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28/09/2018 | FRANCE | N°16/08975

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 28 septembre 2018, 16/08975


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 16/08975





Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE



C/

X...

Y...







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 14 Novembre 2016

RG : 15/136

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018





APPELANTE :



Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[...]



Représentée par Me E... Z.

.. de la SCP ELISABETH Z... DE MAUROY & E... Z... D... ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Yann A... de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON,





INTIMÉS :



Patrick X...

né le [...] à LEWARDE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 16/08975

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

C/

X...

Y...

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 14 Novembre 2016

RG : 15/136

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018

APPELANTE :

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[...]

Représentée par Me E... Z... de la SCP ELISABETH Z... DE MAUROY & E... Z... D... ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Yann A... de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉS :

Patrick X...

né le [...] à LEWARDE

[...]

Nathalie Y... épouse X...

née le [...] à DOUAI

[...]

Représentés par Me Gaël B... de la SCP BAUFUME ET B..., avocat au barreau de LYON,

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Christophe C..., avocat au barreau de DIJON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Juin 2018

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

- Michel SORNAY, président

- Natacha LAVILLE, conseiller

- Sophie NOIR, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Septembre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

A compter du 5 janvier 1995, Patrick X... et Nathalie Y..., devenue entre-temps l'épouse de Patrick X..., ont conclu avec la société CASINO FRANCE SNC puis la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE des contrats de cogérance pour assurer la gestion et l'exploitation de magasins de vente au détail, style superettes, en contrepartie de commissions.

Les conventions ont toutes été soumises:

- d'une part au statut des gérants non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire prévu aux articles L 782-1 et suivants anciens du code du travail puis à partir de la recodification du contrat de travail en 2008 aux articles L 7322-1 et suivants du code du travail;

- d'autre part aux dispositions de l'Accord Collectif National des Maisons d'Alimentation à Succursales, Supermarchés, Hypermarchés 'Gérants-mandataires non salariés' du 18 juillet 1963.

En dernier lieu et à compter du 11 août 2000, les époux X... ont exploité en cogérance la supérette CASINO située [...].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2013, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a convoqué les époux X... le 17 octobre 2013 à un entretien préalable à la résiliation du contrat de cogérance par application de l'article 14 de l'Accord du 18 juillet 1963.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 novembre 2013, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié aux époux X... la résiliation du contrat de cogérance dans les termes suivants:

'Madame, Monsieur,

Nous faisons suite à votre entretien préalable qui s'est déroulé le Jeudi 17 Octobre 2013 à 14 h 00, au cours duquel il vous a été exposé les raisons pour lesquelles nous étions amenés à envisager la résiliation de votre contrat de co-gérance mandataire non salariée que vous avez signé le 11 Août 2000, à savoir:

Le résultat de votre inventaire effectué le 29 Juillet 2013, dans le magasin PETIT CASINO C.66,65 sis [...], que vous gérez en qualité de cogérants mandataires non salariés et qui a fait apparaître:

* Un manquant marchandises et/ou d'espèces provenant des ventes de.............13.352,21 €,

* Un manquant emballages de.................................................................................2 921,55€,

Ce qui, après réintégration à votre compte général de dépôt, a fait ressortir un solde débiteur de 41,182,02 € au 7 Novembre 2013.

Conformément à l'article 21 de l'Accord Collectif National des Maisons d'Alimentation à Succursales, Supermarchés, Hypermarchés, Gérants Mandataires non Salariés du 18 juillet 1963 modifié, vous disposiez d'un délai de quinze jours à compter de la remise de ces comptes qui vous ont été transmis le 26/08/2013, présentés le 28/08/2013 et dont vous avez accusé réception le 02/09/2013, pour les vérifier, nous faire connaître le cas échéant vos observations et nous les retourner dûment approuvés et signés.

Or, vous n'avez pas été en mesure de nous présenter les marchandises et/ou espèces manquantes, ni de nous fournir les explications plausibles sur ce manquant suite à l'inventaire du 29 Juillet 2013 dans le délai imparti, ni postérieurement d'ailleurs.

Or, nous vous rappelons que conformément à l'article 3 de votre contrat de co-gérance, vous ne déteniez les marchandises qu'à titre de dépôt avec mandat de les vendre au prix fixé par notre société, d'en encaisser le prix et de nous le remettre.

Aussi, en ne représentant pas lesdites marchandises ou les espèces provenant de la vente au plus tard le jour de l'inventaire, vous vous êtes mis en infraction avec les dispositions de votre contrat de co-gérance.

Compte tenu de l'importance du manquant marchandises et/ou d'espèces et du solde débiteur de votre compte général de dépôt apparaissant à la suite de l'inventaire du 29 juillet 2013, notamment eu égard au chiffre d'affaires du magasin qui est de 19.557 € mensuel moyen à fin Septembre 2013 et au stock marchandises inventorié qui est de 64.289,78 €, nous sommes contraints, par la présente de vous signifier la rupture de votre contrat de co-gérance mandataire non salariée conformément à l'article 15 dudit contrat et à l'article 14 de l'Accord Collectif National sus cité.

