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28/09/2018 | FRANCE | N°16/07481

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 28 septembre 2018, 16/07481


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : N° RG 16/07481





SAS SNF SAS



C/

X...







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 26 Septembre 2016

RG : F 15/00130



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018







APPELANTE :



SAS SNF SAS

[...]



représentée par Me Stéphane Y... de la SELARL CDF,substitué

par Me Sophie D..., avocats au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉ :



Bruno X...

né le [...] à SAINT-ETIENNE (42)

[...]



représenté par Me Hélène Z... de la SCP Z...-C..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : N° RG 16/07481

SAS SNF SAS

C/

X...

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 26 Septembre 2016

RG : F 15/00130

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018

APPELANTE :

SAS SNF SAS

[...]

représentée par Me Stéphane Y... de la SELARL CDF,substitué par Me Sophie D..., avocats au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

Bruno X...

né le [...] à SAINT-ETIENNE (42)

[...]

représenté par Me Hélène Z... de la SCP Z...-C..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Juin 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Elizabeth E..., Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Thomas CASSUTO, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Septembre 2018, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth E..., Président, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. Bruno X... est entré au service de la SAS SNF le 25 Septembre 2000. Il a été employé en contrat à durée déterminée jusqu'au 28 Février 2002.

Au 1er Mars 2002, son contrat s'est poursuivi à durée indéterminée.

Le poste initialement occupé par M. X... a été celui de conducteur d'appareil au coefficient 140.

La convention collective applicable est celle des industries chimiques.

M. X... a été victime d'un accident du travail le 29 Novembre 2011 par suite de projection de produit cationique à l''il gauche malgré le port de lunettes de sécurité, dont il a été opéré et consolidé le 24 Juin 2012.

La reprise au travail s'est effectuée dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 25 Juin 2012 au 28 Février 2013.

Le 20 Septembre 2012, le médecin du travail, dans le cadre d'une visite à la demande du salarié, a conclu aux prescriptions suivantes : «affectation hors secteur cationique conseillée, au moins temporairement, avec suivi médical».

Durant son mi-temps thérapeutique, le salarié par courrier du 29 Novembre 2012 a fait une demande de mobilité pour changer de poste : soit au conditionnement, soit stock en dehors de la fabrication.

X... a fait l'objet de plusieurs rechutes de son accident du travail : du 1er Juillet au 7 Juillet 2013, du 29 Août au 30 Août 2013, du 6 Septembre 2013 au 15 Septembre 2013 et du 24 Septembre 2013 au 15 Décembre 2013.

Le 5 mars 2013, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Monsieur X... apte au poste de conducteur appareil niveau 2.

Le 23 mai 2013, dans le cadre d'une visite effectuée à la demande du salarié, le médecin du travail a déclaré Monsieur X... apte à son poste mais « pas de CI aux travaux exposant au CMR» et avec le commentaire suivant «limiter, dans la mesure du possible les escaliers ( déplacements répétés sur 2 niveaux).

Par courrier en date du 17 Septembre 2013, l'entreprise faisant référence aux visites médicales du 20 Septembre 2012 et 23 Mai 2013 a répondu à la demande du salarié en date du 29 Novembre 2012 :

Pour la visite du 20 Septembre 2012 : «affectation hors secteur cationique conseillée au moins temporairement avec suivi médical», cette recommandation par le médecin du travail ayant été appliquée ;

Pour la visite du 23 Mai 2013, «limité dans la mesure du possible, les escaliers (déplacements répétés sur deux niveaux)»

«Après étude de leur mise en 'uvre (certificats médicaux), nous vous informons que nous sommes en mesure de répondre favorablement à votre demande de mobilité du 29 Novembre 2012 sur la seule fonction de agent de fabrication aux conditions de l'avenant ci-joint».

Suite à cette décision, il a été procédé à une visite de reprise le 13 Décembre 2013, concluant à une aptitude au poste d'agent de fabrication.

Le 16 Décembre 2016, M. X... a signé un avenant à son contrat de travail en qualité d'agent de fabrication catégorie ouvrier coefficient 140.

Le 11 Mai 2015, M. X... avait saisi le conseil de prud'hommes de MONTBRISON aux fins d'obtenir dommages et intérêts et rappels de salaire justifiés par le fait qu'il aurait dû être reclassé au poste d'agent de fabrication et ne perdre aucune rémunération par suite du reclassement suite à l'accident du travail et aux rechutes subies.

