La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2018 | FRANCE | N°16/08148

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 26 octobre 2018, 16/08148


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 16/08148





X...



C/

SAS AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 20 Octobre 2016

RG : 15/00931





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2018







APPELANTE :



Alexandra X...

née le [...] à Saint Etienne (42)

[...]



r

eprésentée par Me Pierre Y... de la SELARL AVOC'ART, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



La SAS AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES

[...]



représentée par Me Emmanuelle Z..., avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Thierry A..., avocat au bar...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 16/08148

X...

C/

SAS AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 20 Octobre 2016

RG : 15/00931

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2018

APPELANTE :

Alexandra X...

née le [...] à Saint Etienne (42)

[...]

représentée par Me Pierre Y... de la SELARL AVOC'ART, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

La SAS AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES

[...]

représentée par Me Emmanuelle Z..., avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Thierry A..., avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Septembre 2018

Présidée par Elizabeth D..., Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

- Elizabeth D..., président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Octobre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth D..., Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme Alexandra X... a été embauchée par la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES par contrat à durée indéterminée à compter du 30 juin 2008 en qualité d'ingénieur consultant.

Le contrat de travail est soumis à la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs et des socités de conseils dite SYNTEC.

Au dernier état de la relation de travail, Mme X... a perçu un salaire mensuel brut moyen de 3625,90 euros sur la base d'une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.

Le contrat de travail de Mme X... a été rompu, celle-ci contestant ses modalités de travail.

Elle a saisi le conseil des prud'hommes de LYON aux fins de demander le paiement de combreuses heures supplémentaires qu'elle réalisait mais également l'indemnisation du temps de trajet excédant son trajet habituel.

Par jugement du 20 octobre 2016, le conseil des prud'hommes a condamné la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES à payer à Mme X... les sommes suivantes :

* 12 834,38 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 10 mars 2012 au 30 avril 2016,

* 1283,44 euros au titre des congés payés afférents,

* 1483,18 euros au titre de la contrepartie financière pour dépassement du temps de trajet habituel lors de ses missions entre le 5 janvier 2015 et le 11 septembre 2015,

* 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil des prud'hommes a par ailleurs fixé la moyenne brute des salaires de Mme X... à la somme de 3589 euros.

Mme X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 17 NOVEMBRE 2016.

Elle demande à la Cour , en l'état de ses dernières écritures :

* de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné l'employeur au paiement d es sommes susvisées,

* à titre principal, la réformer pour le surplus et :

- constater qu'elle a effectué des heures supplémentaires au-delà du forfait, qui n'ont jamais été rémunérées,

- en conséquence, condamner l'employeur au paiement de la somme de 18 374,05 euros bruts pour les heures supplémentaires du 10 mars 2012 au 30 avril 2016,

- le condamner au paiement de la somme de 1837,41 euros au titre des congés payés afférents et 4492,34 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur,

- constater que l'employeur n'a versé aucune contrepartie aux heures de déplacements professionnels effectués pour la période allant du 5 janvier au 30 janvier 2016,

- réformer la décision déférée en ce qu'elle n'a retenu que 126,93 h et non 187,43 h de temps de trajet excédant son temps habituel et en ce qu'elle a appliqué une décote de 50 % sur son salaire horaire,

- en conséquence, condamner l'employeur au paiement de la somme de 2953,29 euros bruts,

- constater la violation des règles légales et conventionnelles par l'employeur,

- en conséquence, le condamner au paiement de la somme de 15 000 euros à titre d'indemnités,

- constater l'existence d'un travail dissimulé,

- en conséquence, condamner l'employeur au paiement de l'indemnité forfaitaire de 21 755,40 euros,

condamner l'employeur au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon conclusions régulièrement notifiées, la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES demande à la Cour de :

- REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Madame Alexandra X... n'était soumise à aucune convention de forfait, et que sa demande au titre du dépassement du temps de trajet était partiellement justifiée, et en ce qu'il a condamné la société AKKA 1NFORMATIQUE ET SYSTEMES à payer à Madame Alexandra X... une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

STATUANT A NOUVEAU SUR CES POINTS,

- DIRE et JUGER que Madame Alexandra X... est soumise à une convention de forfait à hauteur de 38,50 heures hebdomadaires,

- CONSTATER que la demande de Madame Alexandra X... au titre du dépassement du temps de trajet est infondée et injustifiée,

- DÉBOUTER en conséquence Madame Alexandra X... de l'intégralité de ses demandes sur ces points,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- LIMITER les demandes de Madame X... au titre des heures supplémentaires à hauteur de la somme de 5.727,56 € bruts pour la période du 10 mars 2012 au 31 juillet 2015,

- LIMITER les demandes de Madame X... au titre du dépassement du temps de trajet à hauteur de 600 € bruts,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ses autres dispositions,

- DEBOUTER Madame Alexandra X... de sa demande nouvelle au titre d'un prétendu travail dissimulé,

- CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 26 juin 2018.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement notifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la convention de forfait.