Votre période de préavis d'une durée de deux mois commencera à courir à compter de la première présentation du présent courrier par le Service de la Poste.

Votre inventaire de cession sera effectué le lundi 2 Décembre 2013 et le reliquat de votre préavis non effectué vous sera réglé selon les modalités habituelles en vigueur dans la Société.

Nous vous remettrons, après l'arrêté de votre compte, toutes les pièces concernant votre règlement définitif.

Nous vous indiquons par ailleurs, que conformément à L'Accord Collectif National des Maisons d'Alimentation à Succursales, Supermarchés, Hypermarchés, Gérants Mandataires non Salariés » du 18 Juillet 1963 modifié, vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d'en formuler la demande avant l'expiration de votre préavis.

A défaut d'une telle demande dans te délai imparti, ce droit sera définitivement perdu.

Pour votre parfaite information, nous vous précisons que vous bénéficiez au titre du DIF d'un volume de DOUZE jours pour chacun d'entre vous, qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de co-gérance mandataire non salariée, peut se traduire par le versement d'une allocation versée au prestataire.

Le montant correspondant à cette allocation doit être utilisé pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétence, de validation des acquis de l'expérience ou de formation.

Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à la réception du justificatif de suivi de l'une des actions susvisées.

Conformément à l'article 17 de votre contrat de cogérance mandataire non salariée, nous vous rappelons que vous auriez à libérer l'appartement de fonction que vous occupez gracieusement dans te cadre dudit contrat, à l'issue de votre période de préavis.

Toutefois, à titre exceptionnel, nous vous laissons donc la jouissance de celui-ci jusqu'au Vendredi 28 Février 2014 au soir, date à laquelle, vous devrez nous le restituer en bon état et nous rendre les clés. Vous voudrez bien prendre contact avec le Directeur commercial de votre secteur, afin de convenir d'un rendez-vous pour la remise des clés dudit logement (Tél06.79.26.52.51).

Enfin, nous informons que nous n'entendons pas nous prévaloir de l'article 18 de votre contrat, clause de non rétablissement, et que vous pouvez donc la considérer comme nulle et non avenue. En conséquence, vous ne serez tenus à aucune obligation de non concurrence lors de la rupture de votre contrat de cogérants mandataires non salariés.

(...)'.

Le 28 septembre 2015, les époux X... ont saisi le conseil de prud'hommes d'OYONNAX aux fins:

- de voir juger que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur a notifié le 15 novembre 2013 un licenciement disciplinaire fondé sur des faits prescrits;

- de voir juger que ce licenciement du 15 novembre 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse les sommes suivantes:

* 40 000 € à Patrick X...,

* 40 000 € à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer au titre de la clause de non-concurrence insérée au contrat de cogérance du 11 août 2000 renouvelé le 15 juin 2006 les sommes suivantes:

* 25 000 € à Patrick X...,

* 25 000 € à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à titre de rappel de rémunération pour l'année 2013 (de janvier à novembre) les sommes suivantes:

* 14 305.55 € nets à Patrick X...,

* 20 089.81 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à titre de rappel de rémunération pour l'année 2012 les sommes suivantes:

* 15 721.95 € nets à Patrick X...,

* 22 128.27 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à titre de rappel de rémunération pour l'année 2011 les sommes suivantes:

* 12 419.23 € nets à Patrick X...,

* 18 772.79 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à titre de rappel de rémunération pour l'année 2010 (2 mois) les sommes suivantes:

* 1 722.92 € nets à Patrick X...,

* 3 016.61 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement des dépens comprenant le coût de deux constats d'huissier et de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 14 novembre 2016, le conseil de prud'hommes a

- dit que la rupture du contrat de cogérance des époux X... du 15 novembre 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Patrick X... les sommes suivantes:

* 40 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de cogérance,

* 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

* 14 305.55 € nets à titre de rappel de rémunération pour 2013,

- a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Nathalie Y... épouse X... les sommes suivantes:

* 40 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de cogérance,

* 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

* 20 089.81 € nets à titre de rappel de rémunération pour 2013,

- a débouté les époux X... de leur demande au titre des rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012 comme étant prescrites,

- a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer aux époux X... la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 9 décembre 2016 par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

Par ses dernières conclusions régulièrement signifiées, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter les époux X... de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par leurs dernières conclusions régulièrement signifiées, les époux X... demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris sur la rupture du contrat de cogérance et sur la clause de non-concurrence et:

à titre principal,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2010 à titre d'heures supplémentaires et repos compensateurs pour les sommes suivantes:

* 4 624.32 € nets à Patrick X...,

* 5 918.01 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2011 à titre d'heures supplémentaires et repos compensateurs pour les sommes suivantes:

* 35 582.07 € nets à Patrick X...,

* 38 935.63€ nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2012 à titre d'heures supplémentaires et repos compensateurs pour les sommes suivantes:

* 35 692.23 € nets à Patrick X...,

* 40 098.55 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2013 à titre d'heures supplémentaires et repos compensateurs pour les sommes suivantes:

