas contraire de prendre toutes mesures utiles à l'égard du salarié concerné et surtout de ses parents pour faire cesser ces agressions verbales à l'encontre d'un adjoint de direction qui ne faisait que son travail.
L'absence de toute réaction de la direction à la légitime mise en garde adressée par [R] [O] à l'employeur par courriel du 8 janvier 2013, après l'entretien entre le directeur du restaurant et [S] [F] et après réitération dès le lendemain par le père de ce dernier d'une scène de menaces et d'agression verbale dans l'enceinte même du restaurant ' scène dont la matérialité n'est pas contestée par l'employeur ' suffit amplement à démontrer le manquement caractérisé de ce dernier à son obligation de mettre en 'uvre tous les moyens de nature à assurer la sécurité et à préserver la santé notamment psychique de ses collaborateurs, et en particulier en l'espèce d'[R] [O] .
Cette inaction fautive de l'employeur ne saurait être justifiée, en l'état des termes clairs de ce courriel d'information et de mise en garde, ni par le handicap dont est atteint [S] [F], ni surtout par l'absence sur les lieux du directeur du restaurant [D] [P] lors de ces incidents : au lieu de laisser la situation pourrir ainsi, ce dernier aurait d'évidence dû à tout le moins mener une enquête interne auprès notamment des autres salariés pour savoir ce qui s'était réellement passé et en tirer les conséquences, ce qu'il s'est bien abstenu de faire.
De surcroît, cette carence de l'employeur a perduré dans le temps et a eu directement pour conséquence la survenance de la scène précitée du 19 janvier 2013, que l'employeur n'a en réalité jamais mise en doute, du moins avant l'introduction de la présente instance prud'homale, se contentant tout au plus de tenter de se justifier auprès de l'enquêteur de la CPAM, à propos de cet événement du 19 janvier 2013 déclaré comme accident du travail, en invoquant seulement le fait que le directeur du restaurant n'était pas présent dans l'établissement à ce moment-là.
Ce manquement persistant de la direction du restaurant à son obligation de sécurité à l'égard d'[R] [O] a eu directement pour conséquence la dégradation de l'état de santé psychologique de cette dernière et l'arrêt de travail d'origine professionnelle qu'elle a subi du 21 au 31 janvier 2013.
Cette faute contractuelle de l'employeur, compte-tenu de sa gravité certaine, était assurément de nature à empêcher toute poursuite de la relation de travail, et justifie donc à elle seule la prise d'acte de la rupture décidée par [R] [O] le 6 février 2013.
Cette prise d'acte doit donc bien produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
5.'Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :
Au 6février 2013, date de la réception par la société BRESSEREST de cette lettre de démission requalifiée en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, [R] [O] avait dans l'entreprise une ancienneté de 2 ans moins 1 jour, ayant été embauchée le 7 février 2011, et avait perçu une rémunération brute mensuelle de 2156, 50 € en moyenne au cours de ses 12 derniers mois d'activité (février 2012 à janvier 2013 inclus), somme à laquelle il convient d'ajouter une moyenne de 232,45 € bruts par mois au titre des heures supplémentaires précitées accomplies pendant cette même période par l'intéressée et non prises en compte par l'employeur sur les bulletins de paye, soit un salaire moyen de référence de 2388,95 euros bruts par mois.
Indemnité compensatrice de préavis
[R] [O] sollicite à ce titre la condamnation de la société BRESSEREST lui payer la somme de 3882 € correspondant selon elle à 2 mois de salaire, outre 388 € de congés payés y afférents.
La convention collective nationale des chaînes de cafétérias, applicable à la relation de travail, dispose en son article 33. 2 qu'en cas de licenciement, le salarié agent de maîtrise ayant moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise ne peut prétendre qu'à un délai de préavis d'un mois.
Son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, [R] [O] est aujourd'hui fondée à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 1 mois de salaire calculée sur la base du salaire que la salariée aurait perçu si elle avait travaillé pendant la durée du préavis, soit à tout le moins le salaire nominal de 1941,70 euros majoré de la prime mensuelle d'encadrement s'élevant à 100 €.