Mme X... soutient que dès lors qu'il n'existe aucune mention d'un forfait dans le contrat de travail ni de convention de forfait écrite et signée par elle, aucun forfait ne peut lui être appliqué concernant le paiement des heures supplémentaires.

Elle demande donc la confirmation de la décision déférée de ce chef, laquelle a également considéré qu'en l'absence de convention écrite, le forfait modalité 2 de la convention collective n'était pas non plus applicable.

Se référant aux rapports d'activité mensuelle de Mme B... mentionnent : 'statut: réalisation de mission modalité 2", l'employeur estime, au contraire que Mme X..., qui a visé ces rapports, a parfaitement accepté l'application d'un forfait hebdomadaire de 38,50 heures ainsi que le nombre total d'heures mentionnées, puisqu'il est clairement indiqué dans les rapports que la salariée ne devait dépasser la durée conventionnelle du temps de travail sans autorisation expresse du responsable.

Susbidiairement, si la cour devait retenir l'absence de forfait, l'employeur demande la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a retenu 3,5 heures hebdomadaires au-delà des 35 heures.

Conformément à l'article L. 3121-55 du code du travail, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié concerné. La convention de forfait qui constate cet accord est obligatoirement écrite.

En conséquence, même si la convention collective applicable prévoit la possibilité de mettre en 'uvre un tel forfait, celui-ci devra être matérialisé par un accord spécialement conclu entre l'employeur et le salarié. En outre, la convention individuelle de forfait doit être rédigée avec précision. Dès lors, le seul renvoi général fait dans le contrat de travail à l'accord d'entreprise ne peut constituer l'écrit requis.

À défaut d'accord individuel écrit spécifique, le salarié n'est pas considéré comme soumis à un forfait et l'employeur doit payer les heures supplémentaires selon le droit commun sans pouvoir se prévaloir d'une rémunération forfaitaire.

En cas de litige sur l'existence d'un écrit, il appartient à l'employeur qui se prévaut d'une convention de forfait en heures sur le mois d'en apporter la preuve .

En l'espèce, la preuve de la convention de forfait alléguée n'est pas établie par l'employeur, ni par référence à l'article 3 de l'accord du 22 juin 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail dans la branche Syntec/CICF, ni par la mention dans les rapports d'activité mensuelle visés par Mme X..., du 'Statut: réalisation de mission modalité 2", ainsi que de celle relative au nombre totale d'heures qui ne dépasse jamais 38,5 heures, sauf autorisation expresse du responsable.

En effet, ces différentes mentions ne démontrent pas l'acceptation expresse d'une convention de forfait en heures sur le mois par la salariée, impliquant qu'elle ne puisse effectuer le moindre heure supplémentaire sans autorisation expresse de son responsable.

Dans ces conditions, aucune convention de forfait ne lui étant opposable, Mme X..., était recevable à revendiquer le paiement d'heures supplémentaires au-delà de la durée légale de 35 heures prévue au contrat de travail.

Sur le rappel d'heures supplémentaires.

Mme X... demande à la Cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle lui a accordé le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées du 10 mars 2012 au 30 avril 2016 entre 35 h et 38h30 mais demande en outre le paiement de celles effectuées au-delà de 38h30 .

L'employeur demandant à titre subsidiaire la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a retenu 3,50 hebdomadaires au-delà de 35 heures, mais s'opposant au paiement d'heures supplémentaires au-delà de 38,50 h, il convient de constater que, dès lors que la convention de forfait n'apparaît pas ici applicable, les heures supplémentaires accordées de 35 h à 38,50 h ne font plus discussion.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la société AKKA INFORMATIQUES ET SYSTEMES au paiement des sommes suivantes :

* 12 834,38 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 10 mars 2012 au 30 avril 2016,

* 1283,44 euros au titre des congés payés afférents

Sur les heures supplémentaires accomplies au-delà de 38h50, l'employeur allègue au surplus de ce que Mme X... n'avait pas d'autorisation expresse de son responsable pour ce faire.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande le salarié doit produire des éléments factuels suffisamment précis quant au volume de travail effectué en heures supplémentaires pour mettre l'employeur en mesure de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il est de principe constant d'une part que le fait que le salarié n'a pas fait valoir ses droits pendant l'exécution du contrat de travail n'éteint pas la créance de salaire au titre des heures supplémentaires, et d'autre part que la qualité de cadre ayant pour corollaire une liberté d'organisation dans le travail ne prive pas le salarié de son droit au paiement des heures supplémentaires, sauf convention de forfait régulière.

Pour étayer sa demande, Mme X... produit :

* pour la période du 10 mars 2012 au 30 septembre 2014 : un extract de fichier excel de pointage de la société VOLVO au sein de laquelle elle était en mission,

* pour la période du 5 janvier 2015 au 30 avril 2016 : un relevé de pointage qui correspond aux horaires qu'elle a effectués

Il est ainsi apporté des éléments factuels suffisamment précis quant au volume de travail effectué par semaine confirmant que Mme X... a, au cours des périodes considérées, accompli plus de 38h50 par semaine .

Mme X... verse également aux débats divers éléments justifiant que les consultants effectuaient systématiquement des heures au-delà de 38h50 en ce qu'ils intervenaient sur le site de la société cliente à laquelle ils ne pouvaient imposer une heure précise, notamment dans les situations d'urgence.

Ainsi, le courriel de Monsieur C..., donneur d'ordre chez le client indique aux différents consultants une saisie horaire de 40 h par semaine minimum et le comité d'entreprise de la société AKKA a, le 26 octobre 2015 relevé que ' les dépassements d'horaires cumulés, non contrôlés par l'employeur sont bien réels', critiquant ainsi le relevé d'activité ayant cours dans l'entreprise .

Or, les éléments apportés par Mme X... tendent à démontrer qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires chaque semaine, de sorte qu'il peut être retenu qu'elle a accompli:

* 156,5 heures supplémentaires du 10 mars au 31 décembre 2012,

* 175 heures supplémentaires du 1er janvier au 31 décembre 2013,

* 187 heures supplémentaires du 1er janvier au 31 décembre 2014,

* 55,33 heures supplémentaires du 1er janvier au 30 avril 2016.

Pour s'opposer à la demande, la société AKKA fait état de ce que Mme X... ne pouvait accomplir des heures supplémentaires au-delà de 38h50, sans autorisation de son responsable.

Cette remarque n'est pas toutefois de nature à combattre utilement le commencement de preuve apporté par la salariée alors même que la convention de forfait alléguée n'ayant pas été jugée régulière, l'employeur ne peut en effet invoquer que la salariée ne pouvait dépasser la durée conventionnelle sans autorisation expresse de son responsable.

Par ailleurs, l'employeur minore le nombre d'heures supplémentaires sollicitées au vu des tableaux fournis par Mme X... mais sans s'expliquer sur la limitation ainsi alléguée.

En considération de l'ensemble de ces éléments il sera par conséquent fait droit à la demande en paiement de la somme réclamée de 18 374,05 euros bruts pour la période du 10 mars 2012 au 30 avril 2016 outre 1837,41 euros au titre des congés payés afférents', dont les modalités de calcul ne sont pas contestées et ce par réformation de la décision déférée.

Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur.

Mme X... demande la somme de 4492,34 heures , en application des teix horaires applicablesà chaque période concernée, au titre de l'indemnité compensatrice correspondant à chaque heure supplémentaire au-delà du contingent annuel d'heures fixé à 130 heures par an dans la convention collective SYNTEC et ouvrant droit à un repos compensateur égal à 100 %.

Mme X... démontre ainsi qu'elle a réalisé des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel :

* 69,5 heures en 2012,

* 45 heures en 2013,

* 61 heures en 2014,

* 26,5 heures en 2015.

Soit 150,5 heures de repos compensateur dont elle n'a pu bénéficier du fait du comportement de l'employeur qui a omis de mentionner et donc de rémunérer les heures supplémentaires qu'elle a réalisées.

Dès lors, en application des taux horaires applicables à chaque période concernée, Mme X... doit recevoir, par réformation de la décision déférée, la somme de 4492,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur.

Sur le temps de trajet.

Selon l'article L 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

En l'espèce, il apparaît que Mme X... justifie que son temps de trajet domicile-travail était de manière habituelle de 23 minutes mais que du 5 janvier au 11 septembre 2015, à raison de la mission qu'elle effectuait au sein d'un établissement de la société ZODIAC situé à LA ROCHE LA MOLIERE ( 42 230), ce temps de trajet habituel a été dépassé de 42 minutes pour la période du 5 janvier au 23 mars 2015 soit pendant 53 jours et de 43 minutes pour la période du 24 mars au 11 septembre 2015 soit pendant 64 jours, soit un dépassement total de 187,43 heures pendant la période considérée.