Par jugement du 26 Septembre 2016, le conseil de prud'hommes de MONTBRISON a condamné la SAS SNF à payer à M. X... les sommes suivantes :

- 5 745, 32€ à titre de rappel de salaire pour la période de Décembre 2013 à la date du jugement ainsi que 574, 53€ de congés payés afférents, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte pour ce rappel de salaire,

- 800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a également dit que la décision devra s'appliquer dans la poursuite du contrat de travail, et dit que les fiches de paie devront être rectifiées sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Le conseil a débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la SAS SNF aux entiers dépens de l'instance.

La SAS SNF a interjeté appel de cette décision le 21 Octobre 2016.

Par conclusions régulièrement notifiées, la SAS SNF demande à la cour :

- de confirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes concernant la demande de versement de la prime conjoncturelle et de dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations contractuelles.

- en conséquence, de juger qu'il ne peut faire droit aux demandes de M. X... concernant le versement de 420, 81€ au titre de la prime conjoncturelle et le versement de 2000€ au titre des dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations contractuelles,

- d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a condamné la société SNF SAS à accorder à M. X... un salaire au moins équivalent à celui d'un conducteur d'appareil, à rectifier les bulletins de paie et à lui verser des rappels de salaire,

- par conséquent, de juger qu'elle n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article L1226-8 du code du travail et de condamner M. X... à lui reverser la somme déjà versée par elle, à savoir 4 883, 53€, au titre de la condamnation provisoire de plein droit,

- condamner X... au paiement de la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SAS SNF fait valoir, à l'appui de ses prétentions :

- qu'elle a respecté les prescriptions du médecin du travail, notamment dans la mesure où M. X... a toujours été déclaré apte à son poste et pouvait donc tenir l'intégralité de son poste à la fois en fabrication et au conditionnement sous réserve de respecter les restrictions du médecin du travail,

- que concernant la modification du contrat de travail, aucune disposition légale n'interdit, lorsque les deux parties sont d'accord, de modifier le contrat de travail durant une période de suspension de celui-ci et l'acceptation de M. X... a été formalisée par un avenant à contrat de travail du 16 Décembre 2013, avant sa reprise du 19 Décembre 2013,

- que la proposition du poste a été effectuée alors que M. X... n'était pas en arrêt de travail et qu'elle n'a donc aucun lien avec sa rechute. Elle ajoute à ce titre que la proposition de poste d'agent de fabrication de septembre 2013 n'avait pas pour objet de répondre favorablement aux préconisations du médecin du travail qui étaient déjà respectées sur l'ancien poste de conducteur d'appareil. Elle précise toutefois que ce poste était compatible avec les préconisations du médecin,

- que M. X... n'a pas retrouvé son emploi antérieur car il a accepté, en toute connaissance de cause et en tout cas, avant la visite de reprise, d'être affecté à un nouveau poste. La SAS SNF précise que s'il avait refusé ce nouveau poste, il aurait réintégré son ancien poste avec rémunération antérieure,

- que sur la prime conjoncturelle, la rechute de M. X... en juillet 2013 n'étant pas assimilée à du temps de travail effectif pour l'ensemble des droits résultant de son contrat de travail, cela lui a fait perdre le bénéfice de cette prime.

M. X... demande à la cour, dans les conclusions qu'il a régulièrement notifiées, de confirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes sur le rappel de salaire. Il demande également de dire et juger que la société SNF a manqué à ses obligations contractuelles et formant appel incident, sollicite notamment la condamnation de cette dernière à se conformer aux dispositions de l'article L1226-8 du code du travail, sous astreinte de 150€ par jour de retard.

Il demande à la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 2 000, 00€ à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société à ses obligations contractuelles ;

- 7 604, 00€ à titre de rappel de salaire, somme à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à venir ;

- 760,00€ au titre des congés payés afférents au rappel de salaire, somme à parfaire également en fonction de la date de l'arrêt à venir ;

- 420, 81€ au titre de la prime conjoncturelle de 2013 ;

- 42, 08€ au titre des congés payés afférents.