* 29 100.83 € nets à Patrick X...,

* 34 885.14 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

à titre subsidiaire,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2013 au titre du droit à percevoir au moins le SMIC horaire comme suit:

* 14 305.55 € nets à Patrick X...,

* 20 089.81€ nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2012 au titre du droit à percevoir au moins le SMIC horaire comme suit:

* 15 721.95 € nets à Patrick X...,

* 22 128.27 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2011 au titre du droit à percevoir au moins le SMIC horaire comme suit:

* 12 419.23 € nets à Patrick X...,

* 18 772.79 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2010 au titre du droit à percevoir au moins le SMIC horaire comme suit:

* 1 722.92 € nets à Patrick X...,

* 3 016.61€ nets à Nathalie Y... épouse X...,

à titre infiniment subsidiaire,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2013 au titre du droit à percevoir un forfait minimal de commission individuel par application de l'article 5 des accords collectifs comme suit:

* 8 620.02 € nets à Patrick X...,

* 14 404.33 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2012 au titre du droit à percevoir un forfait minimal de commission individuel par application de l'article 5 des accords collectifs comme suit:

* 9 380.67 € nets à Patrick X...,

* 15 786.99 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2011 au titre du droit à percevoir un forfait minimal de commission individuel par application de l'article 5 des accords collectifs comme suit:

* 6 730.39 € nets à Patrick X...,

* 13 083.95 € nets à Nathalie Y... épouse X...,

- de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de rappels de rémunération pour l'année 2010 au titre du droit à percevoir un forfait minimal de commission individuel par application de l'article 5 des accords collectifs comme suit:

* 1 101.96 € nets à Patrick X...,

* 2 395.65 € nets à Nathalie Y... épouse X....

Et en toute hypothèse, les époux X... ont conclu à la condamnation de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement des dépens comprenant le coût de deux constats d'huissier et de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 23 mai 2018.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont expressément maintenues et soutenues lors de l'audience de plaidoiries du 28 juin 2018.

MOTIFS

1 - sur la rupture du contrat de cogérance

Attendu que le gérant non salarié d'une succursale de commerce de détail alimentaire est un mandataire tenu de vendre les marchandises qu'il reçoit du mandant à titre de dépôt.

Attendu que l'article 8 de l'Accord Collectif National des Maisons d'Alimentation à Succursales, Supermarchés, Hypermarchés 'Gérants-mandataires non salariés' du 18 juillet 1963 dispose que:

'La partie qui souhaite mettre fin au contrat de gérance en informera l'autre partie par lettre recommandée avec avis de réception 1 mois à l'avance.

Lorsque la rupture est à l'initiative de l'entreprise, elle sera précédée d'un entretien pour lequel les deux parties pourront se faire accompagner d'une personne de leur choix appartenant à l'entreprise.

En cas de rupture du contrat de gérance par l'entreprise, les gérants mandataires non salariés comptant 2 ans d'ancienneté à la date de rupture bénéficieront d'un préavis de 2 mois.

La société pourra, sauf faute justifiant la résiliation immédiate du contrat de gérance, dispenser le gérant mandataire non salarié d'exécuter le préavis prévu ci-dessus en lui versant une indemnité équivalente.

Le gérant mandataire non salarié qui estimerait que son contrat de gérance a fait l'objet d'une rupture non fondée sur un motif réel et sérieux, ou qui conteste la faute qui lui est reprochée, a toujours la faculté de saisir les tribunaux compétents.'

Attendu que l'article 21 de l'accord précité dispose que:

'L'inventaire est l'état détaillé du recensement des marchandises (produits, services accessoire et emballages) en succursale en vue de la valorisation des existants réels ainsi constatés. " Valeur du stock départ + valeur des marchandises reçues = recettes versées + valeur du stock final '.

Si le total des recettes versées et le stock constaté au jour de l'inventaire sont inférieurs au stock de départ et à la valeur des marchandises reçues, il y a manquant de marchandises ou de recette provenant de leur vente. Dans le cas contraire, il y a excédent.

Un arrêté de compte opposable aux deux parties est établi à la suite de chaque inventaire.

Si le gérant mandataire non salarié ou les cogérants mandataires non salariés ne peuvent participer ou se faire représenter aux opérations d'inventaire, l'entreprise les fera réaliser en présence d'un officier ministériel.

(...)'.

Attendu que s'il résulte des stipulations du contrat de gérance que le gérant est tenu d'assumer la charge des manquants de marchandises ou d'espèces, il s'ensuit qu'un déficit d'inventaire non justifié ou non remboursé constitue un manquement contractuel de nature à fonder la résiliation du contrat de gérance.

Attendu que L 7322-1 du code du travail dispose que:

'Les dispositions du chapitre Ier sont applicables aux gérants non salariés définis à l'article L. 7322-2, sous réserve des dispositions du présent chapitre.

L'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord.

Dans tous les cas, les gérants non salariés bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés.

(...)'.

Attendu que les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail relatifs à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, et notamment l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont par conséquent susceptibles de s'appliquer aux gérants non salariés de succursales de commerce de détail alimentaire lorsque leurs conditions de travail sont fixées par l'entreprise propriétaire.

Attendu que si le gérant non salarié d'une succursale peut être rendu contractuellement responsable de l'existence d'un déficit d'inventaire en fin de contrat et tenu d'en rembourser le montant, il ne peut donc pour autant être privé du bénéfice éventuel des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles.

Attendu dès lors qu'il appartient à la juridiction saisie d'une contestation portant sur la résiliation d'un contrat de gérance pour déficit d'inventaire d'apprécier si les faits reprochés au gérant sont constitutifs d'une faute, et de dire si le gérant est dès lors en droit de bénéficier des dispositions relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Attendu qu'en l'espèce, il résulte du courrier du 15 novembre 2013 dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié aux époux X... la résiliation de leur contrat de cogérance pour un déficit d'inventaire.

Attendu que les époux X... demandent à la cour de dire que la rupture intervenue le 15 novembre 2013 constitue un licenciement disciplinaire qui au surplus se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que:

- le licenciement est justifié par des faits prescrits en ce que le délai de 2 mois pour engager la procédure disciplinaire prévu par l'article L 1332-4 du code du travail court à compter du 29 juillet 2013, soit la date de l'inventaire établissant les manquants, et que ceux-ci se sont accumulés depuis 4 années;

- les manquants invoqués pour caractériser le déficit d'inventaire ne sont pas établis en ce que les gérants n'ont pas signé les arrêtés de compte déficitaires qui ne leur sont donc pas opposables; que des intérêts débiteurs ont été prélevés sans aucune contractualisation du TEG; qu'aucune responsabilité du gérant n'est prévue pour des manquants d'emballages; que les prix ont été changés sur la caisse des gérants par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sans correction du compte de dépôt grâce au logiciel de gestion GOLD qui permet à l'entreprise de s'immiscer dans la caisse des gérants; que le logiciel GOLD n'est pas fiable compte tenu des nombreuses erreurs commises par le passé; que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne fournit pas la liste des marchandises qui seraient manquantes; que les éléments de compte exigés par les accords collectifs ne sont pas fournis; que le logiciel GOLD constitue une atteinte portée à la liberté de gestion des gérants puisqu'il permet aux managers de s'introduire librement dans la gestion des magasins;

- les manquants, à supposer qu'ils soient établis, ne sont pas imputables aux époux X... en ce que l'entreprise a maintenu la situation des gérants qui ont pourtant connu pas moins de 12 déficits depuis 2009; qu'elle s'est abstenue d'assurer une formation et une assistance aux gérants en méconnaissance des accords collectifs; que les gérants ont assumé les vols à l'étalage dans un magasin dépourvu de matériel de vidéo surveillance et de portique antivol; que les manquants ne sont pas intentionnels; que le solde débiteur a connu des fluctuations incompréhensibles; que le magasin de NANTUA a été confié à un seul gérant alors que son classement en 2ème catégorie impose la présence de deux gérants au moins; que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne connaît pas elle-même la nature du déficit; qu'elle n'a subi aucun déficit puisque les gérants rembourseraient la marchandise au prix de vente TTC et non au prix coûtant si les manquants venaient à être confirmés.

Attendu que la cour relève avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE d'une part que la réalité des manquants caractérisant le déficit d'inventaire est établie dès lors que:

- il résulte de l'inventaire du 29 juillet 2013 versé aux débats en pièce n°14 du bordereau de communication de pièces de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE que des manquants ont été constatés pour la somme totale de 13 352.21 €; il en a résulté que le compte de dépôt des époux X... s'est trouvé débiteur;

- les époux X... n'ont ni justifié ni couvert les manquants ainsi constatés;

- cet inventaire du 29 juillet 2013 est opposable aux époux X... aux motifs d'une part qu'il a été réalisé en leur présence ainsi que cela ressort de l'attestation des gérants annexée audit inventaire, et d'autre part qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les époux X... auraient, par application de l'article 21 de l'Accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés 'Gérants-mandataires non salariés' du 18 juillet 1963, contesté dans un délai de 15 jours l'inventaire du 29 juillet 2013 ou un quelconque arrêté de compte; les époux X... ne sont ainsi fondés à se prévaloir d'aucune inopposabilité des précédents arrêtés de compte déficitaire;

- les époux X... n'expliquent pas en quoi le fait que des frais indûment prélevés sur leur compte de dépôt professionnel, à supposer que la preuve de ce fait soit rapportée, établirait que les manquants constatés le 29 juillet 2013 ne seraient pas établis;

- il ressort de l'article 21 de l'Accord du 18 juillet 1963 dont les dispositions ont été reproduites ci-dessus que les marchandises qui font l'objet d'un inventaire comprennent notamment les emballages de sorte que les gérants engagent leur responsabilité pour des manquants portant sur des emballages;

- il ne saurait être déduit une absence de manquants du fait que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne produit pas la liste précise des marchandises manquantes, étant rappelé que la charge des déficits d'inventaire repose sur les gérants ainsi que cela résulte de l'article 23 de l'Accord du 18 juillet 1963 et qu'il leur appartient donc de justifier de l'intégralité des marchandises qui leur ont été confiées;

- aucune pièce du dossier ne permet de dire que le logiciel de gestion GOLD utilisé par les époux X... présenterait une absence de fiabilité qui priverait l'inventaire du 29 juillet 2013 de toute sincérité; en effet, les intimés se bornent à se prévaloir d'abord d'éléments généraux ( attestations de gérants non mandataires en litige avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE; enquête du site MEDIAPART; émission de télévision CAPITAL; courrier de la CGT à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE) qui n'ont aucun lien avec leur propre compte de dépôt déficitaire et le constat de manquants dans leur magasin le 29 juillet 2013, les éléments invoqués par les époux X... visant en réalité davantage à stigmatiser les pratiques de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à l'égard de ses gérants non salariés qu'à faire la preuve de leur propre situation;

les époux X... se prévalent ensuite d'un procès-verbal de constat du 18 octobre 2013 qui doit être écarté en ce qu'il se limite à faire constater qu'un de leur collègue gérant s'est introduit dans la gestion de leur supérette mais après que les époux X... lui ont communiqué leur matricule et leur identifiant, ce constat n'établissant donc en aucune manière qu'un manager de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s'est introduit dans la gestion du magasin des époux X...;

en outre, il n'est pas contesté que le code d'accès et le mot de passe communiqués par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux époux X... lors de leur première utilisation du portail leur permettant d'accéder à la gestion de leur magasin, peut ensuite faire l'objet d'une personnalisation par un changement opéré par eux à tout moment, empêchant ainsi toute personne étrangère d'accéder à cette gestion; force est de constater que les époux X... n'ont pas procédé à ces changements pour sécuriser leurs communications;

enfin, les époux X... ne versent aux débats aucun élément de nature à établir que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE serait à l'origine du déficit en cause pour avoir procédé à une baisse du prix des marchandises par rapport à la valeur en stock, étant précisé que les procès-verbaux de constat des 15 janvier 2008, 17 mars 2008 et 14 janvier 2010 visent à faire constater un écart de prix entre les prix affichés et les prix en caisse sans qu'il soit possible pour la cour de savoir si le gérant de la supérette concernée n'aurait pas modifié à ces occasions l'affichage du prix en magasin;

que d'autre part, ces manquants sont imputables aux époux X... dès lors que:

- il n'est pas établi que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aurait toléré de la part des époux X... des déficits d'inventaire successifs pour subitement rompre le 15 novembre 2013 leur relations contractuelles; en réalité, d'une part, il est constant que les gérants ont, grâce à l'assistance financière de leur fille, procédé au remboursement de leur premier déficit en 2009 en réglant la somme de 15 000 € à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, laquelle était alors susceptible de comprendre que les gérants avaient manifesté dès le début de leurs difficultés une réelle volonté d'y remédier; d'autre part, il n'est pas contesté que le solde débiteur du compte de dépôt des époux X... d'un montant de 41 182.02 € au 29 juillet 2013 est alors apparu disproportionné par rapport au chiffre d'affaires moyen du magasin qui leur avait été confié et qui s'établissait alors à 19 557 €; que force est de constater que cette disproportion a été de nature à justifier la rupture des relations contractuelles;

- il n'est pas plus contesté que les époux X... n'ont pas fait usage du droit individuel à la formation dont ils ont chacun bénéficié, et qu'ils n'ont au surplus fait aucune demande pour obtenir de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE une assistance, étant précisé que l'article 3 de l'Accord du 18 juillet 1963 indique qu'une telle mesure d'assistance n'est mise en oeuvre qu'à l'initiative des gérants qui doivent en faire la demande auprès de l'entreprise; il sera d'ailleurs constaté que les époux X... n'ont fait aucune demande de formation pour l'utilisation du logiciel GOLD qu'ils critiquent ici pourtant avec vigueur;

- les époux X... ne démontrent pas en quoi la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aurait été tenue de mettre en oeuvre du matériel de vidéo surveillance et un portique antivol, les intimés ne justifiant pas au surplus d'une quelconque demande en ce sens auprès de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE;

- aucune disposition législative n'impose de justifier que les manquants procèdent d'une intention volontaire des gérants;

- les époux X... n'expliquent pas en quoi des fluctuations de leur solde débiteur les exonéreraient de leur responsabilité pour le déficit d'inventaire constaté le 29 juillet 2013;

- le magasin de NANTUA, qui nécessite la présence de deux gérants au moins pour être classé en deuxième catégorie, a été géré par Patrick X... seul du 9 février au 29 mars 2011 alors que Nathalie Y... épouse X... gérait de son côté une autre superette à NANTUA; que le caractère extrêmement bref et ancien de cette gérance unique par Patrick X... pour un magasin de deuxième catégorie ne présente aucun caractère déterminant dans l'appréciation des faits du 29 juillet 2013;

- la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE subit un préjudice occasionné par les manquants constatés le 29 juillet 2013 en ce qu'il ressort des dispositions de l'Accord du 18 juillet 1963 que les époux X... engagent leur responsabilité sur la valeur des marchandises non restituées, l'allégation des intimés selon laquelle leur responsabilité porte sur les marchandises au prix de vente TTC n'étant ici aucunement justifiée.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits imputés aux époux X... dans le courrier du 15 novembre 2013 reposent sur un déficit d'inventaire;

que ces faits se trouvent donc dénués de tout caractère fautif;

qu'il y a lieu en conséquence de dire que la rupture des relations entre les parties ne résultent pas d'un licenciement disciplinaire.

Attendu que les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail relatives à la prescription de deux mois pour l'engagement de poursuites disciplinaires n'ont donc pas vocation à s'appliquer à la rupture litigieuse.

Attendu en outre que les faits invoqués par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sont réels et sérieux;

qu'il justifient donc la résiliation du contrat de cogérance à l'initiative de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

Attendu que par voie de conséquence, les demandes des époux X... au titre d'une rupture du contrat de cogérance résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas fondées.

Attendu qu'infirmant le jugement déféré, la cour déboute les époux X... de l'intégralité de leurs demandes de ce chef.

2 - sur les rappels de rémunération

Attendu qu'aux termes de réclamations dont la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne conteste pas qu'il ne s'agit pas de demandes nouvelles encourant l'irrecevabilité au sens de l'article 564 du code de procédure civile, les époux X... sollicitent des rappels de rémunération pour la période de novembre 2010 à novembre 2013 fondées à titre principal sur le paiement à chacun des cogérants de 72 heures de travail effectuées chacun par semaine, et à titre subsidiaire sur le paiement à chacun des cogérants du minimum conventionnel.

2.1. sur le temps de travail

Attendu que l'article L 7322.-1 alinéa 2 du code du travail dispose que:

'L'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord.'

Attendu que le gérant non salarié de succursale de commerce de détail alimentaire qui sollicite un rappel de rémunération pour des heures supplémentaires doit rapporter la preuve que l'entreprise propriétaire lui a imposé ses horaires de travail;

que si cette preuve est rapportée, la demande d'heures supplémentaires est soumise à l'article L 3171-4 du code du travail dans sa rédaction applicable qui prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande;

que dans le cas contraire, le gérant non salarié doit donc rapporter la preuve que l'entreprise propriétaire lui a imposé à titre individuel l'exécution d'horaires de travail déterminés hors les horaires d'ouverture et de fermeture.

Attendu qu'en l'espèce, la cour retient au vu des pièces du dossier et des explications des parties que les horaires de la supérette gérée par les époux X... sont les suivants:

- du lundi au samedi: 7h30-12h30 et 15h00-19h30,

- le dimanche: 7h30-12h30.

Attendu que les époux X... font valoir qu'ils ont accompli chacun entre novembre 2010 et novembre 2013 chaque semaine 62 heures de travail qui correspondent à l'amplitude des horaires d'ouverture énoncés ci-dessus; qu'ils soutiennent que ces horaires leur ont été imposés par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et invoquent à l'appui les éléments suivants:

- les horaires ont été imposés aux gérants dans le contrat de cogérance et figurent sans modification possible dans l'annuaire papier PAGES JAUNES, sur le site internet de la supérette et sur les tickets de caisse délivrés aux clients par le magasin;

- la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE contrôle le respect par les époux X... des horaires d'ouverture en faisant passer chaque semaine de manière inopinée un manager au magasin;

- la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sanctionne systématiquement toute diminution d'horaires ainsi que cela ressort des lettres de licenciement notifiées par l'entreprise à des gérants pour avoir diminué les horaires initiaux sans l'accord de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et pour avoir refusé de les rétablir;

- la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a imposé aux époux X... leurs dates de congé;

qu'à ces 62 heures, les époux X... ajoutent pour chacun d'eux 10 heures de travail par semaine qui correspondent aux tâches multiples qu'ils étaient tenus tous les deux d'accomplir et qui se présentent comme suit:

- cuire le pain et la viennoiserie;

- mettre en place les fruits et légumes;

- effectuer les changements de prix en caisse suite aux décisions prises par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE;

- sortir et rentrer les bancs extérieurs;

- nettoyer le magasin;

- réceptionner et ranger les livraisons;

- faire la comptabilité;

- effectuer les commandes et gérer les réclamations;

- gérer les débours pour le remboursement des périmés, des pertes, de la casse et des emballages;

- éditer le relevé de caisse journalier;

- stocker les produits dédiés en chambre froide;

- recompter les marchandises;

qu'ils sollicitent chacun en conséquence à titre principal des rappels de salaire pour 72 heures de travail hebdomadaire incluant des majorations d'heures supplémentaires et de repos compensateurs sous déduction des commissions déjà payées;

que ces horaires de travail ayant été imposés par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, leurs demandes de rappel de rémunération sont soumises à l'article L 3171-4 du code du travail précité; qu'ils versent ainsi une série de tableaux portant décomptes hebdomadaires de leur temps de travail incluant les majorations des heures supplémentaires et les repos compensateurs.

Mais attendu que la cour constate que les époux X... ne rapportent pas la preuve que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur aurait imposé leurs horaires de travail dès lors que:

- les époux X... ne justifient d'aucune stipulation contractuelle en vertu de laquelle la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aurait fixé unilatéralement les horaires d'ouverture de la supérette précités;

- la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE verse aux débats le courrier du 22 juin 2000 par lequel les époux X... informent la propriétaire qu'ils acceptent la gestion de la superette de NANTUA et que cette supérette sera fermée pour congés annuels en août;

- les supports d'information de la clientèle (tickets de caisse, etc...) ne visent qu'à reproduire les horaires de la superette et sont donc dépourvus de tout caractère déterminant quant à l'auteur de la fixation de ces horaires;

- les lettres de licenciement invoquées par les époux X... ne sauraient faire la preuve que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a exercé à leur propre égard un pouvoir de sanction pour non respect des horaires d'ouverture;

- les époux X... ne versent aux débats aucune pièce de nature à établir qu'ils auraient reçu la visite d'un manager de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dans le but de vérifier les horaires d'ouverture de la supérette et que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur aurait imposé les dates de leurs congés.

Attendu qu'il n'est donc pas établi que les conditions de travail afférentes aux horaires de travail ont été fixées par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ou soumises à son accord.

Attendu qu'il appartient donc aux époux X... de justifier que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur a imposé à titre individuel l'exécution d'horaires de travail déterminés hors les horaires d'ouverture et de fermeture.

Attendu que force est de constater que les époux X... ne produisent strictement aucun pièce de nature à faire la preuve que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur a imposé à titre individuel d'accomplir en-dehors des horaires d'ouverture du la supérette les 10 heures de travail alléguées dans les conditions précitées.

Attendu que par application des principes susvisés, il convient de dire que les demandes de rappel de rémunération fondés sur le SMIC horaire augmenté des heures supplémentaires et des repos compensateurs ne sont pas fondées;

qu'ajoutant au jugement déféré, la cour déboutera les époux X... de ces chefs.

Attendu qu'en ce qui concerne la demande à titre subsidiaire portant sur la rémunération de leurs 72 heures de travail par semaine sur la base du SMIC horaire qui s'établit en net à 6.96 € en 2010, à 7.06 € en 2011, à 7.37 € en 2012 et à 7.38 € en 2013, les époux X... font valoir que leur rémunération constituée par les commissions versées par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne peut jamais être inférieure au SMIC; qu'ils n'ont pourtant jamais gagné le SMIC individuellement 'au regard des heures de travail effectives de travail'.

Attendu qu'il convient de rappeler que le SMIC est un salaire horaire minimum pour l'application duquel il convient de faire la preuve des heures de travail (et non des horaires de travail) accomplies par le salarié.

Attendu qu'en l'espèce, la cour constate que les époux X... ne produisent aucun élément de nature à établir que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur a imposé d'accomplir 72 heures de travail par semaine;

qu'en l'état, la cour n'est pas en mesure de se prononcer sur le nombre d'heures de travail effectué par chacun des époux X....

Attendu qu'il apparaît donc que les demandes de rémunération fondés sur le SMIC horaire ne sont pas fondées;

qu'ajoutant au jugement déféré, la cour déboutera les époux X... de ce chef.

2.2. sur le minimum conventionnel individuel

Attendu que l'article 5 de l'Accord du 18 juillet 1963 prévoit que les sociétés garantissent à leurs gérants mandataires non salariés une commission mensuelle minimum.

Attendu qu'en l'espèce, il est constant qu'au titre de la gestion de la superette de NANTUA classée en 2ème catégorie, les époux X... ont perçu une commission unique correspondant au montant de la commission minimum prévue par l'Accord du 18 juillet 1963.

Attendu que les époux X... demandent à la cour de juger que chacun des cogérants a droit à une commission minimum, laquelle s'établit à 2 200 € en 2010, à 2 245 € en 2011, à 2300 € en 2012 et à 2 340 en 2013; qu'ils sollicitent donc un rappel de rémunération individuelle sur ces bases;

qu'ils font en ce sens valoir que l'Accord collectif ne prévoit pas le versement d'une seule commission pour des cogérants; que la commission est forcément individuelle en ce qu'il s'agit d'une rémunération qui est l'accessoire du contrat de gérance, lequel est individuel en vertu de l'article 7 de l'Accord du 18 juillet 1963.

Mais attendu que la cour relève avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'impose le versement d'une double commission pour le cas où la succursale est exploitée en cogérance;

qu'en réalité, l'article 7 de l'Accord du 18 juillet 1963 dispose que:

'Dans le cas de cogérance, le forfait de commission sera réparti entre les cogérants mandataires non salariés en considération des aménagements convenus entre eux pour la gestion du magasin qui leur est confié pouvant conduire à une activité incomplète de l'un des cogérants mandataires non salariés.

Il est toutefois expressément convenu que la répartition ne peut être inférieure à 30 % du forfait de commission pour le gérant mandataire non salarié percevant le moins, sans que la part mensuelle moyenne revenant à l'autre cogérant mandataire non salarié puisse être inférieure au minimum garanti à la gérance 1re catégorie.

La répartition convenue entre les cogérants mandataires non salariés est consignée en annexe à leur contrat.';

qu'il apparaît donc que la cogérance donne lieu à un partage de la commission appelée forfait de commission entre les deux gérants, à charge pour eux d'en prévoir les modalités de répartition entre eux.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les demandes de rappel de rémunération au titre du minimum conventionnel individuel ne sont pas fondées;

qu'ajoutant au jugement, la cour déboutera les époux X... de ces chefs

3 - sur l'obligation de non-concurrence

Attendu qu'une clause de non-concurrence n'est valable que si notamment elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière.

Attendu que la demande du salarié tendant à l'indemnisation du préjudice résultant d'une clause de non-concurrence nulle, notamment pour défaut de contrepartie financière, suppose que ce salarié rapporte la preuve d'un préjudice tant dans son existence que dans son évaluation.

Attendu qu'en l'espèce, les époux X... se prévalent de la clause de non-concurrence insérée à l'article 18 du contrat de cogérance conclu le 11 août 2000 et renouvelé le 15 juin 2006 qui leur a imposé une obligation de non-concurrence d'une durée de 3 ans pouvant aller jusqu'à un rayon de 3 kilomètres de la superette de NANTUA sous peine de se voir appliquer une pénalité de 76 € par jour et la fermeture de l'établissement où ils seraient installés; que cette clause ne prévoit aucune contrepartie financière mise à la charge de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au profit des époux X...; qu'ils font valoir que cette absence de contrepartie financière leur a occasionné un préjudice constitué par une perte de chance de trouver un emploi visé par la clause de non-concurrence; qu'ils sont restés 3 ans au chômage; qu'ils réclament donc chacun le paiement de la somme de 25 000 € adi pour absence de contrepartie financière.

Attendu que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE conteste la demande en soutenant que les relations contractuelles entre les parties sont régies par le contrat de cogérance conclu le 4 avril 2011 qui ne stipule aucun clause de non-concurrence.

Attendu que la cour constate que la pièce n°7 du bordereau de communication de pièces de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE intitulée 'contrat de cogérance du 4 avril 2011' est composée:

- d'un contrat de cogérance mandataire non salariée qui est signé par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et par les époux X..., qui fixe les conditions de ce mandat mais qui est dépourvu de date;

- d'un avenant en date du 4 avril 2011 qui d'une part énonce en préambule que les époux X... sont cogérants d'un magasin de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à l'enseigne PETIT CASINO situé à NANTUA en vertu d'un contrat de cogérance mandataire non salariée, et qui d'autre part indique que son objet est de 'compléter et préciser ledit contrat de cogérance mandataire non salariée' en l'absence de stipulations dans le contrat afférentes aux avantages en nature, sociaux et autres dont bénéficieront les cogérants mandataires non salariés.

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces deux conventions que le contrat de cogérance a été nécessairement conclu par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et par les époux X... le 4 avril 2011 et que ce contrat s'est donc substitué au contrat de cogérance conclu le 11 août 2000 renouvelé le 15 juin 2006;

que dans ces conditions, l'absence de mention de date sur le contrat de cogérance ne le rend pas inopposable aux époux X... qui ne sont dès lors pas fondés à le voir écarté.

Attendu qu'en conséquence, la cour dit que les dispositions de l'avenant du 4 avril 2011 sont applicables aux relations entre les parties pour la cogérance du magasin de NANTUA.

Attendu qu'il ressort de ce contrat de cogérance qu'aucune clause de non-concurrence n'est stipulée en son article 18;

que le fait que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ait indiqué par erreur dans la lettre de rupture du 15 novembre 2013 qu'elle renonçait à se prévaloir des dispositions de l'article 18 du contrat de cogérance n'est pas de nature à justifier la stipulation d'une clause de non-concurrence dans les relations contractuelles des parties.

Attendu qu'il s'ensuit que les demandes au titre d'une réparation d'un préjudice résultant de l'absence de contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence ne sont pas fondées.

Attendu qu'infirmant le jugement déféré, la cour déboute les époux X... de ces chefs.

4- sur les demandes accessoires

Attendu que les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par les époux X....

Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,

DEBOUTE les époux X... de leurs demandes au titre d'une rupture du contrat de cogérance résultant d'un licenciement disciplinaire sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE les époux X... de leurs demandes de rappel de rémunération fondées sur le SMIC horaire augmenté des heures supplémentaires et des repos compensateurs,

DEBOUTE les époux X... de leurs demandes de rémunération fondées sur le SMIC horaire,

DEBOUTE les époux X... de leurs demandes de rappel de rémunération fondées sur une commission minima individuelle,

DEBOUTE les époux X... de leurs demandes indemnitaires au titre de l'absence de contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence,

CONDAMNE les époux X... aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE les époux X... à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/08975
Date de la décision : 28/09/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/08975 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-28;16.08975 ?
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