En effet, contrairement à ce que soutient l'employeur, il n'apparaît pas que Mme X... avait son lieu de travail habituel à LISSIEU et non [...] comme elle le soutient, de même, Mme X... justifie que son domicile [...] en mars 2015.

Le temps de trajet habituel domicile travail était donc bien de 23 minutes et non de 30 minutes comme allégué par l'employeur.

Ce dépassement du temps normal de trajet doit cependant faire l'objet d'une contrepartie qui ne saurait être équivalente au salaire puisque le temps de trajet lui-même ne constitue pas du temps de travail effectif.

Certes le salarié en se rendant sur son lieu de mission se conforme aux directives de l'employeur, pour autant, en l'espèce, ces missions n'empêchaient pas Mme X... de regagner son domicile le soir.

La convention collective applicable n'a pas prévu des modalités de calcul de la contrepartie due en cas de dépassement du temps normal de trajet.

Il apparaît en l'espèce que si, pendant la période du 5 janvier au 11 septembre 2015, Mme X... a effectivement dépassée de 187,43 heures son temps de trajet habituel , la compensation financière ne peut être équivalente au salaire horaire brut de 23,67 euros mais doit être estimée à 50 % de cette somme.

Dans ces conditions, la somme allouée à Mme X... en contrepartie du dépassement de son temps de travail habituel doit être de 2218,23 euros bruts , en dernier ou quittance valable, le paiement de la somme de 1483,18 euros accordée en premier instance ayant été assortie de l'exécution provisoire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des obligations légales et conventionnelles.

Mme X... allègue d'un préjudice matériel et moral du fait du non-paiement par l'employeur de ses heures supplémentaires et de la contrepartie du dépassement du temps de trajet habituel :

* elle a été privée de sommes qu'elle aurait pu investir dans des projets personnels,

* elle subit une perte de ses droits à retraite,

* elle a été obligée de prendre la décision de partie,

* le défaut de réponse à ses demandes l'a destabilisée.

Il apparaît que Mme X... justifie par l'importance des heures supplémentaires dont l'employeur a refusé le paiement depuis 2012 d'un préjudice financier indéniable mais également d'un préjudice moral puisqu'après plus de 7 années d'ancienneté, elle a été contrainte de démissionner.

Ce préjudice doit être indemnisé par l'allocation d'une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts par réformation de la décision déférée.

Sur le travail dissimulé.

Selon les dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de se soustraire volontairement aux formalités relatives à la déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance d'un bulletin de salaire ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des formalités précitées, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire par application des dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail.

Eu égard à l'importance des missions confiées à Mme X... en tant que consultant avec des déplacements chez les clients, la société AKKA ne pouvait ignorer l'amplitude réelle de travail de cette dernière et ce au regard d'une convention de forfait non reprise dans le contrat de travail ni signée par la salariée.

C'est donc volontairement au sens de l'article L 8221-5 susvisé qu'elle n'a pas inscrit sur les bulletins de paie le nombre d'heures correspondant au travail réellement accompli.

Elle encourt dès lors la sanction financière instituée par l'article L 8223-1.

Sur la base du salaire mensuel moyen non discuté de 3589 '€ majoré des heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail, soit d'une somme non contestée dans son quantum de 3625,90'€, l'indemnité revenant à Mme X... s'élève à la somme réclamée de 21 755,40'€ qui sera mise à la charge de la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Il serait contraire à l'équité de laisser à Mme X... supporter seule la charge de ses frais irrépétibles.

En revanche, la société AKKA qui succombe dans son appel incident sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens

La société AKKA sera justement condamné aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES à payer à Mme Alexandra X... les sommes suivantes :

* 12 834,38 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 10 mars 2012 au 30 avril 2016,

* 1283,44 euros au titre des congés payés afférents,

* 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,

LA REFORME sur le surplus des dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés:

CONDAMNE la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES à payer à Mme Alexandra X... les sommes suivantes :

* 18 374,05 euros bruts au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà de 38h50 pour la période du 10 mars 2012 au 30 avril 2016 outre 1837,41 euros au titre des congés payés afférents',

* 4492,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur.

* 2218,23 euros bruts au titre de la compensation du dépassement du temps de trajet habituel pour la période du du 5 janvier au 11 septembre 2015, en dernier ou quittance valable,

* 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices nés du non-respect des dispositions légales et conventionnelles,

* 21 755,40'€ au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société AKKA INFORMATIQUE ET SYSTEMES à payer à Mme Alexandra X... la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LA DEBOUTE de sa demande de ce chef,

LA CONDAMNE aux dépens d'appel.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth D...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 16/08148
Date de la décision : 26/10/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°16/08148 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-26;16.08148 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award