M. X... demande également à la cour d'ordonner la réfection des bulletins de salaire depuis décembre 2013 sous astreinte de 150€ par jour de retard et sollicite enfin la condamnation de la société SAS SNF au paiement de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Pour justifier ses prétentions, M. X... soutient que la société SNF a tardé à appliquer les prescriptions de la médecine du travail, et qu'il n'a pas retrouvé son niveau de rémunération antérieur.

Il précise que l'avis du médecin du travail du 4 novembre 2013, lequel contre indiquait l'exposition aux vapeurs de produits corrosifs, et les montées et descentes d'escaliers, a été adressé à la DRH de la société et que c'est à tort que la SAS SNF prétend ne pas le connaître.

Concernant sa baisse de rémunération, M. X... rappelle que depuis son affectation au poste d'agent de fabrication à compter du 1er Septembre 2013, il a perdu les avantages de la prime de fabrication et de la prime conjoncturelle d'été.

Il fait valoir que ce changement de poste n'est pas le résultat d'un choix, dans la mesure où il ne pouvait plus occuper son ancien poste compte tenu des restrictions médicales.

Il soutient que s'il avait refusé ce nouveau poste, il aurait probablement été licencié.

Par rapport à la prime conjoncturelle, il fait valoir que son absence était due à la rechute accident du travail et rappelle que l'article L3141-5 du code du travail assimile les périodes de suspensions du contrat pour accident du travail à du travail effectif pour le calcul des congés payés.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il sera référé aux écritures que les parties ont soutenu oralement à l'audience pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 Mai 2018.

MOTIVATION.

L'intégralité de la discussion entre les parties porte sur l'application de l'article L 1226-8 du code du travail aux termes duquel : «lorsque, à l'issue des périodes de suspension définies à l'article L 1226-7, le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Les conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement dans l'entreprise.»

Sur le respect par l'entreprise des prescriptions du médecin du travail.

Monsieur X... soutient que les préconisations du médecin du travail n'ont pas été immédiatement respectées par l'entreprise, de sorte qu'il a été victime de plusieurs rechutes de son accident du travail.

Il vise notamment le fait que, malgré les préconisations du médecin du travail, il a continué à être exposé aux émanations de produits corrosifs irritants pour son 'il .

Il s'appuie ainsi sur un courrier du 4 novembre 2013 que la SAS SNF indique ne pas avoir reçu et préconisant un aménagement de son poste de travail de sorte qu'il ne soit pas exposé directement aux vapeurs de produits corrosifs et que soient évitées les montées et descentes d'escalier, Monsieur X... étant par ailleurs apte médicalement à son poste de conditionnement.

Monsieur X... produit à cet égard, l'attestation de Monsieur A... délégué du personnel qui indique que les rechutes imputables à l'accident du travail sont en lien avec le fait que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions du médecin du travail.

Il est établi que Monsieur X... a été victime d'un accident du travail alors qu'il occupait son poste d'agent de fabrication en secteur cationique par projection de produit irritant dans l''il gauche.

Dès le 20 septembre 2012, le médecin du travail qui préconisait une affectation hors secteur cationique, notait que Monsieur X... ne devait pas effectuer des travaux exposant aux CMR, terme générique qui couvre les agents chimiques, ayant, à moyen et long terme des effets cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

Cet élément est repris dans la fiche de reprise du 23 mai 2013 avec également en commentaire la limitation dans la montée et la descente des escaliers.

Il est établi qu'en octobre 2012, Monsieur X... a été affecté au secteur anionique, en travée 1 et qu'il effectuait toujours son poste de conducteur d'engins, ce qui impliquait également des allées et retours entre les étages.

Or, la situation de ce poste impliquait également que Monsieur X... soit exposé aux substances toxiques puisque l'employeur a lui même reconnu que les travées 1 et 2 n'étaient séparées que par une porte coupe feu en permanence ouverte.

Dans la proposition de poste du 17 septembre 2013, l'employeur qui a repris les éléments relatifs à l'affectation hors secteur cationique et à la limitation des escaliers, n'évoque pas le problème de l'exposition aux CMR et propose à Monsieur X... un poste au rez de chaussée en secteur conditionnement, Monsieur X... n'ayant à se rendre en travée 1 qu'une fois par jour.

L'employeur qui a éludé la recommandation relative à l'exposition aux CMR, qui figure dans l'avis du médecin du travail du 23 mai 2013, ne peut sérieusement contester avoir reçu le courrier sus mentionné du médecin du travail rédigé dans le cadre d'une visite de pré reprise le 4 novembre 2013 et préconisant de ne pas exposer Monsieur X... aux vapeurs de produits toxiques.

Il est au surplus établi par l'attestation A... mais également par un compte rendu des délégués du personnel du 8/12/2016 que les bonbonneuses situées dans le bâtiment 6 travées 2 et 3-4 sont dépourvues d'aspiration et que certains produits sont fortement odorants. Or, il est établi que la travée 1 dans laquelle a travaillé X... et la travée 2 ne sont séparées que par une porte coupe-feu qui est ouverte en permanence, comme l'a reconnu la SAS SNF dans le cadre de la procédure de première instance, de sorte que X... a bien été exposé, malgré les recommandations du médecin du travail aux agents CMR irritants pour lui , de son affectation en secteur anionique d'octobre 2012 à son affectation au 1er décembre 2013, au poste d'agent de fabrication en conditionnement.

Il s'en déduit que l'employeur n'a pas respecté totalement les préconisations du médecin du travail, ce qui a eu pour effet de provoquer pour X..., malgré l'affectation hors secteur cationique et malgré le fait que les escaliers étaient évités au maximum, des rechutes concernant son 'il gauche , ce qu'il établit également par la production du certificat médical de son médecin traitant, le docteur B... , relevant en octobre 2013, que son état de santé présente une contre indication à travailler en contact des produits toxiques.

Ce manquement motive, par réformation de la décision déférée , que la SAS SNF soit condamnée au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts, comme le demande X....

Sur la rémunération.

La société SNF soutient que Monsieur X... ne peut former aucune demande relative à la rémunération dès lors que d'une part il a accepté la modification de son contrat de travail et savait qu'il y aurait une baisse de rémunération et que d'autre part, la proposition de poste a été effectuée alors que Monsieur X... n'était pas en arrêt de travail.

Elle ajoute que la modification du contrat de travail proposée à Monsieur X... ne l'a pas été pour respecter les préconisations du médecin du travail, lesquelles étaient déjà respectées mais pour accéder à la demande de mobilité de Monsieur X... et également parce que le poste avait l'avantage de supprimer toutes les montées et descentes d'escalier.

Elle précise également que, suite à l'accord de Monsieur X... d'un nouveau poste c'est-à-dire celui d'agent de fabrication, celui-ci a été déclaré apte et l'a toujours été depuis et qu'il s'agissait donc non de son ancien poste mais d'un nouveau poste impliquant une baisse de rémunération en raison de la diminution des responsabilités et de l'étendue des attributions par rapport à son ancien poste de conducteur d'appareil.

Monsieur X... soutient au contraire que, par application de l'article 1226-8 sus visé, il doit avoir le même niveau de rémunération.

Or, il indique avoir perdu la prime de fabrication alors qu'il ne pouvait plus occuper son poste de conducteur d'appareil compte-tenu des restrictions médicales et que soit il acceptait le poste d'agent de fabrication soit il était licencié.

Il apparaît en effet que, contrairement à ce que soutient l'employeur, Monsieur X... a été finalement affecté à son poste suite à diverses périodes de suspension du contrat de travail, de sorte qu'alors qu'il ne pouvait plus, au regard des préconisations du médecin du travail être affecté en secteur cationique, ni exposé aux CMR et qu'il existait une limitation des escaliers, il ne pouvait se voir imposer, sous couvert d'un avenant au contrat de travail, une baisse de sa rémunération, dès lors qu'après la déclaration d'aptitude du 23 mai 2013, il devait lui être proposé un emploi similaire à celui qu'il occupait auparavant, assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Il convient dès lors de confirmer la décision déférée sur la prime de fabrication accordée en retenant que depuis décembre 2013, Monsieur X... subit une perte de rémunération de 168,98 euros par mois et que la SAS SNF doit donc la verser à son salarié depuis cette date jusqu'à la date de la présente décision outre congés payés afférents soit 168,98 euros X 57 mois = 9631,86 euros à fin septembre 2018 outre 963,18 euros au titre des congés payés afférents.

Il convient également d'ordonner que la SAS SNF délivre à Monsieur X... les bulletins de salaire rectifiés sans qu'il soit nécessaire d'affecter cette injonction d'une astreinte.

Par ailleurs, Monsieur X... demande le versement de la prime conjoncturelle versée généralement en juin, juillet et août et qu'il n'a pas perçu en juillet 2013, du fait de la rechute de son accident du travail, soit une somme de 420,81 euros outre congés payés afférents.

Il estime en effet qu'aux termes de l'article L 3141-5 du code du travail, les périodes de suspension pour accident du travail sont assimilées à du travail effectif, pour le calcul des congés payés et que l'employeur ne peut opposer la condition de présence aux salariés absents pour cause d'accident du travail, même si ce motif d'absence n'est pas au nombre des cas de dispense de présence prévus par la convention collective pour l'attribution d'une prime et ce en raison de l'interdiction des discriminations fondées sur l'état de santé des salariés.

La société SNF soutient que d'après l'engagement unilatéral qu'elle a pris, toutes absences non assimilées à du travail effectif pour l'ensemble des droits résultant du contrat de travail, telles qu'accident du travail, maladie professionnelle, maternité, font perdre le bénéfice de la prime.

Or, la rechute de juillet 2013 n'étant pas assimilée à du travail effectif pour l'ensemble des droits résultant de son contrat de travail, Monsieur X... a perdu la prime en juillet 2013.

Il apparaît en effet que Monsieur X... a été absent de son poste en juillet 2013 du fait d'une rechute de son accident du travail .

L'article L 1226-7 du code du travail n'assimile la durée des périodes de supervision résultant d'un accident du travail à une durée de travail effectif que pour la détermination de l'ancienneté prise en compte pour l'attribution des avantages légaux et conventionnels. A défaut d'accord plus favorable, le salarié ne peut prétendre à une prime liée à la présence dans l'entreprise et à un travail effectif.

En l'espèce, la prime conjoncturelle instituée par engagement unilatéral de l'entreprise, a pour objectif de rétribuer les contraintes pesant sur les salariés du fait de la non fermeture de l'entreprise en juillet et août, périodes de forte commande et de la nécessité d'étaler les congés aux fins de répondre aux besoins de l'activité et de limiter le recours à du personnel de remplacement pendant les vacances.

La prime conjoncturelle est donc attribuée en trois fois, en fonction de conditions de présence à remplir sur trois périodes définies en début d'année par la Direction.

Ainsi, pour 2013, la prime conjoncturelle a été définie en fonctions de trois périodes:

- du 3 au 28 juin,

- du 1er au 26 juillet,

- du 29 juillet au 1er septembre,

chaque salarié de voyant attribuer 20 % du salaire de base du mois sur lequel la prime est versée à condition de n'avoir aucune absence sur la première comme sur la deuxième période pour prétendre au 20 % de prime et d'avoir au maximum 14 jours calendaires d'absence cumulés sur la troisième période.

La finalité de cette prime est donc de récompenser la présence au travail sur une période donnée, au regard des contraintes ci-dessus rappelées .

Monsieur X... ayant été absent durant la deuxième période, il apparaît que l'employeur était légitime à ne pas lui payer la prime, sans qu'aucune discrimination ne puisse être allégué de ce chef, l'engagement visant toute absence pendant les périodes considérées.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur X... de sa demande de ce chef.

Sur les demandes annexes.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société SNF ses frais non recouvrables.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... totalité de ses frais non recouvrables.

Il convient enfin de condamner la société SNF aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

REFORME la décision déférée en ce qu'elle a débouté Monsieur Bruno X... de sa demande de dommages et intérêts au titre des manquements de la SAS SNF à ses obligations contractuelles,

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la SAS SNF au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts,

CONFIRME la décision déférée sur le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

DIT que la somme due au titre du rappel de salaire arrêtée à fin septembre 2018 est de 9631,86 euros outre 963,18 euros au titre des congés payés afférents,

DIT que la SAS SNF devra verser à Monsieur X... des bulletins de salaire rectifiés depuis décembre 2013,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

DEBOUTE la SAS SNF de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE de ce chef à payer à Monsieur Bruno X... la somme de 1500 euros,

LA CONDAMNE aux dépens d'appel,

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth E...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 16/07481
Date de la décision : 28/09/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°16/07481 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-28;16.07481 ?
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