La société BRESSEREST sera donc condamnée à payer à [R] [O] à ce titre une indemnité compensatrice de préavis égale à 2041,70 euros correspondant à un mois de ce salaire, outre 204,17 euros de congés payés y afférents
Par application de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2013.
Indemnité légale de licenciement
Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.
Pour l'évaluation du montant cette indemnité, il convient de tenir compte du nombre d'années de service à l'expiration du contrat de travail, soit à la fin du délai-congé.
Selon l'article R 1234-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le montant de l'indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.
En application de ce texte, [R] [O] est en droit de solliciter le paiement d'une indemnité légale de licenciement correspondant à 1/ 5ème de 2388,95 euros, soit 477,79 euros.
L'intéressée ayant toutefois limité sa demande de ce chef à la somme de 388 € , il sera fait droit purement et simplement à cette demande à concurrence de ce dernier montant, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2013.
Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice qu'il justifie avoir subi.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances précitées de la rupture, du montant de la rémunération versée à [R] [O], de son âge au jour de son licenciement (24 ans), de son ancienneté à cette même date (2 ans moins1 jour), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 7500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société BRESSEREST sera donc condamnée à lui payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
6.' Sur la demande reconventionnelle de la société BRESSEREST en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
L'article L 1222'1 du code du travail impose aux 2 parties à un contrat de travail d'exécuter ce dernier loyalement et de bonne foi.
La société BRESSEREST reproche ici à [E] [H] et à sa compagne [R] [O] d'avoir manqué à cette obligation de loyauté en menant, alors qu'ils travaillaient encore pour elle au sein de la cafétéria [Établissement 1], une action concertée pour reprendre ensemble, après la rupture de leurs contrats de travail respectifs, un restaurant à l'enseigne '[Établissement 3]' situé à [Localité 2] (Ain), ce dont elle déduit qu'ils ont nécessairement tout deux manqués à leurs obligations à son égard en se mobilisant pour élaborer ce projet personnel pendant leur temps de travail, et donc à son détriment.
Il résulte toutefois des pièces versées aux débats qu'[R] [O] a cessé en pratique toute collaboration avec la société BRESSEREST au plus tard le 13 février 2013 en suite de la décision de l'employeur de la dispenser de l'exécution de son préavis lié à sa démission, et que le couple n'a acquis son fonds de commerce de restaurant qu'en avril 2014 à la suite d'une promesse de vente datant de janvier 2014 et grâce au financement résultant d'une donation de novembre 2013 dont [E] [H] a pu bénéficier.
Au vu de cette simple chronologie, la cour ne peut que constater que la société BRESSEREST procède ici par pure allégation mais ne rapporte la preuve ' qui lui incombe pourtant ' ni de ce que ces 2 salariés aient élaboré ce projet avant leur départ de la cafétéria [Établissement 1], ni de ce que cette élaboration se soit faite faite au détriment de leur travail pour cette dernière, et encore moins de la réalité du préjudice qu'elle soutient ici avoir subi sans en fournir le moindre justificatif.
Cette demande, présentée d'évidence avec une particulière mauvaise foi par l'employeur, sera donc rejetée comme mal fondée et le jugement déféré sera donc confirmé.
7.- sur les demandes accessoires:
Partie perdante, la société BRESSEREST supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
[R] [O] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
La société BRESSEREST sera donc condamnée à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAS BRESSEREST de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour exécution déloyale par [R] [O] de son contrat de travail ;
INFIRME cette décision en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la SAS BRESSEREST à payer à [R] [O] les sommes suivantes :
' 8660 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires lui restant dues, outre 866 euros bruts de congés payés y afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2013 ;
'1200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né pour [R] [O] de son droit aux repos compensateurs afférents à ces heures supplémentaires non prises en compte par l'employeur, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
' 11'646 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
REQUALIFIE en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur la lettre de démission adressée le 6 février 2013 par [R] [O] à la société BRESSEREST ;
DIT que cette prise d'acte de la rupture produit les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE en conséquence la SAS BRESSEREST à payer à [R] [O] les sommes suivantes :
' 2041,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 204,17 euros de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2013,
'388 € à titre d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2013,
'7500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
DIT que les sommes ainsi allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;
CONDAMNE la SAS BRESSEREST aux entiers dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la SAS BRESSEREST à payer à [R] [O] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY